CAA de Douai, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 08DA00863

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : 23 SEPTEMBRE 2008, MME CHMITI N 08LY0736
CE, 13 déc. 1995, Z, req. n° 170664
CE, 18 sept. 1996, Tameghe Megne, req. n° 169969
CE, 24 janv. 2007, no 266135
CE, 6 nov. 1987, Buayi:Rec. CE, p. 348
Conseil d'Etat du 19 oct. 2007, M. H. et M. B., n° 306821
Cour administrative d'appel BORDEAUX 2 JUIN 2008 M D N 07BX2195. Cour administrative d'appel LYON 6 MARS 2008 PREFET DE L ISERE N 07LY2145
TA Châlons-sur-Marne, 30 mai 1995, Fouzari, n° 95-143
Tribunal administratif DIJON 25 JUILLET 2007 N 0701111

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE DOUAI | | | F G audience du 27 10 2008 |
Instance n° 08DA863
M X / Préfet de la région Haute Normandie, préfet de la Seine Maritime
N° 3 DU ROLE 08 123 | | | | […] […] | |
MM,
M X, ressortissant sénégalais né le […], est entré en France muni d’un visa court séjour . Par arrêté du 13 DEC 2007 le préfet de la région Haute Normandie, préfet de la Seine Maritime a refusé son admission au séjour sur le fondement de l’article L 313 11 7° du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. L’arrêté était assorti d’une obligation de quitter le territoire français et d’une décision distincte fixant le pays de renvoi . Par jugement du 15 AVRIL 2008 le Tribunal administratif de ROUEN a rejeté sa demande d’annulation de cet acte, tel est le jugement dont il est relevé régulièrement appel.
Pour contester le refus de séjour, l’appelant se prévaut d’abord des stipulations de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales . A ce titre, M. XXPar ailleurs en se référant à l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant du 26 janvier 1990 , M. X soutient que son enfant ne pourra l’accompagner au Sénégal sans être séparé de sa mère qui, ne pourra le suivre, l’intégralité de sa famille se trouvant en France . Cependant les attestations produites par l’intéressé émanant de voisins et d’amis ne s’avèrent pas suffisantes pour établir la réalité et l’intensité des liens qu’il entretiendrait avec sa fille
Après avoir confirmé le rejet des conclusions dirigées contre le refus de séjour, vous aurez à vous prononcer sur la légalité de l’obligation de quitter le territoire français. Les moyens exclusivement tirés par voie d’exception de l’illégalité du refus de séjour seront écartés à raison de ce qui vient d’être exposé.
A l’appui des conclusions dirigées contre la décision distincte fixant le pays de renvoi est soulevée l’absence de motivation en ce que n’aurait pas été visé l’article L 513 2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile .
Lorsqu’intervient une mesure d’éloignement du territoire national, celle-ci s’accompagne nécessairement de la fixation d’un pays de destination. Dès avant la loi du 24 AOUT 1993, le Conseil d’État distinguait déjà, notamment du point de vue contentieux, les deux décisions (CE, 6 nov. 1987, Buayi : Rec. CE, p. 348 ; AJDA 1987, p. 713 ; RFD. adm. 1988, p. 86, concl. Vigouroux, pour l’expulsion.– 17 déc. 1990, Ouejdedi : Rec. CE, p. 363, pour la reconduite à la frontière). L’article 27 ter a ainsi repris cette jurisprudence en prévoyant qu’en cas d’expulsion ou de reconduite à la frontière, c’est une décision distincte qui détermine le pays de destination de l’étranger éloigné.
Il semble toutefois qu’en pratique il n’y ait pas nécessairement deux décisions comme l’illustre cette formule du Conseil d’État : “il ressort de la rédaction de l’arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. Z que celui-ci doit être regardé comme prévoyant la reconduite de M. Z vers son pays d’origine” (CE, 13 déc. 1995, Z, req. n° 170664). Le Conseil d’État a précisé que la fixation du pays de destination ne devait pas nécessairement figurer dans une décision matériellement distincte mais qu’elle pouvait toujours faire l’objet d’un recours séparé (CE, 18 sept. 1996, Tameghe Megne, req. n° 169969 )
S’agissant d’une mesure de police, il a été jugé que l’arrêté fixant le pays de destination doit être motivé (TA Châlons-sur-Marne, 30 mai 1995, Fouzari, n° 95-143 : Rec. CE, tables p. 834. – CAA Nantes, 2 oct. 1997, Bouhalem Bouderbala, […]. – CAA Lyon, 19 nov. 1998, […], req. […]).
Il faut toutefois constater que ces précédents jurisprudentiels ne concernaient par hypothèse pas le cas de décisions distinctes fixant le pays de renvoi liées à des obligations de quitter le territoire français , mais des cas dans lesquels le préfet fixe un pays de renvoi, pour appliquer une mesure judiciaire d’interdiction du territoire, ou pour mettre à éxécution un arrêté d’expulsion. De plus, les trois décisions précitées ne portaient pas sur le contenu même de la motivation, mais se bornaient à tirer de la qualification de décision de police soumise à motivation la nécessité de la procédure contradictoire alors régie par le décret du 28 NOV 1983 modifiée .
Le cadre juridique applicable aux décisions distinctes fixant le pays de renvoi se rattachant à des obligations de quitter le territoire français résulte à la fois de l’article L 511-1 et de l’article L. 513-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Selon ce dernier article, la décision fixant le pays de renvoi est une décision distincte de la mesure d’éloignement elle-même, à combiner avec l’article L 513 2 du dit code précisant les modalités pratiques du choix d’éloignement de l’étranger .
Cette disposition n’implique pas que le pays de destination doive impérativement figurer dans une décision matériellement distincte, mais que cette désignation puisse faire l’objet d’un recours séparé, indépendamment de la contestation de la mesure portant obligation de quitter le territoire français.
Il a été jugé pour un dispositif contenu dans un arrêté ordonnant une reconduite à la frontière ne comportant aucun pays de destination que la seule circonstance que les motifs de l’arrêté indiquent que l’étranger « n’établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme en cas de retour dans son pays d’origine, ou celui de son choix où il est effectivement admissible » ne suffit pas, par elle-même, à faire regarder cet arrêté comme comportant la décision fixant le pays de destination (CE, 24 janv. 2007, no 266135, Préfet de l’Essonne).
Le législateur a fait de l’obligation de quitter le territoire une faculté (« l’autorité administrative […] peut assortir sa décision […] »), et non un automatisme, sans doute pour préserver des hypothèses marginales où le rejet d’une demande de titre de séjour pourrait ne pas faire obstacle au réexamen d’une nouvelle demande présentée sur un autre fondement, la fragmentation prévalant aussi en matière de définition des titres de séjour
Une fois opéré le choix de l’obligation de quitter le territoire français , le préfet ne peut il alors qu’assortir sa décision que d’une décision distincte fixant le pays de renvoi comme pourrait le donner à croire la rédaction de l’article L 513 2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ? Cette hypothèse de compétence liée ne paraît pas en adéquation avec les orientations jurisprudentielles résultant notamment des avis du Conseil d’Etat du 19 oct. 2007, M. H. et M. B., n° 306821, AJDA 2007. 2009 . Comme le soulignait M C commissaire du gouvernement dans ses conclusions sur ces affaires, « Il n’y a pas davantage de lien entre l’obligation de quitter le territoire et l’opération intellectuelle distincte fixant le pays vers lequel l’exécution de la reconduite sera possible à l’expiration du délai d’un mois fixé par le texte. Tel est le sens de votre jurisprudence depuis fort longtemps (voir en ce sens, 17 décembre 1990, Ouejdedi, p. 363), laquelle a été reprise dans l’ordonnance du 2 novembre 1945 par la loi du 24 août 1993. Ce qui était valable pour les arrêtés portant reconduite à la frontière l’est tout autant pour les nouveaux arrêtés pris en application du I de l’article L. 511-1. C’est en tout cas ainsi que nous lisons la formule englobante inscrite au premier alinéa de l’article L. 513-3, selon lequel « la décision fixant le pays de renvoi constitue une décision distincte de la mesure d’éloignement elle-même ». Nous voyons en outre un signe concret de cette divisibilité dans le fait que l’OQTF prononcée à l’encontre de l’étranger ne comporte jamais aucune indication géographique : il lui est enjoint de quitter la France, pas de se rendre dans un pays déterminé. »
En ce sens on peut trouver dans la jurisprudence des Cours administratives d’appel et des Tribunaux administratifs des solutions prenant parti sur la motivation de décisions distinctes fixant le pays de renvoi et n’opposant donc pas une situation de compétence liée du préfet rendant inopérant le moyen tiré d’un défaut de motivation, cf Cour administrative d’appel BORDEAUX 2 JUIN 2008 M D N 07BX2195 . Cour administrative d’appel LYON 6 MARS 2008 PREFET DE L ISERE N 07LY2145 ; Tribunal administratif DIJON 25 JUILLET 2007 N 0701111 M E
A la date d’édiction de la décision distincte fixant le pays de renvoi ici en litige , l’obligation de motivation avait été supprimée s’agissant exclusivement de l’obligation de quitter le territoire français par le biais de l’intervention de la loi du 20 NOV 2007. L’indication du fondement juridique servant de support à la décision distincte fixant le pays de renvoi était donc requis, sauf à étendre la portée de cette loi, ce qui irait probablement au-delà de l’intention du législateur.
Dans ces conditions, la solution qui nous paraît la plus expédiente consisterait à voir dans la mention de l’article L 511 1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile expressément cité dans l’acte attaqué une indication suffisante répondant à l’objectif de motivation en droit, puisque cet article énonce la conséquence quasi automatique de l’obligation de quitter le territoire français , en la forme de la fixation du pays d’éloignement.
L’article L 513 2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile se borne à apporter des précisions sur le contenu de la décision distincte fixant le pays de renvoi. Telle est d’ailleurs la voie choisie par la Cour administrative d’appel de LYON (23 SEPTEMBRE 2008, MME CHMITI N 08LY0736) .
La contrainte qu’impose cette option pour les préfets sera de ne pas omettre cette mention, alors même qu’elle n’est plus nécessaire s’agissant de l’obligation de quitter le territoire français, à moins que le législateur ne décide, à la faveur d’une nouvelle réforme au demeurant déjà en gestation, d’étendre la dispense de motivation au décisions distinctes fixant le pays de renvoi ….
PAR CES MOTIFS
NOUS CONCLUONS au rejet de la requete
PARTIE PERDANTE A L’INSTANCE, L’APPELANT NE PEUT PRETENDRE AU REMBOURSEMENT DE FRAIS IRREPETIBLES

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