Part. 7 - Lutte contre la fraude et l’évasion fiscales / Ss-part. 3 - Dispositifs de droit interne / Chap. 2 - Dispositifs spécifiques / Sect. 4 - Déduction des frais financiers
Section 4 - Déduction des frais financiers
Les entreprises peuvent se financer grâce à leurs fonds propres ou en recourant à l’emprunt. Ce second mode de financement est souvent privilégié car il permet d’accroître la rentabilité des capitaux propres investis lorsque le coût de l’emprunt est inférieur à la rentabilité de l’investissement : c’est l’effet de levier. Celui-ci est de surcroît accru lorsque les intérêts d’emprunt viennent réduire le résultat imposable.
De longue date, le Conseil d’État a reconnu aux entreprises la liberté de choisir le mode de financement qui leur paraît le plus approprié même si les montages abusifs ayant pour but exclusif de déduire des frais financiers sont sanctionnés par la mise en œuvre de la procédure de répression des abus de droit.
Le recours à l’emprunt permettant de réduire le résultat imposable, parfois de manière très significative, du fait des frais financiers supportés, le législateur est intervenu pour limiter la déductibilité de ces derniers (V. n° 714460 et s.).
Les charges financières nettes, qu’elles proviennent de sommes mises à disposition par des tiers ou des sociétés de son groupe, voient en principe leur déduction plafonnée (V. n° 714490 et s.).
Le plafond de droit commun de déduction des charges financières nettes est égal à 30 % de l’EBITDA fiscal ou 3 M € si ce dernier montant est supérieur. Une clause de sauvegarde générale permet cependant à la société de bénéficier d’une déduction supplémentaire égale à 75 % des charges non déduites en application de ce plafond de droit commun lorsqu’elle établit que le ratio d’autonomie financière (actifs/fonds propres) de la société est supérieur ou égal à celui résultant des comptes consolidés du groupe.
Toutefois, les charges financières qui n’ont pu être déduites peuvent l’être sous certaines conditions au titre des exercices suivants.
Lorsque le montant des charges financières d’un exercice est inférieur au plafond de droit commun, la différence constitue une capacité de déduction inemployée qui vient augmenter le plafond au titre des 5 exercices suivants.
En outre, la déductibilité des charges financières rémunérant les sommes empruntées auprès d’autres sociétés du groupe fait l’objet de 3 catégories de dispositifs spécifiques (V. n° 714760 et s.) :
- La déduction des charges financières du résultat imposable en France est interdite lorsqu’elles tombent sous le coup des mesures « anti-hybrides », notamment lorsque les produits correspondants ne sont pas imposés dans l’autre État du fait d’une divergence de qualification fiscale de l’entité ou de l’instrument entre les États concernés.
- La déduction des intérêts rémunérant les sommes mises à disposition par une autre société du groupe est plafonnée par la limite du taux d’intérêt qui ne doit pas être excessif.
- Elle est de plus restreinte en cas de sous-capitalisation puisque la déduction des charges financières rémunérant les sommes mises à disposition par d’autres sociétés du groupe excédant 1,5 fois les fonds propres est plafonnée à un montant trois fois inférieur au plafond de droit commun (10 % de l’EBITDA fiscal ou 1 M €). Une clause de sauvegarde spécifique permet toutefois à la société de pouvoir échapper à ce plafond lorsqu’elle peut démontrer que son ratio d’endettement est inférieur à celui du groupe consolidé auquel elle appartient.
Afin que des intérêts ne soient pas réintégrés plusieurs fois par l’application de ces différents dispositifs, chaque mesure limitant la déductibilité ne doit s’appliquer qu’aux intérêts demeurant déductibles après application des mesures précédentes, ce qui oblige à déterminer l’ordre d’application de chacune d’entre elles (V. n° 715460 et s.).
Ces règles sont également applicables en matière d'intégration fiscale. Toutefois, la limitation de la déduction des charges financières nettes s’apprécie au niveau du résultat d'ensemble (V. n° 715490 et s.).
Lorsqu’une société fait partie d’un groupe fiscal, le résultat individuel de chaque société membre du groupe fiscal doit être déterminé sans appliquer les règles qui limitent la déductibilité des charges financières nettes puisqu’en application de l’article 223 B bis du CGI la limitation générale de déductibilité des charges financières se calcule au niveau du résultat d’ensemble (selon des règles globalement identiques à celles applicables aux sociétés imposées séparément). Ainsi, c’est la somme des charges financières nettes des sociétés ayant opté pour l’intégration fiscale qui sera plafonnée à 30 % de l’EBITDA fiscal du groupe fiscal ou à 3 M € (V. n° 715550 et s.).
Pour déterminer si le groupe fiscal est sous-capitalisé et s’il peut bénéficier des clauses de sauvegarde précitées, l’établissement de comptes consolidés dont le périmètre est limité aux seules sociétés du groupe fiscal est nécessaire (V. n° 715620 et s.).
Il est de jurisprudence constante que pour financer un investissement, prendre une participation, soutenir son besoin en fonds de roulement ect., de recourir à l’emprunt plutôt que de préférer un mode de capitalisation ne peut, sauf en cas de montage susceptible d’être remis en cause sur le fondement de l’abus de droit, faire l’objet de griefs de la part de l’administration fiscale. Il peut en résulter une incidence significative sur le résultat imposable de l’entreprise par la déductibilité des frais financiers ainsi supportés.