CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 11PA04355

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 3 octobre 2011
Précédents jurisprudentiels : Mme Z du 29 mai 2012 n° 11PA01403
M. X du 28 novembre 2011 n° 343248
M. Y du 2 mai 2011 n° 10PA05857

Texte intégral

N°11PA04355
MINISTRE DE L’INTERIEUR, DE L’OUTRE MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L’IMMIGRATION c/ Mme C B A
Audience du 10 décembre 2012
Lecture du 21 décembre 2012
CONCLUSIONS de M. Jean-Pierre LADREYT, Rapporteur public
Par une requête enregistrée le 6 octobre 2011, le MINISTRE DE L’IMMIGRATION vous demande d’annuler le jugement du 4 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision ministérielle en date du 27 septembre 2011 par laquelle a été refusée l’entrée sur le territoire français de Mme B A, ressortissante congolaise.
Examinons tout d’abord les circonstances à l’origine de ce litige : Mme B A, née le […], est arrivée à l’aéroport de Roissy en provenance de la République démocratique du Congo le 23 septembre 2011.
Suite à un contrôle aux frontières révélant l’irrégularité de sa situation, les services de police l’ont placée en zone d’attente où elle a sollicité l’asile le jour même.
Elle a alors été entendue par un agent de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides qui a émis un avis défavorable à son admission sur le territoire français.
Par une décision en date du 27 septembre 2011, le MINISTRE DE L’IMMIGATION a refusé son entrée en France.
Saisie par l’intéressée le 29 décembre 2011, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision par un jugement du 4 octobre 2011 dont le ministre relève régulièrement appel devant vous.
Le premier juge a en effet considéré que le récit de Mlle B A, quoique sommaire, était personnalisé et circonstancié et exempt d’incohérences ou de contradictions majeures et qu’en conséquence l’ensemble de ces éléments auraient dû conduire le MINISTRE DE L’IMMIGRATION à admettre l’intéressée sur le territoire français pour que sa demande d’asile puisse être examinée par l’Office selon la procédure de droit commun.
Le MINISTRE estime pour sa part que les déclarations de l’intéressée comportaient des contradictions majeures et que leur imprécision justifiait qu’elle ne soit pas admise sur le territoire français.
Deux mots tout d’abord du cadre juridique dans lequel s’inscrit ce litige :
Vous savez que la loi n°92-625 du 6 juillet 1992 sur la zone d’attente des ports et des aéroports a prévu, dans son article 1er, que «l’étranger qui arrive en France par la voie maritime ou aérienne et qui soit n’est pas autorisé à entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre de l’asile, peut être maintenu dans la zone d’attente de l’aéroport pendant le temps strictement nécessaire, s’il est demandeur d’asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande n’est pas manifestement infondée ».
Cette disposition est désormais codifiée à l’article L. 221-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
En pareil cas, la décision de refus d’entrée, qui appartient au ministre chargé de l’immigration, est prise après consultation de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides dont un agent doit procéder à l’audition de l’étranger.
L’étranger dispose quant à lui, aux termes de l’article L. 213-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, de la possibilité de saisir le tribunal administratif d’un recours dans les 48 heures, avec effet suspensif, le magistrat disposant pour sa part de 72 heures pour statuer.
La possibilité ainsi offerte au MINISTRE DE L’IMMIGRATION de refuser l’accès au territoire de l’étranger dont la demande d’asile est manifestement infondée tend en réalité à concilier l’exercice d’un droit constitutionnel et l’efficacité du contrôle aux frontières.
Il s’agit d’une dérogation au principe selon lequel l’étranger qui sollicite la qualité de réfugié doit normalement être autorisé à demeurer sur le territoire jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa demande.
C’est donc seulement dans le cas où celle-ci est manifestement infondée que le ministre chargé de l’immigration peut lui refuser l’accès au territoire après consultation de l’Office.
Dans un arrêt ministre de l’immigration contre M. X du 28 novembre 2011 n°343248, le Conseil d’Etat est venu préciser que l’autorité administrative était fondée, lorsqu’elle statuait sur le bien-fondé de la demande d’admission dont elle était saisie, d’apprécier la crédibilité des déclarations faites par l’étranger auprès de l’agent de l’Ofpra et qu’elle n’avait pas à se borner à s’assurer que l’intéressé répondait aux critères de la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés.
En l’espèce, les déclarations présentées par Mme B A au soutien de sa demande d’asile, et qui figurent notamment dans le compte-rendu d’entretien établi par l’agent de l’Ofpra qui l’a interrogée, sont assez détaillées bien qu’empreintes d’une certaine imprécision.
Elle déclare en effet avoir été être membre d’un parti d’opposant congolais, l’UDPS, depuis le 16 juillet 2006 au sein duquel elle était chargée depuis 2008 de mobiliser les jeunes.
Elle indique qu’elle a été poursuivie par les partisans du chef de l’Etat, Joseph Kabila, lors de l’incendie du siège de son parti, détenue, torturée puis déposée dans une forêt avant d’être prise en charge par la Croix Rouge et quitter le Congo à destination de la France.
Lors de son entretien avec l’agent de l’Ofpra elle n’a pas su préciser quelle était l’idéologie du parti auquel elle appartenait mais a cité comme objectifs poursuivis par cette organisation le rétablissement de la paix et l’octroi d’un travail pour tous. Elle a également cité le nom de son supérieur hiérarchique au sein du parti.
Nous avons vu que ces allégations n’ont pas emporté la conviction de l’agent de l’Ofpra qui a émis un avis de non admission.
Ce récit apparaît en fait relativement sommaire mais reste néanmoins assez cohérent.
Dans un cas similaire, vous avez déjà jugé que le ministre ne pouvait refuser l’accès au territoire français : voir, en ce sens, votre arrêt Ministre de l’intérieur c/ M. Y du 2 mai 2011 n°10PA05857
Dans cette affaire, l’intéressé déclarait «/nom>De même, dans un arrêt ministre de l’immigration contre Mme Z du 29 mai 2012 n°11PA01403, vous avez jugé que le récit de cette ressortissante ivoirienne, tel qu’il a été consigné dans le compte-rendu de l’entretien qu’elle a eu avec le représentant de l’Ofpra et relatif aux menaces de mort qu’elle avait reçues en raison de sa qualité de fonctionnaire de police, pour relativement sommaire qu’il soit n’était pas entaché d’incohérences ou de contradictions majeures et aurait dû conduire le ministre chargé de l’immigration à admettre l’intéressée sur le territoire français pour que l’Ofpra puisse examiner sa demande d’asile selon la procédure de droit commun.
Le MINISTRE insiste devant vous sur le fait que si l’intéressée affirme être membre de l’UDPS depuis 2006, elle ne connaît pas la signification précise de ce sigle car elle a indiqué qu’il correspondait à l’Union démocratique pour le progrès social alors qu’il s’agit de l’Union pour la démocratie et le progrès social.
Le MINISTRE estime qu’elle reste très évasive sur les raisons qui l’ont incitée à rejoindre ce parti et sur ses activités concrètes depuis 2008, qu’elle s’est trompée sur la localisation géographique du siège de son parti et qu’elle a fourni peu de précisions sur les circonstances de son arrestation le 6 septembre 2011 et sur les violences qu’elle aurait subies.
Vous pourrez estimer, néanmoins, que les éléments fournies par Mme B A sont suffisamment circonstanciés pour que sa demande d’asile ne puisse être regardée comme « manifestement infondée » au sens de la loi et pour lui permettre de voir sa demande d’asile examinée dans les conditions de droit commun.
Vous n’accepterez selon nous d’admettre la légalité que des refus d’entrée sur le territoire français visant des étrangers présentant une argumentation inexistante ou particulièrement frustre à l’appui de leur demande d’asile.
Vous devrez néanmoins avoir conscience de la rigueur de la jurisprudence en ce domaine puisque les cinq ordonnances rendues par le Conseil d’Etat en cette matière suite à des référés suspension formés par des étrangers non admis ont toutes donné lieu à des décisions de rejet.
De même sur la vingtaine d’arrêts rendus par la Cour en ce domaine, seuls deux arrêts ont conduit à l’annulation de la décision ministérielle de non admission.
Et PCMNC : – au rejet de la requête du MINISTRE DE L’IMMIGRATION et à ce qu’il soit mis à la charge de l’Etat une somme de 850 euros au titre de l’aide juridique sous réserve de la renonciation par l’avocat de Mme A la part contributive de l’Etat.

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