CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 93PA01393

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Sur la décision

Texte intégral

N° 93PA01393 M. Y-Z
Audience du 26 septembre 1996
Lecture du 10 octobre 1996
CONCLUSIONS DE Mme X
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Commissaire du Gouvernement
--------------- M. Y-Z a travaillé en qualité d’architecte au sein de la société d’ingénierie SA Cazaban entre janvier 1981 et fin 1984 ; toutefois pendant la période d’octobre 1983 à mars 1984 il a été détaché auprès de la société Sofréavia client de la SA Cazaban avec laquelle il avait signé une convention. La société Cazaban ayant été déclarée en règlement judiciaire en 1985, il a été mis fin aux fonctions de M. Y-Z. Ce dernier ayant attrait la société devant le conseil des Prud’hommes de Paris, cette juridiction a reconnu l’existence d’un contrat de travail entre M. Y-Z et la société Cazaban. Elle a exclu l’existence d’un tel contrat entre M. Y-Z et la société Sofréavia.
A la suite de cette décision, et sur réclamation du contribuable, le directeur des services fiscaux a accordé à M. Y-Z, par décision du 5 janvier 1989, le bénéfice de l’abattement de 20 % propre aux titulaires de traitements et salaires, sur les revenus qu’il a perçus en 1980, 1981 et 1982, déclarés primitivement en bénéfices non commerciaux.
Mais, dans cette même décision du 5 janvier 1989, l’administration a rejeté la réclamation du contribuable sur deux autres points :
- l’exonération totale d’impôts sur les revenus perçus pour ses missions à l’étranger en 1982 et 1983 sur le fondement soit de l’article 81 A II du code général des impôts, soit des conventions franco-égyptienne et franco-indonésienne.
- une réduction de l’impôt sur le revenu 1984 pour tenir compte de frais professionnels plus importants que ceux déclarés et de l’abattement de 20 % sur les traitements et salaires.
Le tribunal administratif de Paris saisi du litige a rejeté la demande de M. Y-Z par jugement du 2 avril 1993, accordant seulement à l’intéressé la substitution de l’intérêt de retard aux pénalités appliquée pour 1984.
Vous êtes saisis de ce jugement.
Sur le premier point : l’exonération des traitements et salaires sur le fondement de l’article 81 A II du code général des impôts.
Aux termes de l’article 81 A II du code général des impôts : les traitements et salaires perçus en rémunération de leur activité à l’étranger par des personnes de nationalité française autres que les travailleurs frontaliers, qui ont leur domicile fiscal en France et qui, envoyées à l’étranger par un employeur établi en France, justifient d’une activité à l’étranger d’une durée supérieure à 183 jours au cours d’une période de douze mois consécutifs, ne sont pas soumis à l’impôt. Cette exonération n’est accordée que si les rémunérations considérées se rapportent aux activités suivantes à l’étranger : a. Chantiers de construction ou de montage, installation d’ensembles industriels, leur mis en route et leur exploitation, la prospection et l’ingénierie y afférentes ; b. Prospection, recherche ou extraction de ressources naturelles. Cette exonération est donc accordée aux salariés envoyés à l’étranger sous réserve des deux conditions liées à la durée de l’activité et à la nature de l’activité.
En l’espèce, il est constant que le requérant exerçait une activité visée à l’article 81 A II du code général des impôts ; et en appel, eu égard aux pièces justificatives nouvelles présentées par le requérant (notamment attestation établie le 16 mars 1983 par la société anonyme Cazaban, l’administration admet désormais que pendant la période de 12 mois consécutifs, allant du 1er juin 1982 au 30 mai 1983, le requérant justifie avoir été envoyé, en qualité de salarié, à l’étranger durant plus de 183 jours dans des conditions lui ouvrant droit à l’exonération sollicitée :
- L’exonération des revenus correspondant à ces séjours à l’étranger, pour la partie prise en compte pour l’établissement de l’impôt sur le revenu de l’année 1982 entraîne un dégrèvement d’impôt sur le revenu (droits et pénalités) de 14.710 F et un dégrèvement de 505 F de contributions sociales (droits et pénalités) selon les calculs exposés par l’administration dans son mémoire en défense et non contestés. Vous trouverez au dossier une décision de dégrèvement d’office, en date du 30 juin 1994, postérieure à l’introduction de la requête ; les conclusions sont dans cette mesure, devenues sans objet pour 1982.
- en revanche l’avantage de cette exonération, n’a pas conduit les services fiscaux à procéder à un dégrèvement au titre de 1983 dès lors que l’administration a utilisé le droit de compensation qui lui est reconnu par l’article L.203 du livre des procédures fiscales pour redresser une insuffisance de la base d’imposition de l’année 1983 portée de 84.160 F à 93.900 F. Le contribuable ne soulève aucun litige à ce sujet.
Mais M. Y-Z persiste en appel, dans son mémoire en réplique, à soutenir qu’il doit bénéficier de l’exonération totale des revenus afférents à ses missions à l’étranger en 1982 et 1983 sur le fondement de l’article 81 A II du code général des impôts. Examinons ces conclusions :
- pour 1982, il résulte de la liste des missions effectuées à l’étranger figurant au dossier, que M. Y-Z a séjourné 161 jours à l’étranger (101 en Egypte, 60 à Djibouti). Pour soutenir qu’il a passé plus de 183 jours à l’étranger en 1982, le contribuable intègre à ces séjours à l’étranger des jours de récupération.
Certes il résulte de la doctrine administrative que pour apprécier si la condition tenant à la durée de l’activité exercée à l’étranger est remplie, il convient de retenir la durée des congés de récupération et congés payés, auxquels donne droit l’activité exercée à l’étranger même lorsqu’ils sont pris en France [instruction du 30 janvier 1978 5B-8-78]. Mais faut-il encore que ces congés de récupération soient réels et établis. Et, contrairement à ce que soutient M. Y-Z, ce n’est pas pour la première fois en appel que l’administration lui réclame la justification de l’octroi de ces congés de récupération, car dès la réponse de 1989 à sa réclamation l’administration lui indiquait : "vous n’apportez aucune justification des congés de récupération que vous incluez dans votre décompte; En outre l’attestation établie par la société Sofreavia le 6 décembre 1985 n’en fait pas état".
Force est de constater que même au niveau de l’appel vous n’avez aucune justification supplémentaire à ce sujet [cf CE 21 décembre 1990 n( 59428 M. de Pol]. Ainsi, M. Y-Z n’établit pas remplir au titre de l’année 1982, la condition fixée à l’article 81 A II et tenant à la durée de l’activité à l’étranger, faute d’établir la réalité et la durée des congés.
- Pour l’année 1983, vous pourrez faire une analyse semblable sur la durée des séjours à l’étranger ; mais il est vrai que l’administration soutient, au surplus, qu’à partir du 1er octobre 1983, le requérant n’avait plus la qualité de salarié dès lors qu’il avait signé le 13 septembre 1983, une convention avec la société Sofréavia et qu’il percevait des honoraires relevant de la catégorie des bénéfices non commerciaux. Les parties s’opposent radicalement sur l’analyse de la situation juridique de M. Y-Z vis à vis de la société Sofreavia. La position de l’administration s’appuie sur les termes de la convention qui prévoit le versement d’un honoraire mensuel hors taxes, et sur l’existence de notes d’honoraires établies faisant ressortir la taxe sur la valeur ajoutée. Mais, pour apprécier si un contribuable est ou non salarié la jurisprudence recourt à un faisceau d’indices pour faire une analyse qui est toujours délicate, doit être indépendante de la qualification donnée par les parties dans la convention, et peut être pour le juge de l’impôt différente de la qualification retenue par les juridictions judiciaires pour l’application de la législation sociale. Vous n’êtes ainsi pas lié par l’analyse du Conseil des Prud’hommes qui a estimé que M. Y-Z a exercé en Indonésie en qualité d’architecte indépendant. Et vous constaterez que certains indices et en particulier, le fait que M. Y-Z était placé sous l’autorité générale d’une équipe de direction et travaillait dans des lieux déterminés par la société, vont dans le sens de la thèse du contribuable qui soutient qu’il était salarié.
Mais, nous ne nous étendrons pas trop longtemps sur cet aspect du dossier à ce niveau de la réflexion ; en effet à supposer même que M. Y-Z ait été salarié pendant toute l’année 1983, il n’établit pas avoir rempli la condition de durée imposée à l’article 81 A II dans la mesure où il ne justifie, pas plus en 1983, les jours de récupération qu’il a intégrés dans son décompte, pour arriver aux 183 jours nécessaires ; ceci est souligné clairement par l’administration dans son mémoire en défense. Vous ne pourrez ainsi que rejeter sur ce point les conclusions du contribuable. Mais M. Y-Z estime, au surplus, que l’ensemble des revenus perçus en rémunération de son activité à l’étranger en 1982 et 1983 échappe à l’impôt sur le revenu en application des conventions franco-égyptienne et franco-indonésienne.
Sur le principe de l’assujettissement de M. Y-Z à l’impôt sur le revenu en France, vous ne pouvez avoir de doute au regard de la loi française. M. Y-Z a son domicile fiscal en France au sens des articles 4 A et 4 B du code général des impôts. Les salariés de nationalité française envoyés à l’étranger par un employeur établi en France sont imposables en France à raison de l’ensemble de leurs revenus, sous réserve des cas d’exonération totale ou partielle prévus par l’article 81 A du code général des impôts. L’administration a accordé une exonération partielle sur le fondement 81 A II et nous venons de voir, qu’en l’état du dossier, vous ne pouvez élargir cette exonération.
Mais il est certain que les dispositions des articles 4 A et 4B 1 ne sont applicables que sous réserve des conventions internationales, dès lors que la notion de « résident » apprécié au sens d’une convention internationale prévaut toujours sur celle de « domicile fiscal » résultant du code général des impôts. Or, tant au regard des dispositions de la convention franco-égyptienne du 19 juin 1980 (en vigueur à partir du 1er octobre 1982), que de la convention franco-indonésienne du 14 septembre 1979, M. Y-Z est résident français. Le requérant ne conteste d’ailleurs pas ce point, mais soutient à titre subsidiaire que les revenus qu’il a perçus sur son activité dans ces deux Etats, échappent à l’impôt sur le revenu français à raison de dispositions spécifiques :
- Article 15-1 et 2, si comme il le soutient il est considéré comme salarié pour toutes ses missions.
- Article 14 si l’administration considère qu’il a exercé sa profession à titre libéral.
En ce qui concerne les salaires, l’article 15 des deux conventions en litige attribue, il est vrai, d’une manière générale, le droit d’imposer les salariés, à l’Etat où s’exerce l’activité. Mais le paragraphe 2 de ces deux articles prévoit que nonobstant les dispositions du paragraphe 1, les rémunérations qu’un résident d’un Etat contractant (M. Y-Z résident français) reçoit au titre d’un emploi salarié exercé dans l’autre Etat contractant (Egypte ou Indonésie) ne sont imposables que dans le premier Etat (France) sous réserve de 3 conditions cumulatives, relatives à la durée de séjour et à la rémunération qui nous semblent remplies en l’espèce :
- M. Y-Z a séjourné moins de 183 jours en 1982 et 1983 en Egypte et en Indonésie (Cf CAA Lyon – 27 juin 1989 Rebillaud – RJF 1/90 page 54 n( 73),
- sa rémunération était payée par un employeur résident français.
- Il ne résulte pas du dossier que la charge de sa rémunération aurait été supportée par un établissement stable ou une base fixe de son employeur en Egypte ou en Indonésie.
En ce qui concerne les honoraires, le principe est inverse tant dans la Convention franco-égyptienne que franco-indonésienne (Article 14) ; les revenus qu’un résident tire d’une profession libérale ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que le résident ne dispose de façon habituelle dans l’autre Etat contractant d’une base fixe pour l’exercice de ses activités. Il nous semble évident que M. Y-Z ne disposait pas personnellement de façon habituelle d’une base fixe en Indonésie, seul pays où il se soit rendu dans le cadre de son contrat avec la société Sofréavia.
Ainsi, M. Y-Z ne peut utilement soutenir que ces revenus perçus en rémunération de ses missions à l’étranger étaient imposables en Egypte ou en Indonésie. Le requérant n’allègue au surplus, aucune double imposition.
II – Il ne nous restera plus qu’à examiner les conclusions de la requête visant l’année 1984 :
- M. Y-Z soutient en premier lieu qu’il a exposé des frais professionnels plus importants que ceux déclarés. Mais, dans le dernier état des écritures le litige entre les parties ne porte plus que sur des frais de transport automobile (7.500 km) que le contribuable n’établit pas. Vous ne pourrez lui donner satisfaction sur ce point.
- M. Y-Z sollicite en second lieu le bénéfice de l’abattement de 20 % lié aux traitements et salaires sur les revenus payés directement par la société Sofreavia. Vous êtes ainsi amenés à prendre position sur la nature du contrat qui liait, entre octobre 1983 et mars 1984, M. Y-Z à la société Sofreavia.
Pour notre part et quelle que soient les indices précédemment relevés, nous pensons que la société Frigeavia n’entendait pas faire bénéficier M. Y-Z du statut de salarié ; de nombreux indices vont dans ce sens :
- absence de véritable lien de subordination ;
- aucune astreinte précise pour ses jours et horaires de travail ;
- liberté dans l’exécution des tâches ;
- latitude pour effectuer par lui-même des études complémentaires à la demande des clients ;
- absence d’interdiction de travailler pour une autre société ;
- La société Sofreavia acceptait de payer ses éventuels frais médicaux et de souscrire une assurance en matière accident du travail.
Par ces motifs nous concluons :
- au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement d’office relatif à l’année 1982,
- au rejet du surplus des conclusions.

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