CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 14PA02807

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CE 29 octobre 2003, M. et Mme Z, n° 232250
CE 5 juillet 2010, CCI de l' Indre, n° 308615
CE 5 novembre 2003, Coopérative des agriculteurs de la Mayenne, n° 272218
CE 7 août 2008, Crédit coopératif, n° 285979

Texte intégral

[…] M. et Mme X c/ ANAH
Séance du 19 janvier 2015
Lecture du 2 février 2015
CONCLUSIONS de M. Sorin, Rapporteur public
I. Rappel des faits. M. et Mme X ont acquis en 1999 plusieurs lots dans un immeuble situé 10 bis et 12 passage du Plateau, dans le XIXème arrondissement de Paris. Ils ont sollicité en 2006 des subventions auprès de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) en vue de la réalisation de travaux. Deux sommes de 33 500 et 25 631 euros ont été versées à ce titre le 15 décembre 2010 et le 17 novembre 2010. Mais les époux X ayant vendu en 2011 leurs lots, l’Agence a réclamé, sur le fondement de l’article R. 321-21 du code de la construction et de l’habitation, par deux décisions du 14 mai 2012, le remboursement des sommes ainsi versées, à hauteur de 34 505 et 26 121 euros, le montant dû étant affecté d’un coefficient de majoration, totalisant 60 626 euros. Le défaut de paiement des intéressés a alors suscité l’émission d’un titre exécutoire en date du 19 juillet 2012, pour un montant identique.
Les époux X ont déféré au TAP la légalité de ces trois décisions. Leur recours a fait l’objet d’un jugement de rejet en date du 29 avril 2014 dont ils interjettent régulièrement appel. Ils demandent également le sursis à l’exécution du jugement.
II. Discussion.
Un moyen tiré du non-respect du principe du contradictoire devant les premiers juges est soulevé mais il n’est assorti d’aucun commencement d’explication, aussi pourrez-vous aisément l’écarter.
A. Sur le titre exécutoire du 19 juillet 2012.
Sur le bien-fondé du jugement, le premier moyen est tiré de l’insuffisante motivation du titre exécutoire du 19 juillet 2012. Il est vrai que tout ordre de recette doit indiquer les bases de la liquidation. En l’espèce, le titre litigieux énonce le nom des intéressés, leur adresse, fait état des deux décisions de reversement pour les montants que l’on sait de 34 505 et 26 121 euros et précise que ces décisions figurent en pièces jointes. Dans ces conditions, et alors que l’indication de bases de liquidation par référence est admise par le Conseil d’Etat (CE 5 novembre 2003, Coopérative des agriculteurs de la Mayenne, n°272218), le titre litigieux nous semble indiquer ces bases avec suffisamment de précision. Le moyen sera écarté.
Est ensuite contestée la compétence du signataire du titre exécutoire litigieux, mais M. A-B C, c’est de lui qu’il s’agit, directeur administratif et financier de l’ANAH, disposait d’une délégation de signature en date du 2 décembre 2010 régulièrement publiée au BO de ministère de l’écologie et du développement durable du 25 décembre 2010. Le moyen sera écarté.
Le moyen tiré du défaut de procédure contradictoire est infondé et inopérant. Infondé, puisque le titre exécutoire en cause vient après deux décisions de retrait de subvention et d’injonction de reversement elles-mêmes précédées, nous y reviendrons, de courriers invitant les intéressés à faire valoir leurs observations. Inopérant, puisque les requérants invoquent à l’appui de la contestation du titre exécutoire les dispositions des articles R. 321-21 et R. 321-10 I du CCH qui ne concernent que les décisions de retrait de subvention et de reversement.
Après avoir critiqué la légalité du titre exécutoire du 19 juillet 2012, les requérants contestent celle des décisions de retrait et de reversement du 14 mai 2012.
B. Sur les décisions de retrait et de reversement du 14 mai 2012.
1) Un premier moyen est tiré de l’irrégularité de la procédure ayant précédé leur adoption.
Constatant que les décisions accordant des subventions sont créatrices de droits, les requérants en déduisent qu’elles devaient être précédées d’une phase de contradiction préalable. Mais cela a été fait, précisément, par un courrier du 2 mars 2012 adressé à Mme X, à son adresse du […] à Saint-Cloud. Le moyen sera écarté.
2) Le moyen également invoqué à l’appui des décisions du 14 mai 2012 tiré de la méconnaissance des articles R. 321-21 et R. 321-10 I du CCH est cette fois opérant, mais les requérants se bornant à énoncer qu’il appartient à l’ANAH de démontrer le respect de ces articles, notamment en ce qui concerne la composition de la commission locale d’amélioration de l’habitat. Or c’est à eux qu’il appartient de démontrer qu’une illégalité aurait été commise, du moins d’apporter suffisamment d’éléments pour que le doute qui en résulterait impose une défense à l’ANAH. A défaut de tout élément en ce sens, le moyen ne peut qu’être regardé comme insuffisamment développé et sera écarté.
3) Le moyen tiré du défaut de motivation sera écarté, les décisions litigieuses exposant de façon précise et complète les circonstances de fait et de droit sur lesquelles elles sont fondées.
4) S’agissant de la légalité interne, le premier moyen est tiré de ce que, contrairement à ce qu’a estimé l’ANAH dans les décisions litigieuses, l’exigence de location pendant une durée déterminée ne résulte ni d’une convention ni d’une disposition légale.
Pourtant, l’article L. 321-3 CCH dispose que l’aide que l’ANAH accorde aux propriétaires d’un logement à usage locatif pour y réaliser des travaux d’amélioration est subordonnée à la condition que le logement soit donné en location pour une durée fixée par le règlement général de l’agence. Cette référence au règlement de l’agence est reprise à l’article R. 321-20 I, dont le deuxième alinéa impose au bénéficiaire d’informer l’agence de tout changement d’occupation ou d’utilisation ou de toute mutation de propriété des logements. Or le règlement général de l’agence, approuvé par l’arrêté ministériel du 2 février 2011, dispose en son article 15-A que les logements pour lesquels la subvention est accordée doivent être loués pendant une période d’au moins neuf ans à compter de la date de déclaration d’achèvement des travaux.
Cet engagement figurait expressément dans les demandes d’attribution de subvention renseignées par les époux X au mois d’octobre 2006. Ceux-ci ne peuvent donc pas sérieusement soutenir aujourd’hui que cet engagement était dépourvu de tout fondement légal et que l’ANAH ne pouvait le leur opposer.
Quant au moyen tiré de ce que l’article L. 321-3 n’impose pas que le logement soit donné en location par le même bailleur, cela est exact, mais le règlement de l’agence dispose dans cette hypothèse que le successeur doive s’engager à respecter les conditions initialement attachées au versement de la subvention. Or les requérants ne démontrent pas que tel serait le cas. Le moyen sera écarté.
5) Le cinquième moyen est tiré de ce que la subvention s’analysant comme une décision créatrice de droits, elle ne pouvait être retirée au-delà d’un délai de quatre mois, conformément à la jurisprudence Ternon.
Par une décision CE 5 juillet 2010, CCI de l’Indre, n°308615, le Conseil d’Etat juge en effet que « l’attribution d’une subvention par une personne publique crée des droits au profit de son bénéficiaire. Toutefois, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu’elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d’octroi, qu’elles aient fait l’objet d’une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu’elles découlent implicitement mais nécessairement de l’objet même de la subvention ».
Par ailleurs, le caractère créateur de droits de l’attribution d’un avantage financier tel qu’une subvention ne fait pas obstacle, soit à ce que la décision d’attribution soit abrogée si les conditions auxquelles est subordonnée cette attribution ne sont plus remplies, soit à ce que l’autorité chargée de son exécution, constatant que ces conditions ne sont plus remplies, mette fin à cette exécution en ne versant pas le solde de la subvention, sans qu’il soit nécessaire, dans ce dernier cas, d’abroger expressément la décision d’attribution de la subvention (CE 7 août 2008, Crédit coopératif, n°285979).
S’agissant des subventions de l’ANAH, la jurisprudence topique est la décision CE 29 octobre 2003, M. et Mme Z, n°232250, aux termes de laquelle « a) Les subventions conditionnelles accordées par l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat en application de l’article R. 321-4 du code de la construction et de l’habitation ne créent de droits au profit de leurs bénéficiaires que pour autant que ceux-ci justifient, après l’achèvement des travaux, que les conditions imposées lors de l’attribution de l’aide se trouvent effectivement réalisées. Si les bénéficiaires de ces subventions sont placés vis-à-vis de cet établissement public dans une situation réglementaire et non contractuelle, cette situation ne fait pas obstacle à ce que ces usagers puissent, le cas échéant, invoquer un cas de force majeure ayant rendu impossible l’exécution des engagements auxquels était subordonné le versement de l’aide financière de l’agence ».
Or nous avons vu qu’il est constant que les époux X n’ont pas respecté l’un des engagements conditionnant le maintien du bénéfice de la subvention. Partant, celle-ci pouvait être retirée en application des jurisprudences citées. Et ils n’établissent nullement l’existence d’un cas de force majeure de nature à justifier le non-respect de la condition de location de neuf ans qu’ils s’étaient engagés à respecter.
6) Enfin, le dernier moyen est tiré de ce que, l’engagement ayant été respecté au moins 5 ans, de 2006 à 2011, l’exigence de reversement devait tenir compte de ce respect partiel et être diminué à due proportion. Mais si, précisément, l’article 22 du règlement général de l’agence prévoit expressément une telle réduction à hauteur de la durée pendant laquelle les dispositions réglementaires ont été respectées, encore faut-il que les conditions d’un tel respect soient établies. Or en l’espèce, la durée de location de 9 ans part à compter de la déclaration d’achèvement des travaux, qui n’a jamais été transmise par les époux X, ce point est constant. Dans ces conditions, ils doivent être regardés comme n’ayant jamais respecté la condition de bénéfice de la subvention, les décisions litigieuses mettant à leur charge un reversement de celle-ci dans son intégralité étant par suite légales.
PCMNC au non-lieu à statuer sur la demande de sursis à exécution du jugement litigieux, au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des époux X une somme de 3000 euros au titre des frais exposés par l’ANAH et non compris dans les dépens.

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Textes cités dans la décision

  1. Code de la construction et de l'habitation.
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