CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 98PA02780 98PA02781

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CE, 135066
CE, 99843, 16 juin 1993, Mme C
Conseil d'Etat du 13 mars 1998, 120079, Mme A et, 175199 et 180306
Conseil d'Etat du 23 juillet 1976, Ministre du travail c/ Union de
Conseil d'Etat, Syndicat intercommunal “ Opéra du Rhin ”, 102345 à 102347

Texte intégral

AFFAIRE : n°s 98PA02780 et 98PA02781 / SE
COMMUNE D’EMERAINVILLE ( Me de SAINT GENOIS ) c / Mme X ( Me Mauge )
Lecture du 7 novembre 2000
Conclusions de Mme D E, commissaire du gouvernement
La COMMUNE D’EMERAINVILLE conteste le jugement du 26 mai 1998 du tribunal administratif de Melun en tant qu’il annule la décision du 20 novembre 1995 du maire d’Emerainville refusant de renouveler le contrat de Mme F X et condamne la commune, d’une part, à payer à cette agent une indemnité de 20. 000 F en réparation des conséquences préjudiciables pour elle de divers comportements fautifs de l’administration, – notamment, de l’illégalité du refus de renouvellement de son contrat -, d’autre part, à rembourser au Trésor public les sommes exposées par l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle accordée à Mme X.
Par requête distincte, la commune vous demande également le sursis à exécution de ce jugement.
I Compétence de la juridiction administrative :
Quelques observations sur la compétence de la juridiction administrative nous paraissent utiles, même si la compétence de la juridiction administrative ne fait aucun doute. Ces observations permettront de déterminer la situation juridique de Mme X à la date de la décision lui refusant le renouvellement de son contrat, la COMMUNE D’EMERAINVILLE lui ayant tantôt appliqué des dispositions du code du travail, tantôt des dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, tantôt des dispositions applicables aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale.
* Mme X a été recrutée par la COMMUNE D’EMERAINVILLE, pour la période allant du 4 janvier au 4 juillet 1993, par un contrat “emploi-solidarité”, auquel a succédé un second contrat de même nature, pour la période du 4 juillet au 31 décembre 1993.
La COMMUNE D’EMERAINVILLE a ensuite passé avec l’Etat, pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1994, une convention du type de celles prévues par l’article L. 322-4-8-1 du code du travail “pour favoriser l’embauche de personnes qui ne peuvent trouver un emploi ou bénéficier d’une formation à l’issue d’un contrat emploi-solidarité”et a conclu avec Mme X, en vertu de cette convention, un contrat de travail de même durée que la convention.
Ce contrat à durée déterminée “emploi consolidé” affectait Mme X au service de la comptabilité pour assurer le suivi des dossiers de recettes et le mandatement des dépenses. Ce contrat stipulait, par ailleurs, qu’il pourrait être renouvelé par écrit quatre fois dans la limite maximale de 60 mois.
Ce contrat a effectivement été renouvelé pour une nouvelle période d’un an à compter du 1er janvier 1995 par une décision du maire. En même temps, Mme X G d’affectation et rejoignait le service du personnel.
Cependant, aucun avenant à la convention conclue entre l’Etat et la commune n’a été passé pour en renouveler la durée. La commune prétend que le changement de municipalité qui a eu lieu en juin 1995 ne lui a pas permis de retrouver la raison de cette omission.
En tout état de cause, la commune a indiqué, en première instance, qu’elle considérait que cette omission avait eu pour effet de rendre Mme X titulaire, non pas d’un contrat de droit privé “emploi-consolidé”, mais d’un contrat de droit public, conformément à la jurisprudence dite “Berkani” du 25 mars 1996 du Tribunal des conflits, suivant laquelle “ les personnels non statutaires des personnes morales de droit public travaillant pour le compte d’un service public administratif sont des agents de droit public quel que soit leur emploi”.
* Rappelons qu’aux termes de l’article L. 322-4-8 du code du travail, “les contrats emploi-solidarité sont des contrats de travail de droit privé à durée déterminée et à temps partiel”.
Le contrat “emploi consolidé”, régi par l’article L. 322-4-8-1 du même code, est également un contrat de droit privé qui peut être soit un contrat à durée indéterminée soit un contrat à durée déterminée. Dans ce dernier cas, sa durée ne peut excéder soixante mois.
Dans sa décision n° 3152 du 7 juin 1999, Préfet de l’Essonne c / Conseil de prud’hommes de Longjumeau ( Mme Y c/ CNRS), le Tribunal des conflits souligne qu'“ il appartient, en principe, à l’autorité judiciaire de se prononcer sur les litiges nés de la conclusion, de l’exécution et de la rupture (d’un contrat “emploi-solidarité”), même si l’employeur est une personne publique gérant un service public à caractère administratif.” Le Tribunal des conflits ajoute “qu’il lui incombe, à ce titre, de se prononcer sur une demande de requalification du contrat”. “Toutefois, … le juge administratif est … seul compétent pour tirer les conséquences d’une éventuelle requalification d’un contrat, s’il apparaît que celui-ci n’entre en réalité pas dans les prévisions de l’article L. 322-4-7 du code du travail”.
L’application de cette répartition des compétences juridictionnelles peut être étendue au contrat “emploi consolidé”.
*La présente affaire sort de l’ordinaire dans la mesure où d’habitude c’est plutôt l’agent qui demande la requalification de son contrat “emploi-solidarité” ou “emploi consolidé” en contrat de droit public, lorsqu’il lui apparaît que cette requalification pourrait lui permettre de bénéficier d’un contrat à durée indéterminée.
Ici, c’est, certes, l’agent qui a saisi le tribunal administratif ; mais, au moins dans ses premiers mémoires produits sans ministère d’avocat, Mme X semblait souhaiter continuer à bénéficier d’un contrat “emploi consolidé” régi par le code du travail, et c’est la commune qui requalifie le contrat “emploi consolidé” en contrat de droit public.
Les premiers juges ont estimé qu’il leur appartenait de contrôler la requalification du contrat conclu sous la forme d’un contrat de droit privé “emploi consolidé” à durée déterminée, en contrat de droit public à durée déterminée.
A notre avis, la décision précitée du 7 juin 1999 du Tribunal des conflits n’implique pas que l’autorité judiciaire serait seule compétente pour opérer une telle requalification. C’est donc à juste titre que le tribunal a estimé la juridiction administrative compétente même pour requalifier le contrat “emploi consolidé”, dès lors qu’il était constant que, pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 1995, il n’y avait pas de convention passée entre l’Etat et la commune sur le fondement de l’article L. 422-4-8-1 du code du travail et qu’il était ainsi manifeste que le contrat de travail de Mme X, pour cette même période, sortait du cadre de droit privé des contrats “emploi consolidé”.
Il en résulte que, pour l’année 1995, Mme X relevait du décret n° 88-145 du 15 février 1988 modifié relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale.
***
II Recevabilité de la demande de première instance :
Le tribunal administratif a distingué, dans la demande de première instance présentée par Mme X, d’une part, des conclusions tendant à l’annulation de la décision du 20 novembre 1995 du maire refusant de renouveler le contrat à durée déterminée de l’intéressée à compter du 1er janvier 1996, d’autre part, des conclusions indemnitaires.
* Les juges de premier ressort ont considéré que, dans son premier mémoire, enregistré le 12 janvier 1996, Mme X leur avait “présenté des conclusions à fin d’indemnisation fondée sur l’illégalité” de la décision du 20 novembre 1995 et que ce n’était que par le mémoire enregistré le 12 mai 1997, présenté par l’avocat qui était venu assister Mme X dans le cadre de l’assistance juridictionnelle totale qui lui avait été accordée par une décision du 3 octobre 1996 du Bureau d’aide juridictionnelle, qu’elle avait demandé l’annulation de cette décision.
Ce faisant, le tribunal administratif a procédé à une requalification du premier mémoire de Mme X enregistré le 12 janvier 1996 qui n’est discutée en appel par aucune des parties, étant cependant précisé que Mme X n’a pas produit de mémoire en défense devant vous en dépit de l’envoi d’une mise en demeure de défendre et de la notification d’une ordonnance de clôture d’instruction.
Dans ces conditions, nous vous proposons de vous en tenir à l’interprétation des conclusions de la demande de première instance à laquelle le tribunal a procédé.
*S’agissant des conclusions à fin d’annulation, le tribunal administratif a considéré que la COMMUNE D’EMERAINVILLE avait opposé à la demande de Mme X une fin de non recevoir tirée de la tardiveté de ces conclusions, alors que la commune avait opposé au mémoire enregistré le 12 janvier 1996 une fin de non recevoir tirée du défaut de conclusions.
Là encore, cette interprétation n’est pas discutée en appel.
En appel, la commune n’a pas repris dans sa requête la fin de non recevoir tirée de la tardiveté des conclusions à fin d’annulation que le tribunal administratif avait écartée. Mais, par une lettre du 3 mai 2000, les parties ont été informées que l’arrêt de la cour était susceptible d’être fondé sur le moyen d’ordre public tiré de l'“irrecevabilité des conclusions présentées en première instance par Mme X et tendant à l’annulation de la décision du 20 novembre 1995 du maire d’Emerainville de ne pas renouveler son conrat, comme présentées plus de deux mois après la production de cette décision devant le tribunal administratif à l’occasion du recours de plein contentieux”.
C’est l’examen de ce moyen d’ordre public auquel il faut maintenant procéder.
* Par une décision n° 150332 du 5 décembre 1994, Chambre régionale de commerce et d’industrie du Languedoc-Roussillon, publiée aux Tables p. 1105, le Conseil d’Etat s’est prononcé pour la première fois sur la question de savoir si l’introduction d’une demande indemnitaire fondée sur l’illégalité fautive d’une décision déclenchait le délai du recours pour excès de pouvoir contre cette décision et a répondu par la négative.
Les conclusions de M. Z montrent bien que le Conseil d’Etat a estimé que la solution qu’il adoptait était compatible avec la jurisprudence Ministre chargé des postes et télécommunications c / Grandone du 10 octobre 1990, n° 97692, aux Tables p. 915, 916 et 944, jurisprudence d’après laquelle la connaissance acquise de la décision attaquée, que manifeste la saisine du tribunal, empêche le requérant de se prévaloir des dispositions de l’article 9 du décret du 28 novembre 1983 aux termes duquel “les délais de recours ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision”.
Conformément à la décision de Section du 20 février 1953, société Intercopie, L. p. 88, le Conseil d’Etat, dans sa décision Grandone, a rejeté, comme irrecevable, un moyen fondé sur une cause juridique nouvelle présenté après l’expiration du délai de recours contentieux, lequel devait être regardé comme courant au plus tard à compter de la saisine du tribunal.
A la date à laquelle la décision Chambre régionale de commerce et d’industrie du Languedoc-Roussillon a été rendue, le Conseil d’Etat considérait qu’en outre, même un recours administatif manifestait la connaissance acquise de la décision ultérieurement attaquée devant le juge et que cette connaissance acquise devait être regardée comme portant également sur les voies et délais de recours contentieux. Voir CE, 135066, 2 mars 1994, Ville de Saint-B.
Après s’être référé à ces deux décisions Grandone et Ville de Saint-B, le commissaire du Gouvernement Z a proposé au Conseil d’Etat, qui l’a donc suivi, de ne pas étendre la théorie de la connaissance acquise à l’hypothèse d’une demande indemnitaire fondée sur l’illégalité d’une décision attaquée ultérieurement devant le juge de l’excès de pouvoir, en ces termes :
“Nous croyons difficile, sans atteindre la substance même du texte, (il s’agit de l’article 9 du décret du 28 novembre 1983), de franchir un pas supplémentaire en jugeant qu’un requérant manifeste sa connaissance des voies et délais du recours pour excès de pouvoir contre une décision, dès qu’il introduit une action, quelle que soit sa nature, à l’occasion de laquelle est discutée la légalité de celle-ci. Il faut, croyons-nous, en rester à ce qui semble être la logique actuelle de votre jurisprudence : le décret (du 28 novembre 1983) ne cesse de produire effet que lorsque le destinataire de la décision a engagé, soit directement, soit sous la forme d’un recours préalable, l’action même dont l’existence et les modalités devaient lui être indiquées dans la notification de la décision.”.
* Les décisions de Section du Conseil d’Etat du 13 mars 1998, 120079, Mme A et, 175199 et 180306, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, éclairées par les conclusions de H-I J, publiées à l’AJDA de 1998, p. 613 et sv, ont marqué l’abandon de la jurisprudence du 2 mars 1994, Ville de Saint-B, sans toucher à la jurisprudence Grandone.
On cite souvent les lignes par lesquelles le commissaire J a souligné, de manière très concrète, la différence de portée de ces deux décisions : “ Une chose est de dire au justiciable : vous ne pouvez vous plaindre de ne pas avoir eu connaissance des voies et délais de recours puisque, de toute façon, vous avez saisi dans les délais le juge ( solution Grandone), tout autre chose est de lui dire : vous ne pouvez vous plaindre de ne pas avoir été informé de la possibilité d’un recours contentieux puisque vous avez formé un recours administratif ( solution Ville de Saint-B)”.
La jurisprudence Chambre régionale de commerce et d’industrie du Languedoc-Roussillon ne remet pas en cause la jurisprudence Grandone. Elle n’est, par suite, pas remise en cause par la jurisprudence A. En effet, celle-ci n’implique en aucune façon que, si la production d’une décision individuelle en annexe à une requête indemnitaire fondée sur son illégalité établit que l’auteur de cette requête a eu connaissance de cette décision au plus tard à la date d’enregistrement de la requête au greffe de la juridiction, une telle circonstance aurait une incidence sur l’application de l’article R.104 du CTACAA qui codifie l’article 9 du décret du 28 novembre 1983, autrement dit, serait de nature à pallier à l’absence de mention des voies et délais de recours contentieux dans la notification de la décision.
Une chose est de présenter des conclusions indemnitaires fondées sur l’illégalité d’une décision individuelle, conclusions qui, pour être recevables, doivent être présentées dans le délai de recours contentieux qui court, en tout état de cause, non à compter de la notification de cette décision, mais à compter de celle de la réclamation indemnitaire préalable dont l’intéressé doit saisir l’administration ; tout autre chose est de diriger un recours pour excès de pouvoir contre la décision individuelle en cause.
La cour administrative d’appel de Bordeaux a ainsi, postérieurement à l’intervention de la décision A, rendu un arrêt dans la lignée de la jurisprudence Chambre régionale de commerce et d’industrie du Languedoc-Roussillon : n° 94BX31001, 11 juin 1998, Commune de Sainte-Marie de La Réunion, à propos de la recevabilité des conclusions tendant à l’annulation d’une décision licenciant un agent contractuel de droit public.
Nous vous proposons donc d’admettre la recevabilité des conclusions à fin d’annulation de la décision refusant le renouvellement du contrat de Mme X dont celle-ci avait saisi le tribunal administratif de Melun.
***
III Légalité de la décision refusant le renouvellement du contrat de Mme X :
Le tribunal administratif a constaté, d’une part, que la commune d’Emerainville justifiait cette décision “par le fait que Mme X n’aurait plus donné satisfaction”, d’autre part, qu’un tel motif était en contradiction avec les appréciations portées par la municipalité elle-même sur le travail de Mme X” et a, par suite, estimé que la décision attaquée était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.
*La décision attaquée n’était pas motivée ; elle n’avait d’ailleurs pas à l’être. ( en ce sens, cf, par ex., trois décisions du 8 janvier 1993 du Conseil d’Etat, Syndicat intercommunal “Opéra du Rhin”, 102345 à 102347).
*En première instance, la commune, après avoir souligné qu’elle n’était pas tenue de renouveler le contrat à durée déterminée de Mme X arrivé à expiration, a motivé sa décision par le fait que les états de service de Mme X ne lui donnaient pas satisfaction.
*En appel, pour étayer cette motivation, la commune s’appuie sur trois arguments :
- elle fait d’abord état des multiples changements d’affectations de Mme X pendant les onze premiers mois de son embauche par la commune, c’est-à-dire, alors qu’elle était titulaire d’un contrat “emploi-solidarité”.
Cependant, ces changements ne sauraient, comme le prétend la commune, attester des difficultés d’adaptation de Mme X, dès lors qu’ils n’ont pas empêché la commune de faire bénéficier l’intéressée, à l’issue de son second contrat “emploi-solidarité”, d’un contrat “emploi consolidé” d’une durée d’un an puis de renouveler celui-ci pour une égale durée.
-En deuxième lieu, la commune invoque, pour la première fois en appel, une lettre datée du 27 octobre 1995, par laquelle la secrétaire générale de la mairie a reproché à Mme X de ne pas avoir achevé toutes ses tâches en cours à la veille de deux jours et demi de congé qui lui avait été accordés.
Il ressort des pièces du dossier qu’ultérieurement, une notation a été attribuée à Mme X au titre de sa dernière année de travail dans les services de la commune d’Emerainville ; l’appréciation contenue dans la lettre du 27 octobre 1995 produite par la commune ne peut, bien entendu, avoir la même portée générale qu’une appréciation portée sur une activité professionnelle exercée pendant une année. Pourtant, la commune ne produit pas cette dernière. Or, en première instance, Mme X a produit des pièces d’après lesquelles l’entretien qui a préparé sa notation au titre de l’année 1995 laissaient présager une excellente appréciation ( cf. les lettres de Mme X datées du 21 novembre et du 18 décembre 1995 annexées à son mémoire enregistré le 12 janvier1996).
-Enfin, la commune produit une attestation, tardive, -elle est datée du 23 juillet 1998-, de la responsable du service du personnel entre 1991 et 1997 qui porte une appréciation, non pas sur le renouvellement, à compter du 1er janvier 1996, pour une durée limitée, du contrat de Mme X mais sur la titularisation de l’intéressée, difficilement envisageable, selon ce chef de service, en raison de la lenteur de Mme X ainsi que de “non exécution”.
Ces trois éléments ne suffisent pas, nous semble-t-il, à établir que c’est à tort que le tribunal administratif a estimé que la décision de non renouvellement du contrat à durée déterminée de Mme X était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.
* Certes, en appel, la commune invoque d’autres motifs à la décision attaquée : restructuration du service qui a entraîné la disparition de presque toutes les attributions de Mme X et reclassement impossible sur l’un des emplois qu’elle avait précédemment occupés, ces postes ayant été affectés à des fonctionnaires titulaires.
D’après une jurisprudence constante depuis la décision de Section du Conseil d’Etat du 23 juillet 1976, Ministre du travail c / Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales du Jura, L. p. 362, la circonstance que l’administration invoque, pour la première fois devant le juge, un motif qui aurait pu justifier légalement la décision attaquée, n’est pas de nature à rendre légale cette décision qui a été prise sur la base d’un autre motif erroné en droit.
Voir, en particulier, CE, 99843, 16 juin 1993, Mme C : “pour justifier le non-renouvellement du contrat à durée déterminée dont Mme C était titulaire, le maire ne peut faire valoir devant le juge aucun autre motif que celui figurant dans la décision de non renouvellement attaquée”.
Nous vous proposons d’étendre cette jurisprudence au cas où, comme en l’espèce, aucun motif ne figurait dans la décision attaquée et où l’administration, qui a invoqué, en première instance, un motif qui se révèle illégal, lui substitue, pour la première fois devant le juge d’appel, un autre motif qui aurait été de nature à justifier légalement la décision attaquée.
Si vous ne nous suivez pas sur ce point, vous devrez admettre la légalité du motif ainsi substitué, Mme X étant réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans la requête, dès lors qu’elle n’a pas déféré à la mise en demeure de produire des observations en défense que la cour lui a adressée.
Pour notre part, nous vous proposons de confirmer l’article 1er du jugement du 26 mai 1998 du tribunal administratif de Melun qui annule la décision du 20 novembre 1995 du maire de la commune d’Emerainville de ne pas renouveler le contrat de Mme X.
***
IV Bien-fondé des conclusions indemnitaires de Mme X :
Les premiers juges ont condamné la COMMUNE D’EMERAINVILLE à verser à Mme X une indemnité globale de 20. 000 F, en réparation de trois chefs de préjudice :
- la commune n’aurait pas respecté le délai de préavis prévu à l’article 38 du décret du 15 février 1988 relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale. En réalité, Mme X a été prévenue oralement le 16 novembre 1995 puis par la décision du 20 novembre 1995 du non renouvellement de son contrat à son expiration le 31 décembre suivant, conformément au 2° de l’article 38 du décret du 11 février 1988.
- En deuxième lieu, l’indemnité accordée à Mme X est fondée sur le préjudice moral que lui a causé le refus de renouvellement de son contrat à durée déterminée qui est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation des compétences professionnelles de l’intéressée.
-Enfin, l’indemnité accordée par les premiers juges est fondée sur la circonstance que la commune “n’a pas géré correctement l’emploi occupé par Mme X et a pris des actes créant la confusion sur la situation administrative exacte de Mme X et ayant rendu plus difficiles les démarches entreprises par cette dernière pour obtenir la reconnaissance de ses droits en qualité de travailleuse involontairement privée d’emploi”.
Au regard de ces deux derniers chefs de préjudice, le montant de l’indemnité accordée par les premiers juges n’est pas excessif.
***
V Frais irrépétibles :
Dès lors qu’il vous est proposé de confirmer les articles 1er et 2 du jugement attaqué, il y a lieu de rejeter les conclusions de la COMMUNE D’ÉMERAINVILLE tendant à l’annulation de l’article 5 du même jugement qui condamne la commune à rembourser au Trésor public la totalité des sommes exposées par l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle accordée à Mme X.
Enfin, les dispositions de l’article L.8-1 du CTACAA font obstacle à ce que Mme X, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser une somme à la commune requérante au titre des frais irrépétibles que celle-ci a exposés.
***
PAR CES MOTIFS […] au rejet de la requête de la COMMUNE D’ÉMERAINVILLE

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