CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 08P01629

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 24 janvier 2008, N° 0615060
Précédents jurisprudentiels : CAA Paris 18 mars 2009 société Parfums via Paris, requête n° 08PA02969
C.E. 18 juin 2008 M. X, n° 299567
C.E. ordonnance du 21 avril 2004, SA Groupe Comte et autres, n° 265749
C.E. ordonnance du 21 avril 2004 SA Groupe Comte et autres, n° 265749
C.E. section 17 mars 1972 Dme Figaroli c/ office public d'
TA Montpellier 19 février 2008 SCI Bernabe, requête n° 0604429

Texte intégral

08PA01629
Société civile immobilière GUIRAUTOU
Audience du 14 septembre 2009
Lecture du 28 septembre 2009
CONCLUSIONS de Mme Anne SEULIN, Rapporteur public
La société civile immobilière (SCI) GUIRAUTOU est immatriculée au registre du commerce et des sociétés de la ville de Montauban depuis le 9 mai 1984. Par un courrier en date du 27 novembre 2001, elle a sollicité le bénéfice du désendettement en faveur des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée prévue par le décret n° 99-469 du 4 juin 1999. La SCI était représentée par son gérant, M. Z A.
Après en avoir délibéré le 26 octobre 2004, la demande de la SCI a été déclarée inéligible par la commission nationale de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée par décision du 27 janvier 2005 notifiée le 31 janvier suivant.
Conformément à l’article 12 du décret, la SCI GUIRAUTOU a introduit un recours préalable le 24 mars 2005, reçu le 30 mars 2005, auprès de la mission interministérielle aux rapatriés. Une décision implicite de rejet est donc intervenue deux mois plus tard, le 30 mai.
La SCI vous demande d’annuler le jugement n°0615060 du tribunal administratif de Paris du 25 janvier 2008 ayant rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision par laquelle le premier ministre a implicitement rejeté son recours préalable.
.
1. Nous observerons tout d’abord que bien que la requête devant le tribunal administratif n’a été enregistrée que le 13 octobre 2006, soit plus d’un an après la décision implicite de rejet du 30 mai 2005, cette requête n’est pas pour autant tardive dès lors que l’administration n’a pas accusé réception de ce recours. Le délai du recours contentieux n’a donc pas commencé à courir à l’encontre de cette décision implicite de rejet (voir en ce sens : C.E. 18 juin 2008 M. X, n°299567).
2. Nous vous proposerons en revanche de faire droit au moyen tiré de l’insuffisance de motivation voir de contradiction dans les motifs retenus par le tribunal ( C.E. section 17 mars 1972 Dme Figaroli c/ office public d’habitation à loyer modéré de la ville de Nantes, n° 76453, recueil p. 224).
En effet, après avoir rappelé les dispositions combinées du l’article 2 du décret du 4 juin 1999 et de l’article 44-I de la loi de finances rectificative pour 1986 dont il résulte que bénéficient des dispositions du décret, les sociétés civiles immobilières dont le capital est détenu par les rapatriés définis à l’article 1er de la loi n°61-1439 du 26 décembre 1961, à concurrence de 51 p. 100 ou de 90 p. 100 selon que la société a été crée avant ou après le 15 juillet 1970, le tribunal rejette le moyen tiré de ce que des rapatriés mineurs visés au 2° de l’article 2 dudit décret détiendraient indirectement le capital de la société GUIRAUTOU au motif que « la qualité de rapatriés des dirigeants d’une société étant sans incidence l’éligibilité de la société qui demande à bénéficier du dispositif que prévoit ce décret », sans plus de précision.
Compte tenu de l’ambigüité de cette formulation, il nous semble que, ou bien le tribunal n’a pas suffisamment motivé sa décision en n’indiquant pas ce qu’il entendait comme dirigeant de société, ou bien a entaché sa décision d’une contrariété de motifs au regard du dispositif ci-dessus rappelé. Nous vous proposerons donc de prononcer l’annulation de ce jugement pour insuffisance de motivation ou contrariété de motifs.
3. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SCI GUIRAUTOU devant le tribunal administratif de Paris.
A – La société civile immobilière GUIRAUTOU soutient d’abord que l’accès au dispositif de désendettement organisé par le décret du 4 juin 1999 n’est pas conditionné par la définition et les limites des publics bénéficiaires tels qu’ils sont fixés par les lois du 26 décembre 1961 et 30 décembre 1986 car le Conseil d’Etat aurait jugé, dans son arrêt du 5 juillet 2000 ANDR et autres, que ce décret était entièrement distinct des régimes d’aide défini par les textes antérieurs.
Vous constaterez toutefois que l’article 2 du décret n°99-469 du 4 juin 1999 renvoie dans son 1° aux personnes mentionnées au I de l’article 44 de la loi de finances rectificative pour 1986, lequel article renvoie à son tour aux français rapatriés tels qu’ils sont définis à l’article 1er de la loi n°61-1439 du 26 décembre 1961, à titre individuel ou en tant que détenteurs de capital dans des sociétés.
Par ailleurs, le Conseil d’Etat fait une lecture combinée de ces textes pour déterminer les personnes physiques ou morales éligibles au dispositif d’aide au désendettement mis en place par le décret du 4 juin 1999 (voir par ex : C.E. 18 juin 2008 M. X, n°299567 ou C.E. ordonnance du 21 avril 2004, SA Groupe Comte et autres, n°265749 et suivants, publié au recueil).
Dès lors, la circonstance que le décret du 4 juin 1999 ait institué un dispositif d’aide distinct des précédents n’exclut donc pas une lecture combinée de ces textes pour la détermination des personnes éligibles au dispositif. Le moyen sera donc écarté.
B – La société civile immobilière GUIRAUTOU soutient alors qu’elle est une filiale pratiquement à 100 % de la société anonyme les Jardins de Lafrançaise, elle-même détenue par la société civile d’exploitation agricole (SCEA) Les Vergers de Bagnols et par le groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) de Rocheville dont le capital est lui-même détenu en grande partie par des mineurs au rapatriement et pupilles de la nation éligibles au décret du 4 juin 1999 sur le fondement du 2° de l’article 2 dudit décret et non sur celui du I de l’article 44 de la loi du 30 décembre 1986. Elle ajoute que la SCEA Vergers de Bagnols et le GAEC de Rocheville ont été déclarés éligibles au dispositif au pro rata des parts sociales des personnes pouvant bénéficier du décret du 4 juin 1999.
Avant de répondre à ce moyen, il convient de rappeler précisément les dispositions applicables.
Aux termes de l’article 2 du décret du 4 juin 1999 susvisé : « Bénéficient des dispositions du présent décret les personnes appartenant à l’une des deux catégories suivantes : 1° Personnes mentionnées au I de l’article 44 de la loi de finances rectificative pour 1986 ; 2° Mineurs au moment du rapatriement qui, ne remplissant pas les conditions fixées au I de l’article 44 précité, répondent à l’une au moins des quatre conditions suivantes : – être pupille de la nation ; – être orphelin de père et de mère en raison des évènements ayant précédé le rapatriement ; – être orphelin et avoir repris l’entreprise d’un grand-parent ; – être une personne dont le père ou la mère, exerçant une profession non salariée, n’a pas pu se réinstaller en raison de son décès intervenu dans la période de cinq ans suivant le rapatriement ».
Les personnes mentionnées à l’article 44-I de la loi de finances rectificatives pour 1986 sont les français rapatriés tels qu’ils sont définis à l’article 1er de la loi n°61-1439 du 26 décembre 1961 installés dans une profession non salariée, les Français rapatriés qui ont cessé ou cédé leur exploitation, les héritiers légataires universels ou à titre universel de ces mêmes rapatriés, les enfants de rapatriés, mineurs au moment du rapatriement, qui ont repris une exploitation pour laquelle leurs parents avaient obtenu l’un des prêts mentionnés ci-dessous, ainsi que les sociétés industrielles et commerciales, les sociétés civiles d’exploitation agricoles et les sociétés civiles immobilières dont le capital est détenu par les rapatriés définis à l’article 1er de la loi n°61-1439 du 29 décembre 1961 précitée, à concurrence de 51 p. 100, si la société a été créée avant le 15 juillet 1970, ou de 90 p. 100 si la société a été constituée après cette date.
Enfin, l’article 1er de la loi n°61-1439 du 29 décembre 1961 définit les rapatriés comme « les Français, ayant dû ou estimé devoir quitter, par suite d’évènements politiques, un territoire où ils étaient établis et qui était antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France ».
Il résulte de la jurisprudence que les enfants de rapatriés mineurs au moment du rapatriement n’ont pas eux-mêmes la qualité de rapatriés au sens de la loi précitée du 29 décembre 1961, même s’ils sont héritiers de rapatriés, de sorte qu’une société détenue majoritairement par des enfants de rapatriés n’est pas éligible au dispositif du décret du 4 juin 1999 : C.E. ordonnance du 21 avril 2004 SA Groupe Comte et autres, n°265749 et suivants, publié aux tables ; CAA Paris 18 mars 2009 société Parfums via Paris, requête n°08PA02969.
On peut déduire de cette jurisprudence que les demandes formées au nom des sociétés civiles ou commerciales doivent être appréciées distinctement des demandes formées à titre individuel par les personnes physiques mineurs au moment du rapatriement.
En effet, là où pour être éligibles, le capital social des sociétés civiles et commerciales doit être détenu par des rapatriés au sens de l’article 1er de la loi du 29 décembre 1961, les personnes physiques mineurs au moment du rapatriement, qui n’ont pas nécessairement la qualité de rapatriés, peuvent être éligibles au titre de plusieurs des catégories du I de l’article 44 de la loi de finances rectificative pour 1986 ou des nouvelles catégories créees par le 2° de l’article 2 du décret du 4 juin 1999 (voir par ex : TA Montpellier 19 février 2008 SCI Bernabe, requête n°0604429).
C’est pourquoi nous ne pouvons qu’être étonnés que la commission nationale de désendettement des rapatriés ait reconnu, dans une décision du 6 août 2001, l’éligibilité du GAEC de Rocheville dans la limite du pourcentage du capital social détenu par les membres reconnus éligibles, à savoir M. Y B pour 41, 70 % et M. C D pour 8, 29 % et, dans une autre décision du 24 juin 2005 postérieure à la décision attaquée, reconnu l’éligibilité de la SCEA Les Vergers de Bagnols dans la limite du pourcentage du capital social détenu par MM. Y et E B à hauteur de 40, 17 %, alors qu’en leur qualité de mineurs au moment du rapatriement, on peut se demander s’ils ont bien la qualité de réfugiés au sens de la loi du 29 décembre 1961 et, à supposer qu’ils aient bien cette qualité, alors, en tout état de cause, que les seuils de 51 p. 100 et 90 p. 100 n’étaient pas atteints. A moins que MM. Y et E B et M. C D aient repris l’exploitation de leurs parents ou grands-parents, mais cela ne ressort pas des pièces du dossier.
Quoi qu’il en soit, MM. Y et E B et M. C D ne sont actionnaires que très indirectement de la société civile immobilière GUIRAUTOU, puisque l’actionnaire principal de celle-ci à 99, 6 % est la société anonyme Les jardins de Lafrançaise, elle-même détenue seulement à 77, 44 % par le GAEC de Rocheville et la SCEA Les vergers de Bagnols et alors qu’il ressort des pièces du dossier que les parts cumulées de MM. Y et E B et de M. C D dans ces deux dernières sociétés atteignent seulement 32, 73 % des parts sociales.
La SCI GUIRAUTOU ayant été crée en 1984, nous sommes loin du seuil de 90 % exigé par les textes.
C’est donc à juste titre que le ministre a rejeté implicitement le recours formé par la SCI GUIRAUTOU à l’encontre de la décision de la commission nationale de désendettement des rapatriés installés dans une profession non salariée déclarant inéligible la demande de la SCI GUIRAUTOU.
PCM nous concluons : – à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 25 janvier 2008 ; – au rejet de la requête de la société GUIRAUTOU et, par suite, au rejet de sa demande tendant au paiement des frais irrépétibles.
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