Article Rapport du décret Décret du 17 juin 1938 RELATIF A LA REORGANISATION ET A L'UNIFICATION DU REGIME D'ASSURANCE DES MARINS

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Version29/06/1938

Entrée en vigueur le 29 juin 1938

RAPPORT AU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE FRANCAISE

Paris le 17 juin 1938.

Monsieur le Président,

L'attention des départements de la marine marchande et des finances a depuis longtemps été appelée sur les multiples inconvénients que présente l'organisation actuelle de l'assurance des marins du commerce et des pêches maritimes contre l'accident, la maladie et l'invalidité. Ces inconvénients proviennent essentiellement du manque d'unité de la législation en vigueur, manque d'unité qui s'explique d'ailleurs fort bien par des raisons historiques. Ils sont sensibles, tant pour les intéressés qui, malgré des avantages appréciables, peuvent, cependant, dans certains cas, se trouver abandonnés à eux-mêmes, sans aucune assistance, que pour les finances publiques elles-mêmes, appelées à supporter des risques onéreux.

Le code de commerce de 1807, modifié par la loi du 12 août 1885, reproduisant sur ce point des dispositions très anciennes, prévoyait à l'article 262 que le marin tombé malade en cours de voyage ou blessé au service du navire devait être payé de ses loyers, traité et pansé aux frais du navire. Toutefois, les salaires n'étaient dûs que pendant quatre mois à dater du jour où le marin était laissé à terre. D'autre part, en cas de débarquement à l'étranger, le capitaine pouvait se libérer des frais de traitement et de rapatriement en versant un forfait à l'autorité consulaire.

Ces dispositions traditionnelles ont, dans leur ensemble, été conservées par le code du travail maritime du 13 décembre 1926, modifié par le décret-loi du 30 juin 1934. Toutefois, l'armateur ne doit les soins, en cas de maladie, que jusqu'à ce que celle-ci ait pris un caractère chronique, et le système du forfait est admis même en cas de débarquement en France.

Entre temps, l'intervention de la loi du 9 avril 1898, sur les accidents du travail à terre, avait conduit à compléter les dispositions du code de commerce par la constitution, en application des lois des 21 avril 1898 et 19 décembre 1905, de la caisse de prévoyance des marins français. Celle-ci accorde aux marins, à leurs veuves, orphelins et ascendants, des indemnités compensatrices de salaires et des pensions, après qu'a cessé l'obligation de l'armateur de payer le salaire et à la condition qu'il s'agisse d'un accident ou d'une maladie se rattachant par son origine, à un risque de la profession de marin.

Enfin, l'institution des assurances sociales par les lois des 5 avril 1928 et 30 avril 1930, eut pour conséquence, dans le domaine maritime, un nouvel effort de coordination et la création de la caisse de répartition pour le service des assurances sociales des marins. Les intéressés sont garantis par cette caisse en cas de maladie constatée en dehors de la navigation. Leurs femmes et leurs enfants ont droit aux soins médicaux et pharmaceutiques et aux indemnités d'assurance-maternité.

Constitué ainsi en plusieurs étapes, à des époques éloignées, et chaque fois dans le but d'étendre aux marins les avantages de la nouvelle législation générale sans porter atteinte aux avantages précédemment acquis, le régime actuel manque d'unité.

Le marin accidenté ou malade est :

Tantôt payé de ses salaires et soigné aux frais de l'armateur (art. 79 à 86 du code du travail maritime) ;

Tantôt payé de ses salaires par l'armateur et remboursé de ses frais médicaux par l'administration de la marine marchande (en cas de versement du forfait par l'armateur) ;

Tantôt indemnisé par la caisse de prévoyance (pour le demi-salaire seulement, quand l'armateur n'est plus tenu à payer le plein salaire, et à la condition que l'accident ou la maladie soit d'origine professionnelle) ;

Tantôt indemnisé par la caisse des assurances sociales (pour le demi-salaire et les soins si l'accident est survenu ou si la maladie s'est déclarée en dehors de la navigation).

Ce régime a le défaut de laisser, dans certains cas, en dehors de l'assurance des malades qu'il serait pourtant indispensable d'assister, notamment des tuberculeux pulmonaires dont la maladie n'a pas été reconnue d'origine professionnelle et qui, par suite, n'ont pas droit à pension d'invalidité mais seulement à des soins sous certaines conditions et dans certaines limites.

Enfin, le système du délaissement forfaitaire oblige l'Etat à agir comme une compagnie d'assurances qui ne prendrait que les mauvais risques, puisque, tout naturellement, la tendance de l'armateur est de se charger directement des soins lorsqu'il estime que la maladie sera de courte durée et peu onéreuse et de demander le bénéfice du forfait dans le cas contraire. Sans doute, des relèvements de tarifs permettent-ils d'équilibrer à peu près, dans l'ensemble, les dépenses et les recettes des "forfaits". Mais il n'en reste pas moins qu'à plusieurs reprises l'Etat a dû combler des déficits d'importance variable et que le risque de nouvelles insuffisances n'est nullement exclu. Au surplus, si ce système peut se concevoir lorsque le marin doit être débarqué à l'étranger ou aux colonies, il n'en est pas de même en cas de débarquement en France, où l'armateur peut assurer un contrôle plus direct des soins donnés au malade dont il a la charge.

Il nous a paru qu'il entrait dans le cadre de la délégation donnée au Gouvernement par la loi du 13 avril 1938 de modifier cet état de choses et de coordonner, en respectant les droits acquis, les divers éléments de l'assurance des marins contre l'accident, la maladie et l'invalidité.

C'est dans ce but que nous avons l'honneur de soumettre à votre haute approbation le projet de décret ci-joint, dont l'économie générale peut être résumée comme suit :

Les obligations directes de l'armateur envers le marin blessé ou malade en cours d'embarquement seront nettement délimitées. Elles cesseront, pour les soins comme pour le salaire, à l'expiration des quatre mois qui suivent le débarquement si celui-ci a eu lieu en France ou en Algérie. En cas de débarquement à l'étranger ou aux colonies, elles cesseront au retour du malade en France si ce retour a lieu plus de quatre mois après le débarquement.

Afin de laisser toute liberté à l'armement pour satisfaire aux obligations du code du travail maritime, le système du forfait sera supprimé en France et en Algérie.

A partir de ce moment, les indemnités compensatrices de salaire et les soins seront mis en charge par une caisse générale de prévoyance. Cette même caisse centralisera le service des pensions d'invalidité en cas d'accident ou de maladie, et celui de l'assurance des familles.

Par ailleurs, un aménagement de l'ensemble des ressources affectées aux caisses d'assurance relevant de l'établissement national des invalides de la marine, et notamment la fusion en une seule des caisses de retraites des inscrits maritimes et des agents du service général, permettra de réaliser la réforme sans demander à l'Etat un effort dépassant celui qui résultait de l'application des lois antérieures et en faisant, au contraire, disparaître le risque permanent qui résultait, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, de l'organisation du système du forfait.

La mesure proposée présente ainsi un double intérêt :

Social, puisque la centralisation dans un seul service, de l'assurance accident, maladie, invalidité permettra à ce service de lutter beaucoup plus efficacement que ne le permet le régime actuel contre certains fléaux, tels que la tuberculose qui sévit si gravement dans nos populations maritimes, et de ne jamais laisser sans soins un marin malade ;

Financier, puisqu'elle contribuera à la stabilité des dépenses budgétaires de l'Etat.

Nous vous prions, monsieur le Président, d'agréer l'expression de notre profond respect.

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