CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 01PA00551

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CE 12 mai 1997, n° 140 910, DF 1997, com 1099
CE 28 janvier 1998 Epoux Merrain et autres n° 160042
CE 4 juillet 1997 Association « Lei Ravilhe Pastre » n° 155969
CE Section 29 décembre 2000 CPAM de Grenoble n° 188378

Texte intégral

01PA00551 […]
Lecture le 31/12/2004
Conclusions de M. X, Commissaire du Gouvernement
Le litige fiscal venant d’être appelé va vous inciter pour l’avenir à la clémence lorsque un petit commerçant vous saisira d’une affaire concernant la TVA puisque vous vous rendrez compte que les règles de liquidation de cette imposition sont si complexes que même les polytechniciens ont du mal à les comprendre…
Etablissement public placé sous la tutelle du ministre chargé de la défense nationale et ayant pour mission, selon l’article 1er de la loi n°70-631 du 15 juillet 1970, de « donner à ses élèves une culture scientifique et générale les rendant aptes à occuper , après formation spécialisée, des emplois de haute qualification ou de responsabilité à caractère scientifique, technique ou économique, dans les corps civils et militaires de l’Etat et dans les services publics et , de façon plus générale, dans l’ensemble des activités de la nation », l’école polytechnique n’est pas assujettie à la T.V.A pour son activité d’enseignement mais l’est en revanche depuis le 1er janvier 1979 pour les activités de recherche fondamentale ou appliquée facturées à des tiers.
Comme le lui a obligeamment rappelé le ministre chargé du budget dans une lettre datée du 7 mars 1988 à laquelle était annexée une fiche intitulée « TVA-Règles applicables à l’école polytechnique », cet assujettissement partiel à la TVA entraîne en matière d’exercice du droit à déduction l’application de règles assez techniques, et notamment celle de constituer des secteurs distincts dans sa comptabilité et de ne déduire la TVA ayant grevé des dépenses mixtes qu’en fonction du prorata.
L’école, en dépit de la qualité de la matière grise qui y est concentrée, semble avoir eu le plus grand mal à appliquer ces règles et comme l’expliquait en première instance son représentant, a laissé s’accumuler dans sa comptabilité de prétendus crédits de TVA reportés de budgets en budgets à cause des difficultés rencontrées avec les services fiscaux pour se les faire rembourser.
Vous trouvez ainsi au dossier une lettre datée du 9 février 1993 adressée par son directeur général au DSF de l’Essonne pour lui faire savoir que les douze déclarations de TVA de l’année 1992 avait été faite selon les modalités indiquées en 1988 et qu’elles faisaient apparaître un crédit de TVA d’un montant de 1 252 256 F. Le directeur général précise également que « les décomptes ont été refaits au titre des exercices 1990 et 1991. Il s’avère qu’à l’époque une somme de 5 588 658 F a été opérée ( sic) à tort. De ce fait, un crédit de TVA de 827 673 F subsiste encore à l’avantage de l’école polytechnique ». Enfin, il explique qu’il n’est pas en mesure de satisfaire à la demande de déclarations rectificatives concernant ces deux années car l’école « ne dispose pas de ventilation mensuelle par secteur d’activité ».
Après la publication de l’instruction du 17 septembre 1993 intitulée « Régime de TVA applicable aux établissements publics d’enseignement », publiée sous la référence 3 A-9-93 au BOI n°185 du 24 septembre 1993, l’école est revenue à la charge par une lettre datée du 21 janvier 1994 dans laquelle elle renie ce qu’elle avait reconnu dans sa lettre du 9 février 1993 et réclame le remboursement de l’intégralité des crédits de TVA auxquels elle prétend avoir droit. Vous pouvez lire au dossier la réponse datée du 17 novembre 1994, par laquelle le DSF 91 annonce à son directeur qu’il est prêt à lui rembourser les crédits de TVA des années 1992 et 1993 mais qu’il ne remboursera que la somme de 827 673 F évoquée dans la lettre du 9 février 1993 au titre des années 1990 et 1991.
Mais l’école n’a pas admis cette position et s’est mise sur le pied de guerre pour la contester. Elle a présenté au DSF le 2 janvier 1995 un formulaire n° 3519 de demande de remboursement de crédits de taxes pour un montant global de 9 480 308 F correspondant au cumul des crédits de TVA qu’elle prétend détenir au titre des quatre années précitées.
Le DSF n’a pas capitulé et, par une décision en date du 9 février 1995, il a accepté le remboursement des crédits de TVA des années 1992 et 1993, ainsi que de la fraction de ceux des années antérieures évoquées dans sa précédente lettre. Mais il a rejeté la demande en ce qui concerne le surplus, soit 5 588 658 F, en rappelant à l’école qu’elle avait elle-même reconnu avoir opéré à tort les déductions à l’origine des crédits en litige.
Ayant perdu une première bataille, l’école a continué le combat devant le TAV pour essayer de récupérer cette somme. Mais par un jugement lu le 9 novembre 2000, le TA lui a fait essuyer une seconde défaite. Elle relève appel à l’extrême limite du délai de deux mois qui lui était imparti mais il n’est pas anormal qu’un tel établissement aime à jouer avec le feu…
Elle critique en premier lieu la régularité du jugement en soutenant qu’il est insuffisamment motivé.
Devant le TA, l’école, dans les deux mémoires qu’elle a produits, n’a jamais placé le débat sur le terrain de la loi fiscale mais a en revanche invoqué, outre l’instruction susmentionnée du 24 septembre 1993, l’instruction n°94-014-M9 du 8 février 1994 prise sous le timbre de la direction de la comptabilité publique et publiée au bulletin officiel de la comptabilité publique.
Les premiers juges, comme ils en avaient l’obligation, ont d’abord examiné le litige au regard de la loi fiscale en relevant que l’école « ne conteste pas que, si elle avait fait une application des règles de la TVA conforme à la loi fiscale, les crédits de taxe générés au titre de ces deux années auraient été de 827 673 F et non de 6 416 331 F ». Puis, estimant que l’école, qui n’avait cité dans ses écritures aucun des alinéas de l’article L.80LPF, s’était implicitement placée sur le terrain du A de cet article, ils lui ont répondu que « les instructions susmentionnées, en tant qu’elles prescrivent une mesure de tempérament en faveur des établissements publics d’enseignement assujettis à la TVA, ne contiennent aucune interprétation du texte fiscal dont le contribuable aurait pu faire application ».
Les premiers juges, compte tenu du caractère peu argumenté des écritures de première instance, n’avaient pas à en dire plus pour justifier leur refus de classer les paragraphes invoqués des deux instructions dans la catégorie des doctrines entrant dans le champ d’application de l’article L.80A LPF. Leur jugement est par suite suffisamment motivé.
Nous aborderons en deuxième lieu une question de recevabilité de la demande de prem instance.
La consultation du DPI révèle que vos collègues ont eu un doute sur la recevabilité de la demande présentée au nom de l’école par son secrétaire général agissant au nom de son directeur général. Les parties ont ainsi été informées, le 5 juillet 2000, en application de l’article R.153-1 du CTA-CAA alors en vigueur, de ce que le TA était susceptible de soulever d’office un moyen d’ordre public tiré de l’irrecevabilité de la demande à cause de l’absence de délibération du conseil d’administration de l’école autorisant l’action en justice et d’absence de délégation de signature consentie au secrétaire général l’habilitant à signer la demande.
Le 27 juillet suivant , l’école a produit un relevé de décisions du conseil d’administration du 2 mai 1995 mentionnant la délibération autorisant le directeur à engager une action judiciaire contre la direction des services fiscaux de l’Essonne au sujet du litige qui l’oppose (sic) en matière de remboursement de crédits de TVA. Elle a également produit la délégation de signature consentie le 3 octobre 1994 par le général Marescaux, directeur général de l’école, à Mme Y, son secrétaire général.
Les premiers juges ont finalement rejeté la demande au fond et vous ne savez donc pas avec certitude s’ils ont été convaincus par ces productions. La question étant pour vous d’ordre public, il convient tout de même que vous la réexaminiez.
Le décret n° 71- 707 du 25 août 1971 relatif à l’organisation et au régime administratif et financier de l’école polytechnique prévoit à son article 4 que le conseil d’administration décide des actions en justice et à son article 10 que le directeur général représente l’école en justice. Par ailleurs, le directeur général peut déléguer sa signature pour accomplir « certains actes relatifs à certaines de ses attributions », telle est la rédaction peu orthodoxe de l’article 13 du décret.
Mais à la lecture de la délégation de signature consentie à Mme Y, vous pouvez sérieusement vous demander si elle inclut la signature d’une demande en justice. En effet, cette délégation ne vise nullement de manière explicite l’action en justice et la seule rubrique à laquelle vous pourriez songer à la rattacher est celle définie en ces termes « toutes correspondances administratives et toutes décisions n’impliquant pas la modification de structures ou ne mettant pas en cause des questions de principe ».
A à la réflexion , nous doutons fort que cette catégorie fourre-tout puisse inclure la représentation en justice. Elle ne doit pas être interprétée trop extensivement car, en principe, une délégation de signature ne peut être totale, le texte de l’article 13 le rappelle d’ailleurs opportunément. Or un mémoire soumis à une juridiction n’est ni une correspondance administrative, ni une décision. Par ailleurs, vous nous permettrez par respect pour la dignité de l’institution à laquelle nous appartenons de penser qu’une délégation de signature habilitant à agir en justice doit être expresse. Enfin, une délégation de signature qui prend la peine de viser sous une rubrique spéciale « les ordres de mission concernant les dépenses des personnels » ne peut être interprétée comme ayant englobé la représentation en justice dans une catégorie définie largement qui doit s’entendre comme visant des décisions courantes, confinant à la mesure d’ordre intérieur, ce que n’est pas la signature d’un mémoire en attaque ou en défense.
Vous avez informé l’école de ce que vous vous pencheriez à nouveau sur la question de la recevabilité de sa demande de prem instance et celle-ci a entrepris de la régulariser en vous transmettant ses écritures devant le TA signées par l’autorité compétente. Mais la régularisation devant le juge d’appel n’est possible que dans le cas où le juge de prem instance n’a pas invité le demandeur à régulariser, à néanmoins fait droit à sa demande et où cette irrégularité est débattue en appel ( CE Section 29 décembre 2000 CPAM de Grenoble n°188378). Or en l’espèce, le TA a fait application de l’article R.153-1, ce qui équivaut à une demande de régularisation (CE 28 janvier 1998 Epoux Merrain et autres n°160042 aux T du L). Dans les autres cas, la régularisation n’est pas possible postérieurement à la lecture du jugement attaqué ( CE 4 juillet 1997 Association « Lei Ravilhe Pastre » n°155969, au L).
Nous vous proposons par suite de juger que la demande de première instance était irrecevable et que l’école n’est par suite pas fondée à se plaindre de son rejet.
Si vous n’êtes pas d’accord avec cette solution, nous en venons en troisième lieu au fond du litige.
Vous écarterez aisément le moyen tiré de ce que le TA aurait affirmé à tort que l’école ne contestait pas avoir mal appliqué la loi fiscale. Si l’école est revenu dans sa lettre du 21 janvier 1994 sur celle du 9 février 1993, c’est uniquement à cause de la publication de l’instruction du 17 septembre 1993 qui lui a fait penser qu’elle pourrait obtenir le remboursement des crédits de TVA des années 1990 et 1991 même si ces derniers résultent d’une application incorrecte de la loi fiscale. L’école n’a jamais prétendu s’être conformée à celle-ci et essaye seulement de tirer parti d’instructions qu’elle interprète comme lui ouvrant droit à un remboursement de crédits de TVA contra legem.
Voyons donc quel est le contenu des instructions invoquées sur tous les terrains possibles par l’école en appel.
Celle de 1993 détaille de manière très complète le régime de TVA applicable aux établissements d’enseignement supérieur et se termine par un paragraphe VI intitulé Règlement du passé, rédigé comme suit : « Compte tenu des incertitudes sur les règles de TVA applicables aux établissements concernés, il a été décidé de ne pas remettre en cause la situation des établissements publics d’enseignement qui n’auraient pas appliqué les règles d’imposition décrites ci-dessus pour la période antérieure à la date de publication de la présente instruction ».
Celle de 1994, qui s’adresse aux agents comptables des établissements publics nationaux d’enseignement supérieur, a le même objet que l’instruction publiée au BOI et précise dès son préambule : « S’agissant de l’apurement du passé , afin de faciliter la mise en application de la présente instruction, le ministre du budget a décidé de ne pas remettre en cause la situation fiscale des établissements publics nationaux d’enseignement qui n’auraient pas appliqué correctement les règles d’imposition de la TVA pour la période antérieure au 1er janvier 1994. En conséquence, les crédits de TVA détenus par les établissements leur seront remboursés sur leur demande dans les conditions habituellement en vigueur ».
L’école invoque devant vous, à titre principal, l’article 1er du décret du 28 novembre 1983 pour opposer à l’administration les préconisations des instructions précitées. Mais votre jurisprudence entend strictement la notion d’instructions « qui ne sont pas contraires aux lois et règlements », seules de nature à pouvoir être opposées à l’adm en vertu de ce texte. ( voir par exemple, pour l’instruction relative à l’interlocuteur départemental, CE 12 mai 1997 , n°140 910, DF 1997, com 1099, avec les concl de M. Loloum ). Or les instructions en cause, en tant qu’elles prescrivent aux agents des impôts de ne pas appliquer la loi fiscale, sont manifestement illégales puisque vous jugez depuis fort longtemps que l’adm ne peut légalement agir en ce sens. Elles n’entrent donc pas dans le champ d’application de l’article 1er du décret du 28 novembre 1983.
A titre subsidiaire, et s’agissant de l’instruction de 1994, l’école se place devant vous sur le terrain de l’article L.80B LPF. Mais ce texte ne fait que constituer une extension de la garantie contre les changements de doctrine prévue au premier alinéa de l’article L.80A, c’est à dire que l’adm ne peut procéder à aucune rehaussement d’imposition primitive lorsqu’elle a formellement pris position sur l’appréciation d’une situation de fait au regard d’un texte fiscal. Or dans la présente affaire, vous n’êtes pas en présence du rehaussement d’une imposition primitive et l’article L.80B n’est à notre sens pas susceptible de s’appliquer. Nous ajouterons que l’article L.80B a été introduit dans l’ordonnancement juridique pour compléter la garantie contre les changements de doctrine de l’article L.80A en l’étendant aux prises de positions individuelles de l’adm sur la situation d’un contribuable donné, ce que ne permettait pas la jurisprudence dégagée dans le cadre de l’application de l’article L.80A. Les mentions précitées de l’instruction de 1994 adressée aux agents comptables de l’ensemble des établissements visés par celle-ci n’entrent manifestement pas dans ce cadre.
A titre plus subsidiaire, l’école conteste la qualification des instructions précitées opérée par le TA au regard de l’article L.80LPF. Nous sommes pour notre part d’accord avec les premiers juges pour affirmer que ces instructions, au moins en ce qu’elles préconisent de ne pas appliquer la loi fiscale, ne sont pas des interprétations formelles de celle-ci au sens de l’article L.80A LPF. Elles n’énoncent en effet aucune règle précise relative à l’assiette de l’imposition résultant d’une interprétation de la loi fiscale donnée par l’administration, susceptible d’avoir été appliquée par le contribuable de bonne foi et dont l’administration ne pourrait dès lors remettre en cause l’application, même si celle-ci n’était pas conforme à la loi. Vous ne devez pas à notre sens interpréter trop extensivement l’article L.80 A LPF, qui constitue un mécanisme pouvant apparaître dans certains cas comme constituant une rupture de l’égalité devant les charges publiques. Or vous agiriez à notre sens ainsi en faisant rentrer dans son champ d’application une instruction qui préconise de ne pas appliquer la loi fiscale parce qu’elle était difficile à appliquer et qui réserve cette faveur à une catégorie de contribuables bien particulière.
Le rejet de la requête nous apparaît comme également possible au fond mais nous vous proposons à titre principal de relever d’office l’irrecevabilité de la demande de prem instance.
PCMNC, nous concluons au rejet de la requête de l’école Polytechnique, y compris ses conclusions tendant à l’application de l’article L.761-1 puisqu’elle est partie perdante.

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Textes cités dans la décision

  1. Loi n° 70-631 du 15 juillet 1970
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CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 01PA00551