CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 03PA03268

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CAA de Paris 14/11/2005 Mme B C n° 02PA01716
CE 26/06/87 Lelievre n° 75569

Texte intégral

Mme X
N°03PA03268
Lecture du 10 mai 2006
Conclusions de Mme Z A, commissaire du gouvernement Mme X était maître contractuel de l’enseignement privé rémunéré sur l’échelle indiciaire des professeurs certifiés en fonction dans le collège D-E F de Papeete quand elle a sollicité du ministre de l’éducation nationale le bénéfice du régime temporaire de retraite de l’enseignement privé (RETREP) à compter de la fin de l’année scolaire 2000-2001. Ce régime a été institué par le décret n° 80-7 du 2 janvier 1980
La demande reçue par l’administration le 27 février 2001, a fait l’objet d’une décision implicite de rejet dont Mme X a demandé l’annulation au tribunal administratif de Papeete. Elle demandait également, à titre subsidiaire, la condamnation de l’Etat à lui verser une «somme mensuelle égale aux montants de ses droits acquis auprès des différents régimes de retraite et ce jusqu’à ce qu’elle ait droit à une retraite au taux plein selon le régime général» en réparation du préjudice que lui aurait causé l’absence de texte d’application du décret du 2 janvier 1980. Enfin, dans un ultime mémoire, elle demandait au tribunal de dire que lui sont applicables les dispositions du décret n° 2002-1333 du 7 novembre 2002 permettant aux maîtres contractuels des établissements d’enseignement privé sous contrat de Polynésie française de cesser leur activité dans des conditions similaires et de bénéficier d’avantages de retraite institués par la réglementation de sécurité sociale en vigueur en Polynésie française, et d’enjoindre à l’administration de liquider les droits correspondants avec intérêts. Mme X relève régulièrement appel du jugement en date du 29 avril 2003, qui a rejeté l’ensemble de ses demandes.
Quelques mots tout d’abord sur la compétence de la juridiction administrative pour connaître de la présente requête même si la question n’est pas soulevée en appel.
Les maîtres contractuels des établissements d’enseignement privé liés à l’Etat par un contrat d’association ont la qualité d’agent public (CE 26/06/87 Lelievre n° 75569).
Par ailleurs, il a été jugé (CAA de Paris 14/11/2005 Mme B C n° 02PA01716) que l’avantage de retraite institué par le décret du 2 janvier 1980 est intégralement financé au moyen de crédits ouverts au budget de l’Etat. La liquidation et le paiement de cet avantage sont assurés par l’Association pour la prévoyance collective désignée par arrêté conjoint du ministre de l’éducation nationale et du ministre du budget. Cette association de droit privé, lorsqu’elle prend une décision d’octroi ou de refus dudit avantage, agit alors pour le compte de la puissance publique, sous le contrôle hiérarchique des ministres concernés. Les différends auxquels peut donner lieu l’application du décret ne relèvent pas, par leur nature, du contentieux général de la sécurité sociale. Enfin les recours tendant à contester la décision par laquelle l’autorité administrative a refusé l’octroi de ces prestations à une personne prétendant y avoir droit ressortissent à la compétence de la juridiction administrative.
Le litige qui vous est soumis relève donc bien de votre compétence.
Au FOND
La question qui commande la solution du présent litige est la suivante : les dispositions du décret du 2 janvier 1980 étaient-elles applicables à la requérante à la date de sa demande (21 février 2001), soit sans restriction, soit seulement en ce qu’elle a accompli des services de maître de l’enseignement privé sur le territoire métropolitain avant de venir en Polynésie française.
Pour qu’une loi soit applicable aux territoires d’Outre-mer, il faut d’une part que l’Etat soit compétent pour l’édicter, en vertu des lois statutaires relatives à ces territoires, d’autre part que figure dans la loi une mention expresse d’application. Si une loi est ainsi rendue applicable aux territoires d’Outre-mer, point n’est besoin que le ou les décrets pris pour son application mentionnent expressément qu’il(s) s’y applique(nt) sauf à contenir des adaptations particulières. Seuls les décrets relevant du pouvoir réglementaire autonome doivent comporter une telle mention.
De ce que le décret du 2 janvier 1980 ne mentionne pas expressément son applicabilité à la Polynésie française, on ne peut donc déduire nécessairement qu’il ne s’y appliquait pas.
Toutefois, à la date de publication de ce décret, l’article 15 de la loi (n° 59-1557) du 31 décembre 1959 (introduit par l’article 3 de la loi n° 77-1285 du 25 novembre 1977) disposait : «les règles générales qui déterminent les conditions de service et de cessation d’activité des maîtres titulaires de l’enseignement public ainsi que les mesures sociales … dont ils bénéficient, sont applicables également et simultanément aux maîtres justifiant du même niveau de formation, habilités … par contrat à exercer leur fonction dans des établissements d’enseignement privés liés à l’Etat par contrat… Un décret en Conseil d’Etat fixera avant le 31 décembre 1978 les conditions d’accès à la retraite des maîtres de l’enseignement privé en application du principe énoncé à l’alinéa 1er ci-dessus».
Cette loi du 31 décembre 1959 ne prévoit pas explicitement qu’elle s’applique aux territoires d’Outre-mer. Son article 13 prévoit au contraire : « Il pourra être fait application de la présente loi à des territoires d’outre-mer à la demande des autorités compétentes de chaque territoire, dans des conditions fixées par décrets en Conseil d’Etat». Cet article a été complété d’un second alinéa par la loi 95-97 du 1er février 1995 aux termes duquel : « Suivant les modalités définies à l’alinéa précédent, il pourra être fait application à des TOM de l’article 3 de la loi n° 77-1285 du 25 novembre 1977 … dans le respect des compétences statutaires propres à chaque territoire ». Cette modification de l’article 13 de la loi de 1959 n’a donc pas, contrairement à ce que soutient la requérante, rendu applicable aux territoires d’Outre-mer à compter du 31 décembre 1994 la règle d’égalisation des situations statutaires des maîtres des établissements d’enseignement public et privé. La loi du 1er février 1995 (et non celle du 26 décembre 1994 que cite à tort Mme X) n’a ainsi pas eu pour effet de rendre directement applicable en Polynésie française l’avantage de retraite institué par le décret de janvier 1980.
Le décret du 2 janvier 1980 ne peut donc être regardé comme s’appliquant en Polynésie française faute pour celui-ci de fixer expressément les conditions dans lesquelles il s’applique à ce territoire. Vous verrez a contrario les nombreux décrets qui fixent les conditions d’application de la loi de 1959 à la Polynésie française dont le titre comme les dispositions mentionnent expressément que tel est leur objet : ainsi le décret n° 74-464 du 17 Mai 1974 fixant les conditions d’application au territoire de la Polynésie française, en ce qui concerne l’enseignement du premier degré, de la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959.
Par ailleurs, à la date de la décision attaquée, le code de l’éducation était entré en vigueur (ordonnance du 15 juin 2000). L’article L. 914-1 de ce code a repris sans les modifier les dispositions précitées de l’article 15 de la loi de 1959. Selon l’article L. 973-1, les dispositions de cet article L. 914-1 sont applicables en Polynésie. Mais, en vertu de l’article L. 442-18, rendu applicable en Polynésie par l’article L. 493-1, seul un décret pris en conseil des ministres peut fixer les mesures nécessaires à l’application de la règle d’égalisation des situations statutaires des maîtres des établissements d’enseignement public et privé. Or, à la date du 27 février 2001, aucun décret pris en conseil des ministres n’avait fixé de telles mesures d’application. Mme X soutient également qu’en réalité un décret fixant les conditions d’application de cet avantage de retraite en Polynésie française n’était pas nécessaire. Elle en veut pour preuve que le décret 2002-1333 du 7 novembre 2002 n’apporte pas un seul élément nouveau par rapport à celui du 2 janvier 1980. Certes le décret de 2002 reprend les conditions d’âge et d’ancienneté de service fixées par le décret de 1980, mais il ne reprend nullement les dispositions de celui-ci relatives à la liquidation de l’avantage, à son paiement et à son financement et, pour respecter le partage des compétences entre l’Etat et le territoire, il renvoie à la réglementation de sécurité sociale en vigueur en Polynésie le soin d’instituer le cas échéant un tel avantage. Précisons en effet qu’en matière de sécurité sociale, les TOM ne sont pas assimilés au territoire métropolitain et qu’ils ont, conformément à leur statut, élaboré leur propre système de protection sociale.
Enfin, la requérante soutient que le ministre aurait dû examiner sa demande au vu des services qu’elle avait accomplis en métropole et y faire droit. Mais il ressort des dispositions du décret de 1980 qu’il ne prend en compte, s’agissant des conditions à remplir pour bénéficier de l’avantage qu’il institue, de sa liquidation de celui-ci, sa réversion et son cumul, que les règles du régime général de la sécurité sociale applicable en métropole. Il ne pouvait donc être appliqué, même à raison de ses services en métropole, à Mme X dont les droits à la retraite étaient, au moins pour partie, déterminés par la réglementation de la sécurité sociale en vigueur en Polynésie française en application du décret n° 94-1146 du 26 décembre 1994 portant coordination des régimes métropolitains et polynésiens de sécurité sociale. Dans l’autre sens, un maître demandant le bénéfice du même avantage alors qu’il est en fonction en métropole ne pourrait faire état de ses services dans des territoires d’Outre-mer dès lors que le 1° de l’article 4 du décret du 2 janvier 1980 précise que ne peuvent être pris en compte que les services ayant donné lieu à validation au regard du régime général de la sécurité sociale. Des règles de coordination semblent donc s’imposer…
Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête.

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