CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 97PA01777

  • Appel d'offres·
  • Aéroport·
  • Concession·
  • Sociétés·
  • Exploitation·
  • Domaine public·
  • Douanes·
  • Boutique hors taxe·
  • Attribution·
  • L'etat

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CE, 168238, 10 décembre 1997
CE, 4 mars 1935
Cf, l' arrêt de la CAAP n° 93PA00980 du 20 février 1996

Sur les parties

Texte intégral

4e CHAMBRE A
PRESIDENT : JEAN-PIERRE JOUGUELET
RAPPORTEUR : BERNARD EVEN
COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT : C D ***
AUDIENCE : MARDI 24 OCTOBRE 2000 LECTURE : 14 NOVEMBRE 2000 ***
AFFAIRE : n° 97PA01777
SA E F ( Me Johelle ROUE-VILLENEUVE, avocat au CE et à la Cour de Cassation)
C / Société Casimir E Duty Free Shop ( SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au CE et à la Cour de Cassation)
Intervention de la Société d’équipement de E et des Îles, dite Y (Me Alain Monod, avocat au CE et à la Cour de Cassation) * c / jugement du 10 avril 1997 du tribunal administratif de Papeete ***
CONCLUSIONS
Par un décret en Conseil d’Etat du 7 janvier 1966, publié au JO du 21 du même mois, une concession d’outillage public pour l’exploitation de l’aéroport de E-I,- lequel est un aéroport destiné à la circulation aérienne publique qui appartient à l’Etat -, a été accordée à la Société d’équipement de E et des Îles, ( Y), laquelle est une société d’économie mixte, également concessionnaire des aéroports de Raiatea et de Bora-Bora du territoire de la Polynésie française.
En vertu de l’article 43 du cahier des charges annexé au décret, la durée de la concession, – dont l’article 2 du décret précise qu’elle prenait effet le 1er janvier 1966-, d’abord fixée à trente ans à compter du 1er janvier suivant l’octroi de la concession, – soit, à compter du 1er janvier 1967 ; elle devait donc initialement expirer le 31 décembre 1996-, a été prorogée jusqu’au 31 décembre 1998 par un décret en Conseil d’Etat du 6 septembre 1996, publié au JO de la République française du 13 septembre 1996 ainsi qu’au JO de la Polynésie française du 24 octobre 1996.
Le cahier des charges annexé au décret précise, en son article 1er, l’objet de la concession : celle-ci a, en particulier, pour objet d’assurer sur l’aéroport de E-I l’entretien et l’exploitation de l’aérogare “passagers” , lequel comprend notamment des locaux et emplacements nécessaires à l’installation de commerces divers. L’article 31 de ce cahier des charges autorise la Y, avec l’agrément du ministre chargé de l’aviation civile, à “sous-traiter l’exploitation” de tout ou partie des ouvrages, installations et matériels concédés.
Par une convention du 26 novembre 1983 comportant occupation des dépendances du domaine public aéronautique, la Y a ainsi autorisé la société Casimir à occuper certains locaux et emplacements dépendant du domaine public aéroportuaire de l’Etat en vue de l’exploitation de la boutique sous douane n° 4 destinée à la vente de produits hors-taxes, contre le versement d’une redevance d’occupation domaniale et d’une redevance commerciale calculée sur le chiffre d’affaire brut de l’exploitation. La durée de cette convention a été d’abord fixée à cinq années à compter du 1er avril 1984, puis prorogée jusqu’au 31 mars 1995 grâce à la passation de deux avenants successifs.
Enfin, par trois lettres du 6 mars 1995, du 28 novembre 1995 et du 8 janvier 1996, M. X, directeur des concessions des aéroports au sein de la Y, écrit à la société, devenue la Société Casimir E Duty Free Shop, qu'“afin de préparer le lancement de l’appel d’offres pour l’exploitation des boutiques hors douanes et sous douanes au sein de l’aéroport de E- I”, son autorisation d’occupation est prorogée successivement jusqu’au 31 décembre 1995, 31 janvier 1996 et 29 février 1996, date à laquelle elle prendra fin de plein droit,
Un appel d’offres en vue de l’exploitation des boutiques hors taxes situées dans la zone sous douane de l’aéroport de E-I, portant sur l’attribution d’une surface de vente de 300 m², est effectivement lancé. Les offres doivent être remises avant le 29 décembre 1995.
Trois sociétés ont soumissionné, dont la société Casimir E Duty Free Shop et la SOCIÉTÉ E F. La commission dite “d’attribution des appels d’offres” de la SEDIL, en sa séance du 13 février 1996, a retenu la candidature de la SOCIÉTÉ E F. Par une lettre du 20 février 1996, M. X en a avisé cette société.
Une convention comportant occupation du domaine public aéroportuaire de l’Etat a alors été signée entre la SEDIL et la SOCIÉTÉ E F, ainsi autorisée à exploiter les boutiques sous douane à compter du 1er mars 1996, pour une durée de sept ans, renouvelable. Le cahier des clauses et conditions générales des autorisations d’occupation délivrées par le concessionnaire, annexé à la convention passée entre la Y et la SOCIÉTÉ E F, précise que cette convention est placée sous le régime des occupations temporaires du domaine public de l’Etat.
Un courrier, également daté du 20 février 1996 et signé par M. X, a informé la société Casimir E Duty Free Shop que son offre n’avait pas été retenue et lui a demandé de libérer les lieux pour le 29 février 1996, date d’expiration de l’autorisation d’occupation d’une partie du domaine public aéroportuaire qu’elle détenait.
* Le 26 février 1996, la SA Casimir E Duty Free Shop a alors saisi le TA de Papeete de deux demandes tendant respectivement à l’annulation et au sursis à l’exécution de “l’appel d’offres en date du 1er décembre 1995 lancé par la Y pour l’exploitation de boutiques hors taxes situées à l’aéroport de E I”. Dans un mémoire complémentaire enregistré le 18 mars 1996 au greffe du TA de Papeete, la société demanderesse ajoute que “l’attribution en date du 23 janvier 1996 de l’appel d’offres à la SOCIÉTÉ E F apparaît d’une nullité absolue”.
LA Y a, de son côté, présenté aux juges de premier ressort une demande reconventionnelle tendant à ce qu’il soit enjoint à la société Casimir E Duty Free Shop de restituer les clés des locaux et de libérer les lieux, sous astreinte de 100. 000 F CFP par jour de retard.
* Par un jugement du 10 avril 1997, le TA de Papeete a annulé la décision en date du 13 février 1996 par laquelle la Y a attribué la concession des boutiques de l’aéroport de E- I à la SOCIETE E F et rejeté les conclusions reconventionnelles de la Y. Le terme de “concession” utilisé par le TA désigne ici la convention conclue entre la Y et la SOCIETE E F. Nous la dénommerons plutôt “sous-traité d’exploitation” ou “sous-concession” pour la distinguer de la concession accordée à la Y par l’Etat.
C’est le jugement contesté devant vous par la SA E F. La société requérante vous demande également de condamner la société Casimir E Duty Free à lui verser une somme de 15. 000 F, au titre de ses frais irrépétibles.
***
I Compétence de la juridiction administrative :
La compétence juridictionnelle est ici déterminée par l’article L. 84 du code du domaine de l’Etat, issu du décret du 17 juin 1938, qui réserve à la compétence de la juridiction administrative “les litiges relatifs aux contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou dénomination, passés par l’Etat, les établissements publics ou leurs concessionnaires”. Peu importe que le concessionnaire de l’Etat soit, comme en l’espèce, une personne morale de droit privé, la Y étant une société d’économie mixte régie, sauf dérogation expresse, par la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.
Ce qui importe, c’est qu’elle ait, en sa qualité de titulaire d’une concession d’outillage public pour l’exploitation d’un aéroport appartenant à l’Etat, sous-traité à la SOCIÉTÉ E F l’exploitation de boutiques hors taxes situées dans la zone sous douane de l’aéroport de E I, lequel appartient, y compris les emplacements de ces boutiques, au domaine public aéroportuaire de l’Etat.
L’article L. 84 du code du domaine de l’Etat est applicable au domaine public aéroportuaire de l’Etat situé en Polynésie française, le statut de ce TOM, fixé par la loi du 6 septembre 1984, en vigueur à la date de passation de la convention litigieuse conclue entre la Y et la SOCIÉTÉ E F, prévoyant que “ l’Etat exerce ses droits de souveraineté et de propriété sur son domaine public et privé, terrestre, maritime et aérien”. L’article L. 84 constitue donc bien un texte de souveraineté.
Cf, l’arrêt de la CAAP n° 93PA00980 du 20 février 1996, Y, s’agissant de la décision de résiliation de la convention conclue entre la Y et la société Horizon Pacifique, chargée d’accueillir et de renseigner le public sur tous les services proposés dans les aéroports dont la Y est concessionnaire, convention qui comportait occupation d’une dépendance du domaine public aéroportuaire de l’Etat, sous la forme d’un comptoir d’information. T., p. 782, 1007 et 1014.
Cf, TC, 3169, 18 octobre 1999, Préfet de Corse, Préfet de la Corse du Sud c / cour d’appel de Bastia à propos du conflit opposant Mme Z, titulaire d’un sous-traité de concession, à la commune d’Ajaccio à qui l’Etat a concédé l’établissement et l’exploitation du port de plaisance ; le sous-traité de concession confiait à Mme Z l’établissement et l’exploitation, à l’intérieur du port de plaisance, d’une station de distribution de produits pétroliers pour l’avitaillement des bateaux.
***
II Régularité du jugement attaqué :
II-1 La société E F reproche au premiers juges d’avoir soulevé un moyen d’office en omettant de procéder à la communication préalable aux parties prescrite par l’article R.153-1 du CTACAA, en violation du caractère contradictoire de la procédure et du principe des droits de la défense.
Il est vrai que, pour annuler la décision d’attribution de l’exploitation des boutiques sous douane de l’aéroport à la SOCIÉTÉ E F, le TA a d’abord relevé que cette décision avait été prise incompétemment par la commission dite d’attribution des appels d’offres, alors que ce moyen n’avait pas été invoqué. En effet, la société Casimir avait bien invoqué l’incompétence de l’auteur de la décision attaquée, mais elle attribuait la paternité de cette dernière à M. X, le directeur des concessions des aéroports de la SEDIL, qui, selon elle, n’avait reçu aucune délégation pour lancer l’appel d’offres et signer la convention litigieuse de la part du conseil d’administration de la Y.
Certes, le TA a retenu, de manière surabondante, outre ce moyen de légalité externe, un moyen de légalité interne. A supposer même que le TA ait considéré que ce dernier moyen était de nature à lui seul à entraîner l’annulation de la décision attaquée, l’irrégularité que nous venons de relever conduit, en tout état de cause, à l’annulation du jugement et à l’évocation.
II-2 La SOCIÉTÉ E F, en contestant la recevabilité de la demande de première instance présentée par la société Casimir E Duty Free Shop, est amenée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d’une autre irrégularité, qu’elle qualifie d’erreur de droit : le TA, selon elle, aurait statué ultra petita après avoir dénaturé les conclusions de la société Casimir.
Ces conclusions étaient, en effet, dans la demande initiale, dirigées contre l’appel d’offres lancé le 1er décembre 1995 par la Y en vue de l’exploitation des boutiques hors taxes situées dans la zone sous douane de l’aéroport de E-I. Si la SOCIÉTÉ E F reconnaît que, dans son mémoire complémentaire de première instance, la société Casimir E Duty Free Shop a contesté “l’attribution en date du 23 janvier 1996 de l’appel d’offres à la SOCIÉTÉ E F”, elle prétend que la décision ainsi attaquée n’était pas identifiée avec suffisamment de précision.
La SOCIÉTÉ E F reproche au TA de ne pas avoir soulevé d’office l’irrecevabilité de telles conclusions, s’agissant d’un moyen d’ordre public, en suivant la procédure de l’article R.153-1 du CTACAA.
Certes, si le juge administratif était contraint de s’en tenir à la lettre des conclusions tendant à l’annulation de l’appel d’offres, ces conclusions ne pourraient qu’être écartées comme irrecevables, dès lors qu’elles sont dirigées contre un acte préparatoire insusceptible de faire l’objet d’un REP.
Cependant, il ressort de la lecture du contexte de la demande initiale de première instance de la société Casimir E Duty Free Shop, enregistrée le 26 février 1996 au greffe du TA de Papeete, que cette société conteste “le contrat d’autorisation d’occupation résultant dudit appel d’offres”.
Relevons qu’elle joint à sa demande initiale la lettre du 20 février 1996 par laquelle M. X l’informe que la commission d’attribution des appels d’offres de la concession aéroportuaire n’a pas retenu son offre pour l’exploitation des boutiques sous douane de l’aéroport de E-I.
Il n’est pas établi qu’à cette date, elle ait été en mesure de produire la décision d’attribution de l’exploitation des boutiques sous douane à la SA E F ni la convention de sous-concession passée entre cette société et la Y : ce sont en effet deux actes qui n’avaient pas à lui être notifiés.
Enfin, dans son mémoire complémentaire enregistré le 18 mars 1996 au greffe du TA de Papeete, la société demanderesse a contesté “l’attribution en date du 23 janvier 1996 de l’appel d’offres à la SOCIÉTÉ E F”. D’après les pièces du dossier, c’est la date à laquelle la commission d’appel d’offres a procédé à l’ouverture des plis contenant les trois offres présentées pour l’exploitation des boutiques sous douane.
Certes, la société Casimir E Duty Free Shop n’a pas attribué la décision d’attribution de ce sous-traité d’exploitation à la SA E F à l’autorité qui a signé la convention d’attribution, à savoir le directeur des concessions des aéroports de la Y. Mais cette circonstance n’est pas de nature à rendre irrégulière la requalification des conclusions à laquelle les juges de premier ressort ont procédé, conformément au réalisme et au pragmatisme traditionnels du juge administratif. Les premiers juges ont en effet considéré que la société Casimir E Duty Free Shop devait être regardée comme ayant “entendu contester la décision d’attribution de l’exploitation des boutiques de l’aéroport”, laquelle est détachable de la convention conclue entre la Y et la SOCIÉTÉ E F.
*Nous vous proposons donc d’annuler le jugement attaqué, en raison de l’irrégularité commise par les premiers juges qui n’ont pas respecté les dispositions de l’article R.153-1 du CTACAA, d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de première instance de la société Casimir E Duty Free Shop, puis d’écarter les FNR opposées à cette demande par la SOCIÉTÉ E F.
***
III Examen des moyens invoqués en 1re instance par la société Casimir E Duty Free Shop :
III-1 En 1re instance, la société demanderesse a soutenu qu’à la date de lancement de l’appel d’offres litigieux, qui a eu lieu le 1er décembre 1995, la concession d’outillage public pour l’exploitation de l’aéroport de E I accordée par l’Etat à la SEDIL était venue à expiration. Ce moyen n’est pas repris dans le mémoire en défense que la société Casimir E Duty Free Shop a produit en appel, mais il n’est pas non plus expressément abandonné. Il faut donc y répondre.
Vous pourrez l’écarter aisément. En effet, nous avons déjà dit que la durée de la concession octroyée à la SEDIL devait expirer initialement le 31 décembre 1996, puis qu’elle a été prorogée jusqu’au 31 décembre 1998. Le moyen manque donc en fait.
III-2 *La société Casimir E Duty Free Shop faisait valoir, en deuxième lieu, devant le tribunal administratif que M. X, directeur des concessions des aéroports au sein de la Y, n’était pas compétent tant pour lancer l’appel d’offres que pour signer la convention autorisant la SA E F à exploiter les boutiques sous douane et à occuper la partie correspondante du domaine public aéroportuaire de l’Etat.
En appel, la société Casimir E Duty Free Shop conteste la compétence de la commission d’appel d’offres qu’elle considère désormais, à la suite des premiers juges, comme l’auteur de la décision attribuant à la SA E F l’exploitation des boutiques sous douane.
Cependant, si la décision de retenir l’offre présentée par la SA E F a été prise par la commission d’appel d’offres, la décision de signer la convention valant “sous-concession” ou “sous-traité d’exploitation” et comportant occupation d’emplacements situés sur le domaine public de l’Etat émane de M. X qui a effectivement signé cette convention. Il n’est pas établi ni même allégué qu’il se serait regardé comme lié par la proposition de la commission d’appel d’offres.
C’est aussi M. X qui, en amont, a décidé de lancer un appel d’offres en vue de l’attribution de l’exploitation des boutiques sous douane et d’avoir recours à une commission d’appels d’offres, composée à la fois de représentants de l’Etat et de représentants de la Y, alors qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne soumet la convention litigieuse aux principes de publicité et de mise en concurrence prévus par le code des marchés publics. Cette convention n’entre pas en effet dans le champ d’application de l’article 48, I de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, à supposer même que ces dispositions s’appliquent sur le Territoire de la Polynésie française.
*S’agissant de l’incompétence de l’auteur de la décision de conclure un contrat administratif, le moyen tiré de la prétendue incompétence de M. X est opérant, même si cette décision émane d’un concessionnaire de l’Etat qui a la statut d’une personne morale de droit privé.
La Y produit un extrait du procès-verbal de la séance du 18 août 1992 au cours de laquelle son conseil d’administration a pris une délibération, sur le fondement de l’article 17 des statuts de la société, portant délégation de pouvoirs en faveur de M. G X, directeur des concessions des aéroports, pour la gestion des contrats de concessions aéroportuaires de la Y. Cette production suffit à établir que M. X était compétent pour décider d’attribuer l’exploitation des boutiques sous douane à la SA E F, en concluant avec celle-ci une convention comportant occupation du domaine public de l’Etat. Voir, a contrario, CAAP, 20 février 1996, Y, précité.
*En effet, la société Casimir ne conteste pas la régularité de cette délibération. Si elle l’avait fait, se serait posée la question de savoir si le juge administratif est compétent pour apprécier la régularité de l’habilitation donnée au directeur des concessions de la Y au regard des règles de droit privé régissant le fonctionnement interne de cette société anonyme d’économie mixte.
Voir, par analogie, la question de l’habilitation de la personne qui agit en justice au nom d’une personne morale de droit privé. La CAA de Lyon a, à plusieurs reprises, affirmé que “si le juge administratif doit vérifier que le signataire d’un recours présenté au nom d’une personne morale a été dûment habilité par l’organe compétent défini par les statuts, il ne lui appartient pas de s’assurer de la régularité des conditions dans lesquelles cette habilitation a été donnée au regard des règles de droit privé régissant le fonctionnement interne de la personne morale en cause”, association, syndic de copropriété d’un immeuble…. ( cf, arrêts du 11 mars 1997, 22 mars 1994…).
Cependant, dans ses conclusions sous la décision de Section du CE, Fédération de la Plasturgie, 3 avril 1998. M. A rappelle au CE que “quelle que soit la nature juridique des statuts de la personne morale, que celle-ci soit de droit public ou de droit privé, vous contrôlez vous-même directement qui est habilité aux termes des statuts. Il n’y a pas dans ce domaine de questions préjudicielles. Mais il n’y a pas de questons préjudicielles non plus lorsqu’est contestée la régularité de l’acte par lequel l’habilitation a éé donnée (Odent, Cours de contentieux administratif, p. 1003 ; CE, 4 mars 1935, Société X, p. 274 ; 22 octobre 1965, Demoiselle Boissière, p. 547). C’est l’idée que vous disposez d’un large pouvoir de contrôle des conditions dans lesquelles vous avez été saisis.”
En tout état de cause, même si la société Casimir avait contesté la régularité de la délibération du conseil d’administration de la Y habilitant son directeur des concessions à gérer les sous-concessions comportant occupation du domaine public aéroportuaire de l’Etat accordées par la Y, vous n’auriez pas eu à vous demander si le juge administratif dispose d’un aussi large pouvoir de contrôle de la compétence de l’auteur de la décision de signer un contrat administratif, même si cet auteur est l’un des agents de la société d’économie mixte, personne morale de droit privé.
En effet, les statuts de droit privé d’une SEM sont de nature contractuelle. Or la méconnaissance de stipulations contractuelles ne peut être utilement invoquée à l’appui d’un REP. Cf, CE, 14 mars 1997, Compagnie d’aménagement des côteaux de Gascogne, laquelle est une société anonyme d’économie mixte.(T., p. 638, 671 et 1132.) Le moyen tiré de ce que l’habilitation donnée à M. X pour gérer les sous-traités d’exploitation comportant occupation du domaine public de l’Etat aurait méconnu les stipulations des statuts de la Y, aurait, en tout état de cause, été inopérant à l’appui d’un REP dirigé contre la décision d’attribution de l’exploitation des boutiques sous douane, qui est la décision administrative attaquée dans la présente instance.
III-3 Dans son mémoire complémentaire de première instance, la société Casimir a, enfin, fait valoir que la SA E F “ n’existait pas” à la date de l’appel d’offres ni même à la date du 23 janvier 1996 qui est la date à laquelle la commission d’appel d’offres a procédé à l’ouverture des plis.
Effectivement, l’analyse des trois offres présentées à laquelle la commission a procédé, mentionne que la SA E F était alors en cours de constitution.
La société Casimir a produit, en première instance, à l’appui de ce moyen, l’avis de constitution de la SA E F publié aux annonces légales dont il ressort que les statuts de cette société ont été établis aux termes d’un acte sous seing privé du 23 février 1996 et qu’à cette date, elle n’était pas immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Papeete.
Dans le dossier de l’appel d’offres lancé pour l’exploitation des boutiques sous douane de l’aéroport de E I, se trouve une “note de renseignements” signée par le directeur des concessions des aéroports de la Y qui indiquait aux candidats que la lettre d’acceptation de l’offre constituerait un engagement formel de leur part de commencer l’exploitation des boutiques. La lettre d’acceptation de l’offre de la SA E F date du 20 février 1996. Elle est donc antérieure de trois jours à la signature des statuts de la société. Le dossier ne permet toutefois pas de connaître la date à laquelle la SA E F l’a reçue ni à quelle date elle a signé le projet de convention annexé à cette lettre. En tout état de cause, la convention précise qu’elle prendrait effet au 1er mars 1996.
*L’article 5, 2nd alinéa, de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales prévoit que “les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant qu’elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société”.
Le CE a admis qu’en application de ces dispositions, une autorisation d’occuper une parcelle domaniale sur le terre-plein d’un port en vue de l’installation d’une usine de traitement de maërl approvisionné par voie maritime ait été demandée par une société en cours de formation et que cette autorisation lui ait été accordée alors qu’elle n’avait pas encore été immatriculée au registre du commerce : CE, 78289, SARL Etablissements Boennec, 17 janvier 1990.
De même, le CE a admis qu’une concession d’occupation d’une parcelle du domaine public maritime en vue de l’exploitation d’un hôtel-restaurant ait été demandée par une société en cours de formation et que le préfet avait pu légalement accordé cette concession à une société “qui n’avait pas encore été immatriculée au registre du commerce mais dont les statuts avaient été signés” : CE, 121601, M. B, 20 mars 1996.
Enfin, CE, 168238, 10 décembre 1997, Société coopérative ouvrière maritime de service de “lamanage” : le CE a écarté une FNR tirée d’un prétendu défaut de capacité à agir en justice opposée à une société dont les statuts n’avaient pas encore été signés par les associés sollicitant un agrément de l’autorité portuaire en vue de l’exercice de l’activité de lamanage, en considérant que cette société “devait cependant être regardée, eu égard à l’objet et aux modalités d’octroi de l’agrément sollicité, comme étant en cours de constitution” .
* La société E F verse aux débats l’offre qu’elle a présentée le 28 décembre 1995. Elle y précisait que sera constituée à E une société anonyme dont les actionnaires seraient le groupe SARESCO, premier groupe français pour l’exploitation de boutiques hors taxes en métropole et dans les départements et territoires d’outre-mer, la société MARLENE SA / FRIESS, qui a l’expérience de l’exploitation des boutiques hors taxes des aéroports de la zone Pacifique, et la SCI MOANA NUI qui, à travers sa filiale SA SEGC, représente le premier distributeur au détail du territoire. La société E F ajoutait que pour garantir son offre, la SA SEGC se portait fort et garantissait solidairement ses propositions.
A confronter son offre aux quatre critères d’évaluation énoncés dans la note de renseignements du dossier de l’appel d’offres, on ne voit pas en quoi la circonstance que la société E F était en cours de formation à la date de présentation de cette offre l’empêchait de donner les renseignements requis et faisait obstacle à l’analyse de son offre par la commission d’appel d’offres au regard de ces critères. Vous pourrez aussi vous reporter utilement aux pièces relatives au dépouillement et à l’analyse des offres auxquels la commission d’appel d’offres a procédé. Il en ressort que la société E F était sans conteste en cours de constitution à la date de la décision attaquée et que cette circonstance est sans influence sur la légalité de celle-ci.
Nous vous proposons donc de rejeter la demande présentée par la société Casimir E Duty Free Shop devant le TA de Papeete et de la condamner à verser à la société E F la somme de 15. 000 F qu’elle demande au titre de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS […]
- à l’annulation du jugement du 10 avril 1997 du TA de Papeete ;
- au rejet de la demande présentée devant ce tribunal par la société Casimir E Duty Free Shop ;
- à la condamnation de cette société à verser à la SA E F une somme de 15. 000 F, sur le fondement de l’article L.8-1 du CTACAA.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 97PA01777