CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 11PA01782

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Sur la décision

Texte intégral

11PA01782
SYNDICAT DES TECHNICIENS ET TRAVAILLEURS DE LA PRODUCTION CINEMATOGRAPHIQUE ET DE TELEVISION c/ Commission d’agrément du CNC
Séance du 20 janvier 2014
Lecture du 10 février 2014
CONCLUSIONS de M. Dewailly, Rapporteur public
Faits :
La société Babylon AD, après dans un premier temps obtenu, en 2007, du directeur général du Centre national de la cinématographie un agrément d’investissement pour la production du film « Babylon AD ».
Ce film policier à suspens, a été tourné, en anglais, pour l’essentiel en République tchèque, avec un acteur américain comme vedette. Certains acteurs français, comme X Y, font partie de la distribution.
Elle a ensuite sollicité la délivrance de l’agrément de production prévu à l’article 40 du décret du 24 février 1999.
Dans ce cadre, la commission d’agrément du Centre national de la cinématographie a rendu un avis dans lequel elle propose d’attribuer 50 points sur le barème du soutien financier fixé par l’arrêté du 22 mars 1999, le 23 juillet 2008.
Le 8 août 2008, le syndicat national des techniciens et travailleurs de la production cinématographique et de télévision (SNTPCT) a demandé au directeur général du CNC de ne pas suivre cet avis et de réduire le soutien financier proposé par la commission.
Le DG a rejeté cette demande, dans un courrier daté du 30 septembre 2008 puis, par une décision du 22 octobre 2008, délivré l’agrément de production et accordé le bénéfice de cinquante points au titre de son compte de soutien.
Le syndicat saisira alors le TAP aux fins d’obtenir l’annulation de l’avis de la commission d’agrément, de la lettre du 30 septembre 2008 et de la décision prise le 22 octobre 2008. Par un jugement du 10 février 2011, le tribunal rejettera comme irrecevables les conclusions tendant à l’annulation de l’avis de la commission d’agrément et comme non fondées celles tendant à l’annulation des décisions des 30 septembre et 22 octobre 2008.
Le syndicat interjette appel de ce jugement demandant à la Cour de l’annuler et de faire droit à sa demande.
Discussion :
1 – Parmi les aides à la cinématographie, régime un temps fortement controversé par la Commission européenne, le soutien financier accordé par le CNC, EP tient une part importante.
Il s’agit d’une part, d’un soutien culturel, notamment à la création artistique, d’autre part, économique, avec la promotion d’une industrie fragilisée : soutien à la production cinématographique, soutien à la distribution des films, soutien aux établissements de spectacles cinématographiques, pour celles qui nous concernent.
Pour bénéficier des aides financières à la production / promotion, les présentateurs d‘une œuvre de cette nature doivent remplir trois conditions :
- d’une part, l’œuvre doit être réalisée avec le concours d’auteurs, d’acteurs, de techniciens, d’industries techniques français ou ressortissants d’Etats membres de l’Union européenne, ou encore d’autres Etats s’ils ont conclu un accord international de coproduction avec la France ;
- d’autre part, les œuvres doivent être réalisées avec le concours de studios de prises de vues ou de laboratoires remplissant les mêmes conditions de nationalité ;
- enfin, les œuvres doivent avoir été produites par au moins une entreprise de production remplissant les conditions fixées par l’article 7 du décret, c’est-à-dire établies en France et dont les dirigeants sont majoritairement français, ou ressortissants d’un Etat de l’Union européenne ou -à condition cette fois qu’ils ne soient pas majoritaires- d’un Etat partie à un accord dans le domaine de l’audiovisuel.
Si l’œuvre présentée par son producteur remplit ces conditions, le CNC lui ouvre un « compte » qui ne sera alimenté qu’à la condition qu’elle obtienne un agrément.
Cet agrément est de deux types :
- un agrément des investissements permettant de mobiliser les sommes déjà inscrites en compte avant la réalisation du film ;
- un agrément de production délivré après la sortie du film en fonction de son succès. Ce dernier, réparti entre les coproducteurs, n’est mobilisable que pour réaliser un nouveau film.
C’est dans ce cadre juridique que se situe le présent litige.
2 – Les présentes conclusions se limiteront à l’examen des seuls moyens développés dans le mémoire ampliatif, dès lors que certains seulement esquissés lors du dépôt de la requête sommaire n’ont pas été développés et que vous pourrez les écarter au moyen de la formule classique selon laquelle vous n’êtes pas à même d’apprécier leur portée ou leur bien fondé.
3 – Vous pourrez confirmer que les conclusions dirigées contre l’avis de la commission d’agrément du 23 juillet 2008 sont irrecevables, puisque cette commission émet un avis consultatif non susceptible de recours.
4 – Les appelants soulèvent tout d’abord des moyens tenant à l’irrégularité du jugement :
A – Ils soutiennent que le jugement est entaché d’une omission à statuer :
Nous rappellerons d’abord que le juge n’est jamais obligé de répondre à tous les arguments même s’il doit répondre à tous les moyens. Il n’avait donc pas à répondre en détail à celle-ci.
Ensuite, que le tribunal en motivant sa réponse sur le moyen tiré de la méconnaissance des conditions prévues à l’article 10 du décret du 24 février 1999 a suffisamment répondu au moyen soulevé en indiquant « le syndicat requérant n’avait pas établi que les autres conditions posées par l’article 10 du décret n’étaient pas remplies ».
Enfin, s’il a répondu à un moyen tiré de la méconnaissance d’une directive européenne a priori non soulevé, en l’écartant, cette circonstance ne permet pas de conclure qu’il statué ultra petita.
Ce premier moyen pourra être écarté.
B – Ils invoquent encore la méconnaissance de l’article 10 du décret du 24 février 1999 et la dénaturation des pièces du dossier :
Ils se retranchent derrière le fait que les équipes de production fournies par les coproducteurs européens du film ont permis de contourner la réglementation française et de verser des salaires en deçà de ceux versés à des équipes françaises.
Ils considèrent donc que le tribunal a, à tort, jugé que la société productrice française pouvait contracter avec n’importe quelle société étrangère (en l’occurrence une société britannique et une société Tchèque) mettant à sa disposition tout ou partie des techniciens concourant à la réalisation du film sans le cadre d’accords gouvernementaux. Faut d’un tel accord, la production n’aurait pas du être considérée comme une coproduction internationale.
Toutefois, si le décret du 24 février 1999 prévoit, dans le cadre d’une coproduction internationale intervenant dans le cadre d’un accord international de coproduction, de jouir du soutien financier de son Etat, rien n’interdit, pour un producteur français, de former une coproduction internationale hors le champ de l’accord intergouvernemental ou de l’accord européen de coproduction. Rappelons que les dispositions mentionnent d’ailleurs l’obligation d’un accord intergouvernemental que dans l’hypothèse où les coproducteurs ne relèvent par d’un des Etats-membres de l’union européenne. Dans ce cas, il existe seulement une limite, puisque la part de soutient n’est accordée que pour la part « française » de la production. Ce qui fut le cas en l’espèce. La société Babylone AD remplissait bien les conditions de l’article 7 du décret précité, même a minima.
Ainsi, la circonstance que le film n’ait pas été produit dans le cadre d’une production internationale au sens des dispositions du décret du 24 février 1999 a seulement pour conséquence d’exclure l’application des dispositions de ce décret favorables à ce type de coproductions, mais en aucun cas de priver le film du droit au soutien financier de l’Etat, dès lors que les dispositions des articles 7 et 10 du décret sont respectées.
Le tribunal n’a donc pas dénaturé les pièces du dossier. Ce moyen sera écarté.
Le jugement est donc régulier.
5 – Le syndicat requérant soutient que le directeur général du Centre national de la cinématographie a méconnu l’article 3 de la décision n° 12 du 2 mars 1948 :
Ils soutiennent que cette décision interdirait la conclusion de contrats avec des sociétés étrangères. Cet article 3 précise en effet que : « Aucune entreprise appartenant à l’une des branches de l’industrie cinématographique ne peut contracter valablement au regard de la réglementation professionnelle avec une autre entreprise ressortissant à cette industrie qui ne serait pas titulaire de l’autorisation prévue à l’article 1er de la présente décision. Tous contrats, conventions ou actes quelconques passés entre deux ou plusieurs entreprises ressortissant à l’industrie cinématographique doivent obligatoirement mentionner le ou les numéros des autorisations dont ces entreprises sont titulaires.»
Toutefois, ces dispositions n’ont ni pour objet, ni pour effet d''interdire à ces sociétés françaises de conclure, avec des sociétés étrangères, un contrat, ni de réaliser un film en coproduction avec une telle entreprise, dès lors qu’elles se bornent à réclamer le soutien de la seule part « française » de cette réalisation.
Ce moyen sera écarté.
6 – Le syndicat requérant soutient encore qu’en validant le procédé de MAD de salariés employés par des sociétés étrangères auprès de la société Babylon AD, le directeur général du Centre national de la cinématographie a commis un détournement de pouvoir
Cependant, ainsi qu’il a déjà été dit, l’intervention de ces sociétés étrangères ne faisait nullement obstacle à la délivrance de l’agrément de production au film en cause et en outre rien ne vient établir ou faire soupçonner que le DG du CNC aurait agi dans un but étranger à celui qui s’attache au soutien financier accordé à la production cinématographique française.
Ce moyen sera écarté.
7 – Dès lors que les conditions de délivrance de l’agrément de production, posées par les articles 7 et 10 du décret du 24 février 1999 étaient satisfaites, le syndicat ne peut utilement soutenir que l’agrément contesté méconnaîtrait le principe d’égalité parce qu’il favoriserait les entreprises françaises utilisant des salariés étrangers pour la production d’un film.
Ce moyen sera écarté.
8 – Enfin, aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que l’intervention, pour la production d’un film, d’équipes de production non françaises, doive donner lieu à un abattement constitutif d’une sanction dans l’hypothèse de la coproduction entre entreprises situées dans des Etats-membres de l’Union européenne.
Ce dernier moyen sera écarté et rejeter les conclusions dirigées contre les décisions des 30 septembre et 22 octobre 2008.
Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête et proposons de mettre à la charge du syndicat appelant une somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.
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