CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 09P03084,09P04428

  • Plan·
  • Modification substantielle·
  • Représentants des salariés·
  • Redressement judiciaire·
  • Tribunaux de commerce·
  • Inspecteur du travail·
  • Sociétés·
  • Protection·
  • Entreprise·
  • Délégués du personnel

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : MONTAIGNE FASHION GROUP fait appel du jugement n° 073153

Texte intégral

N° 09PA03084 et 09PA04428 […]
Audience du 17 mai 2010
Lecture du 31 mai 2010
CONCLUSIONS de Mme Anne SEULIN, Rapporteur public
La société MONTAIGNE FASHION GROUP fait appel du jugement n°073153 du Tribunal de Paris du 31 mars 2009 ayant annulé la décision en date du 14 décembre 2006 de l’inspectrice du travail de la section 8 A de Paris s’étant déclarée incompétente pour statuer sur la demande de licenciement de Mme Z X, née le […].
Les faits de l’espèce sont les suivants.
Par un jugement du 30 avril 2001, le tribunal de commerce de Paris a ouvert, sur déclaration de cessation des paiements en date du 10 avril 2001, une procédure de redressement judiciaire relevant du régime général et sous patrimoine commun, conformément aux dispositions de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, à l’égard de la société anonyme REGINA RUBENS et de la société à responsabilité limitée (SARL) REGINA RUBENS SERVICES, qui exploitaient un fonds de commerce de production et de commercialisation de prêt-à-porter féminin haut de gamme.
Dans le cadre de cette procédure collective, Mme Z X, recrutée le 24 août 1999 par la société REGINA RUBENS en qualité de cadre responsable de la distribution, a, à la suite de la déclaration de cessation des paiements du 10 avril 2001, été désignée le 23 avril 2001 représentante des salariés dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire.
Le 17 novembre 2006, l’intéressée a été informée par le président directeur général de la société Montaigne Fashion Group qu’une mesure de licenciement pour faute était envisagée à son encontre et l’entretien préalable a eu lieu le 27 novembre suivant.
Puis, le surlendemain 29 novembre, la société Montaigne Fashion Group a saisi l’inspecteur du travail d’une demande de licenciement pour faute et par décision du 14 décembre 2006, l’inspecteur du travail s’est déclaré incompétent au motif, d’une part, que la protection due à la représentante des salariés avait cessé à la date de la dernière consultation prévue dans le cadre du redressement judiciaire, lequel avait pris fin lorsque le tribunal de commerce avait homologué, le 12 décembre 2002, le plan de continuation de l’entreprise et, d’autre part, que Mme X ne détenait pas d’autre mandat en cours imposant une autorisation administrative de licenciement.
Dans leur décision du 31 mars 2009, les premiers juges ont censuré cette analyse au motif qu’en application des dispositions des articles L. 626-26 et L. 662-4 du code du commerce, Mme Y bénéficiait toujours de la protection accordée aux salariés protégés à la date du 20 novembre 2006 du jugement ayant statué sur la demande de modification du plan de continuation de l’entreprise.
C’est cette analyse qui est aujourd’hui critiquée devant vous par la société Montaigne Fashion Group.
I – Nous répondrons d’abord aux critiques de la société Montaigne Fashion Group relative à la régularité du jugement.
La société appelante soutient que le jugement serait insuffisamment motivé et entaché de contradiction dans ses motifs.
Toutefois, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal a rappelé qu’à l’occasion de la modification du plan de continuation de l’activité de la société requérante prononcée par un jugement du tribunal de commerce de Paris du 20 novembre 2006, l’avis de Mme X, en qualité de représentante des salariés, a été recueilli et qu’ainsi Mme X devait être regardée comme bénéficiant toujours, à cette date, de la protection accordée aux salariés protégés de sorte que les conditions prévues à l’article L. 662-4 du code de commerce n’étaient pas remplies.
Nous estimons que les premiers juges ont indiqué le fondement légal de leur décision puis appliqué ce fondement légal au cas d’espèce, qu’ils n’ont pas entaché de contradiction de motifs leur décision et qu’ils l’ont suffisamment motivée.
Ces deux moyens seront donc écartés.
II – Au fond,
A/ la société Montaigne Fashion Group soutient d’abord que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en faisant application de l’article L. 626-26 du code du commerce, alors que cet article n’était pas applicable à la date du 14 décembre 2006 de la décision attaquée.
Le tribunal administratif s’est en réalité fondé sur deux articles du code du commerce pour rendre sa décision, l’article L. 662-4 et l’article L. 226-26 du code du commerce.
La difficulté vient de ce qu’entre l’ouverture de la procédure collective, le 30 avril 2001 et la fin de cette procédure, le 21 mai 2007, est intervenue la loi n°2005-845 du 26 juillet 2005 qui a modifié les dispositions du code du commerce relatives notamment aux procédures collectives, en déterminant dans ses dispositions transitoires lesquelles des nouvelles dispositions étaient applicables aux procédures collectives en cours.
La loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2006. Son article 191 dispose que « Lors de son entrée en vigueur, la présente loi n’est pas applicable aux procédures en cours, à l’exception des dispositions suivantes résultant de la nouvelle rédaction du livre VI du code de commerce : (…) 8° L’article L. 662-4 ».
Le tribunal administratif n’a donc pas commis d’erreur de droit en appliquant les dispositions précitées de l’article L. 662-4 du code du commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005.
S’agissant en revanche de l’article L. 226-26 du code du commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005, force est de constater que les dispositions transitoires de l’article 191 de la loi ne prévoient pas son application aux procédures collectives en cours.
Il convenait donc de continuer de se référer à l’ancien article L. 621-69 du code du commerce et non, comme l’ont fait les premiers juges, se fonder sur le nouvel article L. 626-26 du code du commerce.
Vous constaterez alors que la seule différence entre ces deux articles est que l’ancien article L. 621-69 code du commerce vise la modification substantielle dans les objectifs et les moyens du plan, semblant exiger le cumul des deux modifications pour trouver application, alors que le nouvel article L. 626-26 du code du commerce vise la modification substantielle dans les objectifs ou les moyens du plans, semblant n’exiger que l’une des deux modifications substantielles pour être applicable.
Mais l’un et l’autre de ces articles pose le principe selon lequel le tribunal de commerce statue sur la modification substantielle apportée au plan de continuation de l’entreprise, après avoir recueilli ou dûment appelé les parties, les représentants du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et toute personne intéressée.
Dès lors, nous vous proposerons de ne pas sanctionner pour erreur de droit la décision des premiers juges et de faire droit à la demande de substitution de base légale proposée par le défendeur, car l’ancien article L. 621-69 du code du commerce applicable à la procédure de redressement judiciaire de la société Montaigne Fashion Group permet tout autant de fonder légalement la décision du tribunal, comme nous vous proposons de le démontrer.
B/ Le moyen principal de la société Montaigne Fashion Group consiste à soutenir que lorsque Mme X, en sa qualité de représentante des salariées, a été invitée par le tribunal de commerce de Paris à donner son avis sur la modification substantielle du plan de continuation de la société Montaigne Fashion Group qui a été accordée par le jugement du 20 novembre 2006, elle ne disposait plus de la protection organisée par l’article L. 662-4 du code du commerce de sorte que c’est légalement que l’inspecteur du travail s’est déclaré incompétent pour connaître de la demande d’autorisation de licenciement que la société Montaigne Fashion Group lui a adressée le 29 novembre suivant.
Il convient à ce stade de rappeler que le représentant des salariés est l’un des organes de la procédure collective ouverte par jugement du tribunal de commerce. Selon sa mission définie à l’article L. 625-2 du code du commerce, il vérifie le passif salarial et peut assister les salariés en cas de contestation de leurs créances et ainsi être amené à aider les salariés dans d’éventuels litiges. C’est le juge commissaire qui fixe alors le temps nécessaire à sa mission qui est considéré de plein droit comme du temps de travail.
Par ailleurs, l’article L. 621-4 du code du commerce, qui fixe le principe de la désignation du représentant des salariés dans le cadre d’une procédure collective, prévoit expressément qu’en l’absence de comité d’entreprise et de délégués du personnel, ce sont les salariés eux-mêmes qui élisent leur représentant et que le représentant des salariés exerce les fonctions dévolues à ces institutions par les dispositions du titre II du livre VI du code de commerce relatif aux difficultés des entreprises.
En plus de la mission qui lui est dévolue à l’article L. 625-2 du code du commerce, le représentant des salariés exerce donc aussi les fonctions dévolues au comité d’entreprise ou aux délégués du personnel.
Une fois désigné, ce représentant doit donc bénéficier dans le cadre de ses fonctions de la protection exceptionnelle accordée aux membres du comité d’entreprise et aux délégués du personnel, prévues aux articles L. 425-1 et L. 436-1 du code du travail et ce n’est sans doute pas par hasard qu’à l’instar de ce qui est prévu pour les salariés protégés, l’article L. 662-4 du code du commerce prévoit que son licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l’inspecteur du travail.
En l’espèce, l’inspecteur du travail s’étant déclaré incompétent au motif que Mme Z X ne bénéficiait plus de la protection exceptionnelle des salariés protégés, vous devez déterminer à quelle date prend fin la protection légale du représentant des salariés dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire et ce n’est pas le plus simple compte tenu de l’imprécision des textes.
Il convient de croiser les dispositions des articles L. 662-4 et L. 621-69 du code du commerce pour tenter de répondre à cette question.
Le dernier alinéa de l’article L. 662-4 dispose dans son dernier alinéa que « Lorsque le représentant des salariés exerce les fonctions du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnels, la protection cesse au terme de la dernière audition ou consultation prévue par la procédure de redressement judiciaire ».
Nous rappellerons aussi les dispositions de l’ancien article L. 621-69 du même code relatif aux modifications substantielles dans les objectifs et les moyens du plan, aux termes desquelles « Le tribunal statue après avoir recueilli ou dûment appelé les parties, les représentants du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et toute personne intéressée (…) ».
Ainsi donc, le représentant des salariés visé à l’article L. 662-4 doit donner son avis en tant que délégué du personnel avant que le tribunal de commerce ne décide d’une modification substantielle dans les objectifs et les moyens du plan de continuation de l’entreprise et, en l’espèce, Mme X a été convoquée à deux reprises par le tribunal de commerce, les 13 décembre 2005 et 20 novembre 2006 pour donner son avis sur les modifications à apporter au plan de continuation de l’entreprise.
Pas plus la jurisprudence administrative que la jurisprudence civile ou commerciale n’a été amenée à préciser ce qu’il convenait d’entendre par « dernière audition ou consultation prévue par la procédure collective » visée à l’article L. 662-4 du code du commerce.
Or, nous ne voyons pas à partir de quel élément l’inspecteur du travail a considéré que la procédure de redressement judiciaire de la société Montaigne Fashion Group s’était arrêtée avec l’adoption, par le jugement du tribunal de commerce de Paris du 16 décembre 2002, du plan de continuation de l’entreprise, dès lors qu’il ressort clairement des développements qui précèdent que l’adoption de ce plan d’exécution n’a pas signifié pour autant son exécution, puisqu’il est apparu nécessaire de lui apporter des modifications substantielles afin d’en permettre précisément l’exécution.
A cet égard, vous constaterez que la modification substantielle du plan accordée par le jugement du 20 novembre 2006 du tribunal de commerce a précisément eu pour objet de permettre à la société Montaigne Fashion Group de sortir par anticipation du plan de continuation de l’entreprise prévu initialement pour une durée de dix ans, en permettant la cession pour une somme de 2 millions d’euros du fonds de commerce situé au 207 rue Saint-Honoré à Paris 1er afin d’apurer par anticipation le passif restant et sortir ainsi du plan de continuation au bout de seulement cinq ans.
A cet égard encore, il ne vous appartient pas de remettre en cause l’appréciation portée par le tribunal de commerce de Paris sur le caractère substantiel de cette modification, le tribunal de commerce s’étant en effet placé sur ce terrain en visant expressément l’article L. 621-69 du code de commerce.
Par ailleurs, l’exécution complète du plan de continuation de la société Montaigne Fashion Group a été constatée par jugement du tribunal de commerce de Paris du 21 mai 2007, le juge commercial ayant également mis fin à la mission du commissaire à l’exécution du plan et ordonné la radiation des mentions du registre du commerce et des sociétés relatives à la procédure collective.
Nous estimons alors que c’est seulement ce jugement du 21 mai 2007 qui a mis fin à la procédure de redressement judiciaire ouverte le 30 avril 2001 à l’encontre des sociétés Régina Rubens et Régina Rubens Services, devenues par la suite la société Montaigne Fashion Group. Le redressement de l’entreprise n’a en effet été acquis qu’une fois l’exécution du plan de continuation de l’entreprise.
Si vous nous suivez dans cette interprétation des textes, cela signifie que si l’audition le 13 novembre 2006 de Mme X est apparu rétrospectivement comme ayant été la dernière audition ou consultation prévue par la procédure collective de redressement judiciaire de la société Montaigne Fashion Group, cela n’était pas pour autant acquis à la date de cette audition puisque la fin du redressement judiciaire de l’entreprise n’a été constatée que six mois plus tard, le 21 mai 2007. Mme X aurait pu être de nouveau entendu dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire si la modification substantielle adoptée le 20 novembre 2006 n’avait pas permis l’exécution complète du plan de continuation.
Il nous semble ainsi que, saisi d’une demande d’autorisation de licenciement pour faute, et non pour motif économique comme il est inexactement indiqué dans la décision attaquée du 14 décembre 2006, l’inspecteur du travail ne pouvait déduire au moment où il s’est prononcé, le 14 décembre 2006, que l’audition du 13 novembre 2006 de Mme X était la dernière au sens de l’article L. 662-4 du code du commerce alors que le plan de continuation de la société Montaigne Fashion Group était toujours en cours d’exécution.
Si vous nous suivez, vous déciderez qu’il résulte de la combinaison des articles L. 662-4 et de l’ancien article L. 621-69 du code du commerce, dont les dispositions sont reprises dans les conditions que vous savez par le nouvel article L. 626-26 de ce code, que la fin de la procédure de redressement judiciaire visée à l’article L. 662-4 du code du commerce n’intervient qu’une fois que le plan de continuation de l’entreprise a été entièrement exécuté et que tant que ce plan de continuation est en cours et que le représentant des salariés peut être appelé à devoir donner son avis, il bénéficie de la protection exceptionnelle instituée par l’article L. 662-4 susvisé. Mme X doit donc être regardée comme ayant bénéficié de la protection exceptionnelle accordée aux représentants des salariés jusqu’à la date du 21 mai 2007 à laquelle le tribunal de commerce de Paris a mis fin à la procédure de redressement judiciaire de la société Montaigne Fashion Group.
Dès lors, l’inspecteur du travail était bien compétent pour se prononcer sur la demande d’autorisation de licenciement pour faute de cette salariée, de sorte que la société Montaigne Fashion Group n’est pas fondée à se plaindre que par leur décision du 31 mars 2009, les premiers juges ont annulé la décision attaquée du 14 décembre 2006.
Enfin, dès lors que nous prononçons des conclusions sur le fond, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la requête n°09PA004428 tendant au sursis à exécution du jugement attaqué.
PCMNC – à ce qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la requête n°09PA004428.
- au rejet de la requête n°09PA03084 de la société Montaigne Fashion Group et à sa condamnation à verser à Mme X la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 09P03084,09P04428