CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 09P06561

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CAA Marseille 4 février 2010, Association centre de recherche en énergétique et réflexologie, n° 08MA02101
CAA Paris 22 mai 2007 Institut de formation à la médiation n° 05PA01535
TA Chalons en Champagne Société Sécurité et Travail, n° 0802645
TA Nantes 11 mai 2006 M. X-Y Z, n° 041094

Texte intégral

N° 09PA06561
Ministre du travail c/ société B-L
Séance du 13 septembre 2010
Lecture du 27 septembre 2010
CONCLUSIONS de Mme Anne SEULIN, Rapporteur public
La société B-L, dont le siège social se situe […] 2e, a déposé le 5 février 2007 un dossier de demande d’enregistrement en qualité de dispensateur de formation professionnelle continue, auprès de la direction régionale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle d’Ile-de-France.
Sa déclaration d’activité étant incomplète, l’administration lui a adressé le 19 février suivant une demande de pièces complémentaires. La société B-L a produit un document le 14 mars mais l’administration a refusé d’enregistrer sa déclaration d’activité par une décision implicite de rejet née au plus tard le 15 mai 2007. La société ayant formé un recours gracieux, le préfet de la Région Ile de France a pris une décision expresse de rejet le 1er août 2007, notifiée le même jour.
Dans son jugement du 29 septembre 2009, dont le préfet relève aujourd’hui appel, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 1er août 2007 au motif que le préfet était en situation de compétence liée pour enregistrer une déclaration d’activité et a enjoint à l’administration de délivrer une déclaration d’activité dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement.
1. Nous vous proposerons de faire droit au moyen tiré de l’erreur de droit commise par les premiers juges, soulevé par le préfet de la Région Ile de France.
L’article L. 920-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée, dispose que « 1. Toute personne physique ou morale qui réalise des prestations de formation professionnelle continue au sens de l’article L. 900-2 doit déposer, auprès de l’autorité administrative de l’État chargée de la formation professionnelle, une déclaration d’activité dès la conclusion de la première convention de formation professionnelle ou du premier contrat de formation professionnelle, conclus respectivement en application des articles L. 920-1 et L. 920-13. (…) 3. La déclaration d’activité comprend les informations administratives d’identification de la personne physique ou morale, ainsi que les éléments descriptifs de son activité. L’autorité administrative de l’Etat chargée de la formation professionnelle procède à l’enregistrement des déclarations au vu des pièces produites. Après une mise en demeure dont le délai est défini par décret, l’enregistrement est annulé par décision de la même autorité administrative lorsqu’il apparaît que les prestations réalisées ne correspondent pas aux actions visées à l’article L. 900-2 ou lorsque les règles définies aux articles L. 920-1 et L. 920-13 ne sont pas respectées. Les décisions d’annulation de l’enregistrement sont motivées et notifiées aux intéressés dans les conditions prévues à l’article L. 991-8. La déclaration devient caduque lorsque les bilans pédagogiques et financiers prévus à l’article L. 920-5 ne font apparaître aucune activité de formation au titre de deux années consécutives, ou lorsque, pendant cette même période, ces bilans n’ont pas été adressés à l’autorité administrative de l’Etat chargée de la formation professionnelle (…)».
Il ressort de la lecture littérale de cet article que l’administration dispose à la fois d’un contrôle a priori et d’un contrôle a postériori sur les activités de formations professionnelles dispensées par l’organisme de formation.
Le contrôle a priori s’exerce au moment de l’enregistrement de la déclaration, car celle-ci est faite, selon le texte susvisé, au vu des pièces produites qui doivent contenir des informations administratives d’identification de la personne physique ou morale, ainsi que les éléments descriptifs de son activité. Le contrôle a postériori, expressément prévu à l’article 991-2 du code du travail, est un contrôle administratif et financier qui intervient une fois que l’organisme de formation a commencé son activité et peut aboutir à l’annulation de l’enregistrement ou à sa caducité.
S’agissant du contrôle a priori, plus de précisions sont données par les articles R. 921-2 et R. 921-4 du code du travail, qui, à notre avis, ne laissent planer aucune ambigüité sur le pouvoir d’appréciation du préfet. Ainsi, l’article R. 921-2 dispose que « La déclaration d’activité prévue à l’article L. 920-4 est adressée en trois exemplaires par le prestataire de formation au préfet de région territorialement compétent qui l’enregistre si elle est conforme aux dispositions de l’article L. 920-4 et des textes pris pour son application. Cette déclaration doit être effectuée au plus tard dans les trois mois qui suivent la conclusion par le prestataire de la première convention ou du premier contrat de formation professionnelle» tandis que l’article R. 921-4 ajoute : « La déclaration d’activité mentionnée à l’article R. 921-2 indique la dénomination, l’adresse, l’objet de l’activité et le statut juridique du déclarant. Elle est accompagnée soit de la première convention prévue à l’article L. 920-4 ou, à défaut, du bon de commande ou de la facture établis pour la réalisation d’actions de formation conformément à l’article L. 920-1, soit du premier contrat de formation professionnelle. Elle est également accompagnée de pièces permettant l’identification du prestataire de formation, de ses dirigeants, des titres et qualité de ses formateurs en relation avec les domaines de formation du prestataire, ainsi que de la réalité de son activité, et de sa capacité à conclure des conventions ou contrats de formation professionnelle mentionnés aux articles L. 920-1 et L. 920-13 dans le cas visé au deuxième alinéa de l’article R. 921-2. La liste des pièces justificatives déposées lors de la déclaration ou devant être produites sur demande de l’administration, est fixée par arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle.»
Le préfet exerce donc un contrôle de conformité de la déclaration d’activité. Il ressort de la combinaison des dispositions précitées que pour être conforme à l’article L. 920-4 du code du travail, la déclaration d’activité doit, entre autre, être accompagnée de la première convention de formation professionnelle conclue en vertu de l’article L. 920-1 du code du travail moins de trois mois avant et conforme aux définitions données au titre IX du code du travail.
L’article L. 920-1 dispose ainsi que « Les actions de formation professionnelle mentionnées à l’article L. 900-2 doivent être réalisées conformément à un programme préétabli qui, en fonction d’objectifs déterminés, précise les moyens pédagogiques, techniques et d’encadrement mis en œuvre ainsi que les moyens permettant de suivre son exécution et d’en apprécier les résultats. Les conventions et, en l’absence de conventions, les bons de commande ou factures, établis pour la réalisation de ces actions, précisent leur intitulé, leur nature, leur durée, leurs effectifs, les modalités de leur déroulement et de sanction de la formation ainsi que leur prix et les contributions financières éventuelles de personnes publiques ».
Le préfet est, selon nous, habilité à apprécier dès ce stade si la première convention professionnelle, à laquelle est subordonnée la demande d’enregistrement, entre bien dans le champ d’application de l’article L. 900-2 du code du travail et si elle comporte toutes les précisions réclamées par l’article L. 920-1 du même code. Nous rejoignons en cela différentes décisions rendues en première instance, à défaut d’avoir trouvé des jurisprudences d’appel ou de la Haute Assemblée sur point précis : TA Chalons en Champagne Société Sécurité et Travail, n°0802645 ; TA Nantes 11 mai 2006 M. X-Y Z, n°041094.
Dès lors, c’est à tort que les premiers juges ont considéré que le préfet se trouvait en situation de compétence liée pour enregistrer la déclaration d’activité, car nous ne sommes pas ici dans le cas des déclarations au préfet de la constitution d’une association « loi de 1901 », ni dans celui des déclarations de constitution d’un syndicat professionnel au maire, dans lesquels le rôle de l’administration est effectivement celui d’une « chambre d’enregistrement », pour ne pas gêner l’exercice de libertés fondamentales, inscrites dans le Préambule de la Constitution.
Nous vous proposerons donc d’annuler le jugement susvisé pour erreur de droit, ce qui entraîne bien entendu l’annulation de l’injonction de délivrance prononcée par les premiers juges.
2. Il convient alors, par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens de la demande de la société B-L devant les premiers juges.
Celle-ci soutient que son action de formation, dénommée « Impro’Management », entre bien dans le champ d’application des actions de formations professionnelles continues définies par le code du travail, contrairement à ce qu’a estimé le préfet. Que cette action s’adresse notamment aux cadres de la société Freudenberg SAS, qu’il s’agit de prestations de deux heures déterminées en nombre, ciblées aux positions d’encadrement et donc homogènes quant à leur composition, alors qu’aucun texte n’impose un nombre d’heures minimum. Elle souligne que sa société cliente s’est félicitée de son action de formation aux méthodes de « Acting in business » et de « Acting in Management » aux fins de développement des capacités comportementales et relationnelles de ses cadres.
Vous constaterez que selon la convention de formation continue du 26 février 2007 conclue avec la société Freudenberg jointe à la demande d’enregistrement, celle-ci a pour objectif de favoriser la réflexion et la créativité de groupe, de développer l’écoute et la créativité et de mieux connaître l’image que l’on projette, qu’elle utilise comme méthode l’animation de séances d’improvisation en groupes, sur des thèmes proposés par l’animateur, qu’il s’agit d’une action de formation unique d’environ deux heures située à Mâcon, que le nombre maximum de participants ne peut excéder 8 à 10 personnes, que son intervenant est M. X-A B, consultant formateur et que compte tenu du caractère général de cette action, aucun niveau préalable spécifique de connaissance n’est requise.
Parmi les actions de formations professionnelles visées à l’article L. 900-2 du code du travail, figure dans son 2° « Les actions d’adaptation. Elles ont pour objet de faciliter l’accès de travailleurs titulaires d’un contrat de travail à un premier emploi ou à un nouvel emploi ».
Or, si les méthodes d’adaptation à l’environnement professionnel par une meilleur connaissance de soi même et des autres et par une meilleure approche de la dynamique de groupe sont susceptibles de se rattacher à de la formation professionnelle continue au sens des dispositions précitées, à condition de s’inscrire dans le cadre précis de l’entreprise, force est de constater que la convention du 26 février 2007 est particulièrement imprécise et ne fait aucune référence au milieu professionnel et à ses composantes spécifiques telles par exemple que le pouvoir hiérarchique ou la gestion du stress au travail ou encore la gestion des conflits professionnels. Même l’intitulé « Impro management » est susceptible de s’appliquer à tous types de domaines et aucun public spécifique n’est ciblé.
Certes, des précisions supplémentaires ont été données sur papier libre, non daté et non signé, qui indiquent qu’il s’agit d’un séminaire de formation en management des cadres de la société Freudenberg, qu’elle est prévue en soirée pour deux heures environ, qu’il s’agit d’un training préparatoire aux méthodes « Acting in Business » et « Acting in Management », que ces techniques sont des entraînements pratiques à la communication interpersonnelle, au team-building et en gestion de comportement, que la formule prend la forme de jeux d’improvisation et que l’action a pour vocation d’initier les participants à des méthodes d’entraînement, qui ont vocation à être mises en pratique dans l’entreprise par eux-mêmes et leurs collaborateurs dans le cadre de sessions régulières de formation interne afin de favoriser la réflexion et la créativité de groupe, de développer l’écoute et la créativité et de mieux connaître l’image que l’on projette.
Mais il ne s’agit là encore que d’orientations générales, sans qu’aucun programme préétabli visant le milieu professionnel et accompagné du descriptif du contenu des formations dispensées ne soit produit ni que soient indiqués les moyens pédagogiques, techniques et d’encadrement mis en œuvre ainsi que les moyens permettant de suivre son exécution et d’en apprécier les résultats, alors qu’il s’agit d’informations relatives au déroulement des actions de formation requises par l’article L. 920-I du code du travail.
Dans ces conditions, la société intimée ne démontre pas dans son dossier de déclaration présenté et complété, vouloir exercer de véritables actions de formation professionnelle continue, au sens des dispositions précitées du code du travail (voir par ex pour des actions n’ayant pas le caractère de formation professionnelle, à l’occasion d’une décision prononçant la caducité de la déclaration d’existence comme organisme de formation professionnelle continue : CAA Marseille 4 février 2010, Association centre de recherche en énergétique et réflexologie, n°08MA02101 ; et pour un retrait d’enregistrement ; CAA Paris 22 mai 2007 Institut de formation à la médiation n°05PA01535).
Il s’ensuit que le préfet de la Région Ile de France a pu légalement refuser d’enregistrer la déclaration d’activité de la société B-L en tant que dispensateur de formation professionnelle continue, sans méconnaître les dispositions du code du travail. De même, par son refus, le préfet de région n’a pas porté d’appréciation sur la qualité pédagogique des actions en cause.
PCMNC : – à l’annulation du jugement du 29 septembre 2009 du TA de Paris.
- au rejet de la demande de 1re instance de la société B-L et au rejet de sa demande tendant au paiement des frais irrépétibles.

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