CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 00PA03690

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CE 13/10/61 Ville de Marseille p. 567
CE 9/2/68 Soc. Foncière des Champs Elysées, p. 109

Texte intégral

Arrêt 00PA03690 (commune de la Foa c/ Secrétariat d’Etat à l’Outremer)
Lecture du 28 avril 2004
Matière : collectivités territoriales d’outre-mer
Conclusions de Mme X Y, commissaire du gouvernement
Dans la nuit du 26 au 27 décembre 1996, un incendie s’est déclaré dans les locaux de la mairie de La Foa, petite bourgade située à 120 km de Nouméa (Nouvelle-Calédonie). Les registres d’état civil qui y étaient conservés ont été complètement détruits. Dès le lendemain du sinistre, le maire de La Foa s’adresse au Haut commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie pour lui demander de reconstituer les registres du statut particulier pour les années 1935-1996, ainsi qu’au président du tribunal d’instance de Nouméa, pour demander qu’il soit procédé à la reconstitution des pièces d’état civil pour les années 1992-1996. Le 4 juin 1997, le Haut-Commissariat fait savoir à la commune que la reconstitution des registres d’état- civil de statut particulier doit être assurée par la commune, sous sa responsabilité et à ses frais. Le maire de la commune répond le 18 juin 1997 en demandant l’inscription au budget de l’Etat de la dépense correspondant aux frais de reconstitution des registres d’état civil. Plusieurs lettres sont ainsi échangées entre la commune de La Foa et le Haut commissaire de la République ainsi qu’avec le procureur de la République de Nouméa, qui, lui-même, interroge la chancellerie.
Finalement, par une lettre en date du 26 juillet 1999, le Procureur de la République de Nouméa fait connaître au maire de La Foa la réponse du ministère, selon lequel les dépenses de reconstitution des registres de l’état civil de la commune de La Foa ne peuvent pas être supportés par le budget du ministère de la Justice.
La commune de LA FOA saisit alors le TA de Nouvelle-Calédonie, par une requête enregistrée le 22 octobre 1999, par laquelle elle demande au tribunal de « mettre à la charge de l’Etat les frais de reproduction des registres d’état civil de la commune de LA FOA, dont le coût est estimé à 2.234.000 F CFP ». Par un jugement en date du 27 juillet 2000, le TA de Nouvelle-Calédonie interprète ces conclusions comme tendant d’une part « à l’annulation de la décision implicite de rejet de son recours gracieux en date du 18 juin 1997, et rappelé par des courriers ultérieurs restés sans réponse, demandant la prise en charge par l’Etat des frais de reconstitution, d’autre part à la condamnation de l’Etat à lui verser à ce titre la somme de 2.234.000 F CFP ». Le tribunal administratif fait droit à la demande d’annulation et rejette les conclusions indemnitaires comme irrecevables faute de demande préalable chiffrée.
C’est de ce jugement que relève appel le secrétaire d’Etat à l’outre-mer.
La régularité du jugement attaqué est contesté par le secrétaire d’Etat à l’outre-mer sur 2 points :
1/ Le jugement serait insuffisamment motivé, car, selon l’appelant, les premiers juges se sont bornés à citer un article de la loi référendaire et un article du code des communes, sans expliquer en quoi le rapprochement entre ces 2 textes impliquait nécessairement qu’il incombait à l’Etat de prendre en charge les frais de reconstitution des registres d’état civil
Certes, le jugement est un peu elliptique, mais il est motivé : les premiers juges précisent « qu’il ressort de la combinaison de ces dispositions que, la compétence en matière d’état civil relevant de l’Etat et non des communes, il incombe à ce dernier de prendre en charge … » 2/ Les premiers juges n’auraient pas répondu à l’ensemble des moyens soulevés par le Haut-Commissaire, c’est-à-dire au moyen tiré de la distinction qui devait être faite entre le statut civil de droit commun et le statut civil de droit coutumier ainsi qu’au moyen tiré de l’application des articles L. 221-2 et L. 122-14 du code des communes relatives aux dépenses obligatoires des communes.
Cette seconde irrégularité rejoint en réalité celle tirée de l’insuffisance de motivation. En répondant comme ils l’ont fait, de manière un peu elliptique ainsi que nous l’avons dit, les premiers juges ont implicitement, mais nécessairement, d’une part, écarté toute distinction entre les registres d’état civil selon qu’ils sont relatifs au droit commun ou au droit coutumier, d’autre part considéré que les 2 articles cités suffisaient à fonder la compétence de l’Etat.
Le jugement attaqué n’est donc pas entaché d’irrégularité.
Plus délicate est la question de la recevabilité de la demande devant les premiers juges.
Le TA en effet s’est livré à une interprétation des conclusions de la commune qui nous paraît contestable. Car la demande de première instance est très claire : elle tend uniquement à ce que soient mis à la charge de l’Etat les frais de reconstitution des registres. Or ces conclusions indemnitaires étaient irrecevables, ainsi que le faisait valoir le HCR et que l’a jugé le tribunal administratif, faute pour la commune d’avoir préalablement lié le contentieux par une demande préalable ; ce point n’est d’ailleurs plus contesté devant vous. En revanche, vous ne trouverez dans la demande au tribunal, qui mentionne clairement en 1re page « recours de pleine juridiction », aucune conclusion à fin d’annulation d’une quelconque décision. Il était pourtant aisé à la commune en cours d’instance de requalifier ses conclusions en conclusions d’excès de pouvoir. Maints courriers ont été échangés pendant 4 ans entre la commune et le HCR mais aucun des refus opposés par celui-ci ne mentionnait les voies et délais de recours et il était ainsi loisible à la commune, assistée d’un avocat, de demander clairement l’annulation de telle ou telle décision. Le tribunal administratif paraît donc avoir jugé ultra petita.
Vous avez informé les parties de ce que vous pourriez soulever d’office cette irrecevabilité des conclusions de première instance. Le défendeur, c’est-à-dire la commune, vous a répondu qu’il avait entendu « clairement » demander l’annulation de la décision du 8 juillet 1999 prise au nom de l’Etat par le Garde des Sceaux et notifiée à la commune le 26 juillet 1999 par le procureur de la République de Nouméa. Il faut croire qu’une telle clarté n’a pas ébloui les 1ers juges puisque ceux-ci, dans leur effort d’interprétation, ont retenu que la décision attaquée était le rejet implicite de la demande formulée par le maire dans sa lettre du 18 juin 1997 adressée au HCR.
Toutefois il est exact, comme le relève encore le défendeur en réponse au moyen d’ordre public, que le juge apprécie l’objet du recours « compte tenu tant des conclusions de la requête que de la nature des moyens présentés (CE 9/2/68 Soc. Foncière des Champs Elysées, p. 109). Or en l’espèce c’étaient bien des moyens de légalité qui étaient soulevés et la commune demandait de « rejeter les arguments » de l’Etat. Ceci nous paraît aller dans le sens d’un recours pour excès de pouvoir et vous pourriez ainsi considérer que c’est à bon droit, et sans faire d’ultra petita, que les 1ers juges ont considéré que la requête tendait à l’annulation d’une décision, laquelle est plutôt celle notifiée le 26 juillet 1999, déférée d’ailleurs dans le délai puisque la demande a été enregistrée au tribunal administratif le 22 octobre 1999. En outre et surtout, le moyen tiré de l’ultra petita n’est pas d’ordre public (CE 13/10/61 Ville de Marseille p. 567 ; 2/3/90, sol. Implicite, cf. Chapus § 1056). Or il n’a pas été soulevé par l’appelant.
Si vous nous suivez dans cette analyse, vous devrez donc examiner la requête au fond en ayant pris soin de préciser que les conclusions à fin d’annulation étaient dirigées contre la décision notifiée le 26 juillet 1999.
Au fond, l’affaire est assez difficile mais l’argumentation de l’appelant nous paraît convaincante.
Relevons tout d’abord que, contrairement à ce qu’affirme la commune dans son mémoire en défense, le litige porte bien sur la reconstitution de l’ensemble des pièces d’état civil, qu’il s’agisse du statut de droit commun ou du statut coutumier car rien n’indique que seul serait en cause l’état civil de droit commun.
Pour annuler le refus de l’Etat de prendre en charge les frais de reconstitution des registres d’état civil, le TA s’est fondé sur la combinaison :
- des dispositions de l’article 8 de la loi référendaire du 9 novembre 1988, applicable aux faits de l’espèce (l’incendie ayant eu lieu en décembre 1996, les dispositions des 2 lois du 19 mars 1999 n’étaient pas applicables) relatives à la répartition de compétences entre l’Etat et la Nouvelle-Calédonie, prévoyant que l’Etat est compétent pour « les règles concernant l’état civil » ;
- et de l’article L. 122-25 du code des communes applicable à la Nouvelle-Calédonie (« le maire et les adjoints sont officiers d’état civil »). Rappelons en effet que la loi n° 77-744 du 8 juillet 1977 modifiant le régime communal dans le territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances a étendu à la Nouvelle-Calédonie un certain nombre de dispositions du code des communes métropolitain..
Le secrétaire d’Etat à l’outre-mer conteste cette analyse, en relevant plusieurs erreurs de droit.
Précisons au préalable les règles en matière de tenue des registres d’état civil :
- pour la France métropolitaine, le texte applicable est le décret n°62-921 du 3 août 1962 modifiant certaines règles relatives aux actes de l’état civil, qui prescrit l’obligation pour les communes de tenir 2 registres, dont l’un sera à la fin de chaque année, déposé aux archives de la commune, et l’autre au greffe du tribunal de grande instance ;
- pour l’outre-mer, les registres de l’état civil sont établis en trois exemplaires : les 2 premiers comme en métropole, le 3e étant détenu par le ministère de l’outre-mer.
Par ailleurs, il faut tenir compte du principe de spécialité législative, c’est-à-dire que, hormis les lois de souveraineté, les lis et décretes ne sont applicables en Nouvelle-Calédonie que s’ils y ont été étendus, par mention expresse.
Or, un texte prévoit expressément la prise en charge par l’Etat des frais de reconstitution des registres d’état civil, lorsqu’un des deux exemplaires est détruit (l’autre texte, la loi du 15 décembre 1923 modifiée ne s’appliquant qu’aux cas où les deux exemplaires originaux ont été détruits) : il s’agit de la loi du 1er juin 1916, rappelée dans l’instruction générale du ministre de la justice relative à l’état civil de 1955 (celle citée dans les mémoires du 11 mai 1999 étant postérieure aux faits). Or, comme l’indique le secrétaire d’Etat dans ses écritures, et ce n’est pas contesté, cette loi du 1er juin 1916 n’a pas été étendue à la Nouvelle –Calédonie : elle ne lui est donc pas applicable.
Aucun texte particulier applicable à la Nouvelle-Calédonie ne prévoit donc expressément que l’Etat prend à sa charge les frais de reconstitution de registres d’état civil détenus dans les archives d’une commune détruits par un incendie.
Force est donc de se reporter aux textes généraux. On trouve alors 2 catégories de dispositions, celles du code civil, articles 34 à 54, selon lesquels la tenue des registres d’état civil incombe aux officiers d’état civil, et celles du code des communes applicables à la Nouvelle –Calédonie (par la loi précitée du 8 juillet 1977), c’est-à-dire :
- art. L. 122-25 : « le maire et les adjoints sont officiers d’état civil » ;
- art. L. 221-1 : « sont obligatoires pour les communes les dépenses mises à leur charge par la loi » ;
- art. L. 221-2 : « les dépenses obligatoires comprennent notamment : … 2° les frais de bureau et d’impression pour le service de la commune, les frais de conservation des archives communales et du JO de la Nouvelle-Calédonie et dépendances [au lieu de « recueil des actes administratifs du département »], et, pour Nouméa et les communes chef-lieux de subdivision [au lieu de « les communes chef-lieux de canton], les frais de conservation du Journal Officiel … ».
Il résulte de ces dispositions combinées, et bien que la loi ne le précise pas expressément, que les frais correspondant à la tenue des registres d’état civil constituent des dépenses obligatoires pour les communes, puisque cette charge leur incombe. Par ailleurs, l’un des exemplaires de ces registres doit être déposé à la fin de chaque année aux archives de la commune. Et les frais de conservation de ces archives constituent des dépenses obligatoires. Par extension, et compte tenu de l’adverbe notamment qui introduit la liste des dépenses obligatoires, les frais de reconstitution des registres déposés aux archives communales et détruits sont, à notre sens, à la charge des communes.
Il y a lieu en effet, comme le souligne le secrétaire d’Etat dans ses écritures, de bien faire une distinction entre les « règles d’état civil », compétence de l’Etat, et la tenue des registres d’état civil : de ce que l’Etat est compétent en matière de « règles d’état civil » (c’est-à-dire toutes les règles relatives au mariage, à la filiation, etc.), on ne peut pas tirer qu’il doit avoir à sa charge la tenue ou la reconstitution des registres d’état civil. Vous noterez d’ailleurs que l’article 8 de la loi référendaire retenu par le tribunal administratif parle des « règles d’état civil » et non des « actes de l’état civil ».
Enfin, de ce que le maire en tant qu’officier d’état civil agit en qualité d’agent de l’Etat, on ne saurait tirer que l’Etat a à sa charge la tenue et la reconstitution des registres d’état civil. Le ministre invoque à ce sujet à juste titre le 27° point de l’article L. 221-2 du code des commune, selon lequel constituent des dépenses obligatoires les dépenses occasionnées par l’article L. 122-14 du code des communes, également applicable à la Nouvelle-Calédonie, relatif aux dépenses incombant aux communes « dans le cas où le maire en tant qu’agent de l’Etat refuserait ou négligerait de faire un des actes qui lui sont prescrits par la loi ». Est donc une dépense obligatoire pour la commune une dépense correspondant à un acte accompli par le maire en tant qu’agent de l’Etat. Relevons également le fait que constitue une dépense obligatoire pour la commune les frais de conservation du JO : or, lorsque le maire veille à la publication des lois et des règlements, il agit bien en tant qu’agent de l’Etat.
Nous pensons donc que les dépenses en cause doivent être à la charge de la commune de LA FOA et que c’est à tort que le TA de Nouméa a annulé la décision par laquelle l’Etat a rejeté la demande de la commune tendant à la prise en charge par l’Etat des frais de reconstitution de ses registres d’état civil.
Par ces moyens, nous concluons à l’annulation de l’article 1er du jugement du tribunal administratif, au rejet des conclusions à fin d’annulation, dirigées contre la décision du 26 juillet 1999, ainsi qu’au rejet des deux demandes de frais irrépétibles.

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