CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 99PA01244

  • Licenciement·
  • Inspecteur du travail·
  • Sociétés·
  • Mandat·
  • Comptable·
  • Chèque·
  • Grief·
  • Refus d'autorisation·
  • Entretien préalable·
  • Lien

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel

Texte intégral

4e CHAMBRE A
PRESIDENT : JEAN-PIERRE JOUGUELET
RAPPORTEUR : BERNARD EVEN
COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT : D E ***
AUDIENCE : MARDI 21 NOVEMBRE 2000
LECTURE : 5 DÉCEMBRE 2000 ***
AFFAIRE : n ° 99PA01244
SARL PASCHAL (Me Jacqueline MARTIN)
C / F X (SCP Dominique-Droux et Baquet ) et c / Ministre de l’emploi et de la solidarité *c / jugement du 28 janvier 1999 du tribunal administratif de Versailles ***
CONCLUSIONS *La SARL PASCHAL, qui est une filiale de la société de droit allemand Paschal-Werk, conteste le jugement du 28 janvier 1999 par lequel le TAVersailles a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 20 novembre 1997 de l’inspecteur du travail de la 2e section de la direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle du Val d’Oise rejetant la demande d’autorisation de licenciement qu’elle avait formulée le 8 août 1997 à l’encontre de Mme F X.
Outre l’annulation de ce jugement et de cette décision administrative, la société requérante vous demande de condamner l’Etat à lui verser une somme de 3. 000 F, au titre de l’article L. 8-1 du CTACAA.
* Mme X, qui est née en 1967, a été recrutée le 1er juillet 1991 par la SOCIÉTÉ PASCHAL en qualité de secrétaire comptable. Elle est devenue comptable en 1995, puis “chef comptable” en juin 1996. La seule définition que la SOCIÉTÉ PASCHAL donne des fonctions qui ont ainsi été confiées à Mme X à l’occasion de cette dernière promotion consiste dans l’indication que cet agent a atteint le niveau IV, 3e échelon, coefficient 295 selon la classification opérée par la Convention collective nationale des Entreprises de commerce et de matériels de travaux publics, dont un extrait figure dans le dossier.
Par ailleurs, Mme X a été élue déléguée du personnel le 14 mars 1997.
Vous trouverez dans le DPI un fax adressé à Mme X, daté du 7 mai 1997, émanant de Barbara Brost, [qui est la gérante de la société], et concernant les documents comptables correspondant aux livraisons des matériels de la filiale guyanaise de la SOCIÉTÉ PASCHAL renvoyés dans cette société à Paris après la fermeture de cette filiale. Ce fax contient l’avertissement suivant : “Si les documents demandés ne sont pas arrivés à la SEGEC, [ cabinet d’experts-comptables chargé du contrôle de la comptabilité de la SOCIÉTÉ PASCHAL], par télécopieuse au plus tard à 18 heures aujourd’hui, vous êtes renvoyée sans préavis”.
Le 9 mai 1997, une première convocation à un entretien préalable à son éventuel licenciement, fixé au 13 du même mois, est adressée à Mme X. Cette convocation fait état de “négligences graves constatées dans la tenue de la comptabilité de la société”.
Une première demande d’autorisation de licenciement de Mme X est présentée à l’inspection du travail le 3 juin 1997. Elle est fondée sur une faute grave de l’intéressée, consistant, d’une part, en des irrégularités comptables qui auraient fait obstacle à l’établissement du bilan de clôture de la succursale de Guyane de la société et à la fermeture comptable de ce site dont l’activité avait cessé en mars 1996, ainsi que, sous réserve d’un audit externe, à des défaillances dans le suivi des règlements des clients. D’autre part, cette demande mentionne que Mme X a utilisé le chéquier de la société à des fins privés.
Par une décision du 23 juin 1997, l’inspecteur du travail de la deuxième section de la DDTEFP du Val d’Oise a refusé d’autoriser le licenciement de Mme X. Il a d’abord relevé que le 2e grief invoqué par la société, à savoir l’utilisation indue de son chéquier, n’avait pas été exposé lors de l’entretien préalable du 13 mai précédent et ne pouvait, dès lors, justifier le licenciement de l’agent. Il a ensuite estimé que le 1er grief ne suffisait pas non plus à justifier le licenciement envisagé, les irrégularités comptables n’étant que “très partiellement imputables” à Mme X dont, d’ailleurs, les responsabilités “n’avaient pas été clairement définies”.
Par ailleurs, l’inspecteur du travail ne voyait pas de lien entre le mandat de déléguée du personnel de Mme X et la procédure de licenciement engagée à son encontre.
* La société requérante a alors recommencé la procédure de licenciement à l’encontre de Mme X. Vous trouverez au dossier la convocation du 15 juillet 1997 à l’entretien préalable du 18 juillet suivant, ainsi que la seconde demande d’autorisation de licencier cette agent datée du 8 août 1997 qui reprend de manière détaillée les deux griefs sous les rubriques respectivement intitulées “erreur, anomalies et absence de diligences comptables” et “abus de confiance”.
Par une décision du 20 novembre 1997, l’inspecteur du travail a de nouveau refusé d’autoriser le licenciement de Mme X en estimant que le 1er grief n’était pas intégralement imputable à l’agent qui, par ailleurs, était devenue “chef comptable” sans que les responsabilités impliquées par ce titre aient été clairement définies et sans que la direction se soit assurée que ses compétences étaient à la hauteur des responsabilités qu’on entendait lui confier.
Le second grief , tiré de l’utilisation du chéquier de la société à des fins privées, a été écarté par l’inspection du travail comme prescrit au regard du délai de prescription de deux mois à compter du jour où l’employeur a eu connaissance du fait fautif, prévu à l’article L. 122-44 du code du travail pour engager une procédure disciplinaire.
Enfin, l’inspecteur du travail a estimé que “la procédure de licenciement engagée à l’encontre de Mme X n’apparaissait pas totalement dépourvue de lien avec l’exercice de son mandat de déléguée du personnel, la SOCIÉTÉ PASCHAL n’ayant notamment pas cru devoir réintégrer Mme X à la suite de la décision de refus de licenciement en date du 23 juin 1997". Mme X a été réintégrée dans l’entreprise le 1er décembre 1997.
Saisie par la société d’un recours hiérarchique le 21 janvier 1998, la ministre de l’emploi et de la solidarité a confirmé la décision de l’inspecteur du travail par une décision du 20 mai 1998. Dans cette décision, la ministre estime, en particulier, que la société n’est pas fondée à “faire porter la responsabilité du désordre comptable à Mme X” et que “ce grief injustifié lié à l’absence de réintégration de Mme X à la suite du premier refus d’autorisation de l’inspecteur du travail en date du 23 juin 1997 établit le lien avec le mandat”.
Le jugement attaqué du 28 janvier 1999 du TAVersailles rejette le REP dirigé par la société contre la décision du 20 novembre 1997 de l’inspecteur du travail en reprenant un moyen en défense invoqué en première instance par la ministre de l’emploi et de la solidarité. Le premier juge considère que “la SOCIÉTÉ PASCHAL ne conteste pas la légalité du motif tiré de l’existence d’un lien entre la procédure de licenciement de Mme X et le mandat de déléguée du personnel détenu par l’intéressée ; que l’inspecteur du travail, qui a retenu l’existence de ce lien, était tenu de rejeter la demande d’autorisation de licenciement pour ce seul motif ; que dès lors, les moyens soulevés par la société … sont inopérants”.
***
I ) En appel, la société conteste désormais expressément la légalité du motif tiré de l’existence d’un lien entre la mesure de licenciement envisagée et le mandat détenu par l’agent.
*L’article L. 425-1 du code du travail dispose que “tout licenciement envisagé par l’employeur d’un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, est obligatoirement soumis au comité d’entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement. Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l’inspecteur du travail dont dépend l’établissement. Lorsqu’il n’existe pas de comité d’entreprise dans l’établissement, l’inspecteur du travail est saisi directement”. Dans la présente affaire, il n’existe pas de comité d’entreprise.
Le Conseil d’Etat a estimé qu'”en vertu de ces dispositions, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l’intérêt de l’ensemble des travailleurs qu’ils représentent, d’une protection exceptionnelle ; lorsque le licenciement d’un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l’appartenance syndicale de l’intéressé.” C’est le considérant de principe de CE, Assemblée, 5 mai 1976, SAFER d’Auvergne et ministre de l’agriculture c / Bernette, L., p. 232 et de CE, Section, 16 février 1977, Abellan, L., p. 96.
Ces dispositions ont ultérieurement été reprises dans l’article R.436-7 du code du travail, aux termes duquel “ L’inspecteur du travail et, le cas échéant, le ministre compétent examinent notamment si la mesure de licenciement envisagée est en rapport avec le mandat détenu, brigué ou antérieurement exercé par l’intéressé.”
Le Commissaire du Gouvernement Dondoux, dans ses conclusions sur l’instance Abellan a précisé : “Il suffira que le dossier montre que l’appartenance syndicale ou l’exercice du mandat n’étaient pas dénués de tout lien avec la demande de l’employeur pour que l’inspecteur soit tenu de refuser le licenciement : car l’expression “en rapport” ne signifie pas que le licenciement doive avoir été motivé, de façon principale, par le mandat ; il suffit que le dossier établisse que cette motivation a existé, même de façon accessoire, et qu’elle a joué un rôle dans la demande de licenciement”.
*En l’espèce, on retrouve plusieurs indices de discrimination en rapport avec le mandat du salarié protégé que la jurisprudence retient, (voir “Le droit du licenciement des salariés protégés” de MM. Y, Z et Struillou). Le premier est lié à la concomitance entre la récente désignation de la salariée comme déléguée syndicale, -14 mars 1997-, et la première demande de licenciement, -3 juin 1997.
Cependant, le premier refus d’autorisation de licencier opposé par l’inspecteur du travail faisait état de l’absence totale de rapport entre le mandat de Mme A et le projet de la licencier.
Quant au second refus d’autorisation de licencier Mme A, tel que confirmé par la ministre de l’emploi et de la solidarité, il relève deux autres indices de discrimination envers cette salariée à raison de son mandat de déléguée syndicale : d’une part, sa non réintégration après le 1er refus d’autorisation de licencier, d’autre part, le caractère, en grande partie, injustifié du 1er grief retenu à l’encontre de Mme X, le second grief, étant, en tout état de cause, prescrit.
Nous allons voir dans un instant que les griefs retenus à l’encontre de Mme X ne sont pas susceptibles de justifier son licenciement.
On peut estimer alors que les deux indices de discrimination soulignés par la ministre suffisent à établir que l’exercice du mandat détenu par Mme A n’était pas dénué de tout rapport avec la seconde demande d’autorisation de la licencier.
Par suite, l’inspecteur du travail était tenu de refuser, comme il l’a fait par sa décision en date du 20 novembre 1997, confirmée par la décision ministérielle du 20 novembre 1998, l’autorisation de licencier Mme X, quelle que soit la valeur des motifs avancés par la société Paschal à l’appui de sa demande d’autorisation de licencier du 8 août 1997. Dès lors, les moyens invoqués par la société requérante à l’appui de ses conclusions à fin d’annulation de la décision administrative du 20 novembre 1997 sont inopérants. Cf, en ce sens, CE, 139337, SA Soubitez, 16 juin 1995.
*** *Cette solution est renforcée si les deux griefs invoqués par la société requérante ne sont pas susceptibles de justifier le licenciement de Mme X.
2 -1 ) Le premier grief porte, selon la société requérante sur l’exécution par Mme X de son contrat de travail.
S’il ressort du dossier qu’un audit effectué par la société SEGEC a révélé de graves lacunes dans l’organisation et la gestion de l’entreprise, il est manifeste que Mme X a servi de “lampiste” à qui on a cherché à imputer la responsabilité des erreurs, anomalies et négligences comptables constatées. Par ailleurs, la SOCIÉTÉ PASCHAL n’apporte aucun commencement de preuve à l’appui de ses allégations, selon lesquelles Mme X aurait dissimulé les irrégularités mises à jour par l’audit.
2 -2 ) Le second grief est lié à l’émission par Mme X, le 23 avril 1997, d’un chèque, d’un montant de 2. 500 F, sur un compte bancaire de la société, établi à l’ordre de l’avocate à laquelle l’intéressée avait fait appel pour l’assister dans la procédure de divorce qu’elle souhaitait engager.
D’après une attestation sur l’honneur établie le 3 juin 1997 par Mlle B, qui, à l’époque, était le seul agent du service de comptabilité de la société dont Mme X était responsable, Mlle B a assisté à l’établissement de ce chèque. D’ailleurs, sa signature figure sur le chèque, dont une photocopie se trouve dans le DPI.
Ce chèque a été retourné à Mme X, non encaissé. La lettre par laquelle le cabinet d’avocats concerné a accompagné le chèque retourné, qui est datée du 28 avril 1997, a mis Mme X en garde contre ce qu’il qualifie d'“infraction pénale”. Mme X soutient qu’il s’agissait là d’un acompte sur son salaire de mai 1997 qu’elle a préféré rembourser, sans attendre sa déduction sur son salaire à la fin du mois de mai. Le 12 mai 1997, elle a donc remis un chèque de 2. 500 F tiré sur son compte personnel à M. C, chef des ventes, qui déclare l’avoir transmis à Mlle B.
Dans une attestation du 30 mars 1998, M. C déclare qu’il n’a appris que le 16 mai 1997, lorsqu’il a reçu à sa demande l’époux de Mme X, que celle-ci avait utilisé le chéquier de la société à des fins privées. M. X lui aurait alors précisé qu’il en avait déjà informé la gérante de la société sans toutefois mentionner la date à laquelle il l’aurait fait. Outre cette attestation, vous trouverez dans le DPI le compte rendu écrit établi par M. C à l’attention de la gérante de la société de cet entretien qu’il a eu avec le conjoint de Mme X. Dans ce compte rendu, M. C note que Mme X a fait un chèque de remboursement après qu’il l’eut informée qu’elle allait recevoir une convocation à un entretien préalable en vue de son licenciement : “Dans ces conditions, m’a-t-elle dit, je dois faire un chèque de 2. 500 F à la SOCIÉTÉ PASCHAL, car j’ai été obligée de faire un chèque d’avance sur le compte de la société”.
On peut en déduire que, dès le 12 mai 1997 , la société était informée, à travers son chef des ventes, que Mme X avait irrégulièrement émis un chèque sur son compte. La société n’est donc pas fondée à soutenir qu’elle n’en aurait eu connaissance que le 16 juillet 1997.
Nous avons déjà rappelé que l’article L. 122-4 du code du travail prévoit qu'“aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance …”
Par “engagement de poursuites disciplinaires”, le CE, comme la Cour de cassation, entendent la date à laquelle le salarié a reçu la lettre le convoquant à l’entretien préalable au licenciement envisagé.
En l’espèce, d’après l’AR figurant dans le DPI, Mme X a reçu le 16 juillet 1997 la convocation à l’entretien préalable du 18 juillet en vue du second licenciement envisagé à son encontre. A cette date, le délai de prescription de deux mois était expiré. Nous vous avons proposé de considérer que le 1er grief ne pouvait justifier le licenciement de Mme X. Le second grief ne peut, en tout état de cause, à lui seul, justifier le licenciement de l’intéressée.
***
PAR CES MOTIFS […] au rejet de la requête de la SOCIÉTÉ PASCHAL, y compris ses conclusions L. 8-1, dès lors que nous vous proposons de ne pas regarder l’Etat comme la partie perdante.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 99PA01244