Part. 1 - Sources du droit fiscal international / Ss-part. 1 - Sources internes / Chap. 1 - La Constitution / Sect. 1 - Les conditions constitutionnelles de primauté des normes internationales et européennes sur le droit fiscal interne / Ss-sect. 3 - L’articulation entre les différentes sources du droit fiscal international
Sous-section 3 - L’articulation entre les différentes sources du droit fiscal international
I. Principes généraux
La Constitution n’a pas organisé de hiérarchie entre les différentes normes de droit international. Pour autant, la contestation de la mise en œuvre d’une norme internationale du fait de son incompatibilité avec une autre norme internationale n’est pas inopérante : le Conseil d’État a précisé en 2011, dans une importante décision Kandyrine de Brito Païva, que, sous réserve des cas où serait en cause l'ordre juridique intégré que constitue l’UE, peut être utilement invoqué, à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative qui fait application des stipulations inconditionnelles d'un accord international, un moyen tiré de l'incompatibilité des stipulations dont il a été fait application par la décision en cause, avec celles d'un autre accord international. Il incombe alors au juge administratif, après avoir vérifié que les stipulations de cet autre accord sont entrées en vigueur dans l'ordre juridique interne et sont invocables devant lui, de chercher à les concilier, en les interprétant, le cas échéant, au regard des règles et principes à valeur constitutionnelle et des principes d'ordre public. C’est seulement dans l'hypothèse – qui a vocation à demeurer exceptionnelle – où il n'apparaît possible ni d'assurer la conciliation de ces stipulations entre elles, ni de déterminer lesquelles doivent dans le cas d'espèce être écartées, que le juge doit faire application de la norme internationale dans le champ de laquelle la décision administrative contestée a entendu se placer et pour l'application de laquelle cette décision a été prise et écarter, en conséquence, le moyen tiré de son incompatibilité avec l'autre norme internationale invoquéei.
Par exemple, saisi d’une contradiction entre d’une part les statuts de la BIRD, qui réservent l’exonération fiscale des rémunérations des employés de la Banque à ceux qui ne sont pas des ressortissants des pays dans lesquels ils résident, et d’autre part la convention du 21 novembre 1947 sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées des Nations-Unies qui ne comporte pas cette restriction, le juge de l’impôt s’est efforcé de les concilier, en tenant compte de leurs stipulations respectives ; en l’espèce, il a jugé que l’application de la convention de 1947 n'exigeait pas la modification des statuts de la Banque alors même qu'elle étend le champ des privilèges fiscaux initialement prévus par ces statutsi.
II. Conventions fiscales bilatérales et droit européen
Cette décision Kandiryne de Brito Païva de 2011 réserve le cas où serait en cause « l'ordre juridique intégré que constitue l’UE » : la jurisprudence n’a pas encore tranché si ces principes valent face à une exigence européenne. On peut toutefois noter que le juge administratif de l'impôt s’est reconnu compétent pour contrôler la compatibilité d'une convention fiscale bilatérale, conclue par la France avec un autre État membre, avec les grandes libertés de circulation protégées par les traités européensi.
Par exemple, un contribuable résidant britannique percevant des dividendes de source française a pu utilement faire valoir qu’une différence de traitement fiscal prévue par la convention fiscale franco-britannique était constitutive d'une restriction à la libre circulation des capitaux ou d'une discrimination à raison de la nationalité incompatible avec le droit de l’UEi.