Tribunal Judiciaire de Paris, 4 juillet 2023, n° 23/03529
TJ Paris 4 juillet 2023

Arguments

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  • Rejeté
    Absence de titre d'occupation de la société MILORD

    Le tribunal a rejeté cette demande en raison de l'absence de preuve d'un titre d'occupation de la société MILORD.

  • Rejeté
    Obligation de libérer les lieux suite à la résiliation du bail

    Le tribunal a constaté que la société HCN n'a pas produit de preuve de l'accord sur l'indemnité d'éviction, ce qui empêche de justifier l'expulsion.

  • Rejeté
    Droit à indemnité d'occupation suite à l'occupation illégale

    Le tribunal a rejeté cette demande en raison de l'absence de preuve de l'accord sur l'indemnité d'éviction.

  • Rejeté
    Absence de mauvaise foi dans l'action en justice

    Le tribunal a estimé qu'il n'y avait pas de preuve d'intention malicieuse de la part de la société HCN.

  • Rejeté
    Absence de fondement juridique pour la demande

    Le tribunal a jugé que la société HCN avait un droit d'agir en justice en raison de l'occupation des locaux.

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Sur la décision

Référence :
TJ Paris, 4 juil. 2023, n° 23/03529
Numéro(s) : 23/03529

Texte intégral

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS 1
5ème chambre 1ère section
N° RG 23/03529 N° Portalis 352J-W-B7H-CZLAS
N° MINUTE :
JUGEMENT Assignation du : rendu le 04 Juillet 2023 24 Février 2023
DEMANDERESSE
La SARL HABILLEMENT ET CHAUSSURES DU NORD, société à responsabilité limitée au capital social de 7.623,00 euros, immatriculée au Registre du commerce et de sociétés de Paris sous le n° 712 016 096, dont le siège social est situé 148 boulevard. […]
– […], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès-qualités audit siège,
représentée par Me Cédric-David LAHMI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E0304
DÉFENDERESSES
Madame X BEN SIMHON, demeurant 90 boulevard […] -[…]
représentée par Me David LEVY de la SELASU KERYS, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #L0101
3 Expéditions exécutoires
- Me Cédric-David LAHMI
- Me David LEVY
- Me David MELLOUL délivrées le :
+ 1 copie dossier
AR 1


Décision du 04 Juillet 2023 5ème chambre 1ère section N° RG 23/03529 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZLAS
La Société MILORD CHEMISIER, société à responsabilité limitée au capital social de 7.622,45 euros, immatriculée au Registre du commerce et de sociétés de Paris sous le n° B 572 221 935, dont le siège social est situé […]. […] – […], prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège,
représentée par Me David MELLOUL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #K0170
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Thierry CASTAGNET, Premier Vice-Président adjoint Antoine de MAUPEOU, Premier Vice-Président adjoint Lise DUQUET, Vice-Présidente
as[…]tés de Tiana ALAIN, Greffière
DEBATS
A l’audience du 17 Mai 2023 tenue en audience publique collégiale, rapport a été fait par Thierry CASTAGNET, premier vice-président adjoint, en application de l’article 804 du code de procédure civile. Avis a été donné aux conseils des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2023.
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort
EXPOSE DU LITIGE
La société HABILLEMENT ET CHAUSSURES DU NORD (ci-après dénommée “HCN”) est une société spécialisée dans l’achat et la vente d’articles d’habillement et chaussures, et elle exploite un établissement principal, sous l’enseigne “KARL”, situé au […] à Paris et un établissement secondaire sous l’enseigne “JACKSON V” situé au 141 boulevard […].
Son gérant est Monsieur Y Z et elle a pour porteurs de parts Monsieur AA Z (125 parts), Madame AB AC (70 parts), Madame AD AC (70 parts), Madame AE AC épouse AF (70 parts), Madame AG Z épouse AC (40 parts), Madame AH AI (25 parts), Madame X AJ AK (25 parts), – Monsieur AL AM AC (25 parts), Monsieur AN AC (25 parts) et Monsieur AO AC (25 parts).
La société MILORD CHEMISIER (ci-après dénommée “MILORD”), est, quant à elle, une société spécialisée dans la vente et d’achat d’articles de voyage et d’articles de Paris, dont le siège social est 140, Boulevard […] à Paris.
AR 2
Décision du 04 Juillet 2023 5ème chambre 1ère section N° RG 23/03529 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZLAS
Son gérant est Monsieur AL AM AC et elle a pour porteurs de parts, Monsieur AA Z (50 parts), Madame AB AC (25 parts), Madame AD AC (25 parts), Madame AE AC épouse AF (25 parts), Madame AG Z épouse AC (20 parts), Madame AH AI (11 parts), Madame X AJ AK (11 parts), Monsieur AL AM AC (11 parts), Monsieur AN AC (11 parts), et Monsieur AO AC (11 parts).
Par acte en date du 1 avril 2002, Monsieur et Madame AQer ont consenti à la société HCN un bail commercial sur les locaux situés au 141 boulevard […] 75010 Paris, dans lesquels ladite société a établi son établissement secondaire exploité sous l’enseigne
“JACKSON V”.
Ledit bail a été renouvelé le 7 juillet 2011 pour une durée de neuf années, allant du 1 avril 2011 au 31 mars 2020.er
Le 3 janvier 2011, une convention de mise à disposition de personnel a été conclue entre les sociétés HCN et MILORD, prévoyant une mise à disposition de salarié pour intervenir de manière ponctuelle, pour les besoins opérationnels de la société HCN au sein de son établissement secondaire.
Par acte extrajudiciaire en date du 30 juin 2020, Monsieur et Madame AQ, bailleurs, ont donné congé à la société HCN avec refus de renouvellement et offre de paiement d’une indemnité d’éviction pour le 31 décembre 2020.
En l’absence d’accord des parties sur le montant de l’indemnité d’éviction, par exploit du 27 août 2021, la société HCN a assigné les bailleurs en fixation de ladite indemnité.
Cette procédure est pendante devant le tribunal judiciaire de Paris.
Les parties se sont rapprochées aux fins de trouver une solution amiable à leur litige et un projet de protocole d’accord a été établi concernant le montant de l’indemnité d’éviction, à charge pour la société HCN de libérer les lieux.
Or, la société HCN se trouve dans l’impossibilité de restituer les locaux en raison de la présence dans les lieux de Madame X AJ AK.
Madame X AJ AK a, par requête en date du 19 janvier 2021, saisi le conseil de prud’hommes de Paris afin de se voir reconnaître la qualité de salariée de la société HCN, exerçant ses fonctions dans le local situé au 141 boulevard […] 75010 Paris.
Cette affaire a été plaidée devant la formation de départage du conseil des prud’hommes de Paris le 15 mai 2023.
Par courrier du 30 juin 2022, la société HCN a notifié à la société MILORD la résiliation de la convention de mise à disposition de personnel et a mis en demeure Madame X AJ AK de cesser toute activité et toute intrusion dans les locaux situés au 141 boulevard […] à Paris.
AR 3
Décision du 04 Juillet 2023 5ème chambre 1ère section N° RG 23/03529 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZLAS
Selon procès verbal de constat du 12 juillet 2022, Maître Lagadec, huissier de justice, s’est rendu au 141, boulevard […] et a constaté la présence de Madame X AJ AK dans les locaux, laquelle a refusé de restituer les clés en sa possession.
C’est dans ces conditions que, sur autorisation rendue sur requête le 14 février 2023, par actes d’huissier de justice du 24 février 2023, la société HCN a fait assigner à jour fixe, la société MILORD et Madame X AJ AK pour le 16 mai 2023 devant le tribunal judiciaire de Paris afin que ce dernier :
 – Constate l’occupation sans droit ni titre des locaux situés au 141, Boulevard […] 75010 Paris par Madame X AJ AK et par la société MILORD ; En conséquence,
- Ordonne l’expulsion immédiate de Madame X AJ
AK des lieux loués […] 141 boulevard […] […], ainsi que celle de tous occupants de son chef avec si besoin est le concours de la force publique, ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;
 – Ordonner l’expulsion immédiate de la société MILORD des lieux loués […] 141 boulevard […] […], ainsi que celle de tous occupants de son chef avec si besoin est le concours de la force publique, ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;
- Dise que les meubles et objets mobiliers se trouvant en place et n’appartenant pas à la société HCN donneront lieu à l’application des dispositions des articles L.433-1 et R.433-l du code des procédures d’exécution aux frais de la société MILORD ;
- Fixe le montant de l’indemnité d’occupation trimestrielle au
montant de 9.000 euros, augmentée des charges et taxes afférentes au local commercial, payable d’avance au premier jour de chaque trimestre;
 – Condamne in solidum Madame X AJ AK et la société MILORD à lui payer les sommes dues au titre des indemnités d’occupation pour la période allant du 1 janvier 2023 et jusqu’à laer libération effective des lieux et la remise des clefs ;
 – Condamne Madame X AJ AK à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
 – Condamne la société MILORD à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne in solidum Madame X AJ AK et la société MILORD aux dépens, en ce compris les frais de dénonciation et de procès-verbaux de constat d’huissier ;
- Rappelle que le jugement à intervenir sera assorti de l’exécution provisoire.
Selon ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 16 mai 2023, la société HCN a maintenu ses demandes.
Au soutien de ses prétentions, la société HCN fait valoir que le tribunal judiciaire est compétent pour connaître de sa demande d’expulsion et que même si Madame AJ AK était sa salariée, ce qui est contesté, celle-ci n’en serait pas moins mal fondée à se maintenir dans les locaux commerciaux après la résiliation du bail.
AR 4
Décision du 04 Juillet 2023 5ème chambre 1ère section N° RG 23/03529 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZLAS
Elle ajoute qu’elle ne saurait conférer plus de droits à sa prétendue salariée, qu’elle n’en détient elle-même sur le local commercial et qu’elle est, elle-même, occupante sans droit ni titre du local commercial depuis la résiliation du bail intervenue le 30 septembre 2022.
Il s’en déduit selon elle que le tribunal judiciaire est compétent pour juger de l’occupation sans droit ni titre du local commercial par Madame X AJ AK.
Sur le fond, elle estime, au visa de l’article L 411-1 du code des procédures civiles d’exécution que suite au congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction signifié par les bailleurs et à l’accord trouvé entre les parties sur le montant de l’indemnité d’éviction, la société HCN est fondée à solliciter l’expulsion de Madame AJ AK puisqu’elle était elle-même tenue de restituer les lieux loués au plus tard le 30 septembre 2022.
Elle fait également valoir que dans la mesure où Madame X AJ AK et la société MILORD ne disposent d’aucun titre pour justifier de leur occupation des locaux, la première n’étant ni salariée de HCN, ni titulaire d’aucun quelconque droit de jouissance ou d’occupation sur ces derniers, et la seconde ne justifiant, elle non plus, d’aucun titre ou droit d’occupation du fonds de commerce appartenant à une autre entité juridique, elle n’a d’autre choix que de solliciter une décision judiciaire ordonnant leur expulsion, ainsi que celle de tout occupant de leur fait.
Elle explique par ailleurs qu’en application de l’accord transactionnel signé avec les bailleurs, elle est tenue de procéder au paiement d’une indemnité d’occupation d’un montant de 9.000 euros, par trimestre, outre les charges et frais, et ce au seul motif du refus de libérer les lieux occupés illégalement par Madame X AJ AK et la société MILORD.
Aux termes de ses conclusions en réponse notifiées par voie électronique le 15 mai 2023 Madame X AJ AK demande au tribunal de :
- Se déclarer matériellement incompétent au profit du conseil de prud’hommes de Paris et, à défaut, faire droit à l’exception de litispendance au profit dudit conseil ;
En tout état de cause ;
 – Déclarer la société HCN irrecevable en son action ;
 – Débouter la société HCN de l’ensemble de ses demandes;
A titre subsidiaire,
 – Ordonner le sur[…] à statuer dans l’attente d’une décision définitive du conseil de prud’hommes ;
A titre reconventionnel,
 – Condamner la société HCN à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
 – Condamner la société HCN à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Assortir les condamnations prononcées sur demande reconventionnelle de l’exécution provisoire et sans constitution de garantie ;
 – Condamner la société HCN aux entiers dépens.
Madame X AJ AK fait valoir pour l’essentiel que deux instances prud’homales sont en cours l’opposant à la société HCN et
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Décision du 04 Juillet 2023 5ème chambre 1ère section N° RG 23/03529 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZLAS
que c’est à cette juridiction d’apprécier l’existence d’un contrat de travail et les conséquences à en tirer, notamment quant à la présence de Madame X AJ AK dans les lieux et que son expulsion de son lieu de travail ne saurait être ordonnée par le juge civil.
Elle ajoute qu’elle se trouve dans les lieux en sa qualité de salariée de la société HCN et qu’elle n’est donc pas une occupante sans droit ni titre.
Elle considère que si le tribunal retenait sa compétence, il y aurait alors lieu à litispendance, en application de l’article 100 du code de procédure civile.
Elle soutient également que, subsidiairement, les demandes de la société HCN sont irrecevables en ce qu’elles ne reposent sur aucun fondement juridique et que la société HCN ne justifie d’aucune qualité à agir.
Enfin, à titre encore plus subsidiaire elle sollicite le sur[…] à statuer dans l’attente de la décision du conseil des prud’hommes.
Selon ses conclusions en réponse notifiées par voie électronique le 15 mai 2023 la société MILORD demande au tribunal de : In limine litis,
 – Prononcer l’irrecevabilité des demandes formulées par la société HCN à son encontre;
A titre principal,
- Juger qu’elle n’a pas la qualité d’exploitante du fonds de commerce […] 141 boulevard […] à Paris ;
En conséquence,
- Débouter la société HCN de toutes ses demandes, fins et prétentions;
A titre reconventionnel,
 – Condamner la société HCN à lui verser la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
En tout état de cause,
- Condamner la société HCN à lui régler la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
 – Condamner la société HCN aux entiers dépens.
A l’appui, la société MILORD fait valoir pour l’essentiel que les demandes de la société HCN sont irrecevables pour défaut de qualité à défendre puisqu’elle n’est en rien concernée par l’occupation reprochée à Madame AJ AK.
Elle in[…]te sur le fait que la société HCN l’a fait assigner sur la seule base d’une convention de mise à disposition dont la réalité est contestée, et ce alors même que le conseil de prud’hommes de Paris est saisi.
Selon elle, la société HCN cherche à faire trancher par le juge civil un contentieux prud’homal qui ne relève pas de sa compétence.
Elle fait observer qu’elle n’est pas locataire des locaux […] 141 Boulevard […], objets du litige, et qu’elle n’a aucun lien avec l’exploitation de ce local commercial, et qu’elle est tiers aux relations entre HCN et son bailleur.
Elle considère qu’elle ne peut pas être tenue pour responsable du montage frauduleux élaboré par le précédent gérant, Monsieur AL
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AC, qui a reconnu la dissimulation de l’emploi salariée de Madame X AJ AK par la société HCN, sanctionné tant sur le plan civil que pénal et que Madame AJ AK travaille dans les locaux en exécution du contrat de travail qui la lie exclusivement à HCN.
Elle conteste la prétendue convention de mise à disposition de personnel que Monsieur AL AC, aujourd’hui décédé, aurait signée tant en sa qualité de gérant de la société HCN que de la société MILORD, et considère que cette dernière est manifestement fictive.
Elle rappelle que devant les services de Police et le contrôleur URSSAF, le 11 octobre 2018, Monsieur AL AC avait déclaré qu’il n’existait pas de convention de mise à disposition entre les deux sociétés dont il était le gérant, et que par ailleurs, il a reconnu la dissimulation de l’emploi de Madame X AJ AK au service de la société HCN et a accepté une composition pénale.
Enfin, elle précise qu’une instance prud’homale oppose Madame X AJ AK à la société HCN et que dans le cadre de cette procédure qui a été plaidée le 15 mai 2023 et mise en délibéré au 18 juillet 2023, Madame X AJ AK n’a formulé aucune demande à son encontre.
Conformément à l’article l’article 455 du code de procédure civile, le tribunal renvoie aux conclusions des parties pour un exposé plus complet de leurs prétentions et moyens.
A l’issue des débats l’affaire a été mise en délibéré et les parties ont été informées de ce que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les exceptions d’incompétence et de litispendance
Selon l’article L.211-3 du code de l’organisation judiciaire le tribunal judiciaire connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n’est pas attribuée, en raison de la nature de la demande à une autre juridiction.
Aux termes de l’article L.1411-1 du code du travail, le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient.
En l’espèce, le différend opposant la société HCN à Madame AJ AK est relatif à l’occupation par cette dernière des locaux commerciaux dont la société demanderesse est locataire au 141 boulevard […] à Paris et pour lesquels elle a reçu un congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction et que, du fait de cette occupation, elle n’est pas en mesure de restituer aux bailleurs.
La demande de la société HCN ne concerne donc pas l’exécution du contrat de travail dont Madame AJ AK revendique l’existence et pour lequel elle a saisi le conseil des prud’hommes de Paris d’une
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instance qui a été plaidée devant la formation de départage le 15 mai 2023 et mise en délibéré au 18 juillet 2023.
Cette procédure qui est relative à l’existence contestée d’un contrat de travail liant la société HCN à Madame AJ AK est sans incidence sur l’existence du titre d’occupation de la société HCN sur les lieux dans lesquels travaille Madame AJ AK à un titre qui sera défini par le conseil de prud’hommes, les droits et obligations du locataire en titre ayant eux seuls une incidence sur la possibilité de Madame AJ AK de se maintenir dans les lieux.
La demande ne concerne donc ni l’existence, ni l’exécution du contrat de travail susceptible d’exister entre les parties, dont la reconnaissance relève de la compétence exclusive du conseil des prud’hommes.
La demande d’expulsion relève donc bien de la compétence du tribunal judiciaire et l’exception d’incompétence sera rejetée.
Le litige ne relevant pas de la compétence du conseil des prud’hommes, l’exception de litispendance ne peut pas d’avantage être accueillie et ce d’autant que l’affaire est d’ores et déjà plaidée devant la juridiction prud’homale.
Sur la recevabilité des demandes à l’égard de Madame AJ AK et de la société la société MILORD
La société HNC étant titulaire du bail commercial des locaux dont l’occupation par Madame AJ AK n’est pas contestée et même revendiquée, sa qualité à agir pour parvenir à la libération des lieux n’est pas discutable.
Les demandes à l’égard de Madame AJ AK sont donc recevables.
Contrairement à ce que soutient la société MILORD, il apparaît qu’une convention de prêt de main d’oeuvre a bien été conclue entre les sociétés HCN et MILORD, qui, à l’époque, avait le même gérant.
Le tribunal observe d’ailleurs qu’il résulte des termes du jugement du tribunal judiciaire de Paris du 29 octobre 2021 que si, lors du contrôle URSSAF de la société HCN, aucune convention de prêt de main d’oeuvre n’a été fournie, en revanche, devant la commission de recours, ladite convention a été produite.
Elle l’est également devant le tribunal à l’occasion de la présente instance.
Si la société MILORD soulève le caractère fictif de cette convention en raison de sa signature par le même gérant représentant à la fois les deux sociétés parties à la convention, il n’en demeure pas moins que cette convention de laquelle il ressort que Madame AJ AK était au moins à une époque la salariée de la société MILORD, est de nature à justifier la mise en cause de cette dernière.
Les demandes de la société HCN à son égard sont donc recevables.
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Décision du 04 Juillet 2023 5ème chambre 1ère section N° RG 23/03529 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZLAS
Sur le bien fondé des demandes de la société HCN
La société HCN fonde sa demande d’expulsion de Madame AJ AK sur sa propre obligation de libérer les lieux à la suite du congé avec refus de renouvellement et offre de paiement d’une indemnité d’éviction qui lui a été délivré le 30 juin 2020.
A l’appui, la société HCN évoque un protocole d’accord fixant le montant et les conditions de paiement de l’indemnité d’éviction.
Or, force est de constater que la société HCN ne produit qu’un projet de protocole qui n’est pas signé par les parties et qui n’est donc pas susceptible de produire d’effets juridiques.
Selon le premier alinéa de l’article L.145-28 du code de commerce, aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue. Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré.
Il s’ensuit que la société HCN fonde sa demande d’expulsion de Madame AJ AK sur sa propre obligation de libérer les lieux qui n’est pas établie faute de production d’un exemplaire signé du protocole d’accord et de la justification du versement de l’indemnité d’éviction.
Dans ces conditions, la société HCN sera déboutée de toutes ses demandes sans qu’il soit besoin d’en examiner le bien fondé spécifique à l’égard de la société MILORD.
Sur les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts de Madame AJ AK et de la société MILORD
Le droit d’agir en justice un est droit fondamental qui ne peut donner lieu à dommages et intérêts que s’il dégénère en abus lequel peut être caractérisé par la mauvaise foi évidente ou la démonstration d’une volonté de nuire, ou l’absence manifeste de tout fondement juridique constituant une erreur grossière, équipollente au dol.
En conséquence, l’allocation de dommages et intérêts suppose la démonstration d’une intention malicieuse et de la conscience d’un acharnement procédural voué à l’échec.
Ainsi, le rejet d’une prétention est insuffisante à établir l’abus du droit d’ester en justice.
En l’espèce, les défenderesses ne rapportent pas la preuve de l’intention malicieuse de la société HCN qui du fait de l’existence d’un congé avec refus de renouvellement, sera tenue de libérer les lieux lorsque l’indemnité d’éviction aura été payée.
Les demandes de dommages et intérêts de Madame AJ AK et de la société MILORD seront donc rejetées.
AR 9
Décision du 04 Juillet 2023 5ème chambre 1ère section N° RG 23/03529 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZLAS
Sur les frais irrépétibles et les dépens
La société HCN qui succombe sera tenue aux dépens.
Aucune considération tirée de l’équité n’impose de laisser à la charge des défenderesses la totalité des frais non compris dans les dépens.
En conséquence, la société HCN sera condamnée à payer à chacune d’elle la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur l’exécution provisoire
Selon l’article 514 du code de procédure civile, le jugement est assorti de l’exécution provisoire et aucune circonstance particulière ne justifie qu’elle soit écartée.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant après débats en audience publique par jugement contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, et en premier ressort ;
REJETTE les exceptions d’incompétence et de litispendance soulevées par Madame X AJ AK ;
DIT recevables les demandes de la SARL HABILLEMENT ET CHAUSSURES DU NORD à l’égard de Madame X AJ AK et de la SARL MILORD CHEMISIER ;
DEBOUTE la SARL HABILLEMENT ET CHAUSSURES DU NORD de toutes ses demandes;
DEBOUTE Madame X AJ AK et la SARL MILORD CHEMISIER de leurs demandes reconventionnelles ;
CONDAMNE la SARL HABILLEMENT ET CHAUSSURE DU NORD à payer à Madame X AJ AK et à la SARL MILORD CHEMISIER la somme de 2.000 chacune par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit ;
CONDAMNE la SARL HABILLEMENT ET CHAUSSURES DU NORD aux dépens.
Fait et jugé à Paris le 4 juillet 2023.
La Greffière Le Président
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Tribunal Judiciaire de Paris, 4 juillet 2023, n° 23/03529