Rapport - nº 301, 26 janvier 2021, 1re lecture, Sénat, Commission, Convention autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la principauté de monaco relatif au régime fiscal des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté de Monaco relatif au régime fiscal des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé,

Par M. Vincent DELAHAYE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Mme Nadine Bellurot, M. Christian Bilhac, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Sénat :

688 (2019-2020) et 302 (2020-2021)

L'ESSENTIEL

I. UN ACCORD BIENVENU, DESTINÉ À DONNER UN CADRE JURIDIQUE À UNE PRATIQUE CONSTANTE DEPUIS 1969

A. LES DONS ET LEGS TRANSFRONTALIERS FRANCO-MONÉGASQUES CONSENTIS À CERTAINS ORGANISMES À BUT NON LUCRATIF SONT D'ORES ET DÉJÀ, EN PRATIQUE, EXONÉRÉS DE DROITS DE MUTATION À TITRE GRATUIT

1. Si en droit interne, certaines entités sont exonérées du paiement des droits de mutation à titre gratuit, cet avantage ne peut en principe s'appliquer à des organismes étrangers qu'en vertu d'une convention fiscale

En droit français, certaines personnes publiques et entités sont exonérées du paiement des droits de mutation à titre gratuit en raison du caractère non lucratif de leur activité. Parmi ces dernières figurent notamment l'État, les collectivités territoriales ainsi que les établissements publics ou d'utilité publique qui sont d'intérêt général et exercent leur activité dans des domaines spécifiques.
De la même manière, le droit monégasque prévoit une exonération des droits de mutation à titre gratuit pour les dons et legs consentis à certaines entités, correspondant peu ou prou à celles qui sont répertoriées en droit français.
Cependant, même si deux États exonèrent dans leur droit interne des entités similaires, cet avantage est en principe limité aux organismes implantés sur le territoire national et ne couvre pas ceux qui sont situés sur le territoire de l'autre État, sauf si une convention fiscale ou un accord particulier assurent un régime de réciprocité en la matière.

2. Malgré l'absence de convention fiscale, les dons transfrontaliers franco-monégasques en faveur d'organismes à but non lucratif peuvent être exonérés de droits de mutation à titre gratuit

Malgré l'absence de convention fiscale, depuis 1969, la France et Monaco exonèrent mutuellement de droits de mutation à titre gratuit les dons et legs consentis à des organismes non lucratifs situés dans l'autre État.
Ces exonérations se font sur la base de décisions ponctuelles des autorités compétentes des deux États, à condition que les entités donataires ou légataires remplissent les conditions d'éligibilité dans le droit interne de l'autre État.
Cette pratique demeure cependant exceptionnelle, et représente des sommes relativement modestes.

B. UNE DÉMARCHE OPPORTUNE, VISANT À GARANTIR DAVANTAGE DE CLARTÉ ET DE TRANSPARENCE DANS LES RELATIONS FISCALES FRANCO-MONÉGASQUES

En 2016, à l'occasion d'une demande d'exonération portant sur un legs consenti en 2012 par un français au profit d'un hôpital à Monaco, les autorités françaises ont proposé à leurs homologues monégasques de formaliser davantage leurs relations fiscales, l'absence de base conventionnelle pouvant être source d'insécurité juridique pour les contribuables.
L'accord relatif au régime fiscal des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé traduit ainsi la volonté d'encadrer les conditions d'exonération des droits de mutation à titre gratuit.

II. UN TEXTE CONSENSUEL, PRÉSENTANT DE FORTE SIMILITUDES AVEC LES ACCORDS DE MÊME TYPE CONCLUS PAR LA FRANCE

Initiées lors de la commission mixte franco-monégasque de 2016, les négociations pour parvenir à un accord sur l'exonération réciproque des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé se sont poursuivies en 2017 et 2018, pour aboutir à la signature d'un texte le 25 février 2019.
Selon les informations transmises au rapporteur, les échanges ont principalement porté sur le choix du support juridique idoine, ainsi que sur certains aspects rédactionnels, le principe et l'étendue des exonérations à accorder faisant l'objet d'un consensus entre la partie française et la partie monégasque.
En pratique, les stipulations contenues dans l'accord sont largement comparables à celles qui figurent dans les accords de même type conclus par la France, tant du point de vue de la liste des entités qui pourront bénéficier d'une exonération, que de la subordination de cet avantage au fait que l'autre État exonère les mêmes catégories d'entités sur son territoire.
Si les modalités d'entrée en vigueur, de modification et de dénonciation de l'accord s'avèrent également classiques, il convient de relever qu'en matière de legs, l'accord aura une portée rétroactive. Cette disposition s'explique par la décision qui a été prise, au début de la négociation, de geler toutes les demandes d'exonération dans l'attente du présent accord.
Enfin, l'accord devrait avoir un impact fiscal limité, dans la mesure où il se substitue à une pratique déjà existante, qui ne concernait au demeurant qu'un nombre restreint de dons et legs transfrontaliers.
Au regard de ces observations, la commission des finances a adopté le présent projet de loi.
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EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. DES RELATIONS HISTORIQUES ET PRIVILÉGIÉES ENTRE LA FRANCE ET MONACO, MARQUÉES PAR LA CONCLUSION DE DEUX CONVENTIONS FISCALES

Monarchie héréditaire et constitutionnelle depuis 1489, date à laquelle le roi de France Charles VIII lui accorde la souveraineté, la Principauté de Monaco entretient des relations diplomatiques étroites avec l'État français.
Celles-ci se matérialisent notamment par l'existence de deux conventions fiscales, figurant parmi les premières des conventions de ce type adoptées par la France : la convention du 1 er avril 1950 tendant à éviter les doubles impositions et à codifier les règles d'assistance en matière successorale, et la convention du 18 mai 1963 en matière d'impôt sur le revenu, modifiée par un avenant signé le 26 mai 2003.
Ces deux textes comportent des dispositions sensiblement différentes du modèle standard OCDE, en raison de la nature privilégiée des relations existant entre les deux États. Ces conventions se singularisent également par leur objet, qui n'est pas tant d'éviter les doubles impositions que de lutter contre le transfert de bénéfices à Monaco et de dissuader les contribuables français d'établir leur domicile fiscal dans la Principauté afin d'échapper à l'impôt sur le revenu en France, le régime fiscal monégasque se révélant significativement plus avantageux.
En effet, Monaco ne connaissant ni impôt sur le revenu, ni impôt sur la fortune, la Principauté attire de nombreux groupes privés ou ressortissants étrangers, en quête d'une fiscalité plus allégée ; près de 130 nationalités sont ainsi représentées à Monaco, qui compte par ailleurs environ 38 000 résidents et 51 000 salariés.
Dans ce contexte, les deux conventions ont notamment vocation à définir les modalités d'imposition des 10 000 Français qui résident à Monaco et des 400 Monégasques habitant en France.

A. LA CONVENTION DE 1963 : L'ASSUJETTISSEMENT DES FRANÇAIS RÉSIDANT À MONACO À L'IMPÔT SUR LE REVENU ET À L'IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE

La convention franco-monégasque en matière d'impôt sur le revenu, qui remplace l'ancienne convention de voisinage et d'assistance administrative mutuelle du 23 décembre 1951, dénoncée par la France en 1962, a institué un impôt sur les bénéfices réalisés par certaines sociétés ou entreprises à Monaco (article 1 er ), tout en définissant le régime fiscal applicable aux contribuables de nationalité française établis à Monaco (article 7).
En pratique, il résulte de cette convention que les personnes physiques de nationalité française qui transfèrent à Monaco leur domicile ou leur résidence - ou qui ne peuvent pas justifier de 5 ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962 sont assujetties en France à l'impôt sur le revenu dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile ou leur résidence en France.
Certaines catégories de ressortissants français sont néanmoins considérées comme domiciliées hors de France et à ce titre, ne sont passibles de l'impôt sur le revenu que dans les conditions prévues par la loi interne (elles bénéficient du « statut privilégié »).
En vertu de l'alinéa 3 de l'article 7 de la même convention, complété par l'avenant du 26 mai 2003, les Français installés à Monaco à compter du 1 er janvier 1989 sont également assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune dans les mêmes conditions que les personnes domiciliées en France.
Selon les informations recueillies par le rapporteur, l'application de cette convention, dont l'interprétation a fait l'objet de nombreux échanges entre la France et Monaco, ne pose pas de problème notable. Au demeurant, les éventuelles difficultés pouvant surgir à l'occasion de l'interprétation de ce texte sont examinées annuellement par la commission mixte franco-monégasque instituée par l'article 25 de la convention, dont les résolutions s'imposent aux parties.
Cette instance est composée de représentants des deux parties à la convention :
- pour la France, la délégation est présidée par le sous-directeur des questions européennes et des relations internationales de la direction de la législation fiscale, accompagné des collaborateurs en charge des questions relatives à Monaco ;
- pour Monaco, la délégation est présidée par le ministre des finances et de l'économie monégasque, accompagné du directeur des services fiscaux monégasques et de ses adjoints.
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B. LA CONVENTION DE 1950 : UN TEXTE VISANT À RÉPARTIR LE DROIT D'IMPOSER EN MATIÈRE DE SUCCESSIONS UNIQUEMENT, SANS TRAITER LA QUESTION DES DONATIONS

La convention du 1 er avril 1950, qui s'applique uniquement aux ressortissants des deux États, a pour objet d'éviter les doubles impositions en matière successorale et ne couvre donc pas le régime des donations du vivant.

1. Les droits de mutation à titre gratuit en France et à Monaco : un écart important de tarifs

En France, les droits de mutation à titre gratuit, qui comprennent les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière, sont dus à l'occasion du transfert à titre gratuit de la propriété d'un bien (donations entre vifs ou legs en cas de décès).
Les donations et les successions sont ainsi taxées selon un barème progressif, tenant compte du lien entre le donateur ou défunt et le donataire ou héritier ; le montant des droits de mutation à titre gratuit est ainsi calculé en appliquant sur la part nette revenant à chaque ayant-droit les taux prévus à l'article 777 du CGI.
En droit monégasque, le niveau d'imposition est également fonction du degré de parenté entre le défunt ou donateur et son héritier ou bénéficiaire. Contrairement à la France, aucune imposition n'est due en ligne directe.

Tarif des droits applicables en France et à Monaco

(en %)
Fraction de part nette taxable

Tarif applicable en France

Tarif applicable à Monaco


En ligne directe


0


N'excédant pas 8 072 €

5


Comprise entre 8 072 € et 12 109 €

10


Comprise entre 12 109 € et 15 932 €

15


Comprise entre 15 932 € et 552 324 €

20


Comprise entre 552 324 € et 902 838 €

30


Comprise entre 902 838 € et 1 805 677 €

40


Au-delà de 1 805 677 €

45


Entre frères et soeurs vivants ou représentés


8 %


N'excédant pas 24 430 euros

35


Supérieur à 24 430 euros

45


Entre parents du 3 ème degré

55 %

10 %


Entre parents du 4 ème degré

55 %

13 %


Entre parents au-delà du 4 ème degré

60 %

13 %


Entre personnes non parentes

60 %

16 %




Source : commission des finances
Eu égard à l'écart des tarifs de droits de succession pratiqués par les deux États, la question du droit applicable en cas de succession ou de donation revêt une importance prépondérante.

2. La convention de 1950 détermine les règles de territorialité applicables en matière de succession transfrontalière

La convention de 1950 répartit le droit d'imposer les successions entre Monaco et la France en se référant principalement à la situation géographique des biens transmis, sans tenir compte du domicile fiscal du donataire ou de l'héritier - sauf pour les actions, parts sociales, obligations et créances.

Règles territoriales applicables en fonction de la nature des biens transmis

Immeubles et droits immobiliers

Imposables dans l'État où ils sont situés, quel que soit le lieu du domicile du défunt ou de ses héritiers


Biens meubles corporels, billets de banques, autres espèces monétaires

Imposables dans l'État où ils se trouvent à la date du décès, quel que soit le lieu du domicile du défunt ou de ses héritiers


Biens meubles corporels et incorporels investis dans une entreprise commerciale, industrielle ou autre

Imposables dans l'État où l'entreprise ne possède qu'un établissement stable


Actions, parts sociales, fonds d'État, obligations, créances et tous les autres biens non cités

Imposables dans l'État où le défunt avait son domicile à la date de son décès, quel que soit le lieu du domicile de ses héritiers.




Source : articles 2 à 6 de la convention de 1950
Par ailleurs, l'article 1 er de la convention stipule que les ressortissants français doivent avoir habituellement résidé à Monaco pendant au moins 5 ans à la date de leur décès pour être considérés comme domiciliés à Monaco.

3. Concernant les donations, en l'absence de convention, les règles territoriales internes continuent de s'appliquer

a) En France, l'application des droits de mutation dépend du domicile fiscal du donateur ou du donataire

En l'absence de convention internationale, c'est l'article 750 ter du CGI qui fixe les critères permettant de déterminer si un don est imposable en France. Ainsi :
- les dons ou legs de biens situés en France sont toujours imposables en France ;
- les dons ou legs de biens situés hors de France sont imposables en France dans certains cas, en fonction du domicile fiscal du donateur ou du défunt d'une part, et du donataire ou du légataire d'autre part.
Notion de domicile fiscal
Aux termes de l'article 4 B du CGI, doivent être considérées comme ayant leur domicile fiscal en France :
- les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ;
- celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ;
- celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques.
Sont également considérés comme ayant leur domicile fiscal en France, les agents de l'État qui exercent leurs fonctions ou sont chargés de mission dans un pays étranger et qui ne sont pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l'ensemble de leurs revenus.
Source : bulletin officiel des finances publiques

Si le donateur est domicilié en France, tous les biens transmis, possédés directement ou indirectement, situés en France et hors de France, sont imposables en France : fonds publics, parts d'intérêts, créances, valeurs mobilières françaises ou étrangères de quelque nature qu'elles soient, biens immeubles ou meubles corporels ou incorporels situés hors de France.
Ce principe trouve à s'appliquer indépendamment du domicile fiscal du donataire.
Notion de biens situés en France
Au terme de l'article 750 ter du CGI, les biens situés en France s'entendent :
- des biens qui ont une assiette matérielle en France métropolitaine ou dans les départements d'outre-mer ;
- des biens incorporels français (créances sur un débiteur domicilié en France métropolitaine ou dans les départements d'outre-mer, valeurs mobilières émises par l'État français, une personne morale de droit public française ou une société qui a, en France, son siège social statutaire ou le siège de sa direction effective, brevets d'invention et marques de fabrique concédés et exploités en France, etc.) ;
- des actions et parts de sociétés ou personnes morales non cotées en bourse dont le siège est situé hors de France et dont l'actif est principalement constitué d'immeubles ou de droits immobiliers situés sur le territoire français.
À l'inverse, les biens situés hors de France sont :
- ceux qui ont leur assiette matérielle à l'étranger (immeubles, fonds de commerce, meubles corporels) ;
- les biens incorporels qui ne sont pas considérés comme français (créances sur des débiteurs domiciliés à l'étranger, valeurs mobilières émises par des collectivités ayant leur siège à l'étranger sous réserve des dispositions applicables aux sociétés à prépondérance immobilière).
Source : bulletin officiel des finances publiques

En revanche, si le donateur est domicilié hors de France, le régime des droits de mutation à titre gratuit dépend du domicile fiscal du bénéficiaire de la transmission :
- si le bénéficiaire n'a pas son domicile fiscal en France au jour de la mutation ou ne l'a pas eu pendant au moins six ans au cours des dix années précédant celle-ci, les droits de mutation à titre gratuits ne sont dus qu'à raison des biens situés en France ;
- si le bénéficiaire a son domicile fiscal en France au jour de la mutation, sont soumis aux droits de mutation à titre gratuit les biens situés en France et hors de France. Cette dernière disposition ne s'applique cependant que si le bénéficiaire a eu son domicile fiscal en France pendant au moins six années au cours des dix dernières années précédant celle au cours de laquelle il reçoit les biens.

Règles de territorialité applicables aux droits de mutation à titre gratuit

Donataire domicilié en France pendant au moins 6 ans au cours des 10 dernières années

Donataire domicilié hors de France (ou domicilié en France pendant moins de 6 ans au cours des 10 dernières années)


Donateur domicilié en France

DMTG sur les biens situés en France et hors de France
(1° de l'article 750 ter)


Donateur domicilié hors de France

DMTG sur les biens situés en France et hors de France
(3° de l'article 750 ter du CGI)

DMTG sur les biens situés en France uniquement
(2° de l'article 750 ter du CGI)




Source : commission des finances du Sénat

b) À Monaco, l'application des droits de mutation dépend uniquement de la situation des biens

À l'inverse, en droit monégasque, les droits de donation s'appliquent uniquement aux biens situés sur le territoire de la Principauté et ce, quels que soient le domicile, la résidence ou la nationalité du défunt ou du donateur.
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II. UN ACCORD BIENVENU, DESTINÉ À DONNER UN CADRE JURIDIQUE À UNE PRATIQUE CONSTANTE DEPUIS 1969

A. LES DONS ET LEGS TRANSFRONTALIERS FRANCO-MONÉGASQUES CONSENTIS À CERTAINS ORGANISMES À BUT NON LUCRATIF SONT D'ORES ET DÉJÀ, EN PRATIQUE, EXONÉRÉS DE DROITS DE MUTATION À TITRE GRATUIT

1. En droit français comme en droit monégasque, certaines entités sont exonérées du paiement des droits de mutation à titre gratuit en raison du caractère non lucratif de leur activité

En France, en vertu des articles 794 et 795 du CGI, sont éligibles à une exonération de droits de mutation à titre gratuit pour les dons et legs reçus :
- les régions, les départements, les communes, leurs établissements publics et les établissements publics hospitaliers, pour ce qui concerne les biens affectés à des activités non lucratives uniquement (I de l'article 794 du CGI). Ces dispositions s'appliquent également aux libéralités faites aux organismes d'administration et de gestion de la sécurité sociale ainsi qu'à la caisse générale de prévoyance des marins et de leurs familles en cas d'accident, de maladie, d'invalidité et de maternité (II de l'article 794 du CGI). Toutefois, conformément à l'article 136 de la loi de finances pour 2020, cette exonération cesse de s'appliquer aux libéralités consenties à compter du 1 er janvier 2024 1(*) ;
- les établissements pourvus de la personnalité civile, autres que les collectivités précitées, s'il s'agit d'oeuvres d'art, de monuments ou d'objets ayant un caractère historique, de livres, d'imprimés ou de manuscrits, si ces oeuvres et objets sont destinés à figurer dans une collection publique (1° de l'article 795 du CGI). Les dons ou legs de sommes d'argent ou d'immeubles sont également exonérées en cas d'obligation, pour les bénéficiaires, de consacrer ces libéralités à l'achat d'oeuvres d'art, de monuments ou d'objets ayant un caractère historique, de livres, d'imprimés ou de manuscrits, destinés à figurer dans une collection publique, ou à l'entretien d'une collection publique (6° de l'article 795 du CGI) ;
- les établissements publics ou d'utilité publique, qui sont d'intérêt général et exercent des activités ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel, à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ou en faveur du pluralisme de la presse (2° de l'article 795 du CGI) ;
- les établissements publics charitables, les mutuelles et toutes les autres sociétés reconnues d'utilité publique dont les ressources sont affectées à des oeuvres d'assistance, à la défense de l'environnement naturel ou à la protection des animaux (4° de l'article 795 du CGI) ;
- les fondations universitaires, les fondations partenariales et les établissements d'enseignement supérieur reconnus d'utilité publique, les sociétés d'éducation populaire gratuite reconnues d'utilité publique et subventionnées par l'État, les associations d'enseignement supérieur reconnues d'utilité publique et les établissements reconnus d'utilité publique ayant pour objet de soutenir des oeuvres d'enseignement scolaire et universitaire régulièrement déclarées (5° de l'article 795 du CGI) ;
- les organismes d'habitations à loyer modéré ou leurs unions (7° de l'article 795 du CGI) ;
- l'office national des anciens combattants et victimes de guerre (9° de l'article 795 du CGI) ;
- les associations cultuelles, les unions d'associations cultuelles et les congrégations autorisées (10° de l'article 795 du CGI) ;
- les établissements publics ou d'utilité publique autres que les collectivités citées en premier lieu, les sociétés particulières ou les autres groupements régulièrement constitués, en tant qu'ils sont affectés, par la volonté expresse du donateur ou du testateur, à l'érection de monuments aux morts de la guerre ou à la gloire de nos armes et des armées alliées (11° de l'article 795 du CGI) ;
- le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, pour les dons et legs d'immeubles situés dans les zones définies à l'article L. 322-1 du code de l'environnement (12° de l'article 795 du CGI) ;
- l'établissement public d'un parc national, pour les dons et legs d'immeubles situés dans le coeur de ce parc (13° de l'article 795 du CGI) ;
- les fonds de dotation répondant aux conditions ouvrant droit, pour leurs donateurs, à la réduction d'impôt sur le revenu définie à l'article 200 du CGI (14° de l'article 795 du CGI).
En parallèle, conformément aux dispositions de l'article 1040 du CGI, les dons et legs consentis à l'État, ainsi qu'aux établissements publics nationaux sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit. Il s'agit notamment :
- des établissements publics de recherche, d'enseignement, d'assistance et de bienfaisance ;
- de l'Académie nationale de médecine ;
- de la Caisse nationale d'épargne ;
- de l'Établissement national des invalides de la Marine ;
- du Conservatoire national des arts et métiers ;
- de l'École polytechnique ;
- des universités ;
- de l'Institut de France ;
- de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG).
Enfin, aux termes de l'article 1071 du CGI, les dons et legs de toute nature consentis au bénéfice de l'association « La Croix-Rouge française », reconnue d'utilité publique, sont exonérés de tous droits d'enregistrement.
Si le droit monégasque prévoit également une exonération des droits de mutation à titre gratuit pour les dons et legs consentis à certaines entités, ces dernières ne font pas l'objet d'une recension exacte, comme en droit français.
En effet, la loi n°241 du 6 juin 1938 tendant à exonérer la commune, les établissements publics hospitaliers ou de bienfaisance des droits sur les dons et legs se contente de viser :
- la commune ;
- les établissements publics hospitaliers ou de bienfaisance ;
- les fondations privées dont le but désintéressé tend au perfectionnement intellectuel, moral ou social des membres de la collectivité monégasque.
Selon les informations recueillies par le rapporteur, la rédaction laconique de ce texte très ancien permet à la Principauté d'exonérer l'ensemble des entités visées à l'article 2 de l'accord (voir infra).

2. Si cet avantage fiscal est en principe limité aux organismes implantés sur le territoire national, la France et Monaco pratiquent réciproquement ces exonérations pour des dons et legs transfrontaliers depuis 1969

a) Un avantage fiscal réservé aux organismes implantés sur le territoire national ou, pour les entités étrangères, subordonné à l'existence d'une convention fiscale

En principe, le bénéfice de l'exonération de droits de mutation à titre gratuit est limité aux organismes implantés sur le territoire national et ne couvre donc pas les entités similaires qui seraient situées sur le territoire d'un autre État, quand bien même ce dernier pratique les mêmes exonérations en droit interne. Ainsi, un legs consenti à un hôpital français et imposable en France sera éligible à une exonération de droits de mutation en France, contrairement à un legs consenti à un hôpital situé en Allemagne et imposable en France.
Néanmoins, certains établissements étrangers peuvent bénéficier d'une exonération de droits de mutation à titre gratuit si :
- leur siège est situé dans un État membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ayant conclu avec la France une convention d'assistance en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale (article 795-0 A du CGI) ;
- leur siège est situé dans un État ayant conclu avec la France une convention fiscale ou un accord particulier assurant un régime de réciprocité en la matière.
Le bénéfice de cette exonération demeure néanmoins soumis à plusieurs conditions :
- les organismes bénéficiaires doivent être de même nature que les entités mentionnées aux articles 794 et 795 du CGI ;
- comme pour les organismes situés en France, les dons et legs reçus par ces entités étrangères doivent être affectés exclusivement à des activités non lucratives ;
- les organismes européens sont soumis à une procédure d'agrément, permettant de s'assurer qu'ils poursuivent des objectifs et présentent des caractéristiques similaires aux personnes morales et organismes situés en France ;
- les organismes qui ne sont pas situés dans l'Union européenne doivent produire des pièces justificatives attestant qu'ils poursuivent des objectifs et présentent des caractéristiques similaires aux personnes morales ou aux organismes de même nature dont le siège est situé en France et que les bien reçus sont affectés à des activités non lucratives.
Le rapporteur note qu'à ce jour, la France a conclu seulement dix-sept conventions fiscales comportant des dispositions relatives aux dons et legs : Allemagne 2(*) , Autriche 3(*) , Belgique 4(*) , Bolivie 5(*) , Cameroun 6(*) , Côte d'Ivoire 7(*) , Espagne 8(*) , États-Unis 9(*) , Finlande 10(*) , Israël 11(*) , Italie 12(*) , Liban 13(*) , Mexique 14(*) , Portugal 15(*) , Sénégal 16(*) , Suède 17(*) , Suisse 18(*) .

b) Malgré l'absence de convention fiscale, une pratique constante entre la France et Monaco depuis 1969

(1) Une exonération accordée sur le fondement d'une décision ministérielle ad hoc

Depuis 1969, en vertu d'une pratique constante, les dons et legs transfrontaliers entre la France et Monaco peuvent être exonérés de droits de mutation à titre gratuit, sur la base de décisions ponctuelles des autorités compétentes des deux États. Le bénéfice de ces exonérations est néanmoins subordonné au fait que les entités donataires ou légataires remplissent les conditions d'éligibilité dans le droit interne de l'autre État.
En pratique, en l'état actuel du droit, une structure monégasque souhaitant être exonérée de droits de mutation sur un don ou un legs imposable en France doit présenter une demande en ce sens auprès de la direction départementale du service des impôts de Nice 19(*) ou, à défaut, des services fiscaux monégasques.
La demande est ensuite instruite par la direction de la législation fiscale, qui vérifie que l'organisme monégasque présente les mêmes caractéristiques que les entités françaises éligibles à ce type d'exonération. À cet effet, les organismes monégasques bénéficiaires de dons ou legs sont tenus de produire des pièces justificatives à l'appui de leur demande d'exonération.
In fine, l'exonération prend la forme d'une décision ministérielle ad hoc, transmise aux services fiscaux monégasques.
Dans ce contexte, le rapporteur a cherché à savoir si les exonérations étaient accordées de manière automatique, si tant est que les organismes bénéficiaires répondaient aux conditions d'éligibilité. Selon les réponses fournies par l'administration fiscale, le traitement des demandes d'exonération n'aurait jusqu'à présent pas donné lieu à des décisions prises en opportunité.

(2) Des demandes qui restent exceptionnelles

Selon les informations recueillies par le rapporteur, cette pratique demeurerait exceptionnelle et représenterait, par conséquent, des sommes relativement modestes.
Ainsi, depuis 2010, seul l'hôpital Princesse-Grace a sollicité une exonération de droits français, pour un legs représentant 1,5 million d'euros ; cette demande n'a cependant pas encore été instruite dans l'attente de la conclusion du présent accord (voir infra).
Au cours de la même période, six organismes français ont bénéficié d'une exonération de droits monégasques, accordés sur une base de 894 000 euros.
Il a par ailleurs été indiqué au rapporteur que sur une période plus longue, des organismes français ont plus souvent été bénéficiaires de dons ou legs de la part de donateurs monégasques que l'inverse.
* 1 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.
* 2 Par renvoi de l'article 12, §1, de la convention du 12 octobre 2006, article 21 de la convention du 21 juillet 1959 modifiée par l'avenant du 28 septembre 1989.
* 3 Article 10 de la convention du 26 mars 1993.
* 4 Article 13-I de la convention du 20 janvier 1959.
* 5 Article 24 de la convention du 15 décembre 1994.
* 6 Article 34 A de la convention du 21 octobre 1976 modifiée.
* 7 Article 34 A de la convention du 6 avril 1966 modifiée.
* 8 Article 38 de la convention du 8 janvier 1963.
* 9 Article 10 de la convention du 24 novembre 1978.
* 10 Article 12 de la convention du 25 août 1958.
* 11 Article 24 de la convention du 31 juillet 1994.
* 12 Article 17 de la convention du 20 décembre 1990.
* 13 Article 36 de la convention du 24 juillet 1962.
* 14 Article 22 de la convention du 7 novembre 1991.
* 15 Article 1 à 4 de l'accord du 3 juin 1994.
* 16 Article 34 A de la convention du 29 mars.
* 17 Article 11 de la convention du 8 juin 1994.
* 18 Accord du 30 octobre 1979.
* 19 Un arrêté du 13 octobre 2017 dispose que les personnes physiques qui résident habituellement dans la principauté de Monaco, qu'elles soient ou non fiscalement domiciliées en France, souscrivent au service départemental de l'enregistrement de Nice les déclarations de don manuel et de succession (CGI, annexe 4, art. 121 Z quinquies).
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B. UNE DÉMARCHE OPPORTUNE, VISANT À GARANTIR DAVANTAGE DE CLARTÉ ET DE TRANSPARENCE DANS LES RELATIONS FISCALES FRANCO-MONÉGASQUES

L'accord relatif au régime fiscal des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé traduit la volonté d'encadrer les conditions d'exonération des droits de mutation à titre gratuit.

1. Un statu quo source d'insécurité juridique

Selon les informations transmises au rapporteur, en l'absence de texte, la situation actuelle demeurait source d'insécurité juridique pour de nombreux contribuables.
En effet, il se révélait toujours délicat pour les praticiens du droit de rendre une opinion tranchée au sujet de l'éligibilité de dons et legs transfrontaliers à une exonération des droits de mutation à titre gratuit, cette dernière n'étant garantie que par la pratique habituelle entre les deux États.
De surcroît, le caractère très laconique du droit monégasque en matière d'exonérations de dons et legs pouvait susciter de légitimes questions quant à l'éligibilité de certaines entités à cet avantage fiscal.
De ce point de vue, la ratification de l'accord en droit interne permettra de clarifier l'ensemble des procédures applicables en matière de dons et legs transfrontaliers, de même que la liste des entités éligibles à une exonération. Ce texte sera donc in fine bénéfique aux organismes non lucratifs français et monégasques, dont le financement sera à l'avenir facilité.

2. Une opacité regrettable dans les décisions d'exonération rendues jusqu'à présent

Comme l'indique l'étude d'impact du présent projet de loi, c'est à l'occasion d'un legs transfrontalier particulièrement significatif que les autorités françaises ont proposé à leurs homologues monégasques de formaliser davantage leurs relations fiscales.
Consécutif au décès d'un résident français en 2012, le legs en question, consenti au profit de l'hôpital Princesse-Grace, représentait 1,5 million d'euros et se situait donc dans la fourchette haute des demandes d'exonération reçues par le passé.
Eu égard à ce montant, les autorités françaises ont estimé opportun de garantir davantage de transparence dans les décisions rendues, en inscrivant ces dernières dans un cadre juridique plus solide, quand bien même l'hôpital Princesse-Grace a déjà fait l'objet d'un legs exonéré sur le fondement d'une décision ministérielle en 1969.

Étant donné la spécificité des relations fiscales franco-monégasques, le rapporteur ne peut que souscrire à cette analyse ; l'opacité entourant jusqu'à présent les décisions d'exonération aurait pu, à terme, se révéler préjudiciable.

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III. UN TEXTE CONSENSUEL, PRÉSENTANT DE FORTE SIMILITUDES AVEC LES ACCORDS DE MÊME TYPE CONCLUS PAR LA FRANCE

A. UN ACCORD CONSENSUEL SIGNÉ À L'ISSUE DE NÉGOCIATIONS FLUIDES

Initiées en 2016, les négociations pour parvenir à un accord sur l'exonération réciproque des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé se sont poursuivies en 2017, pour aboutir à un texte agréé par les parties et le ministre au début de l'année 2018.
Dans l'attente de la conclusion de cet accord, toutes les demandes d'exonération formulées auprès de l'une ou l'autre partie ont été mises en attente.
Le projet d'accord a été paraphé par les parties à l'occasion de la réunion de la commission mixte franco-monégasque de juillet 2018, avant d'être signé par les ministres le 25 février 2019.
Selon les informations transmis au rapporteur, le principe et l'étendue des exonérations à accorder entre les parties ayant été consensuels entre la partie française et la partie monégasque, les échanges ont principalement porté sur le choix du support juridique idoine, ainsi que sur certains aspects rédactionnels.
Ainsi, lors des discussions initiées en 2016 en commission mixte, les parties auraient évoqué la possibilité de recourir à la signature d'un avenant à la convention de 1950 ; néanmoins, dans la mesure où seule la question des dons et legs recueillait un accord immédiat, une renégociation plus vaste de certaines stipulations de la convention demeurant à ce stade exclue, les parties ont décidé de conclure un accord particulier.
Interrogée sur la durée des négociations, l'administration française a fait savoir que le délai de trois ans entre le début des échanges et la signature de l'accord correspondait à la durée habituelle de conclusion de ce type de conventions.

B. UN CHAMP D'APPLICATION COMPARABLE À CELUI QUI EST RETENU DANS LES ACCORDS DE MÊME TYPE CONCLUS PAR LA FRANCE

1. Un avantage fiscal octroyé sur le fondement de la réciprocité

L'accord définit trois catégories de bénéficiaires des exonérations de droits de mutation à titre gratuit :
- les États parties (article 1 er ) ;
- leurs collectivités locales ou territoriales (article 1 er ) ;
- les établissements publics, d'utilité publique et les organismes à but désintéressé opérant dans les domaines culturel, cultuel, éducatif, charitable, scientifique, médical, environnemental ou artistique et implantés dans l'un des États parties (article 2).
Le rapporteur note qu'à cet égard, le présent accord ne diffère pas significativement des précédents accords conclus par la France avec des États étrangers.

Entités bénéficiant des exonérations de droit de mutation à titre gratuit dans les accords conclus par la France

Autriche

« Les organismes, associations, institutions et fondations à but désintéressé créés ou organisés dans un État contractant et exerçant leur activité dans le domaine religieux, scientifique, artistique, culturel, éducatif ou charitable »


États-Unis

Les organismes « organisé[s] et fonctionn[ant] exclusivement à des fins religieuses, charitables, scientifiques, littéraires ou éducatives »


Italie

« Les établissements publics, les établissements d'utilité publique ainsi que les organismes, associations, institutions et fondations à buts désintéressés créés ou organisés dans l'un des États et exerçant leur activité dans le domaine religieux, scientifique, artistique, culturel, éducatif ou charitable »


Portugal

« Les organismes de droit public d'un État contractant ou de ses collectivités locales, exerçant leur activité dans le domaine scientifique, artistique, culturel, éducatif ou charitable »


Suède

« Les établissements publics ainsi que les organismes à but désintéressé,
quelle que soit leur dénomination, créés ou organisés dans un État contractant et exerçant leur activité dans le domaine religieux, scientifique, artistique, culturel, éducatif ou charitable »


Suisse

« La même exonération s'applique aux donations et successions consenties ou dévolues aux organismes suisses à buts exclusivement désintéressés, exerçant leur activité notamment dans le domaine scientifique, artistique, culturel ou charitable, à condition que cette exonération soit admise en faveur d'organismes de même nature créés ou organisés en France »




Source : commission des finances
La rédaction retenue à titre principal dans les précédents accords, à savoir les organismes exerçant leur activité « dans le domaine religieux, scientifique, artistique, culturel, éducatif ou charitable » pourrait apparaitre légèrement plus restrictive que celle qui prévaut dans le présent accord, comprenant également le domaine médical et le domaine environnemental.
Selon les informations transmises au rapporteur, qui a interrogé l'administration sur les raisons ayant conduit à privilégier cette nouvelle rédaction, la mention spécifique du domaine médical résulte d'une demande monégasque. En effet, la loi monégasque de 1938 précise explicitement que les établissements publics hospitaliers sont éligibles à une exonération de droits sur les dons et legs qui leur sont consentis. Par ailleurs, cette formulation permettrait de sécuriser juridiquement le legs de 1,5 million d'euros en faveur de l'hôpital « Princesse-Grace », à l'origine du présent accord.
De la même manière, la référence aux organismes exerçant leur activité dans le domaine environnemental traduirait la forte implication de la Principauté de Monaco en matière de protection de l'environnement, concrétisée par la présence sur le territoire monégasques de nombreuses associations et fondations oeuvrant dans ce but.
Pour l'administration fiscale française, ces différences demeurent néanmoins mineures, « les champs d'application matériel et personnel [étant] tout à fait comparables » 20(*) .
Il ne suffit cependant pas à une entité de correspondre à ces critères pour pouvoir bénéficier des dispositions de l'accord, dans la mesure où l'article 2 pose une condition de stricte réciprocité : un organisme ne sera éligible à une exonération de droits de mutation dans l'autre État que si ce dernier prévoit cette même exonération en faveur des organismes situés sur son territoire.
À titre d'exemple, il est précisé au sein de l'article 794 du CGI qu'à compter du 1 er janvier 2024, les libéralités consenties aux établissements publics hospitaliers ne seront plus éligibles à une exonération de droits de mutation à titre gratuit, cette dépense fiscale ayant fait l'objet d'un bornage dans le temps en loi de finances pour 2020. En application de l'accord, à compter de cette date, de la même manière, les dons et legs de résidents français en faveur d'établissements publics hospitaliers monégasques ne pourront plus bénéficier de cette exonération.

2. Une exonération accordée sans condition de résidence

L'étude d'impact du présent accord précise que l'exonération sera accordée sans condition de résidence du donateur ou testateur dans l'un des deux États parties.
En pratique, l'accord trouvera donc à s'appliquer si deux conditions cumulatives sont remplies :
- le don ou legs doit avoir été consenti à un bénéficiaire éligible présent sur le territoire de l'autre partie ;
- le don ou legs doit être imposable en France ou à Monaco. En pratique, s'agissant d'un don, il conviendra de se référer aux critères de territorialités posés par l'article 750 ter du CGI en droit interne. S'agissant d'un legs, c'est à l'aune de la convention de 1950 que l'État d'imposition devra être déterminé.
À titre d'exemple, un bien immobilier situé en France (et donc imposable en France), qui serait donné par un Français résidant en Espagne à un organisme à but non lucratif monégasque (donc à un bénéficiaire éligible) pourra bénéficier d'une exonération sur les droits de mutation à titre gratuit.
Selon les informations transmises au rapporteur, les différents accords conclus par la France en matière de dons et legs s'appliquent également sans condition de résidence, dès lors que les conditions formelles relatives aux entités bénéficiaires sont remplies.
* 20 Réponse au questionnaire écrit envoyé à la direction de la législation fiscale.
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C. DES MODALITÉS CLASSIQUES D'ENTRÉE EN VIGUEUR, DE MODIFICATION ET DE DÉNONCIATION DE L'ACCORD

En vertu de l'article 3 de l'accord, il incombe à chaque État de notifier à l'autre l'accomplissement des procédures internes requises pour la ratification du présent accord. Ce dernier entrera donc en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant le jour de la dernière notification, c'est-à-dire quand les deux États auront ratifié le texte.
Selon les informations recueillies par le rapporteur, la ratification de l'accord ne nécessitant, à Monaco, que l'édiction d'un texte réglementaire, les services fiscaux monégasques seraient dans l'attente de l'aboutissement des procédures internes françaises pour enclencher les leurs.
En parallèle, l'article 6 prévoit une durée de validité indéterminée de l'accord, tout en décrivant les modalités de dénonciation. Ainsi, « chaque partie peut le dénoncer par la voie diplomatique ». Le cas échéant, l'accord cessera de produire ses effets dans un délai de six mois après la date de la réception de la notification.
Par ailleurs, l'article 4 octroie à la commission mixte fiscale franco-monégasque la compétence de régler les différends relatifs à la mise en oeuvre du présent accord.
Enfin, l'article 5 stipule que les parties peuvent modifier l'accord par simple échange de notes. Il a été indiqué au rapporteur, qui s'interrogeait sur le caractère habituel de ce type de clause, que cet article avait été ajouté à la demande du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE), au motif qu'un accord international devait comporter une clause relative à sa modification. L'ajout de cette stipulation viserait uniquement à prévenir tout débat sur les modalités de modification de l'accord.
Cette formule n'aurait néanmoins pas pour effet de dispenser de ratification parlementaire les éventuelles modifications apportées par échanges de note au contenu de l'accord, les modalités de modification d'un accord (avenant, échange de notes, échanges de lettres entre ministres ou fonctionnaires) n'ayant pas de conséquences en termes de formalités à accomplir.
Ainsi, si les modifications entrent dans le champ de l'article 53 de la Constitution, l'échange de notes, qui a valeur d'accord international, sera soumis à autorisation parlementaire préalablement à l'approbation.

D. DES CONDITIONS DE MISE EN oeUVRE RELATIVEMENT SINGULIÈRES, AVEC UNE APPLICATION RÉTROACTIVE EN MATIÈRE DE LEGS

L'article 3 détermine les modalités de mise en oeuvre du présent accord, dont les dispositions s'appliqueront :
- aux dons effectués à compter de son entrée en vigueur ;
- aux legs consentis par des personnes décédées à compter du 1 er janvier 2012.
En matière de legs, l'accord aura donc une portée rétroactive ; cette disposition s'explique par la décision qui a été prise, au début des négociations, de geler l'examen des demandes d'exonération - au premier rang desquels la demande transmise en 2016 - dans l'attente du présent accord.
Dans la mesure où c'est à l'occasion de cette demande spécifique que les autorités françaises et monégasques ont décidé de travailler à un accord commun, il était logique que cette dernière se voie appliquer les dispositions de l'accord.
Ainsi, le caractère rétroactif des dispositions de l'accord semble parfaitement justifié et opportun.
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E. DES CONSÉQUENCES FISCALES LIMITÉES

Selon l'administration française, l'accord devrait avoir un impact fiscal limité, dans la mesure où il se substitue à une pratique d'exonération déjà existante, qui ne concernait au demeurant qu'un nombre restreint de dons et legs transfrontaliers.
Par ailleurs, s'il n'est pas possible d'anticiper dans quelles proportions cet accord aura un effet incitatif sur les dons et legs qui seront consentis dans les années à venir, la perte de recette résultant de la portée rétroactive de l'accord devrait être relativement circonscrite.
En effet, seules quatre demandes d'exonération seraient en attente d'instruction à Monaco, pour des dons et legs en faveur d'organismes français d'un montant total d'environ 25 millions d'euros, correspondant à des droits de mutation de l'ordre de 4 millions d'euros.
De son côté, la France n'aurait à se prononcer que sur une demande d'exonération, à savoir celle qui lui a été transmise en 2016.
Le rapporteur note, enfin, que la réciprocité de l'exonération aura nécessairement pour conséquence d'en limiter l'impact fiscal dans chacun des deux États.
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EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 26 janvier 2021, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de M. Vincent Delahaye, rapporteur, sur le projet de loi n° 688 (2019-2020) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté de Monaco relatif au régime fiscal des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé.

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons aujourd'hui le rapport de notre collègue Vincent Delahaye sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté de Monaco relatif au régime fiscal des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - La Principauté de Monaco, dont le territoire est totalement enclavé dans celui de la France, entretient des relations diplomatiques étroites avec notre pays. Celles-ci se matérialisent notamment par l'existence de deux conventions fiscales relativement anciennes, destinées à définir les modalités d'imposition des 10 000 Français qui résident à Monaco et des 400 Monégasques habitant en France.
La Principauté étant très attractive d'un point de vue fiscal, ces deux conventions se singularisent par leur objet, qui n'est pas tant d'éviter les doubles impositions que de lutter contre le transfert de bénéfices à Monaco et de dissuader les contribuables français d'établir leur domicile fiscal dans la Principauté afin d'échapper à l'impôt sur le revenu en France. Ainsi, les Français résidant à Monaco continuent de payer leurs impôts en France, à l'exception de ceux qui, en 1962, avaient déjà vécu pendant au moins cinq ans à Monaco.
Ces deux textes ne couvrent cependant pas l'intégralité des questions de nature fiscale auxquelles sont confrontés la France et Monaco dans leurs relations, laissant une relative latitude aux autorités compétentes des deux États pour régler certains cas par la pratique.
L'accord que nous examinons aujourd'hui a donc vocation à combler une absence de base conventionnelle, en encadrant une pratique relative aux dons et legs transfrontaliers. En effet, en droit français comme en droit monégasque, certaines personnes publiques et entités sont exonérées du paiement des droits de mutation à titre gratuit, à savoir les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière. Néanmoins, même si deux États exonèrent dans leur droit interne des entités similaires, cet avantage est limité aux organismes implantés sur le territoire national sauf si une convention fiscale assure un régime de réciprocité en la matière.
Or en l'absence de toute base conventionnelle, la France et Monaco exonèrent mutuellement de droits de mutation à titre gratuit les dons et legs consentis à des personnes publiques ou à des organismes non lucratifs situés dans l'autre État. Ces exonérations sont accordées sur la base de décisions ministérielles, si tant est que les entités bénéficiaires remplissent les conditions d'éligibilité dans le droit interne de l'autre État.
Cette pratique, constante depuis 1969, ne concerne qu'un nombre restreint de cas : depuis 2010, six organismes français ont bénéficié d'une exonération de droits monégasques, tandis qu'une seule demande d'exonération a été formulée auprès des services fiscaux français. C'est à l'occasion de cette dernière demande, qui portait sur un legs consenti par un Français au profit d'un hôpital monégasque, que les autorités françaises ont proposé à leurs homologues monégasques de formaliser davantage leurs relations fiscales dans ce domaine.
Initiées en 2016, les négociations se sont poursuivies en 2017 et 2018, pour aboutir à la signature d'un texte le 25 février 2019. L'accord ayant vocation à encadrer une pratique existante, le principe et l'étendue des exonérations à accorder faisaient déjà l'objet d'un consensus entre les deux parties ; par conséquent, selon les informations qui m'ont été communiquées, les échanges ont principalement porté sur le choix du support juridique idoine, ainsi que sur certains aspects rédactionnels.
En pratique, les stipulations contenues dans l'accord sont largement comparables à celles qui figurent dans les accords de même type conclus par la France. L'accord définit ainsi trois catégories de bénéficiaires des exonérations de droits de mutation à titre gratuit, à savoir les États parties, leurs collectivités locales ou territoriales et les établissements publics ou d'utilité publique ainsi que les organismes à but désintéressé opérant dans les domaines culturel, cultuel, éducatif, charitable, scientifique, médical, environnemental ou artistique et implantés dans l'un des États parties. Ce champ d'application, relativement large, est censé couvrir l'ensemble des entités éligibles à ces exonérations dans le droit interne de chaque État.
Toutefois, j'attire votre attention sur le fait qu'il ne suffit pas à une entité de correspondre à ces critères pour pouvoir bénéficier des dispositions de l'accord, dans la mesure où l'article 2 pose une condition de stricte réciprocité : un organisme ne sera éligible à une exonération de droits de mutation dans l'autre État que si ce dernier prévoit cette même exonération en faveur des organismes situés sur son territoire.
Je ne reviendrai pas sur les modalités d'entrée en vigueur, de modification et de dénonciation de l'accord, qui sont relativement classiques, si ce n'est pour relever que l'accord aura une portée rétroactive en matière de legs ; cette disposition s'explique par la décision qui a été prise, au début de la négociation, de geler toutes les demandes d'exonération dans l'attente du présent accord.
La perte de recettes résultant de la portée rétroactive de l'accord devrait être relativement circonscrite, puisque selon les informations qui m'ont été communiquées, seule une demande d'exonération est en attente d'examen en France, concernant un legs de 1,5 million d'euros en faveur d'un hôpital monégasque. En parallèle, quatre demandes d'exonération auraient été formulées auprès des services fiscaux monégasques pour des dons et legs en faveur d'organismes français d'un montant total d'environ 25 millions d'euros, correspondant à des droits de mutation de l'ordre de 4 millions d'euros.
Enfin, même s'il n'est pas possible d'évaluer l'éventuel effet incitatif que cet accord pourrait avoir sur les dons et legs qui seront consentis dans les années à venir, son impact fiscal devrait rester limité puisqu'il se substitue à une pratique courante.
Pour conclure, cet accord présente l'avantage de clarifier l'ensemble des procédures applicables en matière de dons et de legs transfrontaliers, de même que la liste des entités éligibles à une exonération, afin d'inscrire les décisions rendues en matière d'exonération dans un cadre juridique plus solide.
Je vous propose donc, chers collègues, d'adopter le présent projet de loi.
M. Éric Bocquet. - Quelle sera la portée de la rétroactivité de la mesure ? Combien de dons ou legs sont concernés, et pour quel montant ?
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Comme je l'ai indiqué, un don d'un montant de 1,5 million d'euros en faveur de l'hôpital Princesse-Grace est gelé depuis le début des négociations qui ont abouti à ce projet de loi. S'y ajoutent quatre dons en faveur d'entités françaises, pour un montant total de 25 millions d'euros. Je précise cependant que ces demandes n'ont pas encore été instruites par les services fiscaux français et monégasques et que par conséquent, rien ne garantit à ce stade leur éligibilité à une exonération des droits de mutation à titre gratuit.
M. Albéric de Montgolfier. - De fait, nous serons vraisemblablement bénéficiaires de cet accord. Est-il la simple transposition de ce qui se pratique dans le reste de l'Europe ? En effet, le réseau Transnational giving in Europe permet aux donateurs de bénéficier des avantages fiscaux prévus par leur pays de résidence même si le don bénéficie à un organisme étranger.
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - Il s'agit en effet d'une transposition des dispositions du code général des impôts applicables aux dons et legs perçus par des organismes étrangers situés dans un pays de l'Union européenne. J'ajoute que l'accord est largement comparable, dans son contenu, aux dix-sept conventions fiscales comportant des stipulations relatives aux dons et legs que nous avons signées avec des pays tels que l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Portugal, la Suède, l'Italie, les États-Unis, le Sénégal, Côte d'Ivoire, la Bolivie ou le Cameroun.
M. Christian Bilhac. - N'y a-t-il pas un risque que certains organismes cultuels bénéficient de dons ou legs, contournant ainsi la future loi contre le séparatisme ?
M. Vincent Delahaye, rapporteur. - La condition de réciprocité est stricte : les deux pays doivent exonérer les mêmes catégories d'organismes dans leur droit interne pour que ces derniers soient éligibles à cet avantage fiscal. Cela limite grandement le risque que vous pointez.
Le projet de loi est adopté.
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