CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 09P02344

  • Médecin du travail·
  • Établissement·
  • Autorisation de licenciement·
  • Inspecteur du travail·
  • Poste·
  • Enseignement privé·
  • Physique·
  • Syndicat·
  • Entretien préalable·
  • Reclassement

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CAA Lyon 27novembre 2008 Ministre de l' emploi c/ M. B, n° 06LY01786 et 06LY02355
CAA Lyon, 2 février 2010, Association les amis des Bauges, n° 08LY02006
CAA Marseille 8 janvier 2008 société DELL, n° 06MA00296
CAA Nancy 2 mars 2009 Mme F G et ministre des transports, n° 07NC0087
CAA Paris 1er mars 2010 M. D E, n° 09PA01457
CCass 14 mai 1997 n° 95-45238
C.E. 25 mars 1983 M. Z, n° 1124
C.E. 7 octobre 2009, M. A, n° 319107

Texte intégral

N° 09PA02344 Mme C Y et SYNDICAT NATIONAL DE L’ENSEIGNEMENT PRIVE
Audience du 29 novembre 2010
Lecture du 13 décembre 2010
CONCLUSIONS de Mme Anne SEULIN, Rapporteur public
Le 16 janvier 1996, Mme C Y a été recrutée à mi temps par le lycée polyvalent privé Jules X en qualité d’agent administratif dans le cadre d’un contrat initiative emploi. L’intéressée donnant satisfaction dans ses fonctions, il lui a été proposé d’occuper les fonctions de conseillère d’éducation, sur une quotité de 84% d’un temps complet à partir du 1er février 1997.
Puis, Mme Y a été désignée le 26 mars 1999 déléguée syndicale par le syndicat national de l’enseignement privé (SYNEP), affilié à la CFE-CGC, au moment même où le lycée a changé de chef d’établissement.
Les relations se sont alors dégradées avec la direction de l’établissement, qui a entamé une procédure de licenciement pour motif économique à l’automne 1999, procédure refusée tant par l’inspecteur du travail que par le ministre de l’emploi. Il faut par ailleurs noter qu’il existe une opposition au sein de l’établissement entre la CFDT, syndicat historique majoritaire chez les enseignants de cet établissement et certains personnels ayant décidé de monter une section syndicale du SYNEP. Mme Y a été placée en congé maladie à compter du 11 mars 2004. Elle a vu le médecin du travail lors de sa visite de reprise du 5 janvier 2005. A l’issue d’une seconde visite qui s’est tenue le 16 février 2005, le médecin du travail a déclaré Mme Y inapte à tout poste dans l’établissement. Mme Y a été convoquée par courrier du 2 mars 2005 à un entretien préalable à son licenciement pour inaptitude physique. L’entretien s’est déroulé le 10 mars suivant et le lycée a demandé le jour même l’autorisation de la licencier.
L’inspecteur du travail, particulièrement sollicité par Mme Y et son syndicat entre 1999 et 2003 sur la question de la suppression du comité d’entreprise de l’établissement, a, par décision du 6 juin 2005, refusé l’autorisation de licencier l’intéressée au motif qu’il y avait un lien entre la demande d’autorisation et le mandat de déléguée syndicale de la salariée. Mais par une décision du 20 septembre 2005, le ministre, saisi d’un recours hiérarchique par le lycée Jules X, a annulé la décision de l’inspecteur du travail et autorisé le licenciement de Mme Y. Mme Y et le syndicat national de l’enseignement privé font aujourd’hui appel du jugement du 18 février 2009 du TAP ayant rejeté sa demande dirigée contre la décision du ministre du 20 septembre 2005 autorisant son licenciement pour inaptitude physique.
1. En premier lieu, vous constaterez que le SYNEP a bien intérêt pour agir pour demander l’annulation de la décision autorisant le licenciement d’un de ses délégués syndicaux, car cette décision touche aux intérêts collectifs des salariés qu’il représente : C.E. 25 mars 1983 M. Z, n°1124.
2. Plusieurs moyens sont ensuite soulevés sur la régularité de la procédure de licenciement.
a) Mme Y soutient d’abord que le délai de cinq jours ouvrables prévu à l’article L. 122-14 du code du travail dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée, entre la remise de la convocation à l’entretien préalable et la tenue de cet entretien, n’a pas été respecté car le samedi ne devait pas être compté comme un jour ouvrable dès lors qu’il n’est pas habituellement travaillé dans l’établissement.
Il ressort des pièces du dossier que la lettre de convocation datée du 2 mars 2005 a été remise à Mme Y le jeudi 3 mars 2005 et que l’entretien a eu lieu le jeudi 10 mars.
Selon la jurisprudence judiciaire, seuls les jours fériés ou chômés, tels que le 11 novembre ou le dimanche, ne sont pas des jours ouvrables au sens des dispositions susvisées : CCass 14 mai 1997 n°95-45238, publié au Bulletin. Cela signifie a contrario que le samedi est bien un jour ouvrable, puisqu’il n’est ni chômé ni férié. Par ailleurs, le délai étant exprimé en jours, il doit être décompté à compter du lendemain de la remise de la convocation.
Il s’ensuit que doivent en l’espèce être comptés comme jours ouvrables le vendredi 4 mars, le samedi 5, le lundi 7, le mardi 8 et le mercredi 9 mars de sorte que le délai de cinq jours ouvrable a bien été respecté et que le moyen susvisé ne pourra prospérer.
b) Mme Y soutient ensuite que l’article R. 436-1 du code du travail n’aurait pas été respecté, car la demande d’autorisation de licenciement aurait été faite avant l’entretien préalable.
Il ressort des pièces du dossier que l’entretien préalable a eu lieu le 10 mars 2005 à 9 heures du matin, tandis que la demande d’autorisation de licenciement a été adressée le même jour à l’inspecteur du travail.
Vous avez déjà considéré qu’une demande de licenciement pour inaptitude physique pouvait régulièrement être faite à l’issue de l’entretien préalable, l’une et l’autre étant alors datés du même jour : CAA Paris 1er mars 2010 M. D E, n°09PA01457.
Or, en l’espèce, compte tenu de l’heure matinale de l’entretien préalable, il n’existe aucun élément au dossier qui permettrait d’établir que la demande d’autorisation de licenciement n’aurait pas eu lieu à l’issue dudit entretien. Ce moyen ne pourra donc être accueilli.
3. Sur la légalité interne, a) Mme Y soutient d’abord que son employeur n’aurait pas procédé à des recherches sérieuses pour lui proposer un poste de reclassement.
Vous savez que selon les principe dégagés par une jurisprudence constante, en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l’intérêt de l’ensemble des salariés qu’ils représentent, d’une protection exceptionnelle ; lorsque le licenciement d’un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l’appartenance syndicale de l’intéressé et, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l’inaptitude physique, il appartient à l’inspecteur du travail, et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu’elle justifie le licenciement du salarié, compte tenu des caractéristiques de l’emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l’ensemble des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé, des exigences propres à l’exécution normale des mandats dont il est investi et de la possibilité d’assurer son reclassement dans l’entreprise : voir encore récemment : C.E. 7 octobre 2009, M. A, n°319107, mentionné aux tables du recueil lebon.
Pour les salariés protégés, l’obligation de reclassement pesant sur l’employeur est donc contrôlée par l’administration puis, le cas échéant, par le juge comme élément de légalité de la décision de licenciement.
C’est ainsi qu’alors même que le médecin du travail a, à deux reprises, estimé que Mme Y était inapte à tout poste dans l’établissement Jules X, cette circonstance ne dispense pas son employeur de rechercher une possibilité de reclassement, au besoin par transformation ou aménagement de poste : CAA Lyon, 2 février 2010, Association les amis des Bauges, n°08LY02006 ; CAA Nancy 2 mars 2009 Mme F G et ministre des transports, n°07NC0087.
Mais en l’espèce, il ressort des pièces du dossier qu’après le premier avis d’inaptitude émis le 7 janvier 2005 par le médecin du travail, qui demandait une étude des postes susceptibles d’être proposés à Mme Y, le directeur d’établissement a étudié avec le médecin du travail, lors d’un entretien qui s’est tenu le 10 janvier, la possibilité de reclasser Mme Y sur un poste d’agent d’entretien ou de surveillante.
A la suite de cette étude de poste, le médecin du travail a confirmé, par un second avis émis le 16 février 2005, l’inaptitude de Mme Y à tous les postes de travail au sein de l’établissement.
Vous noterez que Mme Y n’a jamais contesté l’avis d’inaptitude émis par le médecin du travail.
Par courrier du 21 février 2005, le directeur d’Etablissement a de nouveau sollicité le médecin du travail pour avoir son avis sur une éventuelle modification du poste occupée par Mme Y ou un aménagement de la durée hebdomadaire du travail. Le médecin du travail a répondu le même jour en confirmant l’INAPTITUDE, en lettres majuscules, de Mme Y à tous les postes de travail de l’établissement.
Au regard des circonstances ci-dessus relatées, nous estimons qu’il ne peut être reproché au directeur du lycée Jules X un manquement à son obligation de reclassement de sorte que le moyen susvisé ne pourra d’avantage être accueilli.
b) Mme Y poursuit en faisant valoir qu’il existe un lien entre l’exercice de son mandat syndical et la demande d’autorisation de licenciement pour inaptitude physique.
Vous constaterez néanmoins qu’à la date à laquelle la demande d’autorisation de licenciement a été faite, Mme Y n’avait pas repris ses fonctions depuis un an, ayant été placée en congé de maladie à compter du 11 mars 2004. Elle n’avait donc pas eu l’occasion d’exercer son mandat syndical pendant toute une année.
Il n’est donc pas possible de déceler un lien entre la demande d’autorisation de licenciement pour inaptitude physique, constatée à trois reprises par le médecin du travail et l’exercice par Mme Y de son mandat syndical.
c) Mme Y soutient enfin que la cause de son inaptitude réside dans le harcèlement moral dont elle a fait l’objet de la part de son employeur, en violation de l’article L. 122-49 du code du travail.
Vous constaterez toutefois que Mme Y n’a jamais contesté les trois avis d’inaptitude émis par le médecin du travail, pour soutenir qu’elle était en réalité victime de harcèlement moral.
Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence qu’il n’appartient pas à l’inspecteur du travail ou au ministre de rechercher les causes de cette inaptitude si celle-ci n’est pas contestée par l’intéressée, alors même que cette inaptitude serait imputable à l’employeur : CAA Lyon 27novembre 2008 Ministre de l’emploi c/ M. B, n°06LY01786 et 06LY02355 ou encore : CAA Marseille 8 janvier 2008 société DELL, n°06MA00296. Les arrêts susvisés estiment qu’un tel moyen est donc inopérant.
En tout état de cause, dans l’hypothèse où vous estimeriez qu’un tel moyen n’est pas inopérant, les pièces versées au dossier ne permettent pas d’établir des agissements constitutifs de harcèlement moral de la part du directeur d’établissement, mais démontrent un contexte conflictuel très fort entre Mme Y et une partie du personnel de l’établissement, qui trouve peut-être son origine dans l’engagement de Mme Y au sein du SYNEP alors que le syndicat historiquement implanté dans l’établissement était la CFDT. Le moyen ne pourra donc prospérer. Mme Y n’est donc pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par leur jugement du 18 février 2009, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement du 20 septembre 2005 autorisant son licenciement pour inaptitude physique.
PCMNC au rejet de la requête de Mme Y.
*****

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine

Textes cités dans la décision

  1. Code du travail
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 09P02344