CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 01PA00219

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CE 7 janvier 2000 n° 186924 SA WINTERTHUR RJF 2/00 n° 198
CE Ass. 12 avril 2002 n° 239693 SA Financière Labeyrie RJF 6/02 n° 673
CEDH cf CE 28 juillet 2000 n° 184510

Texte intégral

Affaire n° 01/00219
Sté WINTERTHUR VIE
Lecture du 21 janvier 2005
Conclusions de Monsieur Z A, commissaire du gouvernement **********
La société d’assurance WINTERTHUR VIE, dont le siège social est en Suisse, dispose en France d’un établissement stable à La Défense. Elle a fait l’objet d’une vérification de comptabilité au titre des exercices clos les 31 décembre 1988 et 1989 à la suite de laquelle l’administration, d’une part, a remis en cause l’application par la société de la proportion distributions effectives/bénéfice mondial aux bénéfices réalisés en France pour le calcul de la retenue à la source exigible en vertu des articles 115 quinquies et 119 bis 2 du CGI et, d’autre part, a tenu compte pour ce calcul des rehaussements effectués en matière d’IS au titre des mêmes exercices 1988 et 1988.
Les redressements ont été notifiés par lettres des 8 juillet et 13 août 1991 et confirmés par lettre du 18 septembre 1991. La retenue à la source a été mise en recouvrement par avis du 20 mai 1992.
Après réclamation de la société le 16 juin 1992, cette retenue a fait l’objet d’un 2nd AMR le 16 décembre 1994, le 1er titre étant affecté d’un vice de forme.
A la suite de ce 2e avis, la société a écrit une lettre confirmant son souhait de bénéficier du sursis de paiement et rappelant sa réclamation du 16 juin 1992.
Après rejet de sa réclamation le 11 janvier 1995, la société WINTERTHUR VIE a saisi le tribunal administratif de Paris du litige relatif à la retenue à la source au titre de 1988 et 1989 et portant à la fois sur la restitution d’impositions primitives considérées comme un trop-versé à hauteur de la somme totale de 300.934 F et des impositions supplémentaires s’élevant à 366.991 F outre 22.527 F d’intérêts de retard pour 1988 et 349.534 F outre de même 631 F, soit au total la somme de 739.683F, comprenant la somme de 716.525 F en droits et 23.158 F en intérêts de retard.
Les premiers juges ont rejeté ces deux catégories de conclusions pour irrecevabilité par un jugement du 8 novembre 2000 dont la société fait régulièrement appel en tant que le jugement rejette ses conclusions au titre des impositions supplémentaires. Le litige en appel porte donc sur la somme de 739.683F.
La société soutient à bon droit que la lettre du 6 janvier 1995 constituait une réitération de sa réclamation après intervention du 2e AMR. Par suite vous annulerez le jugement et évoquerez l’affaire.
1° La société critique en premier lieu la régularité de la procédure d’imposition
L’administration a produit dès la 1re instance l’acte de titularisation de M X en qualité d’inspecteur des impôts à compter du 1er septembre 1983 et son acte d’affectation à la brigade des vérifications générales de la DVNI à compter du 3 septembre 1990. La société est donc mal venue de mettre de nouveau en doute en appel sa compétence pour effectuer la vérification de comptabilité en cause.
Il en va de même en ce qui concerne l’avis de vérification dont elle a accusé réception le 2 janvier 1991, accusé produit en 1re instance, alors que les opérations ont commencé le 11 janvier et qu’elle a donc pu disposer d’un délai suffisant.
Les notifications de redressement ainsi que la réponse aux observations du contribuable sont suffisamment motivées en fait et en droit, le tableau de calcul de la retenue étant parfaitement compréhensible contrairement à ce que soutient la société. L’allusion à la doctrine administrative ne fonde pas l’impôt mais indique à la société les modalités de demande d’une révision de la liquidation de la retenue à la source.
Les impositions ont été assorties de l’intérêt de retard. La société ne peut donc se plaindre que les taux annuels ne sont pas explicités.
Enfin si, dans la réponse aux observations du contribuable, l’administration se réfère à la doctrine, c’est en réponse à la société qui s’en prévalait en ce qu’elle permet aux sociétés étrangères de limiter le versement de la retenue à la source.
M Y, inspecteur, pouvait signer l’AMR du 19 décembre 1994 en vertu de la délégation légale prévue par l’article L. 257 A du LPF sans avoir à justifier d’une délégation individuelle de pouvoir.
Cet AMR est suffisamment motivé au regard des prescriptions de l’article R 256-1 du LPF dès lors qu’il se réfère à la notification de redressement du 8 juillet 1991 mettant la société en mesure de connaître les éléments de calcul des impositions.
2° La société critique en second lieu le bien-fondé des impositions 2-1 Elle fait valoir que le 1 de l’article 115 quinquies est contraire à plusieurs stipulations internationales seules ou combinées
Le 2 de l’article 119 bis prévoit une retenue à la source de l’impôt sur le revenu, dont le taux est fixé par l’article 187-1 lorsque les produits bénéficient à des personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France, concernant les produits visés aux articles 108 à 117 bis, c’est-à-dire les produits des actions et parts sociales et les revenus distribués assimilés.
En vertu des dispositions du 1 de l’article 115 quinquies du CGI, les bénéfices réalisés en France par les sociétés étrangères sont réputés distribués, au titre de chaque exercice, à des associés n’ayant pas leur domicile fiscal en France ou leur siège social en France. Les bénéfices visés au 1er alinéa s’entendent du montant total des résultats, imposables ou exonérés, après déduction de l’impôt sur les sociétés.
1° La société soutient que la présomption qui pèse sur la société étrangère et met ainsi à sa charge la preuve que les bénéfices n’ont pas été distribués à des associés fiscalement étrangers ou n’ont pas été intégralement distribués est contraire au droit à un procès équitable.
Elle invoque le principe de l’égalité de tous devant les tribunaux et les cours de justice prévu par l’article 14 §1 du pacte international des droits civils et politiques ainsi qu’au droit à un procès équitable prévu par l’article 6§1 de la CEDH
Mais ces stipulations ne sont pas applicables aux contestations relatives aux impositions, lesquelles n’ont le caractère ni d’une contestation sur des droits ou obligations de caractère civil, ni d’une accusation en matière pénal hormis les contestations propres aux pénalités constitutives d’une sanction et ces moyens sont inopérants. Pour l’art 6§1 CEDH cf CE 28 juillet 2000 n° 184510 Vanackere RJF 11/00 n° 1396 2° Elle soutient également que cette présomption crée une discrimination entre sociétés étrangères et sociétés françaises au regard du droit à un procès équitable
Elle fait valoir à cet égard que « une telle discrimination est contraire tant à l’article 6 combiné avec l’article 2 du PIDCP qu’à l’article 6 combiné avec l’article 14 de la CEDH »
La combinaison des articles 6 (sans précision) et 2 du Pacte laisse songeur. Il ne peut s’agir de l’article 6 du Pacte, lequel est relatif au droit à la vie. Il s’agit donc de l’article 6 de la CEDH et de l’article 2 du Pacte relatif à la possibilité de disposer d’un recours utile. L’expression de combinaison de ces stipulations est dépourvue de sens juridique.
Quoi qu’il en soit, l’article 6 de la CEDH seul ne pouvant être invoqué ratione materiae, il ne peut pas plus l’être en combinaison avec l’article 2 du Pacte ou 14 de la CEDH 3° Elle soutient enfin que ces dispositions de la loi fiscale française sont contraires aux stipulations combinées de l’article 1er du protocole additionnel à la CEDH et de l’article 14 de cette convention, en tant qu’elles instituent une discrimination entre sociétés étrangères et sociétés françaises dans le droit au respect de leurs biens
L’invocation de ces stipulations combinées n’est pas inopérante s’agissant de discriminations alléguées entre contribuables Avis CE Ass. 12 avril 2002 n° 239693 SA Financière Labeyrie RJF 6/02 n° 673
Toutefois cette discrimination se justifie par la différence de situation entre sociétés étrangères et sociétés nationales.
Signalons que, postérieurement, le 3 de l’article 115 quinquies du CGI issu de la législation postérieure, à savoir l’article 23 de la loi n° 97-1239 du 29 décembre 1997 a pris en compte la discrimination que les dispositions françaises créaient par rapport aux entreprises des autres Etats membres des Communautés européennes. Mais la discrimination se justifie encore entre sociétés des Etats membres et sociétés du reste du monde.
2-2 La société soutient que la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 fait obstacle à l’application de la retenue à la source
En vertu de l’article 10 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966, dans sa rédaction issue de l’avenant du 3 décembre 1969 alors en vigueur, les sociétés qui sont des résidents de Suisse et qui possèdent un établissement stable en France restent soumises en France à la retenue à la source dans les conditions prévues par la législation interne française, étant entendu que le taux applicable est de 5%
Ces dispositions dérogent ainsi au taux général de 25% (1 de l’article 187 du CGI) mais maintiennent donc le mécanisme français de retenue à al source.
La société est mal venue d’invoquer l’article 26 de la convention prohibant toute discrimination fiscale entre nationaux de chaque Etat puisque le 3 de cet article mentionne explicitement que « Les dispositions du présent paragraphe ne font pas obstacle à l’application des dispositions de l’article 10 »
Signalons qu’un avenant du 22 juillet 1997 a certes supprimé l’article 10 mais seulement à compter des exercices arrêtés à compter du 1er août 1998.
2-3 Enfin la société conteste l’application qui a été faite de l’article 115 quinquies du CGI 1° Elle fait valoir que les dispositions de cet article prévoyant la déduction des résultats du montant de l’impôt sur les sociétés ne peuvent faire l’objet d’une interprétation restrictive mais sans préciser la portée de ce moyen et notamment quelles autres impositions devraient être déduites.
2° Elle soutient que les PVLT destinées à être mises en réserve ne pouvaient être incluses dans l’assiette de la retenue. Toutefois l’article 379 de l’annexe II au CGI prévoit que la déclaration que les sociétés étrangères doivent souscrire en vue de la liquidation de la retenue à la source doit mentionner les bénéfices et plus-values à retenir pour l’assiette de l’IS et les bénéfices et plus-values réalisés en France et exonérés de l’IS. Les plus-values font donc bien partie de l’assiette et il nous semble que la société ne l’ignore d’ailleurs pas si l’on se réfère à l’affaire CE 7 janvier 2000 n° 186924 SA WINTERTHUR RJF 2/00 n° 198 conclusions G. Bachelier BDCF 2/00 n° 21 3° Elle fait valoir enfin qu’il ne devait être tenu compte que d’une fraction des bénéfices de son établissement situé en France
Le 2 de l’article 115 quinquies du CGI prévoit que : « Toutefois, la société peut demander que la retenue à la source exigible en vertu des dispositions du 1 et de celles du 2 de l’article 119 bis fasse l’objet d’une nouvelle liquidation dans la mesure où les sommes auxquelles elle a été appliquée excèdent le montant total de ses distributions effectives. / L’excédent de perception lui est restitué / Il en est de même dans la mesure où elle justifie que les bénéficiaires de ces distributions ont leur domicile fiscal ou leur siège en France et qu’elle leur a transféré les sommes correspondant à la retenue. »
La société peut s’appuyer sur ces dispositions relatives au mécanisme de restitution totale ou partielle de la retenue pour demander la limitation de la retenue à ses distributions effectives. Mais le bénéfice d’une nouvelle liquidation de la retenue à la source sur la base des distributions effectives ne peut être accordé que si le montant total des distributions effectives auxquelles la société a procédé au cours de la période de référence est inférieur au montant des bénéfices réalisés en France et retenus pour le calcul de cette retenue comme base provisoire en vertu de la présomption de distribution de la totalité de leur montant. Dès lors, le montant total des distributions effectives ne peut, contrairement à ce que soutient la société qui pourtant ne devrait pas l’ignorer, ne peut être calculé par application aux bénéfices réalisés en France du rapport entre les distributions globales effectives de la société et son bénéfice mondial CE 7 janvier 2000 SA WINTERTHUR précité
PCM nous concluons au rejet de la requête de la société WINTERTHUR VIE

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