CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 12PA04591

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 26 septembre 2012
Précédents jurisprudentiels : Conseil d'Etat M. H I et autres du 23 décembre 2011 n° 335033
Conseil d'Etat société IDL du 28 mai 2008 n° 320950

Texte intégral

N°12PA04591 M. D X
Audience du 3 février 2014
Lecture du 17 février 2014
CONCLUSIONS de M. Jean-Pierre LADREYT, Rapporteur public
Vous savez que l’offre de soins en cancérologie est structurée, en France, par un dispositif d’autorisations.
Les établissements de santé doivent en effet, depuis 2009, disposer d’une autorisation spécifique délivrée par l’agence régionale de santé dont ils relèvent pour traiter des malades atteints du cancer.
Ce dispositif vise à assurer à toutes les personnes malades une prise en charge de qualité sur l’ensemble du territoire.
Il repose sur des conditions dites transversales de qualité (la mise en place d’un dispositif d’annonce et d’une concertation disciplinaire, la remise à la personne malade d’un programme personnalisé de soins, la mise en œuvre de référentiels de bonne pratique clinique, l’accès pour la personne malade à des soins de support et aux traitements innovants et aux essais cliniques), des critères d’agrément et des seuils d’activité minimale (soit, pour ce qui nous intéresse, une vingtaine d’interventions par an pour les cancers gynécologiques).
En l’espèce, la commission exécutive de l’agence régionale de l’hospitalisation d’Ile de France a en effet refusé le 17 juillet 2009 d’autoriser la clinique E F dite clinique du Trocadéro, située dans le 16e arrondissement de Paris, de traiter sur le plan chirurgical les cancers gynécologiques. M. X, qui est un praticien œuvrant au sein de l’unité gynécologique de cette clinique interjette appel devant vous du jugement du 27 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses trois demandes tendant à l’annulation de la décision de la commission exécutive et des décisions implicite et explicite par lesquelles le ministre de la santé a rejeté le recours hiérarchique qu’il avait formé à l’encontre de la décision de la commission.
Ce praticien s’étonne en effet que la commission exécutive de l’agence régionale ait pu autoriser, par la même délibération, la clinique du Trocadéro à opérer des cancers de l’appareil digestif ou encore du sein mais lui ait refusé cette même possibilité pour les cancers gynécologiques alors même que la section sanitaire du comité national d’organisation sanitaire et social avait émis un avis favorable lors de l’instruction du recours hiérarchique formé contre la décision de la commission exécutive. M. X soulève tout d’abord devant vous une série de moyens de légalité externe visant la procédure administrative qui a conduit au rejet de la demande d’autorisation.
Il conteste tout d’abord la possibilité qu’avait le ministre de la santé de prendre une décision explicite portant refusant d’autorisation alors qu’il était resté plus de six mois sans répondre à la demande dont il était saisi.
Vous savez qu’aux termes de l’article L. 6122-10-1 du code de la santé publique, « les décisions d’autorisation d’activités (médicales) sont susceptibles d’un recours hiérarchique auprès du ministre chargé de la santé, qui statue dans un délai maximum de six mois, après avis du Comité national de l’organisation sanitaire et sociale ».
Si, à l’expiration de ce délai de six mois, une décision implicite de rejet est susceptible de naître, voir sur ce point le précis de droit du contentieux administratif de René Chapus 12e édition page 566(RDSS 1994, p. 450), cette circonstance ne fait pour autant nullement obstacle à ce que l’administration prenne ultérieurement une décision cette fois explicite en sens contraire qui viendra se substituer à la précédente.
Voir en ce sens, à titre d’exemple, la décision du Conseil d’Etat société IDL du 28 mai 2008 n°320950. M. X soutient également que la décision ministérielle prise sur recours hiérarchique est illégale car prise à la suite d’un avis de la section sanitaire du comité national d’organisation sanitaire et social entaché de plusieurs irrégularités.
Ce comité aurait été tout d’abord composé irrégulièrement car lors de sa séance du 9 septembre 2010 cinq personnes étrangères ont participé aux débats.
Toutefois, le comité national s’est prononcé dans un sens favorable à l’autorisation demandée, ce qui ne liait naturellement pas le ministre chargé de la santé et qui relativise à notre sens le poids des interventions qui ont pu être faites devant ce comité.
Par ailleurs, aucune disposition légale ou réglementaire n’imposait à l’administration d’informer le requérant du nom du rapporteur ni de la date à laquelle se tenait cette séance, cette procédure menée au niveau central ne revêtant pas un caractère contradictoire : le requérant a été néanmoins en mesure de produire des observations écrites.
Si, M. X soutient, à cette occasion, que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce que les membres du comité national n’auraient pas eu communication préalable d’un dossier complet en vue d’exprimer leur position en toute connaissance de cause, ce moyen n’apparaît pas dans ses écritures de première instance. M. X soutient ensuite que la décision adoptée par la commission exécutive le 17 juillet 2009 est affectée de plusieurs vices de procédures :
Le premier est relatif au défaut de publication du bilan quantifié de l’offre de soins arrêté par l’agence régionale d’hospitalisation.
Vous savez en effet que l’article L. 6122-9 du code de la santé publique prévoit que le directeur général de l’agence régionale de santé publie, avant que la demande d’autorisation ne soit examinée, un bilan quantifié de l’offre de soins faisant apparaître les territoires de santé dans lesquels cette offre est insuffisante au regard du schéma régional d’organisation des soins.
Toutefois, en l’espèce, ce bilan existe bien puisqu’il a été annexé au schéma régional d’organisation des soins qui a été révisé le 16 septembre 2008 par un arrêté publié au recueil de la préfecture de région. M. X conteste toutefois le fait que l’annexe du schéma d’organisation des soins puisse tenir lieu de support à ce bilan quantifié alors que ce document a pour lui, au regard des dispositions du décret n°2007-388 du 21 mars 2007 relatif aux conditions d’implantation applicables à l’activité de soins de traitement du cancer, une finalité propre qui consiste à déterminer la recevabilité des demandes d’autorisation dont est saisie l’administration de la santé qui ne saurait se confondre avec le recensement des besoins de la populations dans un domaine médical donné.
Toutefois, les seules dispositions qui concernent ce bilan quantifié dans le code de la santé publique prévoient qu’il est publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de région dans le mois qui précède ou au moins quinze jours avant chaque période au cours de laquelle les demandes d’autorisation sont recueillies et indiquent qu’il doit préciser, pour chaque activité de soins, les territoires de santé à l’intérieur desquels existent des besoins non couverts.
Aucune de ces dispositions ne fait obstacle a priori à ce que ce bilan figure à l’annexe du schéma régional d’organisation des soins, en l’occurrence aux pages 66 et suivantes de ce document qui pouvait être consulté sur support électronique compte tenu de son volume, à partir du moment où il procède bien à une analyse par secteur géographique de la région Ile de France des besoins à couvrir afin de permettre de statuer utilement sur les demandes d’autorisations.
Nous vous proposerons donc de confirmer le tribunal administratif sur ce point. M. X soutient ensuite que la procédure de consultation du comité régional d’organisation des soins d’Ile de France a été irrégulière dans la mesure où ses rapporteurs, et plus spécifiquement Mme G Yh, n’ont pas été désignés par le directeur de l’agence régionale en méconnaissance des dispositions de l’article R. 6122-19 du code de la santé publique ou, tout au moins, que l’administration n’apporte pas la preuve de cette désignation.
Cet article disposait en effet, dans sa rédaction alors applicable, que les rapporteurs devant le comité régional sont désignés par le directeur de l’agence régionale d’hospitalisation.
Le requérant s’offusque de ce que le tribunal administratif ait pu écarter ce moyen au motif qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’imposait de formalisme particulier pour désigner ces rapporteurs.
Toutefois, si nous aurions apprécié que l’administration produise la décision par laquelle Mme Yh a été désignée rapporteur devant le comité, il est constant que cette agent était chargée des questions hospitalières à la caisse régionale d’assurance maladie d’Ile de France et a bien exercé cette fonction auprès du comité. M. X soutient ensuite que le comité régional d’organisation des soins était irrégulièrement composé dans la mesure où avaient été désignés deux suppléants pour un même titulaire, ce qui a eu pour effet de vicier les règles de quorum alors que l’article R.6122-15 du code de la santé publique implique qu’un titulaire ne peut avoir qu’un suppléant.
Vous savez néanmoins qu’en vertu d’une jurisprudence désormais constante depuis la décision du Conseil d’Etat M. H I et autres du 23 décembre 2011 n°335033, un vice affectant le déroulement d’une procédure consultative n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie.
En l’espèce, l’article 12 du règlement intérieur régissant le fonctionnement du comité régional dispose que cet organisme ne peut délibérer que si plus de la moitié des membres sont présents, la condition de quorum s’appréciant en début de séance.
Si ce quorum n’est pas atteint, précise le texte, les membres présents doivent être appelés à redélibérer lors d’une seconde réunion qui doit avoir lieu dans un délai de 5 à 15 jours.
Si vous regardez le tableau d’émargement de la séance du jeudi 28 mai 2009, vous constatez que le comité comprend, outre son président, 3 représentants des collectivités territoriales, 2 représentants de l’union régionale des caisses d’assurance maladie, 4 représentants des organisations de l’hospitalisation publique, 4 représentants des organisations de l’hospitalisation privée, 3 représentants des commissions médicales d’établissements publics de santé, 3 représentants des commissions médicales d’établissements de santé privé, 8 représentants syndicaux, 2 représentants du comité régionale de l’organisation sociale et médico-sociale,3 représentants des usagers et 3 personnalités qualifiées soit 36 membres titulaires.
Sur ses 36 membres, 37 indique le procès-verbal, 10 membres titulaires et 13 membres suppléants étaient présents et ont signés la feuille d’émargement.
La condition de quorum était donc remplie puisque 23 des membres du comité sur 36 ou 37 ont siégé en qualité de membres titulaires ou de membres suppléants.
Deux types d’irrégularités apparaissent néanmoins à la lecture de ce document.
D’une part, deux suppléants, M. Z et Mlle A ont voté au nom de la Fédération des établissements hospitaliers d’aide à la personne qui ne devait être représentée que un membre titulaire Mme B : il y a donc une présence en trop à ce titre.
Par ailleurs, le membre titulaire représentant la fédération de l’hospitalisation privée publique, Mme C, a voté en même temps que son suppléant, M. Birenbaum : là encore, il y a une présence de trop.
Toutefois, si l’on retranche ces deux présences de trop, le nombre de membres présents passe simplement de 23 à 21, ce qui ne change rien en termes de quorum puisque plus de la moitié du comité est toujours présent.
S’agissant du sens des votes, l’avis défavorable émis par la commission a été acquis à 13 voix contre, 2 voix pour et 2 abstentions.
Même si l’on part du principe que les deux personnes en trop auraient voté contre l’autorisation, ce qui n’est jamais sûr, cela réduirait le nombre de votes défavorables de 13 à 11, contre 2 votes pour et 2 abstentions, ce qui reste donc sans incidence sur les résultats du scrutin.
Nous vous proposerons donc d’écarter ce moyen. M. X soutient ensuite que la décision de la commission est insuffisamment motivée.
Il vous suffira toutefois de vous reporter à cette décision pour constater qu’elle comporte l’ensemble des considérations de fait et de droit qui la fonde, qu’elle vise l’ensemble des textes applicables et traite de la demande dans son 4e considérant en indiquant, nous citons, que « compte tenu du nombre de demandes d’autorisations en chirurgie carcinologique gynécologique présentées sur le territoire 75-3 et de l’examen comparatif auquel elle est tenue de procéder, la demande de la clinique du Trocadéro n’est pas apparue prioritaire au regard de l’offre de soins existante sur le territoire et dans les territoires de santé limitrophes ».
Vous pourrez donc écarter ce moyen comme manquant en fait. M. X soutient ensuite que la procédure qui a été suivie en amont de l’examen des demandes d’autorisation et relative à la révision du schéma régional d’organisation des soins est irrégulière en l’absence d’une évaluation qualitative de l’offre de soins.
Toutefois, cette évaluation est incluse dans le volet cancérologie du schéma régional qui comporte une partie consacrée à l’offre de soins francilienne en cancérologie et si le requérant fait grief à ce document de procéder à une description quantitative de l’offre de soins et non à une analyse qualitative, vous pourrez constater, au vu des pièces du dossier, que ce document est très précis.
Le requérant fait grief au projet de volet rénové de cancérologie du schéma régional de ne pas avoir fait l’objet d’un rapport écrit.
L’article R. 6122-19 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable, prévoit en effet que les questions soumises obligatoirement à l’avis du comité régional font l’objet de rapports élaborés par des rapporteurs désignés par le directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation et l’article 14 du règlement intérieur du comité régional prévoit également que ces rapports écrits et circonstanciés sont présentés par les rapporteurs.
Toutefois, un rapport a bien été lu en l’espèce aux membres du comité régional et aucune de ces dispositions ne prévoit sa communication aux membres du comité.
Si le requérant soutient également que les membres de la commission exécutive n’ont pas disposé des documents nécessaires pour se prononcer en toute connaissance de cause, il ressort de l’arrêté du 16 septembre 2008 relatif à la révision du schéma régional que les membres de la commission ont été informés du sens des avis prononcés sur cette question par les différentes instances qui ont eu à connaître de ce dossier.
Selon M. X la commission ne pouvait aller jusqu’à examiner les besoins à couvrir par spécialité de cancer et aurait dû limiter son examen à la catégorie générique des cancers prévue à l’article R.6123-87 du code de la santé publique qui renvoie au 18° de l’article R. 6122-25 du même code qui ne vise que la chirurgie des cancers sans distinguer entre les spécialités en cause.
L’article R. 6123-89 du code de la santé publique dispose toutefois que l’autorisation ne peut être délivrée que si le demandeur respecte les seuils d’activité minimale annuelle arrêtés par le ministre chargé de la santé.
En l’espèce, c’est un arrêté du ministre de la santé en date du 29 mars 2007 qui fixe ces seuils d’activité minimale annuelle et qui distingue, pour ce faire, sous forme de tableau 6 pathologies dans la chirurgie des cancers soumises à seuil.
La commission était donc fondée à procéder à l’examen des demandes par catégorie de cancers.
Examinons maintenant les griefs portant sur le fond du litige. M. X soutient en effet que les autorités en charge de la politique de santé publique ont commis une erreur manifeste d’appréciation en refusant d’autoriser la clinique du Trocadéro à pratiquer la chirurgie des cancers gynécologiques alors qu’ils n’existent plus que de 7 à 9 établissements pour pratiquer cette chirurgie qui comptait pas moins de 10 établissements de santé en 2007.
Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les besoins de Paris Ouest ne soient pas satisfaits actuellement, notamment par l’hôpital Cochin ou encore l’hôpital J K alors que le niveau d’interventions de la clinique reste faible même s’il respecte le seuil d’activité minimal réglementaire et que l’autorité de tutelle attend de cet établissement qu’il s’améliore en termes d’organisation et d’implication dans un réseau.
Si, le requérant soutient, à cet égard, que la commission n’a pas procédé à un examen des mérites respectifs des différentes demandes d’autorisation de chirurgie carcinologique gynécologique présentées pour le territoire de santé, aucun élément ne permet d’établir la réalité de cette allégation.
Et PCMNC : – au rejet de la requête de M. X.

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