Part. 10 - Procédure, contrôle et contentieux / Ss-part. 2 - Coopération entre administrations fiscales / Chap. 2 - Assistance administrative internationale / Sect. 5 - AAI et prolongation du délai de reprise / Ss-sect. 7 - Appréciation de la prolongation du délai de reprise au regard du droit de l’UE
Sous-section 7 - Appréciation de la prolongation du délai de reprise au regard du droit de l’UE
Certains dispositifs de prorogation du droit de reprise, visant spécifiquement les administrés qui ont des activités ou des avoirs dans d’autres États de l’UE, peuvent ne pas être compatibles avec les libertés fondamentales garanties par le droit de l'Union : liberté d'établissement, libre prestation de services et libre circulation des capitauxi.
La Cour de justice de l'Union européenne a été interrogée à plusieurs reprises sur la compatibilité avec les libertés fondamentales d'un dispositif qui prévoit que le délai de redressement est plus long lorsque les avoirs du contribuable sont détenus dans un autre État membre. La Cour relève tout d’abord qu'une telle réglementation constitue une restriction à la libre prestation des services et à la libre circulation des capitaux, restriction prohibée, en principe, par les articles 49 et 56 du TCEi.
Dans ses arrêts X et Passenheim-van Schoot du 11 juin 2009i, et Halley du 15 septembre 2011i, la Cour a établi un distinguo devenu depuis classique. Elle considère que, pour apprécier si un délai de prescription prolongé va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs relatifs à l’efficacité des contrôles fiscaux, il convient de distinguer deux cas de figure : le premier correspond à la situation dans laquelle des éléments imposables ont été dissimulés, les autorités fiscales ne disposant d’aucun indice permettant de déclencher une enquête, tandis que le second concerne une situation dans laquelle lesdites autorités disposent des informations relatives à ces éléments imposables.
Lorsque les autorités fiscales disposent d'indices sur des éléments imposables situés dans un autre État membre qui permettent de déclencher une enquête, la Cour considère que n'est pas justifiée l'application d'un délai de redressement prolongé « qui ne viserait pas spécifiquement à permettre aux autorités fiscales de cet État membre de recourir utilement à des mécanismes d'assistance mutuelle entre États membres et qui se déclencherait dès que les éléments imposables concernés se situent dans un autre État membre »i.
Ainsi, le principe d’une prorogation du délai de reprise nécessitée par le besoin de mettre en œuvre l’AAI est admis, mais cette prorogation qui est objectivement discriminatoire n’est justifiée que dans la mesure où le recours à l’assistance internationale était nécessaire, et dans la limite du temps nécessaire pour y recourir utilement. Le recours à l’assistance doit être utile pour que la prorogation du délai de reprise ne constitue pas une discrimination prohibée.
On observe que la Cour établit un lien entre la demande de renseignement et les indices d’éléments imposables situés dans un autre État. Une demande d’AAI mise en œuvre à l’approche de l’expiration du délai de reprise, comme on en voit parfois, pourrait susciter méfiance de la part du juge : l’administration devrait alors justifier qu’elle ne disposait pas auparavant de ces indices, et qu’elle n’a pas utilisé la demande dans le seul but d’interrompre une prescription sur .....