Rapport n° 4919, Rapport, 18 janvier 2022, 1re lecture, Assemblée Nationale, Commission, Convention autorisant la ratification de la convention relative à la nationalité entre la république française et le royaume d'espagne

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI autorisant la ratification de la convention relative à la nationalité entre la République française et le Royaume d'Espagne,

PAR M. Rodrigue Kokouendo

Député

——

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir le numéro : 4789.
— 1 —

SOMMAIRE

___
Pages
introduction
I. Un accord de double-nationalitÉ qui CONSACRE L'ÉTROITESSE des liens entre la France et l'Espagne
A. Une reconnaissance asymÉtrique de la double nationalitÉ
1. En France, une acceptation sans condition de la plurinationalité
2. En Espagne, une acceptation de la plurinationalité strictement encadrée
3. Une « zone grise » juridique pour les doubles nationaux, que la présente convention clarifie
B. LA consÉcration des liens historiques et humains liant les deux pays
1. La présence espagnole en France
2. La présence française en Espagne
II. une convention opportune, dans un contexte de rapprochement entre la France et l'Espagne
A. Les dispositions de la convention
1. Un dispositif consensuel visant à autoriser la double nationalité
2. Les conséquences sociales de la convention
B. Un partenariat franco-espagnol renforcÉ
1. Un renforcement de la relation bilatérale
2. Des ambitions européennes partagées
EXAMEN en commission
annexe n° 1 : texte adopté par la commission
— 1 —

introduction

L'Assemblée nationale est saisie du projet de loi autorisant la ratification du projet de loi de la convention relative à la nationalité entre la République française et le Royaume d'Espagne.
Cette convention consacre l'importance des liens historiques, politiques, et humains entre la France et l'Espagne en ouvrant la possibilité d'obtenir la double nationalité française et espagnole. Elle permettra aux 150 000 Français vivant en Espagne et aux 190 000 Espagnols vivant en France de vivre pleinement leur appartenance aux deux pays et de faire émerger des générations de citoyens pleinement franco-espagnols.
En reconnaissant l'histoire partagée entre nos deux pays, cette convention marque une étape importante dans le renforcement des relations franco-espagnoles. La France a notamment à cœur de reconnaître la contribution significative de l'immigration espagnole à la société française, et de témoigner sa reconnaissance particulière aux Républicains espagnols qui se sont joints à la résistance afin de permettre à notre pays de rester libre. Cet accord de double nationalité contribue en outre au renforcement du sentiment d'appartenance à l'Union européenne, qui constitue l'un des trois axes de l'actuelle présidence française de l'Union européenne.
Enfin, la présente convention revêt une importance hautement symbolique, car elle fait de la France le premier pays non hispanophone ou lusophone avec lequel l'Espagne signe un accord de double nationalité.
— 1 —

I. Un accord de double-nationalitÉ qui CONSACRE L'ÉTROITESSE des liens entre la France et l'Espagne

A. Une reconnaissance asymÉtrique de la double nationalitÉ

1. En France, une acceptation sans condition de la plurinationalité

Si la France n'a pas toujours été favorable à la pluralité de nationalités, elle l'accepte sans condition en droit interne, depuis une loi de 1973 ([1]) qui a modifié le code de la nationalité française de 1945.
Néanmoins, jusqu'en mars 2009, la France restait tenue par les stipulations du chapitre I de la Convention du Conseil de l'Europe sur la réduction des cas de pluralité de nationalités et sur les obligations militaires en cas de pluralité de nationalités, signée à Strasbourg le 6 mai 1963. Celle-ci prévoyait un mécanisme de perte automatique de la nationalité d'origine en cas d'acquisition volontaire de la nationalité d'un autre État contractant. La perte de plein droit par acquisition d'une autre nationalité n'était alors encourue qu'en des cas exceptionnels, lorsque la convention de 1963 trouvait encore à s'appliquer, jusqu'à ce que la France dénonce le chapitre I de la convention en mars 2008, cette dénonciation ayant été effective à partir de mars 2009.
Ainsi, les dispositions actuelles du droit français de la nationalité ne prévoient pas de perte automatique de la nationalité française pour le Français qui acquiert une nationalité étrangère. Elles ne prévoient pas davantage l'obligation pour celui qui acquiert la nationalité française de renoncer à sa nationalité d'origine.

2. En Espagne, une acceptation de la plurinationalité strictement encadrée

Le code civil espagnol fait de la renonciation à la nationalité d'origine l'une des conditions de l'acquisition de la nationalité espagnole ([2]). Inversement, le citoyen espagnol résidant à l'étranger qui acquiert volontairement une autre nationalité, perd automatiquement la nationalité espagnole dans un délai de trois ans, sauf s'il signifie, avant cette échéance, sa volonté de la garder auprès de son consulat.
Néanmoins, le droit espagnol ouvre la possibilité de reconnaître la double nationalité à un nombre restreint de pays. Ainsi, l'article 11.3 de la Constitution de 1978 réserve la double nationalité aux seuls pays ibéro-américains ou à ceux avec qui l'Espagne a maintenu ou maintient des liens particuliers. Ce même article ouvre aussi la possibilité de signer des traités bilatéraux dédiés avec ces pays. Ainsi, les ressortissants des États liés à l'Espagne par un traité de double nationalité peuvent acquérir la nationalité espagnole sans avoir à déclarer qu'ils renoncent à leur nationalité d'origine, et inversement les ressortissants espagnols peuvent acquérir la nationalité de l'État concerné sans perdre automatiquement la nationalité espagnole. C'est sur la base de cette disposition constitutionnelle que l'Espagne a proposé de signer un accord bilatéral avec la France.
Cependant, pour un petit nombre de pays, la signature d'un accord bilatéral n'est pas obligatoire pour que soit reconnue la double nationalité. En effet, l'article 24 du titre I du code civil espagnol prévoit que l'acquisition volontaire de la nationalité d'un pays ibéro-américain (défini comme un pays où l'espagnol ou le portugais sont une des langues officielles), d'Andorre, des Philippines, de la Guinée-Équatoriale ou du Portugal « n'est pas un motif suffisant pour entrainer la perte automatique de la nationalité espagnole ». Ainsi, un Espagnol qui acquiert la nationalité d'un pays avec lequel l'Espagne n'aurait pas signé de traité bilatéral mais qui est couvert par l'article 24, comme le Mexique ou Cuba, pourra garder sa nationalité d'origine.
Enfin, l'Espagne a aussi choisi, pour des raisons de proximité culturelle et linguistique mais également d'attractivité économique, de faciliter l'acquisition de la nationalité espagnole aux ressortissants de ces mêmes pays. La loi 36/2002 sur la nationalité a ainsi réduit, pour les ressortissants de ces pays, de dix à deux ans le temps de résidence requis pour demander la nationalité espagnole. Il convient de préciser que la présente convention franco-espagnole ne vient pas modifier cette durée, qui reste de dix ans pour les Français.

3. Une « zone grise » juridique pour les doubles nationaux, que la présente convention clarifie

La France ne faisant pas partie de la liste des pays concernés par les facilités susmentionnées, les Français souhaitant acquérir la nationalité espagnole et les Espagnols désireux d'acquérir la nationalité française relèvent, jusqu'à l'entrée en vigueur de la présente convention, du régime juridique général. Il existe donc une asymétrie des exigences avec, du côté français des Pyrénées, une reconnaissance pleine de la double nationalité et, du côté espagnol, l'exigence de la renonciation à la nationalité d'origine, sans pour autant que la production d'un document le justifiant soit exigé. Cette situation crée une zone « grise » pour les ressortissants possédant les deux nationalités, qui peuvent être Français en France et Espagnols en Espagne, mais qui ne peuvent être pleinement franco-espagnols, du moins en Espagne.
C'est cette situation que la convention franco-espagnole sur la double nationalité signée le 15 mars 2021 à Montauban clarifie, en permettant qu'un Français puisse acquérir la nationalité espagnole sans avoir à déclarer renoncer à la sienne, et qu'un Espagnol puisse devenir Français sans perdre automatiquement sa nationalité d'origine. La présente convention met donc fin à l'asymétrie existante et permet ainsi la pleine reconnaissance de la double nationalité franco-espagnole.
En outre, elle comporte une forte dimension symbolique, car elle fait de la France le premier pays non hispanophone ou lusophone avec lequel l'Espagne signe un accord de double nationalité. Elle représente en cela un geste significatif de l'Espagne envers la France, qui s'explique par l'évidente proximité culturelle, sociale et géographique, mais également par la densité et la force des liens humains. Les centaines de milliers de Français nés de parents espagnols naturalisés français sont aussi symboliquement concernés par cette signature, car elle renforce les liens entre leur pays de résidence et le pays de leurs racines familiales.

B. LA consÉcration des liens historiques et humains liant les deux pays

1. La présence espagnole en France

En 2021, plus de 108 000 Français résidaient en Espagne ([3]) et plus de 238 000 Espagnols en France ([4]), ce qui fait de la France le deuxième pays au monde hébergeant la plus grande communauté espagnole, derrière l'Argentine et devant les États-Unis. Il convient de noter que les chiffres concernant la présence espagnole en France n'incluent pas les Espagnols d'origine qui, du fait des modalités légales espagnoles présentées ci-dessus, auraient perdu leur nationalité lors de l'obtention de la nationalité française, ni leurs descendants (qui sont donc nés français de parents espagnols ou français d'origine espagnole). Pour des raisons statistiques, les estimations de cette population sont difficiles mais il était par exemple estimé en 1999 qu'il y avait plus de 172 000 Français par acquisition dont la nationalité d'origine est espagnole et qui sont nés à l'étranger (en Espagne pour la plupart).
Du fait de ces particularités statistiques, la présence espagnole en France pourrait donc être plus importante que les chiffres des registres consulaires le laissent penser, d'autant que l'émigration espagnole en France s'enracine profondément dans notre histoire. Selon les chiffres du Musée national de l'histoire de l'immigration, près de 500 000 Espagnols se sont réfugiés en France lors de la Retirada de 1939, et un nombre significatif d'entre eux ont par la suite obtenu la nationalité française, et donc perdu leur nationalité d'origine. Le Président de la République, Emmanuel Macron, a ainsi rendu un hommage appuyé, le jour de la signature de la présente convention, à « tous ces combattants de la liberté qui ont fui l'Espagne pour retrouver la France et qui ont souvent donné leur vie pour ensuite défendre la France elle-même ».
Après la guerre et pendant les Trente Glorieuses, de nombreux Espagnols se sont également installés en France : les 607 000 Espagnols vivant en France en 1969 représentaient alors la première communauté étrangère du pays. Si un certain nombre ont par la suite regagné l'Espagne, 498 000 Espagnols résidaient encore en France en 1975, puis 321 000 en 1982. Depuis une vingtaine d'années, le nombre de ressortissants espagnols vivant en France évolue entre 150 000 et 300 000 personnes environ, et une augmentation de leur nombre a été constatée à la suite de la crise économique de 2008. Il y avait ainsi 161 000 Espagnols en France en 1999, 257 000 en 2012 et plus de 238 000 en 2020 ([5]).

2. La présence française en Espagne

La présence française en Espagne est plus modeste mais reste significative. Selon les chiffres des registres communaux espagnols, il y avait 36 000 Français vivant en Espagne en 1998 ; 77 000 en 2005 ; 123 000 en 2010 ; 99 000 en 2015 et 108 000 en 2020. Une part difficile à estimer de ces Français s'avère être des descendants d'Espagnols naturalisés français, qui peuvent donc parfois prétendre à la nationalité espagnole de par leur filiation, grâce à la loi espagnole sur la mémoire démocratique de 2007. Celle-ci a en effet ouvert la nationalité espagnole aux descendants d'exilés espagnols qui auraient perdu leur nationalité en acquérant celle de leur pays d'accueil ou via un mariage avec un ressortissant étranger (pour les femmes), avant l'entrée en vigueur de la Constitution espagnole de 1978.
Ainsi, les Espagnols vivant en France et les Français vivant en Espagne représentent près de 400 000 personnes qui peuvent potentiellement être concernées par la signature de la présente convention sur la double nationalité.

II. une convention opportune, dans un contexte de rapprochement entre la France et l'Espagne

A. Les dispositions de la convention

1. Un dispositif consensuel visant à autoriser la double nationalité

Comme l'indique l'étude d'impact, les négociations ont débuté en 2019 à l'initiative de l'Espagne. Geste politique fort à l'égard de la France, la proposition d'accord a rapidement été acceptée et a fait l'objet d'un suivi à très haut niveau côté français. Les négociations ont été marquées par la fluidité des échanges et n'ont pas suscité de difficultés particulières entre les différentes parties impliquées.
Composée de cinq articles, la convention du 15 mars 2021 est introduite par un préambule rappelant les motifs et objectifs qui ont guidé la rédaction de la convention :
– rendre hommage aux relations historiques entre les deux nations et renforcer leurs liens ;
– garantir aux ressortissants des deux pays la possibilité d'obtenir la double nationalité franco-espagnole ;
– prévenir les risques d'apatridie.
L'article 1er donne aux ressortissants des deux pays la possibilité d'acquérir la nationalité de l'autre État, sous réserve de satisfaire aux conditions posées par sa législation, tout en conservant leur nationalité d'origine.
L'article 2 stipule que les bénéficiaires de la convention peuvent obtenir et renouveler leurs passeports ou documents d'identité conformément aux dispositions de la réglementation de chacun des États.
Au titre de l'article 3, peuvent prétendre au bénéfice de la convention les Français et les Espagnols ayant, avant son entrée en vigueur, perdu automatiquement leur nationalité antérieure en acquérant la nationalité espagnole ou française.
L'article 4 prévoit une consultation périodique entre les deux gouvernements, en vue d'assurer l'application harmonieuse de la convention et envisager d'éventuelles modifications.
L'article 5 stipule que la convention entrera en vigueur, pour une période indéterminée, le premier jour du mois suivant la date à laquelle les parties se seront notifié l'accomplissement de leurs procédures internes, et prévoit les modalités de dénonciation de la convention.

2. Les conséquences sociales de la convention

En vertu de la présente convention, les Espagnols pourront acquérir la nationalité française sans perdre leur nationalité d'origine et les Français, pour pouvoir acquérir la nationalité espagnole, n'auront plus à déclarer qu'ils renoncent à la nationalité française. Leurs démarches pour obtenir la nationalité de l'autre État seront ainsi facilitées.
Pour des raisons tenant à l'évolution en cours de son droit interne, l'Espagne a souhaité ajouter une stipulation spécifique concernant les personnes ayant automatiquement perdu, avant l'entrée en vigueur du texte, leur nationalité d'origine en acquérant celle de l'autre État. En effet, depuis la loi de mémoire démocratique de 2007, la nationalité espagnole est ouverte, sous condition d'un an de résidence en Espagne, aux descendants d'Espagnols ayant perdu leur nationalité en acquérant celle de leur pays d'accueil ou en se mariant avec un ressortissant étranger (pour les femmes), avant l'entrée en vigueur de la Constitution espagnole de 1978. L'article 3 de la convention doit donc se comprendre dans ce contexte, d'autant plus que la condition de résidence sur le territoire espagnol pourrait être levée par la nouvelle loi sur la mémoire démocratique présentée par le gouvernement espagnol et actuellement en discussion au Parlement.
Deux catégories de Français sont concernées par la convention :
– En application de l'article 1er, les Français qui veulent devenir Espagnols n'auront plus, pour pouvoir acquérir cette nationalité, à devoir déclarer qu'ils renoncent à la nationalité française. Selon les chiffres de l'institut statistique espagnol, 100 personnes d'origine française ont acquis la nationalité espagnole en 2020, ils étaient 97 en 2016 et 125 en 2013.
– En application de l'article 3, les Français ayant, avant l'entrée en vigueur de la convention, automatiquement perdu la nationalité espagnole en acquérant la nationalité française pourront prétendre à la nationalité espagnole. L'entrée en vigueur de la convention entrainera une augmentation des demandes de naturalisation espagnole de la part de Français résidant dans la péninsule ibérique et de la part de Français d'origine espagnole et de leurs descendants nés français.
Cependant, seules devraient être concernées par l'article 3 de la présente convention les femmes ayant perdu la nationalité française entre le 22 octobre 1945 et le 11 juin 1973 par application de l'article 87 du code de 1945. Les hommes devant, pour des raisons essentiellement liées aux obligations militaires, solliciter l'autorisation préalable du gouvernement pour perdre la nationalité française, la perte n'était pas pour eux automatique et ils ne sont donc pas concernés. Compte tenu de l'âge des personnes concernées par cette situation et des conditions posées à l'application de la présente convention, le nombre de personnes concernées par son article 3 devrait néanmoins être extrêmement faible.
Enfin, si d'anciens ressortissants français, autres que ceux mentionnés ci-dessus et se trouvant dans une situation spécifique qui n'aurait pas été identifiée, souhaitaient se prévaloir de l'article 1er ou 3 de la présente convention pour réintégrer la nationalité française, ils pourraient le faire, à leur demande et sous réserve de remplir les conditions prévues à cet effet, par la voie de la déclaration acquisitive de la nationalité française prévue par l'article 24-2 du code civil. La création d'une éventuelle nouvelle voie de réintégration de la nationalité française n'est donc pas nécessaire pour appliquer la présente convention.
S'agissant des bénéficiaires espagnols potentiels de cette convention, leur nombre est difficilement estimable. Selon l'étude d'impact, si plus de 238 000 Espagnols résident en France, il est probable qu'un nombre limité d'entre eux considèrent que cette convention bilatérale représente, en elle-même, une opportunité d'acquérir la nationalité française, d'autant plus qu'elle ne leur crée pas de nouvelles conditions d'accès à la nationalité. Les statistiques du ministère de l'intérieur indiquent qu'en 2020, 340 Espagnols d'origine ont acquis la nationalité française, un chiffre qui a évolué sur les vingt dernières années mais est resté faible.

B. Un partenariat franco-espagnol renforcÉ

La présente convention s'inscrit dans un contexte de renforcement de la coopération bilatérale et d'affirmation d'ambitions communes sur le plan européen.

1. Un renforcement de la relation bilatérale

Lors de la 26e édition du sommet franco-espagnol, qui s'est tenu à Montauban le 15 mars 2021, la France et l'Espagne ont signé, outre la présente convention, des conventions relatives aux interconnexions électriques et ferroviaires entre les deux pays, qui traduisent l'importance des questions liées à l'énergie et au climat dans la relation bilatérale. Le sommet fut également l'occasion de saluer l'implication sans faille de l'Espagne pour aider à la stabilisation du Sahel, et le soutien conséquent qu'elle apporte à l'opération Barkhane.
En outre, le Président de la République a annoncé deux projets d'avenir pour la relation franco-espagnole, témoignant de la qualité de la relation de confiance entre les deux pays :
– une « stratégie transfrontalière globale entre nos deux pays, rendue nécessaire par la symbiose des territoires de vie de part et d'autre des Pyrénées » ;
– le lancement de consultations pour un futur traité de coopération bilatérale franco-espagnole.
Comme l'a indiqué le Président de la République à cette occasion, l'intensité des échanges humains, économiques, commerciaux entre la France et l'Espagne justifie que la relation entre les deux pays soit structurée par un traité de coopération bilatérale inédit. En visite officielle en Espagne le 10 décembre 2021, le Premier ministre, Jean Castex, a indiqué au président du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, que la France souhaitait que ce traité ait le même niveau d'ambition que le traité du Quirinal, l'accord bilatéral signé par la France et l'Italie le 26 novembre 2021.

2. Des ambitions européennes partagées

La présente convention s'inscrit également dans un contexte de rapprochement des positions sur plusieurs priorités défendues par la France au niveau européen, notamment sur le plan de relance, l'innovation et les coopérations industrielles.
En effet, toutes deux fortement touchées par la première vague de la crise sanitaire, la France et l'Espagne se sont ensemble battues pour la création d'une Europe de la santé, la constitution d'un cadre européen pour l'achat des vaccins, et le renforcement de la capacité de production de vaccins dans l'Union. De même, elles ont ensemble plaidé pour un plan de relance européen ambitieux, dont les axes structurants sont non seulement l'énergie et le climat, mais également l'innovation et les coopérations industrielles : les deux pays ont ainsi fortement poussé pour la création de coopérations renforcées dans des domaines tels que l'hydrogène, l'électronique, la connectivité et le cloud. Le sommet franco-espagnol de Montauban du 15 mars 2021 a ainsi été l'occasion, pour le Président de la République, d'affirmer une volonté commune de renforcer la capacité de l'Europe à agir par elle-même et sa « souveraineté économique, industrielle, climatique », dans la ligne des priorités de l'actuelle présidence française de l'Union européenne.
— 1 —

EXAMEN en commission

Le mercredi 19 janvier 2022, la commission examine le projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à la nationalité entre la République française et le Royaume d'Espagne.
Mme Isabelle Rauch, présidente. Je salue la présence parmi nous de Stéphane Vojetta, qui a pris la succession de Samantha Cazebonne en tant que député représentant les Français établis en Espagne, au Portugal et à Monaco.
Nous allons examiner le projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à la nationalité entre la France et l'Espagne, sur le rapport de Rodrigue Kokouendo.
Ce projet de loi est politiquement et socialement très important, en raison de la charge historique et humaine qu'il porte. Au travers du dispositif simple et concis de la convention dont le Gouvernement nous demande d'autoriser la ratification résonnent l'histoire et les souffrances des près d'un demi-million de réfugiés espagnols venus en France de 1936 à 1939. Comment ne pas avoir une pensée pour ces exilés dont le retour fut impossible après la guerre, faute d'amnistie pourtant promise par Franco aux Républicains espagnols ? Ce projet de loi apporte une réparation civile et morale aux réfugiés que la France a si mal traités à leur arrivée, et à leurs descendants qui ont tant apporté à notre pays depuis quatre-vingts ans.
Pouvoir retrouver la nationalité espagnole de ses parents, partis en exil au moment de la Retirada afin de fuir la répression franquiste, est un geste fort de réconciliation et de réparation que le Gouvernement espagnol de Pedro Sánchez a accepté de faire pour témoigner de l'importance de la relation politique, diplomatique et culturelle entre nos deux pays. Une délégation de notre commission s'est rendue à Madrid les 13 et 14 décembre derniers, et nous pouvons témoigner que, depuis le sommet de Montauban du 15 mars 2021 entre Emmanuel Macron et Pedro Sánchez, nos deux pays tissent, comme avec l'Italie, de nouveaux liens de coopération profonds et étendus.
M. Rodrigue Kokouendo, rapporteur. La convention relative à la nationalité entre la République française et le Royaume d'Espagne a été signée à Montauban le 15 mars 2021 par le Président de la République française et le Président du gouvernement espagnol, lors de la 26e édition du sommet franco-espagnol. Ouvrant la possibilité d'obtenir la double nationalité, française et espagnole, cette convention consacre l'importance des liens historiques, politiques, et humains entre la France et l'Espagne. Elle permettra aux 150 000 Français vivant en Espagne et aux 190 000 Espagnols vivant en France de vivre pleinement leur appartenance aux deux pays et de faire émerger des générations de citoyens pleinement franco-espagnols.
Le texte marque une étape importante dans le renforcement des relations franco-espagnoles. Il affirme la contribution significative de l'immigration espagnole à la société française – et réciproquement – et contribue au renforcement du sentiment d'appartenance européen, un des principaux axes de l'actuelle présidence française de l'Union européenne.
Enfin, en faisant de la France le premier pays non hispanophone ou lusophone avec lequel l'Espagne signe un accord de double nationalité, la présente convention revêt une importance hautement symbolique. De façon également symbolique, les centaines de milliers de Français nés de parents espagnols naturalisés français sont aussi touchés par cette signature, qui vient renforcer leurs liens avec le pays de leurs racines familiales. C'est une manière pour la France de témoigner sa reconnaissance particulière aux Républicains espagnols, qui se sont joints à la Résistance afin de permettre à notre pays de rester libre.
Le dispositif de la convention est simple : désormais, les Espagnols pourront acquérir la nationalité française sans perdre leur nationalité d'origine. Réciproquement, les Français n'auront plus à déclarer qu'ils renoncent à la nationalité française pour obtenir la nationalité espagnole.
La convention met fin à l'asymétrie juridique entre la France et l'Espagne. Si la France n'a pas toujours été favorable à la plurinationalité, elle l'accepte désormais sans condition, au point d'avoir dénoncé, le 3 mars 2008, le chapitre Ier de la convention du Conseil de l'Europe sur la réduction des cas de pluralité de nationalités signée à Strasbourg le 6 mai 1963, prévoyant un mécanisme de perte automatique de la nationalité d'origine en cas d'acquisition volontaire de la nationalité d'un autre État contractant.
De son côté, si l'Espagne reconnaît la double nationalité dans sa Constitution, elle la réserve, par voie de traités, aux pays avec lesquels elle entretient des relations privilégiées. En dehors de tels accords, l'acceptation de la double nationalité demeure très limitée et l'acquisition d'une nationalité étrangère conduit en principe à la perte de la nationalité espagnole. De même, la renonciation à la nationalité d'origine est en principe exigée pour l'acquisition de la nationalité espagnole.
C'est dans ce contexte qu'est intervenue, à l'initiative de l'Espagne, la négociation de la convention relative à la nationalité entre la République française et le Royaume d'Espagne, qui vise – le geste est fort – à mettre fin à l'asymétrie juridique susmentionnée et à affermir les liens humains entre nos deux peuples. Cette convention s'inscrit en outre dans un contexte de renforcement de la coopération bilatérale et d'affirmation d'ambitions communes sur le plan européen.
Lors de la 26e édition du sommet franco-espagnol, le Président de la République a annoncé deux projets d'avenir pour la relation franco-espagnole, témoignant de la qualité de la relation de confiance entre les deux pays : une stratégie transfrontalière globale et le lancement de consultations pour un futur traité de coopération bilatérale franco-espagnole.
L'intensité des échanges humains, économiques et commerciaux entre la France et l'Espagne justifie que la relation entre les deux pays soit structurée par un traité de coopération bilatérale inédit. En visite officielle en Espagne le 10 décembre 2021, le Premier ministre, Jean Castex, a indiqué au Président du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez, que la France souhaite que ce traité ait le même niveau d'ambition que le traité de coopération renforcée du Quirinal, accord bilatéral signé par la France et l'Italie le 26 novembre 2021.
Cette convention s'inscrit également dans un contexte consensuel s'agissant des priorités défendues par la France au niveau européen, notamment sur la relance, l'innovation et les coopérations industrielles, ainsi que la protection des frontières et les migrations. Dans un climat de confiance très constructif, cette convergence de vues fait de l'Espagne un pilier de l'alliance que notre pays souhaite consolider avec ses voisins méditerranéens. À la faveur de ces considérations, je vous propose d'adopter le présent projet de loi.
M. Stéphane Vojetta (LaREM). L'accord bilatéral signé de 15 mars dernier lors du sommet de Montauban entre Emmanuel Macron et Pedro Sánchez, président du gouvernement espagnol, annonce enfin la pleine reconnaissance de la double nationalité franco-espagnole. Cette convention, comme l'a dit Emmanuel Macron au moment de sa signature, ouvre la possibilité aux ressortissants des deux pays d'acquérir la nationalité de l'autre État et facilitera la vie quotidienne de milliers de personnes, qui pourront vivre pleinement leur appartenance aux deux pays.
Cette convention permettra d'installer une réciprocité qui n'est que justice, car si la France n'exige pas qu'un Espagnol devenu français renonce à sa nationalité d'origine, l'Espagne demande aux Français naturalisés de renoncer à la leur, conformément à la convention précitée du Conseil de l'Europe. Même si cet engagement est rarement suivi d'effet, il est moralement difficile pour nos compatriotes d'envisager de ne pas le respecter…
Désormais, tous les Français éligibles à la nationalité espagnole selon les règles en vigueur pourront bénéficier de cette dernière sans renoncer à leur nationalité française. La double nationalité présente certains avantages pratiques. L'avantage est tout d'abord administratif puisque les Français résidant en Espagne, nationalisés espagnols, pourront désormais obtenir un documento nacional de identidad (DNI) en lieu et place du número de identificación de extranjero (NIE), numéro d'identification d'étranger aux démarches administratives parfois complexes.
Cette reconnaissance permettra également d'éviter certains différends fiscaux. Jusqu'à présent, considérant les Français naturalisés comme des Espagnols, l'Espagne pouvait en théorie leur retirer le bénéfice de la protection contre la double imposition qu'offre la convention fiscale bilatérale franco-espagnole aux citoyens français résidant en Espagne.
Enfin, l'obtention de la nationalité espagnole conférera aux néocitoyens espagnols que nous serons le droit de vote aux élections régionales et nationales en Espagne.
J'ai dit « nous » car je suis concerné. Suite aux annonces de Montauban, j'ai décidé de demander la nationalité espagnole, non seulement pour tester le nouveau dispositif mais aussi parce que je suis avant tout européen. Même si l'Italie résonne dans mon nom de famille, même si je reste français, c'est l'Espagne que j'ai adoptée et où je vis depuis dix-huit ans. C'est en Espagne que mes enfants sont nés et où je suis élu. Dans notre consulat de Madrid, j'ai participé à de nombreuses cérémonies d'accueil dans la citoyenneté française, constatant la satisfaction et l'émotion de nos nouveaux compatriotes, mais aussi une pointe de frustration en l'absence de réciprocité.
J'accueille donc le processus législatif de ratification de cet accord avec, moi aussi, une grande satisfaction, et avec une émotion qui reflète les sentiments de la communauté française d'Espagne, tout particulièrement ceux des couples binationaux.
M. Michel Herbillon (LR). Je remercie notre rapporteur pour sa présentation. Les Républicains se réjouissent de la ratification de cette convention et voteront pour. Cette pleine reconnaissance de la double nationalité met fin à une asymétrie juridique. Elle facilitera la résolution des problèmes administratifs, juridiques, fiscaux, et la vie des couples binationaux.
La convention illustre aussi les relations privilégiées entre notre pays et l'Espagne, relations de confiance économiques, culturelles, commerciales, mais également transfrontalières, les coopérations franco-espagnoles étant nombreuses du fait d'une grande similitude de vues. Tant en matière de terrorisme, de coopération industrielle, de relance, de protection des frontières ou de questions migratoires, l'Espagne est un partenaire essentiel au sein de l'Europe.
Monsieur le rapporteur, vous faites le parallèle avec le traité du Quirinal entre la France et l'Italie. Nous savons tous qu'il a fallu un certain temps à la France et à l'Italie pour le finaliser. Quelles sont les échéances de négociation de ce traité de coopération entre l'Espagne et la France ?
M. Bruno Fuchs (Dem). Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour ce rapport car le sujet est d'importance, compte tenu de l'asymétrie juridique entre la France et l'Espagne, mais je n'y reviendrai pas – le rapporteur a exposé très précisément la situation dans son propos liminaire.
Cette convention est essentielle car la nationalité renvoie à l'attachement profond que l'on porte à ses racines, à une culture, à une langue et, plus largement, à un pays. Elle est également essentielle en raison du nombre de personnes concernées puisqu'on estime que les Espagnols vivent en France et les Français vivant en Espagne sont au total près de 400 000, sans compter leurs familles.
Depuis la loi du 26 décembre 2007 de reconnaissance et d'extension des droits et de rétablissement des moyens en faveur de ceux qui ont souffert de persécution ou de violence durant la Guerre civile et la dictature, dite loi sur la mémoire historique, l'Espagne a ouvert la possibilité aux Français descendants d'Espagnols de prétendre à la nationalité espagnole de par leur filiation.
Enfin, la convention prend tout son sens du fait des liens historiques, culturels et humains étroits entre nos deux pays. En facilitant l'accès à la double nationalité, on promeut l'idée selon laquelle la culture et l'identité peuvent être plurielles – on peut épouser une culture sans renoncer à son identité, n'en déplaise à ceux qui veulent hiérarchiser les cultures et qui érigent l'ethnocentrisme en programme présidentiel.
Ce texte est donc un geste fort, puisqu'il fait de la France le premier pays non hispanophone ou lusophone avec lequel l'Espagne signe un accord de double nationalité, et sa ratification permettra de poursuivre la dynamique engagée.
M. Alain David (SOC). Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour votre exposé liminaire, éclairant les enjeux de la convention. Comme vous le soulignez, l'importance des liens historiques, politiques et humains entre la France et l'Espagne, autant que le nombre de ressortissants espagnols en France et français en Espagne, justifient pleinement la ratification de la convention. La France pourra se féliciter d'être le premier pays non hispanophone ou lusophone à bénéficier d'un tel accord.
Avec celles concernant les interconnexions électriques et ferroviaires, cette convention est la première brique d'un traité de coopération bilatérale plus ambitieux, à l'image de celui du Quirinal signé avec l'Italie en novembre dernier. Au cours de vos travaux, avez-vous évoqué l'échéance d'un tel projet avec l'Espagne ? Quel est le calendrier de négociation ?
Cette convention contribuera indéniablement au renforcement du partenariat entre la France et l'Espagne. Nous avons trop souvent déploré que les accords internationaux se limitent à des questions de libre-échange et de sécurité pour ne pas voir ce texte d'un bon œil. Les membres du groupe Socialistes et apparentés voteront donc le projet de loi.
Mme Aina Kuric (Agir ens). Je vous remercie également pour cette présentation, monsieur le rapporteur. La convention s'inscrit dans un contexte de renforcement de la coopération et de l'affirmation d'ambitions européennes communes. Nous ne pouvons donc que soutenir son adoption, tout d'abord pour des raisons pragmatiques, et de réciprocité, puisqu'elle contribuera à simplifier le quotidien des citoyens concernés, à leur ouvrir des droits civiques et à clarifier leur situation fiscale. Mais nous la soutenons également pour des raisons plus intimes, car adopter un pays ne peut signifier renoncer à un autre et la convention permettra de renforcer les liens entre nos deux pays, notre proximité géographique avec l'Espagne, mais aussi l'identité européenne du fait de notre histoire commune forte et de notre volonté d'avancer ensemble.
M. Sébastien Nadot (LT). La convention constitue une avancée. Elle fait de la France le premier pays non hispanophone ni lusophone avec lequel l'Espagne signe un accord sur la double nationalité ; c'est un symbole fort et positif pour la relation franco-espagnole. Ce sont 150 000 Français qui vivent en Espagne, 190 000 Espagnols en France ; les liens entre nos deux pays sont étroits et anciens.
Permettez-moi toutefois de souligner que la convention est bien loin de résoudre les différents problèmes concrets de voisinage entre la France et l'Espagne. Lors de la signature de la convention, en mars 2021, le président Emmanuel Macron, avait annoncé en présence du chef du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez, le lancement d'une stratégie transfrontalière globale, rendue nécessaire par la symbiose des territoires de vie de part et d'autre des Pyrénées.
Les membres de notre commission se sont rendus récemment à Madrid, à la rencontre de leurs homologues espagnols du Congreso de los Diputados. Voici la traduction de ce que disent nos collègues espagnols de plusieurs partis politiques : « Depuis janvier 2021, les autorités françaises ont bloqué à l'aide de blocs de béton divers passages frontaliers entre le territoire de l'État français et l'Espagne. En novembre 2021, le Gouvernement français a annoncé une prolongation de six mois de cette mesure. La fermeture des points de passage frontaliers, autre qu'un rétablissement des contrôles, est une violation du droit de l'Union européenne et cause des dommages aux citoyens. » Et voici en quels termes les députés espagnols ont interpellé leur propre gouvernement : « Pourquoi le Royaume d'Espagne autorise-t-il la République française à violer les droits des citoyens européens et ne l'exhorte-t-il pas à rouvrir les passages frontaliers dès que possible ? Le gouvernement [espagnol] considère-t-il comme la partie française que ces blocs de béton ont le minimum d'impact possible sur les populations et communautés de part et d'autre de la frontière ? »
La convention va dans le bon sens, mais comment ignorer à ce point, monsieur le rapporteur, la gêne quotidienne que créent ces blocs de béton pour des milliers d'Espagnols et de Français ? Comment croire à un futur traité franco-espagnol de coopération bilatérale si la réalité du terrain, celle que vivent les Français et les Espagnols sur place, et non dans des salons confortables à Paris et Madrid, est absente de vos considérations ? Vue de Toulouse, vue d'Occitanie, votre convention, c'est un peu Don Quichotte contre les moulins à vent en matière de rapprochement. Vous évoquez la consécration par cet accord des liens historiques et humains entre les deux pays ; vous osez même, dans votre rapport, un titre sur le rapprochement entre la France et l'Espagne que permettrait le texte. Savez-vous combien de kilomètres supplémentaires de trajet sont imposés chaque jour par ces blocs de béton ? Indépendamment de cette convention intéressante, peut-être devriez-vous venir dans les Pyrénées pour vous faire une idée de ce qui rapprocherait instantanément et véritablement Français et Espagnols ?
Le groupe Libertés et territoires votera la convention. Mais elle laisse dans l'impasse la réalité du quotidien de Français, d'Espagnols et de Franco-Espagnols.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). À vrai dire, mon groupe n'avait pas prévu d'intervention sur un texte aussi évidemment positif : un tel rapprochement entre nos deux pays est une bonne chose pour permettre aux citoyens de part et d'autre de la frontière d'assumer et de partager à la fois leur présent et leur histoire.
La plupart des Espagnols de France que je connais sont d'anciens réfugiés : avant même d'être réfugiés, c'étaient des militants antifascistes et des défenseurs de la liberté, qui se sont joints aux résistants français pour défendre notre pays, nos valeurs, et pour libérer l'Europe du fascisme. Ces exilés avaient imaginé pouvoir tranquillement rentrer chez eux à la fin de la guerre, mais le régime de Franco ne le leur a pas permis. Pour eux, c'était donc une blessure de devoir couper leurs racines. Le texte permet de la réparer et de rendre leur situation plus humaine en leur permettant de vivre chez eux de chaque côté des Pyrénées. C'est une belle démarche dont nous espérons qu'elle va aboutir très vite.
Félicitations et merci, monsieur le rapporteur.
M. Rodrigue Kokouendo, rapporteur. Merci chaleureusement à tous de votre soutien.
Merci à Stéphane Vojetta de nous avoir témoigné avec cœur son attachement aux deux pays.
Michel Herbillon et Alain David m'ont interrogé sur l'échéance des négociations sur le traité de coopération. Nous n'en sommes qu'au début ; je ne pourrai donc pas vous donner un calendrier précis. Mais les ambitions sont très grandes : il s'agit d'une stratégie transfrontalière globale. Dans le traité du Quirinal, les aspects importants, notamment pour notre commission, étaient l'attachement des deux parties au multilatéralisme, l'engagement commun en faveur du développement durable et une grande ambition pour l'Europe. Il en ira de même ici. De plus, le traité de coopération rendra plus fluide la mobilité des étudiants.
La commission adopte l'article unique non modifié.
L'ensemble du projet de loi est ainsi adopté.
— 1 —

annexe n° 1 : texte adopté par la commission

Article unique

Est autorisée la ratification de la convention relative à la nationalité entre la République française et le Royaume d'Espagne, signée à Montauban le 15 mars 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.
NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 4789)
([1]) Loi n° 73-42 du 9 janvier 1973 complétant et modifiant le code de la nationalité française et relative à certaines dispositions concernant la nationalité française.

([2]) Certaines exceptions existent, notamment en cas d'acquisition de la nationalité espagnole par mariage ou adoption.

([3]) Résidents espagnols en France évalués à 238 000 selon l'INSEE et 280 000 selon son équivalent espagnol (INE).

([4]) Résidents français en Espagne estimés à 151 000 par la France (81 000 inscrits au registre consulaire auxquels sont ajoutés 70 000 non-inscrits estimés) et comptabilisés à 108 000 selon les registres communaux espagnols.

([5]) « L'immigration espagnole en France au XXe siècle » ; Natacha Lillo ; site du Musée national de l'histoire de l'immigration ; https://www.histoire-immigration.fr/dossiers-thematiques/caracteristiques-migratoires-selon-les-pays-d-origine/l-immigration-espagnole .