CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 05PA00112

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CE 16 juin 2004 M.EL ACHI n° 262559
CE 27 février 2004 M.Sylla n° 259724
CE 29 avril 2002 M.Chanwit T. P 775
CE 6 juin 2003 PP C/M.Konte n° 245110
CE 8 août 2002 Préfet du Val d'Oise C/M.Mazouzi n° 242414
CE 9 avril 2004 PP C/Mme X n° 254510

Texte intégral

RAPPORTEUR : A.LECOURBE
REQUETE : 05 PA 00112
REQUERANT : Mlle Y Z
Mlle Y Z , ressortissante thaïlandaise née en 1955, qui prétend vivre en France depuis 1985, a vainement tenté de faire régulariser sa situation au regard des règles régissant le séjour des étrangers, sur le fondement de l’article 12 bis 3° de l’ordonnance du 2 novembre 1945 mais le PP, par une décision en date du 21 juin 2004 a rejeté sa demande de TS. Puis, la même autorité a ordonné la reconduite à la frontière de l’intéressé pour s’être maintenue sur le territoire national à l’expiration du délai d’un mois après la notification du refus, par un arrêté en date du 20 octobre 2004 pris sur le fondement du 3° de l’article 22-I de l’ordonnance du 2 novembre 1945.
Par une ordonnance lue le 2 décembre 2004, le juge des RAF du TAP a rejeté la demande présentée par Mlle Y Z contre cet acte et cette dernière, avant l’expiration du délai d’appel d’un mois, a saisi le CE d’une requête dirigée contre cette ordonnance. Le P de la S du ctx du CE vous a attribué le jugement de cette affaire, en application du décret n°2004-789 du 29 juillet 2004, par une O en date du 15 janvier 2005.
Cette affaire présente la particularité de se situer dans le contexte juridique de la modification de l’article 12 bis 3° de l’ordonnance du 2 novembre 1945 par la loi du 26 novembre 2003. Dans sa rédaction initiale, l’article 12 bis 3° prévoyait la délivrance d’une CST portant la mention « vie privée et familiale » à l’étranger ne vivant pas en état de polygamie qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si au cours de cette période il a séjourné en qualité d’étudiant.
Le CE a interprété la notion de séjour habituel comme étant une pure notion de fait, susceptible d’englober les années de séjour au cours desquelles l’étranger a utilisé une fausse identité ou de faux titres de séjour, à partir notamment d’une décision du 13 novembre 2002 Camara( L.392). Vous verrez par exemple, pour l’usage de fausses cartes de séjour (CE 27 février 2004 M. Sylla n°259724 ) ou (CE 16 juin 2004 M. EL ACHI n°262559), pour une fausse identité ou une fausse nationalité ( CE 8 août 2002 Préfet du Val d’Oise C/ M. Mazouzi n°242414 ; CE 6 juin 2003 PP C/ M. Konte n°245110 ; CE 9 avril 2004 PP C/ Mme X n°254510) .
Le législateur est intervenu, certainement pour mettre fin à cette jurisprudence, en complétant l’article 12 bis 3° du membre de phrase suivant : « Les années durant lesquelles l’étranger s’est prévalu de documents d’identité falsifiés ou d’une identité usurpée ne sont pas prises en compte ».
Mlle Y Z a eu la malchance de présenter sa demande de TS à une date qui a permis au PP de faire application de ce texte et de lui en opposer la rigueur.
Il ressort en effet des très nombreuses pièces produites en appel, sur lesquelles le PP n’a émis aucune observation, que la requérante réside en France depuis plus de quinze ans et y a travaillé dans des ateliers de confection mais sous une fausse identité laotienne qui lui a permis d’obtenir des TS. Elle a d’ailleurs été condamnée par le TGI de Paris, le 16 décembre 2003, à une peine de quatre mois d’emprisonnement avec sursis pour usage de faux documents d’identité en 1997.
En principe, la nouvelle rédaction de l’article 12bis 3° de l’O du 2 novembre 1945 ferait obstacle à la délivrance d’un TS, surtout que la requérante, sanctionnée par le juge pénal pour une infraction intentionnelle, ne peut sérieusement soutenir qu’elle ignorait avoir fait usage de faux documents d’identité.
Mais le législateur, en réécrivant l’article 25 de l’O, a laissé subsister une disposition qui interdit de prendre un arrêté d’expulsion à l’encontre de l’étranger qui justifie par tous moyens qu’il réside habituellement en France depuis plus de quinze ans, sauf s’il a été , pendant toute cette période, titulaire d’une CST portant la mention « étudiant ». Cette protection est applicable aussi en cas de RAF comme le précise l’avant-dernier alinéa de l’article 26. Signalons que l’article L .511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d’asile, résultant de l’ordonnance n° 2004-1248 du 24 novembre 2004 prévoit explicitement que ne peuvent faire l’objet d’une RAF les mêmes étrangers.
La notion de résidence habituelle au sens du 3° de l’article 25 a été interprétée comme incluant les années passées en faisant usage d’une fausse identité ou d’une fausse nationalité ( CE 29 avril 2002 M. Chanwit T . P 775, qui concernait déjà le cas d’un ressortissant thaïlandais s’étant prétendu laotien pour obtenir plus facilement un TS).
Le législateur, censé pourtant connaître cette jurisprudence, n’a pas introduit à l’article 25 la même réserve qu’à l’article 12 bis 3° pour définir la notion de résidence habituelle. Il n’est pas évident de savoir s’il s’agit d’une inadvertance ou d’une volonté délibérée de ne pas faire preuve de la même rigueur à l’égard d’étrangers qui ont passé une grande partie de leur vie sur le territoire national.
L’article 12bis 3° et le 3° de l’article 25 n’ont pas le même objet et leur champ d’application ne se recoupe pas totalement aussi ne nous semble-t-il pas obligatoire de considérer que le législateur a nécessairement bien qu’implicitement entendu les rédiger de la même manière.
Nous sommes toutefois conscients que si vous continuez à appliquer la jurisprudence Chanwit, vous allez faire renaître une catégorie d’étrangers non reconductibles et non régularisables de plein droit, ce qui est une situation contre laquelle le légismateur s’efforce de lutter depuis bientôt dix ans. Mais ceci ne nous semble pas une raison valable pour donner au 3° de l’article 25 le même contenu qu’à l’article 12 bis 3° alors que le silence du législateur peut parfaitement être le signe d’une intention de protection renforcée. D’autant plus que sont également protégés contre l’expulsion, y compris s’ils ont subi une peine d’emprisonnement ferme de plus de cinq ans, et la RAF, les étrangers qui justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis qu’ils ont atteint au plus l’âge de treize ans ( article 26 1° de l’O du 2 nov 1945). Le législateur a là encore laissé subsister la notion de résidence habituelle sans la réserve de l’article 12 bis 3° et il nous semblerait encore moins admissible que s’agissant de l’article 25 de l’y introduire par le biais d’une interprétation qui ne s’impose pas avec la force de l’évidence.
Compte tenu de l’argumentation de sa requête, Mlle Y Z doit être regardée comme se prévalant du 3° de l’article 25 et le moyen est fondé.
Nous pensons donc que vous devez annuler l’ordonnance ainsi que l’arrêté attaqués et c’est la solution que nous vous proposons en l’espèce.

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