Tribunal Judiciaire de Toulouse, 17 décembre 2021, n° 3/2021

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TJ Toulouse, 17 déc. 2021, n° 3/2021
Numéro(s) : 3/2021

Texte intégral

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULOUSE

CABINET DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION

ORDONNANCE DECLARANT BIEN-FONDÉE UNE REQUÊTE PORTANT SUR LES CONDITIONS DE DÉTENTION

(ART. 803-8 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE)

N° parquet / procédure : 210360000263 / CABJI 6/21/05

N° minute : 3/2021

Nous, Jacques MARTINON, juge des libertés et de la détention,

Vu les articles 803-8 et R. 249-17 à R. 249-41 du code de procédure pénale,

Vu la requête portant sur les conditions de détention du 8 décembre 2021 et déclarée recevable par ordonnance du 10 décembre 2021 présentée par :

Nom : Y Z

Prénom : Joëlson

Date et lieu et leu de naissance: 23 novembre 1991 à […]

Lieu de détention: MA Seysses

Numéro d’écrou: 46965

Situation pénale : détention provisoire

Vu les observations écrites de l’administration pénitentiaire du 16 décembre 2021;

Vu les observations écrites de la personne détenue ou de son conseil du 17 décembre 2021;

Vu l’avis écrit du juge d’instruction du 17 décembre 2021;

Vu l’audition de la personne détenue le 16 décembre 2021;

***

A titre liminaire, il convient de noter que le conseil de l’intéressé soulève l’irrecevabilité des observations du CP transmises après l’audition de son client et le délai fixé dans l’ordonnance de recevabilité, en ce que ces observation ont été transmises par courriel le 16 décembre à 14h13 (le délai fixé était ce même jour à 14h).

Toutefois, le délai fixé dans l’ordonnance de recevabilité n’est qu’indicatif et s’il convient que

l’administration pénitentiaire soit la plus respectueuse possible de la tenue de ce délai, un retard de 17 mn ne saurait conduire à déclarer ses observations comme irrecevables, d’autant qu’elles ont été communiquées au conseil de l’intéressé, qui a pu répliquer par une note transmise à notre juridiction le 17 décembre 2021. D’autre part, les dispositions légales n’imposent pas que l’audition du requérant soit postérieure à la transmission des observations de l’administration pénitentiaire.

Sur le fond, il ressort de sa requête et de son audition que l’intéressé fait valoir les conditions suivantes :


une incarcération à trois dans une cellule de deux personnes avec un espace de vie inférieur à 3m2 par personne ;

une incompatibilité de la détention avec sa santé psychologique (tentative de suicide le 13 février 2021);

une absence de lunettes de vue dont il a quotidiennement besoin ;

un défaut d’hygiène de la cellule en présence de cafards, de punaises et de rats;

l’absence de draps et couvertures pendant 7 mois ;

une absence de porte séparant les sanitaires de l’espace partagé de la cellule;

un climat ambiant de violence l’empêchant de sortir en promenade;

sa présence en moyenne 22h par jour en cellule;

l’absence de réponses positives à ses demandes de travail;

d’autres éléments divers: mauvaise qualité de la nourriture, provocations alléguées des gardiens, courrier bloqué, refus d’accès à la cabine téléphonique, fonds versés par des proches non réceptionnés, refus des gardiens de lui laisser voir Mme X lors d’une visite.

Concernant l’occupation de sa cellule EMAH23A350 (depuis le 7 août 2021), d’une superficie de 10,7

m², par trois personnes dont l’intéressé, l’espace sanitaire est égal à 1,7 m². En l’espèce, la personne détenue dispose d’environ 3 m² d’espace de vie individuel hors sanitaire (10,7 – 1,7 – 9m² pour 3 personnes), mais seulement d’environ 2,34m² en prenant en compte un matelas au sol (approximativement 2m²; 9-2 = 7 m² pour 3 personnes). Cette prise en compte de la superficie du matelas supplémentaire au sol se justifie par le caractère anormal de sa présence lors de la conception architecturale des cellules.

Si le matelas peut être relevé en journée afin de libérer de l’espace au sol, il est particulièrement préoccupant qu’une cellule d’une superficie inférieure à 12,7 m2 (3x3 + 2 + 1,7 = 12,7) soit aménagée pour 3 détenus avec un matelas au sol, puisque dans une telle configuration les conditions de détention pourraient être considérées comme indignes par manque d’espace de vie individuel, d’autant plus qu’aucune photographie (en couleur et haute résolution de préférence) de la cellule n’a été transmise par l’administration afin d’apprécier de manière circonstanciée l’agencement de la cellule en question.

De manière générale, il est précisé par l’administration pénitentiaire qu’à la date du 16/12/21 un nombre de 195 matelas au sol sont recensés dans les cellules des personnes détenus au CP

TOULOUSE SEYSSES, cette situation s’expliquant notamment par la nécessité de séparer les personnes détenues prévenues et condamnées, de consignes en lien avec la gestion épidémique COVID 19, des encellulements individuels nécessaires (ex : risque hétéro-agressif, mesure disciplinaire, certificat SMPR…).

Ce souci de transparence de l’administration pénitentiaire est à souligner et l’impact de la gestion épidémique COVID 19, parfaitement légitime, a toutefois objectivement dégradé les marges de manœuvre de l’administration pénitentiaire pour diminuer les triplements de détenus en cellules, ce qu’il convient de prendre en compte dans l’évaluation globale de la situation de l’établissement pénitentiaire, qui ne peut être complètement décorrélée de l’évaluation particulière de la situation des conditions de détention du requérant.

Au vu de ce qui précède, il serait utile que l’administration pénitentiaire nous communique la proportion de cellules dont la superficie est inférieure à 12,7 m² et qui font l’objet d’un triplement des occupants, afin d’apprécier le caractère marginal ou généralisé de cette configuration potentiellement problématique au regard de la dignité des conditions de détention. Un délai d’un


mois sera accordé pour la communication de cette information, de même que pour mettre en place toutes mesures utiles permettant de s’assurer que l’intéressé bénéficie réellement d’un espace de vie personnel de 3m2 dans sa cellule.

Concernant 'incompatibilité de sa détention avec son état psychologique, il est relevé que lors d’une audience le 12 octobre 2021 avec l’officier responsable du bâtiment MAH2, l’intéressé ne tenait aucun propos suicidaire (même sur question précise), sa tentative de suicide étant datée du 13 février 2021. Comme relevé dans l’arrêt de la chambre de l’instruction en date du 22 novembre

2021, l’intéressé a été pris en charge pendant plusieurs semaines dans le cadre d’une hospitalisation en psychiatrie et aucun certificat médical ne démontre un état incompatible avec sa détention.

Concernant l’absence de ses lunettes de vue, aucune demande de lunette de vue n’a été formulée auprès de l’équipe médicale de l’établissement, ni de prise de rendez-vous avec un ophtalmologue, étant précisé que l’inventaire de ses affaires stockées ne mentionne pas de lunette de vue.

Concernant la présence de nuisibles en cellule (cafards), l’administration justifie de prestation de désinfections (18/19 octobre 2021, 6/7 décembre 2021) régulières dans le bâtiment MAH2, ainsi que de la fourniture de bombes insecticides et de pièges en présence de cafards dans la cellule, et d’un kit d’entretien de cellule (produits ménagers). D’autres mesures sont justifiées concernant la dératisation.

Toutefois lors de son audition du 16 décembre 2021, l’intéressé a affirmé de nouveau être victime de cafards dans sa cellule, au contact même de sa peau (épaule, visage) ou présents dans la nourriture servie.

Si les efforts réels de l’administration pénitentiaire dans la lutte contre les nuisibles sont

indéniables et saluer au niveau de la situation globale de l’établissement, il semble nécessaire de prendre une mesure correctrice ciblée contre les cafards dont la présence est alléguée de manière crédible par l’intéressé dans la cellule EMAH23A350. Un délai d’un mois sera accordé à l’administration pour en justifier.

Concernant l’absence de draps et couvertures pendant plusieurs mois, il est fait état que les draps sont changés tous les 15 jours, que la dernière remise de drap a eu lieu le 13 décembre, avec un prochain changement prévu le 27 décembre. Le marché de délégation prévoit d’autre part une couverture en été, et deux couvertures en période hivernale. L’intéressé a été doté d’une seconde couverture le 18 octobre 2021 après vérifications auprès du service buanderie. Lors de l’audition du

13/10/21, l’intéressé a indiqué à l’officier responsable ne pas avoir eu de couverture à son retour de I’UHSA mais en avoir eu une par la suite, sans précision de date.

Concernant l’absence de porte de séparation des sanitaires, il est fait état d’une commande de 750 rideaux et 750 tringles en remplacement d’une réinstallation des portes battantes (trop coûteuses) dont l’utilisation a été détournée par les détenus en étagère. Le prestataire SODEXO va les installer début janvier 2022 (livraison en décembre 2021).

Concernant l’insécurité en promenade, l’administration justifie de diverses diligences personnel de surveillance, vidéoprotection, procédure de remontée d’information des violences commises en promenades, secteur protégé pour détenu vulnérable, une absence d’élément relatif à des violences subies par l’intéressé.

Concernant sa présence en cellule en moyenne 22h par jour, l’intéressé a désormais une activité de travail et peut participer à des activités culturelles et sportives, avec une ouverture de porte à 7h du matin et une fermeture à 19h, avec dans l’intervalle la possibilité de se rendre aux activités proposées.

Concernant l’absence de demande positive à des demandes de travail, sa première demande a été refusée compte tenu d’un incident en date du 24/03/21, sa seconde demande a fait l’objet d’une inscription sur liste d’attente, et d’autres demandes ultérieures qui ont abouti à un début de travail aux ateliers à compter du 10/11/21. L’attente s’explique également par la nécessaire autorisation du juge d’instruction et le peu de postes disponibles du fait de la crise sanitaire.

Concernant d’autres éléments divers (mauvaise qualité de la nourriture, provocations alléguées des gardiens, courrier bloqué, refus d’accès à la cabine téléphonique, fonds versés par des proches non réceptionnés, refus des gardiens de lui laisser voir Mme X lors d’une visite), l’administration justifie d’une évaluation régulière de la qualité de la nourriture fournie par le prestataire, et d’une absence d’élément concret relatif aux provocations alléguées par des


surveillants, un courrier bloqué, un refus d’accès à la cabine, à des fonds versés par des proches réceptionnés, et un refus des gardiens de lui laisser voir Mme X lors d’une visite (tout en notant qu’elle a bénéficié de 10 parloirs sur les 11 planifiés sans plus de précision, mais avec deux parloirs planifiés les 15 et 17 décembre).

L’instruction de la requête a permis d’établir que les conditions de détention de Y Z

Joëlson posent difficulté uniquement sur deux aspects : espace de vie personnel potentiellement insuffisant au vu de la configuration de la cellule;

présence crédible de cafards dans sa cellule.

En conséquence, des mesures correctives seront ordonnées pour s’assurer de la dignité des conditions de détention de l’intéressé.

PAR CES MOTIFS

DÉCLARONS partiellement bien-fondée la requête susvisée portant sur les conditions de détention.

DISONS que les conditions de détention suivantes, dont la personne détenue fait l’objet, sont contraires à la dignité de la personne humaine : espace de vie personnel potentiellement insuffisant au vu de la configuration de la cellule;

présence crédible de cafards dans sa cellule.

FIXONS un délai d’un mois pour permettre à l’administration pénitentiaire de mettre fin à ces conditions de détention, par tout moyen.

DISONS qu’un rapport d’information sur les mesures prises ou proposées à la personne détenue nous sera adressé par l’administration pénitentiaire avant l’expiration de ce délai, soit au plus tard le

15 janvier 2022

Fait à Toulouse

Le 17/12/2021 UDICIAIRE A REAALIA OPEN

juge des libertés et de la détention

La présente décision a été notifiée :

A Maître_NABET-MARTIN__,conseil de la personne détenue, par_voie electronique_ le 17/12/2021_____;

Au juge d’instruction par voie electronique_le_17/12/2021;

A la direction de l’établissement pénitentiaire par voie electronique le 17/12/2021

La présente décision a été transmise à Monsieur A B-C D en langue portugaise le 17/12/2021

et transmise au chef d’établissement pénitentiaire pour mise en œuvre de mesures correctives / mettant fin à ces conditions de detention et pour notification à la personne détenue par le

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