Arrêté du 9 août 2000 fixant le programme de l'enseignement obligatoire d'éducation civique, juridique et sociale en classe de première des séries générales à partir de l'année scolaire 2000-2001

Sur l'arrêté

Entrée en vigueur : 23 août 2000
Dernière modification : 23 août 2000

Commentaire1


www.revuegeneraledudroit.eu

[…] Considérant que les arrêtés du ministre de l'éducation nationale attaqués, qui modifient le programme des enseignements, ont été publiés le 22 août 2000, ou, […] qu' […] il résulte de leurs termes mêmes que les nouveaux programmes sont applicables soit à partir de l'année scolaire 2000-2001, soit à partir de l'année scolaire 2001-2002, soit à partir de l'une et l'autre de ces deux années, à l'exception toutefois de ceux visés à l'article 2 de l'arrêté du 9 août 2000 contesté sous le n° 226368, qui sont applicables seulement à partir de l'année scolaire 2002-2003 ; que, par suite, […]

 

Décision0

Aucune décision indexée sur Doctrine ne cite cette loi.

Document parlementaire0

Doctrine propose ici les documents parlementaires sur les articles modifiés par les lois à partir de la XVe législature (2017).

Versions du texte

Le ministre de l'éducation nationale,

Vu la loi d'orientation n° 89-486 du 10 juillet 1989 modififée sur l'éducation ;

Vu le décret n° 90-179 du 23 février 1990 relatif au Conseil national des programmes ;

Vu l'arrêté du 18 mars 1999 modifié relatif à l'organisation et aux horaires des enseignements des classes de première et terminales des lycées sanctionnés par le baccalauréat général ;

Vu l'avis du Conseil national des programmes du 28 mars 2000 ;

Vu l'avis du Conseil supérieur de l'éducation du 25 mai 2000,

Arrête :

Article 1

A compter de l'année scolaire 2000-2001, le programme de l'enseignement obligatoire d'éducation civique, juridique et sociale, fixé en annexe du présent arrêté, est applicable en classe de première des séries économique et sociale, littéraire, scientifique.

Article 2

Le directeur de l'enseignement scolaire est chargé de l'exécution du présent arrêté, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Article Annexe-1

Éducation civique, juridique et sociale

Séries générales


Nouveau programme applicable à compter de l'année scolaire 2000-2001

PRINCIPES GÉNÉRAUX

Au sein du dispositif de rénovation des lycées, la création d'un enseignement d'éducation civique, juridique et sociale (ECJS) dans chacune des trois classes de seconde, première et terminale des lycées d'enseignement général et technologique, ainsi que dans les lycées professionnels, constitue une des principales innovations. Le nombre d'heures qui lui est globalement accordé étant modeste, c'est dans ses objectifs et par ses méthodes que cette innovation doit être significative.

Concourir à la formation de citoyens est une des missions fondamentales du système éducatif.

On ne peut oublier que c'est au lycée qu'une partie des élèves, atteignant leur majorité civile, va se trouver confrontée au droit de vote qui en découle ou à l'absence de ce droit pour les étrangers, aux questions que ces différences soulèvent, à la décision d'exercer ce droit et de mesurer la portée de ce choix.

Au-delà de cette réalité hautement symbolique, la citoyenneté a bien d'autres dimensions dont le lycée doit permettre la compréhension avec l'aide de l'enseignement de l'ECJS.

Que signifie "éduquer à la citoyenneté" dans un système scolaire ? Deux réponses sont possibles.

- L'une consiste à faire de la citoyenneté un objet d'étude disciplinaire, au même titre que les mathématiques, la physique, la littérature etc. ; la citoyenneté s'apprendrait à l'école avant de s'exercer dans la vie du citoyen. Ce choix correspond pour l'essentiel à la conception traditionnelle d'une instruction civique, en tant qu'inculcation de principes à mettre en actes dans un temps différé plus ou moins lointain. Elle a eu sa place dans le système éducatif : les missions du lycée, fréquenté par une petite minorité, n'étaient alors pas celles qui lui sont assignées aujourd'hui.

- L'autre réponse part de l'idée que l'on ne naît pas citoyen mais qu'on le devient, qu'il ne s'agit pas d'un état, mais d'une conquête permanente ; le citoyen est celui qui est capable d'intervenir dans la cité : cela suppose formation d'une opinion raisonnée, aptitude à l'exprimer, acceptation du débat public. La citoyenneté est alors la capacité construite à intervenir, ou même simplement à oser intervenir dans la cité.

Cette dernière réponse peut être mise en œuvre au lycée aujourd'hui. Deux conditions essentielles sont réunies : l'une correspond aux attentes des élèves telles qu'elles se sont exprimées au travers des consultations sur les savoirs ; l'autre s'inscrit dans la continuité de ce qui a été enseigné en éducation civique au collège, et permet de montrer les dimensions sociale, éthique et politique de certains savoirs enseignés au lycée. De nombreux professeurs ont exprimé leur intérêt pour cette démarche et leur désir d'y contribuer.

Lorsqu'une pratique éducative consiste à transmettre un savoir sous forme d'une succession d'évidences sanctionnées par les autres, l'élève apprend en outre autre chose que ces contenus : il apprend que le savoir est détenu par des autorités, il a la tentation de ne le recevoir que passivement, il commence par admettre qu'il peut être délégué à "ceux qui savent". Appliquée à l'ECJS, une telle pratique formerait des citoyens passifs, percevant le savoir comme déconnecté de ses enjeux sociaux, économiques et politiques. Certes, on ne crée pas le savoir, on le reçoit ; il est énoncé et validé par quelqu'un qui fait autorité. Mais le savoir n'est pas seulement quelque chose de transmis ; on doit aussi se l'approprier. L'élève pourra exercer sa citoyenneté grâce au savoir, mais un savoir reconstruit par lui, dans une recherche à la fois personnelle et collective.

L'éducation civique, juridique et sociale doit être abordée comme un apprentissage, c'est-à-dire l'acquisition de savoirs et de pratiques. Grâce à ce processus doit s'épanouir, à terme, un citoyen adulte, libre, autonome, exerçant sa raison critique dans une cité à laquelle il participe activement. Ainsi se constitue une véritable morale civique ; celle-ci contient d'abord une dimension civile fondée sur le respect de l'autre permettant le "savoir-vivre ensemble" indispensable à toute vie sociale, mais elle suppose aussi une nécessaire dimension citoyenne faite d'intérêt pour les questions collectives et de dévouement pour la chose publique.

L'école (le lycée ici) n'est pas et ne peut pas prétendre être le seul lieu d'un tel apprentissage : elle doit y prendre, à côté d'autres, toute sa place. L'ECJS ne doit ni prétendre se substituer, ni accepter d'être considérée comme substituable à la formation qui résulte de pratiques citoyennes, au lycée et hors du lycée. Elle s'ouvre largement à la découverte et à l'étude de ces pratiques.

L'éducation civique, juridique et sociale n'est donc pas, parmi d'autres enseignements, une discipline nouvelle. A quelques exceptions près, l'ECJS n'a pas à ajouter de savoirs aux connaissances acquises dans les principales disciplines enseignées au lycée. Elle peut, de surcroît, se fonder sur les acquis du collège en matière d'éducation civique, dont les programmes, désormais complets, préparent à cette nouvelle approche en combinant de solides bases en matière institutionnelle à l'initiation à des réflexions personnelles. Il s'agit donc d'organiser le croisement et le dialogue de ces savoirs autour du concept intégrateur de citoyenneté.

Le seul savoir nouveau auquel il faut initier, grâce à l'ECJS, concerne le droit, trop ignoré de l'enseignement scolaire français. Il s'agit de faire découvrir le sens du droit, en tant que garant des libertés, et non d'enseigner le droit dans ses techniques.

Mobilisant un ensemble de connaissances disponibles, l'ECJS doit satisfaire la demande exprimée par les lycéens lors de la consultation de 1998 sur les savoirs, de pouvoir s'exprimer et débattre à propos de questions de société. Le débat argumenté apparaît donc comme le support pédagogique naturel de ce projet, même s'il ne faut pas s'interdire de recourir à des modalités pédagogiques complémentaires.

Faire le choix du débat argumenté n'est ni concession démagogique faite aux élèves ni soumission à une mode ; c'est choisir une méthode fructueuse. Le débat argumenté permet la mobilisation, et donc l'appropriation de connaissances à tirer de différents domaines disciplinaires : histoire, philosophie, littérature, biologie, géographie, sciences économiques et sociales, physique, éducation physique... notamment, mais non exclusivement. Il fait apparaître l'exigence et donc la pratique de l'argumentation. Non seulement il s'agit d'un exercice encore trop peu présent dans notre enseignement, mais au-delà de sa technique, il doit mettre en évidence toute la différence entre arguments et préjugés, le fondement rationnel des arguments devant faire ressortir la fragilité des préjugés. Il doit donc reposer sur des fondements scientifiquement construits, et ne jamais être improvisé mais être soigneusement préparé. Cela implique qu'il repose sur des dossiers élaborés au préalable par les élèves conseillés par leurs professeurs, ce qui induit recherche, rédaction, exposés ou prises de parole contradictoires de la part d'élèves mis en situation de responsabilité et, ensuite, rédaction de compte rendus ou de relevés de conclusions.

Le débat doit reposer sur le respect d'autrui et donc n'autoriser aucune forme de dictature intellectuelle ou de parti pris idéologique. Il est une occasion d'apprendre à écouter et discuter les arguments de l'autre et à le reconnaître dans son identité.

Un tel dispositif favorise les adaptations. Le même thème du programme pourra être abordé en fonction des activités ou des préoccupations propres à chaque classe. Les événements de l'actualité pourront être tout à la fois pris en compte et mis à distance.

Le dossier documentaire sur lequel se fonde le débat est le témoin de la progression de cette démarche. Il peut prendre des formes variables : présentation de textes fondateurs ou de textes de loi, sélection d'articles de presse, collecte de témoignages, recherche ou élaboration de documents photographiques, sonores ou vidéo. C'est ici que l'ECJS peut utiliser toutes les modalités interactives de la recherche documentaire actuelle. Quelques exemples sont soulignés dans le programme de chaque classe, sans leur donner un caractère limitatif qui serait contraire à la liberté pédagogique des professeurs.

Le lien avec l'autre innovation que constituent les "Travaux Personnalisés Encadrés" (TPE) est ici évident et devra être exploité.

Dans le cadre de la liberté des choix pédagogiques, les élèves doivent acquérir des méthodes à travers lesquelles ils seront initiés à l'étude des règles juridiques et des institutions. On peut ainsi, à propos de situations concrètes, enseignées ou vécues, et sans préjuger de l'usage d'autres pratiques, identifier trois moments remarquables.

- Le premier moment étudie les circonstances et les conditions de l'invention de la règle ou de l'institution. On a trop tendance à oublier l'origine et l'histoire d'une règle. Sa genèse doit être mise au jour. Ainsi, dans la famille, les règles qui guident l'autorité parentale à laquelle tout enfant est soumis ont subi une transformation à travers le temps, particulièrement au cours des trois dernières décennies, qui détermine son exercice actuel. De même, les règles qui déterminent les relations du travail ne peuvent être comprises qu'en connaissant les contextes et conflits qui, depuis un siècle, ont construit et construisent encore le droit du travail. L'histoire est donc ici très particulièrement mobilisée ; étudier les conditions de naissance d'une règle, en montrant qu'elle est une production historique et non un a priori absolu, contribue à humaniser la règle de droit : ce n'est plus un dogme mais une règle de vie. L'institution scolaire peut aussi servir d'objet d'étude : ainsi, le règlement intérieur du lycée peut être analysé et étudié quant à ses origines et son actualité, ce qui assure le lien avec les enseignements du collège.

- Le deuxième moment privilégie l'étude des usages de la règle par les acteurs sociaux concernés. La règle n'est pas nécessairement utilisée comme ses inventeurs l'avaient imaginé : la pratique d'une règle peut s'éloigner des principes qui ont guidé sa fondation. Il faut donc conduire l'élève à se demander pourquoi les acteurs sont amenés à utiliser une règle dans un sens plutôt que dans un autre. On montrera alors qu'une même règle peut avoir des utilisations différentes selon les contextes économiques et sociaux, selon les époques ou selon les pays. Les apports de l'histoire, des sciences économiques et sociales, du français (notamment à travers la lecture de textes d'actualité) seront mis à contribution. La législation américaine antitrust, adoptée à la fin du XIXème siècle, fut utilisée à l'époque essentiellement contre les syndicats ouvriers : elle pourrait ainsi être confrontée aux législations et procès contemporains contre les monopoles qu'illustre le cas des multinationales de l'informatique. La géographie introduit à la notion d'espace et à la mise en évidence des intérêts, privés ou publics, individuels ou collectifs, qui peuvent se manifester à son propos. Ainsi une zone franche, avec les dérogations qu'elle implique, peut favoriser un quartier classé sensible, ou être utilisée comme un paradis fiscal. Hors d'un champ disciplinaire particulier, l'école peut offrir à nouveau de nombreuses illustrations de ces comportements.

- Le troisième moment s'attache aux discours produits sur les règles. Chaque époque produit des discours qui tentent de justifier rationnellement les règles existantes. D'une époque à une autre, d'un lieu à un autre, ces discours peuvent différer jusqu'à être contradictoires. L'ECJS en tant qu'éducation à la citoyenneté doit conférer la capacité à analyser les discours existants. C'est cette fois sur les objectifs fixés par le programme de l'enseignement du français au lycée ("approfondir la maîtrise du discours") que l'ECJS peut se fonder, tout en recourant à des exemples relevant des autres disciplines déjà mentionnées, comme l'histoire. On peut ainsi renouveler la perception de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qu'il sera opportun de reprendre à cette occasion, en découvrant qu'elle a donné lieu à des lectures différentes en 1789 et lors des commémorations de 1889 ou de 1989. Le citoyen doit pouvoir les identifier et les décrypter s'il veut s'approprier pleinement ce texte fondateur. On trouverait, ici encore, à propos du lycée, de nombreuses illustrations ; ainsi des discours produits sur l'école par différents protagonistes, hommes politiques et partis, syndicats, parents d'élèves, etc.

Les modalités matérielles de mise en œuvre de l'ECJS doivent donc être au service de ces ambitions. Sans ignorer les difficultés pratiques que peuvent rencontrer les chefs d'établissement pour y parvenir, les regroupements de l'horaire réglementaire sont essentiels pour permettre la réalisation du travail qu'impliquent ces programmes. Le choix de 8 séquences mensuelles de 2 heures chacune est hautement souhaitable ; il est adapté aux modalités pédagogiques décrites ici, tant par son rythme (temps de préparation et de suivi des dossiers) que par la durée des séances nécessaire pour que le maximum d'élèves puisse participer au débat. À défaut, le rythme de l'heure par quinzaine ne peut être considéré que comme un pis-aller.

De très nombreux professeurs, par leur savoir, leur culture, leur implication dans la vie du lycée, ont vocation à contribuer à cet enseignement. La participation d'intervenants extérieurs, témoins dans un champ social étudié, est évidemment souhaitable. Les responsables des établissements doivent favoriser ces pratiques ; cela implique que, cet enseignement devant être organisé dans toutes les classes et filières de leurs lycées, ils encouragent et si possible organisent coordination, échanges d'expériences et mise en commun de séquences pédagogiques.

L'architecture d'ensemble du programme, sur les trois années du lycée, consiste à redécouvrir par l'analyse la notion de citoyenneté, à en étudier les principes, modalités et pratiques, et à la confronter aux réalités du monde contemporain. Il est naturel que l'accent soit mis sur des aspects différents de cette problématique dans chacune des classes du lycée.

En classe de seconde : "De la vie en société à la citoyenneté"

La découverte de la citoyenneté se fait à partir de l'étude de la vie sociale que l'élève peut comprendre pour remonter, par analyse, à sa source politique et à sa construction dans le temps. Des objets d'étude, choisis dans la vie sociale, servent de base à ce travail et permettent de faire découvrir par les élèves une ou plusieurs dimensions de la citoyenneté. Par là, on approfondit et enrichit ce qui a été acquis au collège.

En classe de première : "Institutions et pratiques de la citoyenneté"

L'étude de la citoyenneté permet l'analyse du fonctionnement des principales institutions politiques de la cité. Les grands principes constitutionnels ouvrent sur les institutions de la démocratie avec les partis politiques, les systèmes électoraux et les libertés publiques. La présentation des institutions judiciaires peut être faite à partir de divers niveaux intéressant particulièrement les classes concernées (prud'hommes et législation du travail, tribunal de commerce et technologies de la vente, autorité légitime et tribunaux d'exception par exemple). La diversité des conceptions, des institutions et des pratiques de la citoyenneté est appréhendée, par une méthode comparative, dans le temps et dans l'espace.

En classe terminale : "La citoyenneté à l'épreuve des transformations du monde contemporain"

La confrontation de la citoyenneté aux grandes transformations du monde contemporain permet de déboucher, hors de toute intention polémique, sur des thèmes faisant débat, par exemple les différentes conceptions de l'égalité, le rôle des media, l'indépendance de la justice, ou sur des questions résultant des évolutions familiales, scientifiques ou sociales. On aborde aussi les problèmes posés par l'unification européenne et la mondialisation avec leur impact sur les institutions politiques. On traite notamment le thème de "la défense et la paix" sur lequel le système éducatif s'est engagé à faire réfléchir les élèves dans le cadre de la fin du système de conscription.

L'évaluation de l'éducation civique, juridique et sociale doit refléter les particularités de cet enseignement. Ne comportant pas ou très peu de nouveaux savoirs, les programmes ne sauraient être présentés exclusivement sous forme de listes de contenus. Ils mettent l'accent sur des objectifs et sur l'acquisition de méthodes. Les documents d'accompagnement suggèrent, sans les imposer, des exemples pour leur mise en œuvre. L'évaluation doit tenir compte d'une part de ce que cet enseignement n'est pas censé apporter de savoirs fondamentalement nouveaux par rapport à ceux qui sont acquis dans les autres disciplines, d'autre part de la pédagogie particulière qui y est mise en œuvre.

L'évaluation durant les classes de seconde, première et terminale porte d'une part sur l'investissement et la qualité des travaux produits par les élèves avant et après la séquence, d'autre part sur les acquis qui auront été assimilés lors de chaque séquence. Les professeurs s'assurent de la maîtrise des notions recensées dans chaque programme.

PROGRAMME DE PREMIÈRE

"Institutions et pratiques de la citoyenneté"

Conformément aux principes généraux de l'enseignement de l'éducation civique, juridique et sociale publiés avec le programme de la classe de seconde, l'ECJS a pour objet en classe de première le sens du politique. Il ne s'agit pas d'enseigner la science politique, mais de susciter chez les élèves des questions et une réflexion qui leur permettent de mieux comprendre comment fonctionne la vie politique des sociétés contemporaines. Cet enseignement mobilise à la fois les notions acquises au collège, des savoirs enseignés dans différentes matières et les acquis de l'éducation civique, juridique et sociale de la classe de seconde. Il s'efforce d'apporter une meilleure compréhension de la fonction du droit, des institutions politiques et de l'action des citoyens dans la communauté politique.

I - Objectif général de la classe de première

Au terme de la classe de seconde, les élèves se sont approprié la notion de citoyenneté. La classe de première est consacrée à la réflexion sur la participation politique et l'exercice de la citoyenneté. Les institutions politiques qui organisent la République et la démocratie sont analysées à partir de leur refondation constante par les pratiques des citoyens. Cette réflexion permet de comprendre le sens du droit, des institutions et des libertés politiques. Elle s'exerce à travers la compréhension critique de ces institutions et des tensions qui traversent toute société démocratique.

Dans notre régime politique, celui de la démocratie représentative, la participation politique prend essentiellement la forme de l'élection de représentants du peuple, mais aussi d'autres formes : participation au débat public, actions collectives... Le principe de la représentation apparaît comme le fondement de la légitimité dans toute société moderne et peut être ainsi un moyen d'aborder les grands problèmes politiques contemporains. Il est généralement invoqué pour légitimer les institutions politiques qui représentent le corps de la nation, mais on peut aussi le mobiliser à propos d'autres relations sociales : les partis qui représentent les courants de pensée, les syndicats qui représentent les intérêts de leurs adhérents et de leurs mandants, la justice qui est rendue au nom du peuple français. Ce principe de représentation est aussi présent dans les associations, comme dans les lycées (avec les représentants des professeurs, des élèves, des parents d'élèves, des collectivités territoriales...).

Ainsi, le fait politique peut être abordé à travers l'idée de représentation. Dans tous les domaines qu'elle structure ­ Assemblée Nationale, partis, syndicats, associations, lycées... ­ la représentation crée une mise à distance entre représentants et représentés tout en les mettant en relation. Ces deux mouvements produisent, selon les époques et à des rythmes variables, des tensions continues, inévitables dans les sociétés démocratiques : tensions entre les différentes institutions, entre ces institutions et le monde vécu par les citoyens.

Ces tensions, source de conflits inévitables, sont constitutives du sens moderne du politique. On pourra les analyser en montrant que les sociétés démocratiques s'efforcent de les gérer par des pratiques politiques qui sont conformes aux principes du droit et excluent le recours à la violence.

II - Thèmes et notions

Afin de limiter le risque d'une trop grande dispersion, quatre thèmes sont proposés en classe de première. Ce sont :

- Exercice de la citoyenneté, représentation et légitimité du pouvoir politique

- Exercice de la citoyenneté, formes de participation politique et d'actions collectives

- Exercice de la citoyenneté, République et particularismes

- Exercice de la citoyenneté et devoirs du citoyen

On prendra au choix, en les reliant éventuellement, un ou plusieurs de ces quatre thèmes qui ne sont pas énoncés dans un ordre contraignant, pour éclairer le sens de la participation politique. Dans le cadre de la philosophie générale de l'ECJS, et conformément à la loi du 28 octobre 1997, l'étude du devoir de défense sera abordée quels que soient le ou les thèmes choisis. Le même thème peut être utilisé de plusieurs manières. Au fil du temps, les illustrations choisies pourront se périmer ou s'enrichir de matériaux fournis par l'actualité ainsi que des pratiques et innovations des professeurs.

À partir du travail sur l'un ou plusieurs de ces thèmes, les sept notions suivantes doivent être abordées et avoir reçu une première définition :

- Pouvoir

- Représentation

- Légitimité

- État de droit

- République

- Démocratie

- Défense

Ces notions, mises en relation, permettent de comprendre le sens de la participation politique et de l'exercice de la citoyenneté.

III - Démarche

La démarche proposée mobilise notamment des savoirs issus de différentes disciplines et de leurs pratiques. Le choix des sujets étudiés pour déboucher sur l'analyse des notions du programme relève de la liberté pédagogique des professeurs. Ils l'adaptent en fonction de la filière dans laquelle ils interviennent, des compétences particulières existant à l'intérieur de l'établissement et des possibilités d'interventions extérieures. Cette réflexion sur l'exercice politique de la citoyenneté ne peut se concevoir ici qu'à partir des intérêts manifestés par les élèves et de leurs interrogations.

L'actualité notamment, qu'elle soit locale, nationale, européenne ou internationale, peut fournir le ou les sujets se rapportant aux pratiques de la citoyenneté et au fonctionnement des institutions. On fera le lien entre des événements de l'actualité et une réflexion plus large. Élections en France ou à l'étranger, commémorations des grandes lois de la République ou de grands conflits du passé, débats de société pourront ainsi être mobilisés dans la mesure où ils permettent de montrer aux élèves les conséquences directes de l'exercice de la citoyenneté. Il conviendra de relier les questions posées par l'actualité aux enseignements que nous fournit l'histoire. On peut se référer aux conseils méthodologiques donnés dans le programme de la classe de seconde.

Parmi les méthodes pédagogiques mobilisables pour cet enseignement, il y a lieu de privilégier l'organisation de débats argumentés. Ils contribuent à créer un espace de discussion au lycée permettant de comprendre le sens et les règles de la participation politique. Un débat argumenté est un débat préparé. Cela suppose le recours à des ressources documentaires appelant une utilisation méthodique du CDI. L'organisation du travail préparatoire au débat peut mobiliser des techniques variées selon le sujet abordé : ouvrages, dossiers de presse, recherche de documents historiques, politiques ou juridiques, y compris sur cédérom ou sur l'Internet, enquêtes, etc. en visant à former l'esprit critique des élèves face aux résultats de ces recherches.

IV - Évaluation

L'évaluation en classe découle de cette démarche : la pédagogie mise en œuvre a fait appel à la mobilisation de l'élève dans des activités diverses écrites et orales de recherche et d'exposition, qui doivent toutes être prises en compte. Le professeur évalue les productions des élèves sous leurs différentes formes : constitution de dossiers, contenu des interventions dans les débats, textes écrits, etc.

V - Orientations principales des thèmes


1 - Exercice de la citoyenneté, représentation et légitimité du pouvoir politique

Si toute société est caractérisée par l'existence de relations de pouvoir, on peut s'interroger sur la spécificité du pouvoir politique. Il peut être défini par sa légitimité, c'est-à-dire par une acceptation fondée sur le consentement des membres de la société. La légitimité repose sur des principes et des pratiques qui ont varié dans le temps et dans l'espace. Dans les sociétés démocratiques contemporaines, elle repose essentiellement sur la légalité qui fonde l'État de droit.

L'analyse des modes d'attribution et d'exercice du pouvoir pourra être approfondie. Contrairement aux régimes totalitaires, les démocraties représentatives constituent une organisation du pouvoir politique dont la légitimité passe par la reconnaissance de la souveraineté populaire et dont l'exercice repose sur la délégation de cette souveraineté. Les débats de la Révolution ont montré l'opposition entre les tenants de la démocratie directe et ceux de la démocratie représentative des sociétés démocratiques modernes. Le peuple délègue sa souveraineté par le biais d'élections régulières et concurrentielles à des élus chargés, pour un temps et sous des formes déterminées par la loi, de s'occuper des affaires publiques.

En ce sens, la représentation politique désigne le processus par lequel des gouvernants sont légitimés par l'élection pour parler au nom du peuple et habilités à décider en son nom. L'interrogation sur les formes de la représentation politique et les problèmes qu'elle rencontre peut servir de point de départ à la réflexion.

Celle-ci mérite enfin d'être enrichie par l'analyse d'un ensemble de concepts : pouvoir, domination, autorité, violence, et leur mise en relation à travers des faits précis. Il est en effet recommandé d'étudier ce thème en partant d'un exemple.

2 - Exercice de la citoyenneté, formes de participation politique et d'actions collective

Le citoyen se définit par l'exercice de la souveraineté politique dans la Cité à laquelle il appartient. L'exercice de la citoyenneté ne saurait donc se réduire ni à la possession de droits fondamentaux, ni à l'exercice du droit électoral : il implique la prise en compte de toutes les formes de la participation politique. La démocratie se définit comme le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ; cela exclut le pouvoir d'une autorité qui ne tirerait pas sa légitimité du peuple mais d'une source extérieure ou réputée supérieure. La démocratie implique donc la participation active des citoyens.

Celle-ci concerne autant la participation au débat public censé éclairer les décisions collectives que la prise de ces décisions elle-même. Elle peut donc prendre différentes formes. Le thème précédent met en évidence l'importance dans une démocratie de la participation au processus de désignation de représentants élus. Celui-ci insiste sur les autres dimensions :

- la participation à l'espace du débat public où se forme l'opinion publique, ce qui implique l'analyse critique des moyens de communication de masse et de leurs effets (y compris de l'Internet, des forums et du courrier électronique) ;

- la participation aux associations civiles, sociales et politiques, notamment à l'échelon local ;

- la participation à des groupes défendant des intérêts, par exemple les syndicats ;

- la participation à des actions collectives, locales ou nationales, sur des objectifs sociaux ou civiques.

Il ne s'agit pas bien sûr d'étudier toutes les formes de participation politique et d'actions collectives mais d'en choisir une manifestation qui puisse à la fois faire sens et susciter l'intérêt des élèves. On pourra ainsi mettre en évidence l'importance de la participation politique non électorale dans la formation du lien politique qui rassemble la Cité.

3 - Exercice de la citoyenneté, République et particularismes

Toute société politique est diverse. Elle réunit, par définition, des populations dont les origines historiques, les convictions religieuses et les conditions sociales sont différentes. La République reconnaît aujourd'hui ces particularismes et organise leur gestion. La citoyenneté n'implique pas que les individus abandonnent leur identité propre ou leur volonté d'affirmer leur fidélité à un passé historique particulier et à des croyances religieuses personnelles. Tout au contraire, elle garantit que ces manifestations peuvent se faire librement, à condition que soient respectées les lois qui organisent les libertés publiques.

Toutefois, le respect des particularismes ne comporte-t-il pas inévitablement des limites ? Pour que la République puisse être le bien de tous, deux exigences se sont imposées :

- la séparation de l'ordre politique et de l'ordre religieux, qui se manifeste en France à travers les lois de la laïcité ; elle permet d'organiser la vie en commun de ceux qui ont des pratiques et des croyances religieuses différentes ;

- la garantie de l'égale dignité de toutes les personnes, qui est au cœur des valeurs communes définissant la citoyenneté. Les pratiques culturelles, par exemple dans le droit personnel, ne sauraient être contradictoires avec l'égale dignité de tous les êtres humains.

Les particularismes ne peuvent être reconnus que s'ils sont compatibles avec les valeurs de l'égalité et de la liberté des individus qui légitiment l'exercice de la citoyenneté et le projet politique de la République.

4 - Exercice de la citoyenneté et devoirs du citoyen

Si l'État républicain garantit les libertés individuelles et les droits du citoyen, les devoirs du citoyen sont la contrepartie et la condition de ces droits. Toutefois, l'État semble exercer une pression dont le citoyen prétend parfois s'affranchir (fraudes, désobéissance à la loi, incivisme, dégradation des biens publics, destruction de la propriété collective). Il importe donc de montrer en quoi le respect de la loi et de ses devoirs par le citoyen n'est pas un conditionnement à l'obéissance ; c'est, tout au contraire, son choix libre et raisonné d'institutions sans lesquelles les libertés, les droits et la sécurité ne pourraient exister.

On pourra alors analyser les devoirs fondamentaux du citoyen : le devoir électoral, le devoir fiscal, le devoir de défense, le devoir de solidarité. Ces devoirs, qui ont conduit à une extension de l'intervention de l'Etat dans les différentes sphères de la vie sociale, suscitent des interrogations nouvelles sur les relations entre les contraintes collectives et les libertés des individus. Le devoir de défense, depuis la suspension de la conscription et l'instauration de l'Appel de préparation à la défense (APD), ainsi que la mise en place du parcours citoyen, exigent que l'école soit partie prenante d'une réflexion critique sur les moyens de préserver les valeurs de civilisation et de liberté fondatrices de notre démocratie, sur la sécurité collective des citoyens, sur le devoir d'ingérence lorsque les droits de l'homme ou le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes sont outrageusement bafoués, sur les engagements humanitaires, et tout particulièrement sur le rôle et l'usage des forces armées dans ces contextes.

Fait à Paris, le 9 août 2000.

Pour le ministre et par délégation :

Le directeur de l'enseignement scolaire,

J.-P. de Gaudemar