Part. 2 - Portée des conventions fiscales : interprétation et application / Ss-part. 3 - La clause conventionnelle de non-discrimination / Chap. 4 - La clause conventionnelle de non-discrimination pour les entreprises
Chapitre 4 - La clause conventionnelle de non-discrimination pour les entreprises
Section 1 - Établissements stables
Sous-section 1 - Portée de la clause de non-discrimination
I. Imposition de l’établissement stable
L’établissement stable d’une entreprise ayant son siège dans un autre État n’est pas une entité juridique distincte de cette entreprise mais en constitue une partie. De ce fait sa situation est différente de celle d’une entreprise qui constitue un ensemble dont toutes les activités et les conséquences fiscales qui en découlent peuvent être pleinement appréhendées dans l’État où elle a son siège. Les bénéfices attribuables à l’établissement stable sont, en vertu de l’article 7, § 2 des modèles OCDE ou ONU, ceux que l’établissement stable aurait pu réaliser s’il avait constitué une entreprise distincte exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues et traitant en toute indépendance avec l’entreprise dont il constitue un établissement stable.
La première phrase du paragraphe 3 de l’article 24 des modèles OCDE ou ONU vise à prévenir les discriminations fondées sur le lieu d’établissement des entreprises en prévoyant que l’imposition d’un établissement stable n’est pas traitée moins favorablement que l’imposition des entreprises de cet autre État exerçant la même activité.
Les commentaires de l’OCDE sur cette disposition apportent en substance quelques précisions intéressantes.
En premier lieu, ils tiennent compte des différences de structure juridique. Ainsi, ils précisent que la clause d’égalité de traitement implique une comparaison avec le traitement fiscal accordé par l’État en cause à une entreprise de cet État dont la structure juridique est similaire à celle de l’entreprise à laquelle appartient l’établissement stable. Ainsi, un État ne méconnaît pas cette clause s’il applique aux bénéfices d’un établissement stable d’une entreprise exploitée par une personne physique qui est un non-résident un taux d’imposition différent de celui qui s’applique à une entreprise de cet État exploitée par une société résidente (point 37).
En deuxième lieu, la condition d’activité identique doit être satisfaite, et à cet égard, les activités réglementées et les activités non réglementées ne sont pas regardées par ces commentaires (point 38) comme constituent une même activité.
En troisième lieu, pour la détermination de l’assiette de l’impôt à raison des bénéfices qui leur sont attribuables, le principe d’égalité de traitement implique normalement que les établissements stables bénéficient, à raison de leurs activités propres, exactement des mêmes règles que les entreprises résidentes quant à la déduction des charges d’exploitation, des amortissements et des provisions ou quant au report du déficit d’exploitation constaté à la clôture d’un exercice sur les résultats des exercices suivants ou précédents dans la limite d’une certaine période.
Ainsi il y a lieu, selon les commentaires de l’OCDE sur le paragraphe 3 de l’article 24 du modèle (point 40, a et d), d’accorder aux établissements stables la même faculté qu'aux entreprises résidentes de déduire les charges d'exploitation dont la législation fiscale autorise la déduction du bénéfice imposable, outre celle d'imputer à l'établissement stable une quote-part des frais généraux du siège. Cette déduction doit être permise sans autres restrictions que celles également imposées aux entreprises résidentes. Il y a lieu également d’appliquer aux établissements stables les mêmes règles qu'aux entreprises résidentes en ce qui concerne la taxation des plus-values réalisées lors de la cession, en cours ou en fin d'exploitation, des éléments de l’actif (point 40, d).
En revanche, selon ces commentaires (point 47), « les dispositions du paragraphe 3 ne sauraient être interprétées comme contraignant un État accordant des avantages fiscaux spécifiques à des organismes à but non lucratif dont les activités s’exercent à des fins d’utilité publique qui lui sont propres, à faire bénéficier des mêmes avantages les établissements stables d’organismes similaires de l’autre État dont les activités ne sont pas exercées exclusivement à des fins d’utilité publique propres au premier État mentionné ».
Par ailleurs, eu égard aux règles particulières d’imposition des dividendes distribués par les filiales et encaissés par les sociétés mères à raison des participations faisant partie de leur actif prévues par certains pays, les commentaires (points 48 à 55) rappellent l’absence d’unité de vue des États pour accorder aux établissements stables le régime des sociétés mères applicable aux entreprises résidentes. Dans son instruction du 5 octobre 2016i, l’administration a précisé que les établissements stables ou succursales en France de sociétés étrangères pouvaient bénéficier du régime des sociétés mères, sous réserve que les titres de participation figurent à l'actif du bilan fiscal de l'établissement stable et que celui-ci soit effectivement soumis à l'impôt sur les sociétés , et a indiqué que l'application du régime aux établissements stables en France de sociétés étrangères n'était pas subordonnée à la condition que la société étrangère fût établie dans un État avec lequel la France était liée par une clause de non-discrimination relative aux établissements stables. Il y a lieu de préciser que l’exigence doctrinale tenant à l’inscription des titres de participation à l'actif du bilan fiscal de l'établissement stable se heurte la lecture par le Conseil d’État des dispositions de l’article 145 du CGI dont il a déduit que lorsqu’une société non-résidente alloue à une succursale établie en France des produits de participations, le respect des conditions relatives aux titres correspondants prévues aux a) à c) du 1 de cet article est apprécié au niveau de la société et non pas uniquement au niveau de la succursale de sorte que la seule circonstance que les titres ne soient pas inscrits à l’actif fiscal de la succursale française ne saurait faire obstacle à l’application du régime des sociétés mèresi.
En quatrième lieu, la clause de non-discrimination implique également que le taux d’imposition soit le même, de sorte que, lorsque l’imposition des bénéfices réalisés par les sociétés résidentes d’un État donné est calculée d’après un barème de taux progressifs, c’est en principe ce barème de taux qui doit s’appliquer aux établissements stables situés dans cet État, même si, selon les commentaires de l’OCDE (points 56 à 58), l’État de l’établissement stable tient compte, pour appliquer le barème de taux progressifs, des résultats de l’ensemble de la société à laquelle appartient cet établissement ou s'il se fonde sur un régime comportant, pour ce barème, une règle selon laquelle un taux minimum est applicable aux établissements stables.
En cinquième lieu, s’agissant de la retenue à la source sur les dividendes, les intérêts ou les redevances perçus par un établissement stable, qui entrent en principe dans ses bénéfices imposables, l’État de la source, où l’établissement stable est situé, peut appliquer sa retenue au taux plein. Selon les commentaires de l’OCDE (points 64 à 66), cette faculté ne soulève pas de difficultés au regard du principe de non-discrimination dans le cas des pays prélevant une retenue à la source sur l’ensemble des revenus considérés, qu’ils soient versés à des bénéficiaires résidentsi ou à des bénéficiaires non-résidents mais il en va différemment lorsque la retenue s’applique exclusivement aux revenus payés à des non-résidents.
En sixième lieu, le principe d’égalité de traitement implique en principe d’octroyer à un établissement stable l’imputation des impôts étrangers afférents aux revenus de source étrangère qui sont compris dans ses bénéfices, lorsque la législation interne accorde cette imputation aux entreprises résidentes (commentaires de l’OCDE, point 67).
Enfin, on signalera que les commentaires de l’OCDE (points 69 à 72) évoquent également la question de l’extension aux établissements stables des avantages des clauses d’imputation des conventions de double imposition conclues avec les États tiers.
II. Conséquences pour les personnes physiques
La seconde phrase du paragraphe 3 de l’article 24 des modèles OCDE ou ONUprécise les conditions dans lesquelles le principe d’égalité de traitement posé dans la première phrase s’applique aux personnes physiques résidentes d’un État contractant ayant un établissement stable dans l’autre État contractant.
En prévoyant que la première phrase ne peut être interprétée comme obligeant un État contractant à accorder aux résidents de l’autre État contractant les déductions personnelles, abattements et réductions d’impôt en fonction de la situation ou des charges de famille qu’il accorde à ses propres résidents, les États ayant inséré une telle disposition dans leurs conventions bilatérales entendent que ces personnes ne peuvent obtenir des avantages supérieurs à ceux des résidents grâce au cumul des déductions et abattements personnels pour charges de famille qui leur seraient accordés d’une part, dans l’État dont ils sont résidents par application de la loi interne et, d’autre part, .....