CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 94PA00204

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CE 23 février 1994 n° 124644

Texte intégral

94PA00204
Audience du 16 mars 1995
Lecture du 30 mars 1995
Ministre du budget c/ SARL « Point de vue »
Conclusions de Mme X, Commissaire du Gouvernement
Par un recours régulièrement introduit le 24 février 1994, le Ministre du budget vous défère un jugement rendu le 8décembre 1993, par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du Ministre de l’économie, des finances et du budget du 1er juillet 1991, refusant à la SARL « Point de vue » l’agrément permettant à la société de bénéficier de la réduction des droits de mutation prévue à l’article 721 du code général des impôts en cas de reprise d’un établissement industriel en difficulté.
Vous êtes ainsi saisi d’un appel d’un jugement statuant sur un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus d’agrément portant sur un impôt dont le contentieux est de la compétence du juge judiciaire. Mais vous n’aurez aucune hésitation quant à votre compétence dès lors que le Conseil d’Etat s’est déjà implicitement reconnu compétent pour statuer dans un litige de même nature avant que ce type de contentieux ne soit transféré aux cours administratives d’appel le 1er septembre 1992. Vous vous référerez [CE 23 février 1994 n°124644 Ministre du budget / SA SERAM RJF5/94 n° 611]. Cette décision reprenait d’ailleurs la solution traditionnelle du Conseil d’Etat confirmée par le tribunal des conflits en 1988 [tribunal des conflits 17octobre 1988 RJF 1/89 n° 107]. La décision prise sur une demande d’agrément est un acte détachable de la procédure d’établissement et de recours du droit de mutation dont le contentieux ressortit à l’autorité judiciaire.
I. En l’espèce, les faits sont les suivants :
La société « Point de vue » a sollicité le bénéfice de l’agrément prévu aux anciens articles265 et 266 de l’annexe III du code général des impôts, pour l’octroi de la réduction des droits de mutation.
Cette demande était motivée par la reprise partielle d’un fonds de commerce d’édition ayant appartenu à la SARL SOPEFF, en difficulté.
Après consultation, le 24 juillet 1990, du Comité Interministériel des Aides à la Localisation des Activités (CIALA), le Ministre délégué au budget a rejeté cette demande par une décision du 31 juillet 1990, au motif que le seuil minimum d’emploi requis pour l’application du régime de faveur sollicité n’était pas atteint.
Dans un recours formé le 1er octobre 1990, la SARL« Point de vue » a fait prévaloir devant le tribunal administratif de Paris que la condition d’emploi était remplie (Instance n° 9008257-7).
A la suite d’un réexamen du dossier et après nouvelle consultation du comité, le 6 juin 1991, l’administration a, par une décision du 19 juillet 1991,rapporté celle du 31 juillet 1990, mais a rejeté, à nouveau, la demande de la société « Point de vue » par une nouvelle décision de refus d’agrément ainsi libellée:
« Il ne m’a pas paru possible de réserver une suite favorable à votre demande. En effet, il ne m’apparaît pas que cette opération soit de celles auxquelles le législateur a entendu réserver un avantage fiscal particulier, lequel serait, en l’occurrence, sans rapport avec l’intérêt économique que présente la reprise de ce fonds de commerce ».
Par une nouvelle requête enregistrée le 18 septembre 1991 au greffe du tribunal administratif de Paris, la société « Point de vue » demandait l’annulation de la décision du 19 juillet 1991, sus-visée.
A l’appui de ses prétentions, la requérante faisait essentiellement valoir que les articles265 et 266 de l’annexeIII au code général des impôts, comme les dispositions de l’arrêté du 16 décembre 1983, ne fixent aucune condition en dehors de celle de la reprise d’une activité précédemment exploitée par une entreprise en difficulté, aux opérations de reprise auxquelles le bénéfice de la réduction de droit de mutation sur agrément, est accordée.
Dans sa décision attaquée, le tribunal administratif de Paris a donné satisfaction à la société « Point de vue » en estimant que le Ministre avait commis une erreur de droit en rejetant par ce deuxième motif la demande d’agrément.
La société à responsabilité limitée « Point de vue » vous demande en défense de confirmer purement et simplement ce jugement.
Mais le Ministre soutient que l’agrément auquel la réduction des droits de mutation était subordonnée, avait un caractère discrétionnaire.
II. Les textes applicables.
L’article 20 de la loi n°89-936 du 29décembre 1989 a modifié l’état du droit existant en 1988 au moment de la demande de réduction des droits de mutation présentée par la société « Point de vue »; la loi de 1989 a entraîné l’abrogation des dispositions réglementaires des articles265 et 266 de l’annexeIII au code général des impôts, que nous allons précisément appliquer en l’espèce s’agissant d’un litige né en 1988.
En effet, en vertu des dispositions de l’article 721 du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits, les droits de mutation à titre onéreux pouvaient être réduit à 2%, dans les conditions prévues par décret, pour les acquisitions de fonds de commerce et de clientèle tendant à faciliter l’adaptation à l’évolution économique des structures des entreprises industrielles et commerciales.
Conformément à l’habilitation donnée par le législateur au pouvoir réglementaire, les conditions d’application de ce texte étaient alors définies par le décret du 16 décembre 1983 codifié sous les anciens articles 265 et 266 de l’annexe III au code général des impôts. Cet article 266 subordonne l’application de cette réduction des droits de mutation à un agrément délivré par le Ministre de l’économie et des finances dans les conditions prévues à l’article 1649 nonies du code général des impôts. Ce dernier article 1649 nonies autorise le Ministre de l’économie et des finances à définir par arrêtés, « compte tenu de l’importance, de la nature et du lieu d’exercice des activités considérées, les conditions des agréments auxquels des exonérations fiscales sont attachées » ; enfin, selon les dispositions combinées des articles4-1° et 9° de l’arrêté du 16 décembre 1983 codifié aux articles 155n à 155o de l’annexe IV au code général des impôts, les reprises d’établissements industriels en difficulté doivent comporter le maintien de trente emplois au moins dans les communes situées dans une unité urbaine d’au moins 15.000 habitants.
Lorsque cette condition légale et objective est remplie, l’administration ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation. L’agrément de l’article 265 du code général des impôts est donc, contrairement à ce que soutient l’administration, un agrément de droit. Vous avez en conséquence un contrôle normal sur le point de savoir si la société à responsabilité limitée « Point de vue » remplissait la condition légale d’obtention de l’agrément, à l’exclusion de toute considération d’intérêt général.
Vous vous reporterez à l’arrêt précité SA SERAM avec les conclusions de M. Y publiées au Bulletin des conclusions fiscales de mars 1994 p. 84 et 85.
Or il résulte incontestablement des pièces du dossier que cette condition de maintien de trente emplois était satisfaite dans l’opération de reprise d’entreprise en difficulté engagée en 1988 par la société « Point de vue ».
Nous vous proposons donc de considérer qu’en rejetant la demande d’agrément par une deuxième décision motivée par la circonstance que l’avantage fiscal sollicité » serait, en l’occurrence sans rapport avec l’intérêt économique que présente la reprise de ce fonds en difficulté", le Ministre a commis une erreur de droit, dès lors que, d’une part, il n’est pas contesté qu’ainsi que le prévoient les dispositions législatives précitées, c’est pour l’adaptation à l’évolution économique des structures des entreprises et la poursuite de l’activité d’une entreprise en difficulté que l’opération a été montée et que, d’autre part, l’opération engagée par la société remplissait les conditions réglementaires quant au nombre d’emplois à maintenir.
Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête du Ministre du budget.

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