CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 14PA04882

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Décision précédente : Tribunal administratif de Melun, 28 octobre 2014
Précédents jurisprudentiels : CE, 4 juillet 2005, n° 272193

Texte intégral

14PA04882 M. M’Y
Séance du 4 février 2016
Lecture du 23 février 2016
CONCLUSIONS de M. Roussel, Rapporteur public M. Z M’Y a été recruté par la société Eurodisney le 1er août 2000 en tant que technicien. Il a exercé différents mandats de délégué syndical et de représentant du personnel. Son employeur lui reprochant la diffusion le 8 novembre 2012 d’un extrait du projet de procès-verbal de la réunion du conseil de surveillance, la société a engagé à son encontre d’une procédure d’autorisation administrative de licenciement. Par une décision du 25 janvier 2013, l’inspecteur du travail a délivré à la société l’autorisation sollicitée. M. M’Y a alors formé auprès du ministre un recours hiérarchique, qui a été également rejeté. M. M’Y interjette appel du jugement du 29 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l’annulation de ces décisions.
1. Précisions, à titre liminaire, que dans ses écritures de première instance, le requérant avait soulevé une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le second alinéa de l’article L. 2325-5 du code du travail, aux termes duquel « Les membres du comité d’entreprise et les représentants syndicaux sont tenus à une obligation de discrétion à l’égard des informations revêtant un caractère confidentiel et présentées comme telles par l’employeur ».
Il soutenait que ces dispositions portaient atteinte au droit syndical et au droit de tout travailleur de participer par l’intermédiaire de ses délégués à la gestion des entreprises, garantis respectivement par le sixième et par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, dès lors qu’elles ne subordonnent pas la présentation d’une information comme confidentielle à la condition que cette exigence soit légitime et conforme aux droits et libertés des travailleurs et en ce qu’elles confèreraient un pouvoir arbitraire et discrétionnaire à l’employeur.
Par une décision du 12 mars 2014, le Conseil d’Etat a estimé que cette question ne présentait pas un caractère sérieux et a donc refusé de la transmettre au Conseil constitutionnel.
2. En ce qui concerne les questions de recevabilité, nous nous bornerons à préciser que comme le soutient la société Eurodisney, la pièce produite directement le 15 mai 2015 par M’Y doit être écartée des débats.
Le requérant n’étant pas dispensé de l’obligation de recourir à un mandataire en application de l’article R. 811-7 du CJA, l’ensemble des actes de la procédure devait être communiqué par l’intermédiaire de son avocat. Précisons qu’en tout état de cause, le document transmis est totalement dépourvu d’incidence sur l’issue du litige.
2. Sur le fond, M. M’Y soutient d’abord que le jugement est entaché d’une « erreur de droit », en ce qu’il se réfère à tort aux dispositions de l’article L. 2325-5 du code du travail. Les faits qui lui sont reprochés ressortissent, selon lui, des dispositions de l’article L. 225-92 du code du commerce, aux termes desquelles « Les membres du directoire et du conseil de surveillance, ainsi que toute personne appelée à assister aux réunions de ces organes, sont tenus à la discrétion à l’égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par le président ».
Compte tenu de l’office du juge d’appel, M’Y doit être regardé comme invoquant en fait l’erreur de droit dont seraient entachées les décisions litigieuses, qui ne visent que le code du travail et non le code du commerce.
Le moyen ne pourra cependant qu’être écarté : le requérant était représentants syndical et il était reproché au salarié d’avoir divulgué des informations revêtant un caractère confidentiel et présentées comme telles par l’employeur. Dans ses conclusions sur la décision du Conseil sur la QPC, A. Lallet qualifiait d’ailleurs l’article L. 2325-5 d’ « évidemment applicable au litige », position implicitement suivie par le Conseil d’Etat.
Il nous semble inutile dans ces conditions d’entrer dans le débat qui oppose les parties sur le point de savoir si l’article L. 225-92 du code du commerce aurait pu être lui aussi invoqué par l’employeur : il nous suffit d’observer que la référence à ces dispositions était inutile pour justifier légalement la sanction prononcée.
3. Est, par ailleurs, inopérant le moyen tiré de ce que l’article 6-2 des statuts de la société ne prévoit pas la confidentialité des débats du Conseil de surveillance. Les statuts ne sauraient avoir entendu déroger, a fortiori de façon implicite, à une disposition législative du code du travail.
4. M. M’Y soutient ensuite que la société Eurodisney ne rapporte pas la preuve que le président du Conseil de surveillance aurait ordonné à la secrétaire dudit conseil de faire porter la mention « strictement confidentiel » sur toutes les pages du projet de procès-verbal de la séance du 18 septembre 2012.
Celle-ci aurait de sa propre initiative, en méconnaissance de l’article R. 225-45 du code du commerce, apposé cette mention et indiqué, en outre, dans la note de convocation à la réunion du 7 novembre 2012, que l’ensemble des informations invoquées en Conseil étaient confidentielles.
Il ressort toutefois des pièces du dossier que la secrétaire du conseil de surveillance, Mme X, agissait sous l’autorité et conformément aux instructions expresses du président du Conseil de surveillance, ainsi qu’en attestent les échanges de courriels des 22 et 24 octobre 2012 produits au dossier.
La note remise à M. M’Y le 6 novembre 2012 contre sa signature se bornait à rappeler aux membres du conseil une règle générale de fonctionnement de cette instance. Cette information lui avait d’ailleurs déjà été communiqué les 15 février et 22 mai 2012 à l’occasion de précédentes réunions du conseil de surveillance.
5. Vous ne sauriez davantage considérer qu’il aurait été fait un usage abusif de l’obligation de discrétion.
Le caractère extrêmement sensible des informations communiquées ne fait aucun doute. Les extraits du procès-verbal divulgués faisaient ainsi état de commentaires confidentiels du président du conseil de surveillance sur la stratégie de la maison-mère vis-à-vis de sa filiale et mentionnaient les motifs qui auraient justifié la démission du président.
Ainsi que l’a très justement relevé l’inspecteur du travail dans sa décision parfaitement motivée, « cette publicité soudaine sur la base d’informations pour partie confidentielles et pour d’autres erronées a pu générer une image négative, désordonnée et déstabilisée de l’entreprise Eurodisney ».
Si le requérant évoque la publication, dès le 24 septembre 2012, dans « La lettre de l’Expansion » d’un article ayant pour titre « le conseil divisé » faisant état de la réunion du 18 septembre 2012, cette publication, ainsi que l’a relevé l’inspecteur du travail, « faisait état des différentes hypothèses émises au sein du conseil de surveillance lors des débats sur les conditions du refinancement de l’entreprise et il n’est fait aucunement mention de la position personnelle de M. A-B… et encore moins de la teneur exacte de ses propos et critiques ».
6. Il ne fait donc aucun doute que M. M’Y a commis une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire. Il vous reste à apprécier si son licenciement était justifié compte tenu de la gravité des faits qui lui sont reprochés.
Là encore, une réponse positive nous semble s’imposer. La gravité des faits ne saurait être minimisée au regard du caractère extrêmement confidentiel des informations divulguées et de la circonstance que cette publicité a été relayée dans divers médias nationaux.
En outre, compte tenu de son expérience en tant que représentant du personnel, M. M’Y ne pouvait se méprendre sur le caractère confidentiel et sensible des informations contenues dans ce procès-verbal, et ce même s’il n’était pas, comme il le fait valoir, un « juriste professionnel » mais un « syndicaliste de terrain ».
7. M. M’Y soutient encore que la diffusion de l’extrait de procès-verbal de la réunion du Conseil de surveillance sur le site intranet et internet du syndicat Force Ouvrière n’est pas étrangère à l’exercice normal de ses fonctions représentatives puisqu’elle vise l’information des salariés et qu’il n’est pas démontré qu’elle aurait entraîné une perturbation du fonctionnement de la société.
Il se prévaut de la jurisprudence Patarin, par laquelle le Conseil d’Etat juge que « dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un acte ou un comportement du salarié survenu en dehors de l’exécution de son contrat de travail, notamment dans le cadre de l’exercice de ses fonctions représentatives, il appartient à l’inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si les faits en cause sont établis et de nature, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l’entreprise, à rendre impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, eu égard à la nature de ses fonctions et à l’ensemble des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé » (CE, 4 juillet 2005, n° 272193).
La perturbation du fonctionnement de la société est, en l’espèce, manifeste, compte tenu de la couverture par les médias des informations divulguées à la veille de l’annonce par la société, cotée en Bourse, de ses résultats financiers. En outre, le maintien dans l’entreprise paraît impossible puisqu’il impliquerait que M. M’Y, qui n’a pas démissionné de son mandat de représentant du comité d’entreprise au conseil de surveillance, y siège de nouveau, alors que la confiance de ses membres est légitimement entamée. En tout état de cause, comme le souligne l’entreprise, M. M’Y aurait continué à recevoir, dans le cadre de ses autres mandats au sein du comité d’entreprise, des informations confidentielles, ce qui paraît inenvisageable compte tenu de la faute commise.
Cette faute a ainsi généré des répercussions certaines sur le fonctionnement de l’entreprise, et ce même s’il n’est ni allégué ni établi que la divulgation du procès-verbal aurait effectivement influé sur la valeur des actions de la société. Ce qui importe ici, c’est que la confiance qui avait été accordée à M. M’Y par les membres de la direction est définitivement ébranlée.
8. Vous écarterez enfin le moyen tiré de ce que la demande de licenciement serait discriminatoire. Si le requérant revient à cet égard sur le conflit de longue date l’opposant à la direction de la société, et notamment à son directeur des ressources humaines, ainsi que sur les trois actions en justice engagées en vain par l’entreprise à son encontre, il ne ressort nullement des pièces du dossier que ce climat de tensions serait à l’origine de la présente procédure de licenciement, qui résulte exclusivement de la faute commise par le salarié.
Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. M’Y une somme de 1 000 euros à verser à la société Eurodisney sur le fondement de l’article L. 761-1 du CJA.

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Textes cités dans la décision

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  2. Code du travail
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