Le Fiscal by Doctrine / Part. 7 - Lutte contre la fraude et l’évasion fiscales / Ss-part. 3 - Dispositifs de droit interne / Chap. 2 - Dispositifs spécifiques / Sect. 3 - Règles anti-hybrides

Section 3 - Règles anti-hybrides
Les dispositifs dits « hybrides » englobent divers mécanismes dont l’objet est d’exploiter les différences entre plusieurs législations fiscales nationales afin de générer des paiements déductibles au niveau de leur débiteur sans imposition corrélative au niveau de leur attributaire (des « asymétries ») voire, dans certaines situations, des doubles déductions.
En raison de leur propension à l’érosion des bases imposables, ces dispositifs ont fait l’objet, au cours des dernières années, de travaux réalisés par l’OCDE et le G20 dans le cadre du plan d’action BEPS dont l’Action 2 leur est d’ailleurs consacrée. En Europe, leur traduction s’est faite à travers l’adoption des directives ATAD 1 et 2, et la codification en droit français aux articles 205 B, 205 C et 205 D du code général des impôts.
Ces articles instituent un mécanisme de lutte contre les dispositifs hybrides qui marque d’abord par la complexité de son vocabulaire et des mesures qu’il traduit. Certains termes et expressions consacrés par le dispositif sont certes généraux (un « paiement », un « personne », un « débiteur »etc.) mais ils cohabitent avec des termes et expressions qui lui sont spécifiques tels que celui de « déduction sans inclusion », celui de « double déduction », ou encore celui de « transfert hybride ».
Le mécanisme marque également par la typologie multiple des dispositifs hybrides contre lesquels il se propose de lutter. Les divergences entre les législations fiscales nationales à l’origine des effets fiscaux combattus sont en effet potentiellement nombreuses et peuvent concerner la qualification fiscale d’instruments financiers, le régime fiscal d’entités impliquées dans certains paiements, la reconnaissance d’établissements impliqués dans des paiements ou encore le lieu de résidence des personnes débitrices. Chaque type de dispositif « hybride » connait donc sa propre définition, ses propres critères et ses propres mesures correctives.
Les dispositifs « hybrides » principalement réprimés par le mécanisme sont ceux qui trouvent leur origine dans une volonté délibérée du contribuable d’en bénéficier, bien qu’il existe des exceptions. Ainsi, c’est essentiellement lorsque l’effet d’asymétrie intervient entre des personnes liées par des liens de dépendance que la mesure trouve son plein effet, rendant ici encore le mécanisme largement tributaire de la définition des liens de dépendance pertinents.
Sous-section 1 - Introduction
Ces dernières années, les pertes de recettes fiscales trouvant leur origine dans l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices ont été au cœur des débats et des évolutions de la fiscalité internationale. Dès 2013, l’OCDE et le G20 se sont entendus pour développer un plan d’action ambitieux visant à lutter contre ce phénomène : le plan d’action « BEPS » (pour « Base Erosion and Profit Shifting »). Le plan d’action BEPS se décline en 15 actions parmi lesquelles figure une Action 2 ayant pour objet de proposer des règles de correction des effets asymétriques générés par des dispositifs appelés « hybrides » que l’OCDEi définit comme des dispositifs « exploitant les différences de traitement fiscal d’une entité ou d’un instrument entre les législations de deux pays ou plus en vue de bénéficier de situations de double non-imposition ». Les dispositifs hybrides trouvent donc leur origine dans les asymétries d’appréciations d’opérations ou d’entités quant à leur qualification, à leur nature et/ou au traitement fiscal qu’il convient de leur réserver.
L’Action 2 du plan d’action BEPS a trouvé une traduction effective au sein de l’Union européenne, dans le cadre de deux directives : la directive du 16 juillet 2016 (dite « ATAD 1 »)i, qui ne portait pas spécifiquement sur les dispositifs hybrides et la directive du 29 mai 2017 (dite « ATAD 2 »)i, qui a modifié la directive ATAD 1 en y insérant un ensemble de règles spécifiquement destinées à lutter contre les asymétries nées de dispositifs hybrides.
Les mesures contenues dans les directives ATAD 1 et ATAD 2 relatives aux dispositifs hybrides ont été transposées en droit français à l’occasion de la loi de finances pour 2020i ayant inséré dans le Code général des impôts (CGI) les articles 205 B, 205 C et 205 D. Ces articles ont fait l’objet de commentaires publiés par l’Administration le 15 décembre 2021i.
Le champ d’application de ce « mécanisme anti-hybride » (car c’est ainsi qu’on le nommera) est délimité par l’article 205 B du CGI. Il faut dire, dès à présent, que cet article est d’un accès particulièrement complexe, notamment parce qu’il manie des termes spécifiques au phénomène des dispositifs hybrides qu’il ne définit que pour partie. Il établit également sept hypothèses principales susceptible de qualifier un paiement ou une opération de « dispositif hybride » et prévoit, pour chacun d’eux, des mesures de correction ad hoc.
Pour bien saisir la mécanique globale de ces articles, il est utile de partir des termes qu’ils emploient en explicitant leur sens, en particulier lorsqu’il est spécifique au sujet des hybrides (n° 711860 et s.). Cet exercice étant fait, il sera alors possible de naviguer parmi les différents paiements et opérations susceptibles de mettre en lumière l’existence d’un « dispositif hybride » (n° 712450 et s.). Enfin, une fois ces dispositifs explicités, il conviendra de déterminer la structure dans laquelle ils ont vocation à s’insérer (les liens entre les parties à ce dispositif, l’intention sous-jacente, la place de la juridiction française dans la situation analysée etc.) afin d’en déduire les mesures de correction adéquate prévues par le mécanisme (n° 713330 et s.).
Sous-section 2 - Définitions
Le mécanisme anti-hybrides est d’un maniement particulièrement ardu, en particulier parce qu’il repose sur un certain nombre de termes qui ne sont pas habituels des fiscalistes ou qui, étant habituels, reçoivent une signification particulière pour les besoins de son application. Bien que certains des termes employés par les articles 205 B et suivants du CGI seront définis lorsque cela sera nécessaire, il est utile de préciser le sens des principaux termes généraux employés par le mécanisme (n° 711870 et s.) ainsi que certains des termes qui lui sont spécifiques (n° 712100 et s.).
I. Termes généraux
Le mécanisme anti-hybride vise, pour l’essentiel, des « paiements » (n° 711880 et s.) effectués par ou au bénéfice de certaines « personnes », « débiteurs » ou « investisseurs » (n° 711980 et s.). Ces paiements concernent, pour une partie des dispositifs visés, certains « instruments financiers » qui reçoivent également une définition particulière (n° 712050 et s.).
A. Paiement
Le mécanisme de lutte contre les dispositifs hybride repose sur la notion de « paiement » (qu’il soit effectué, par exemple, au titre d’un instrument financier, en faveur d’une entité hybride, en faveur d’un établissement stable ou, encore, par un établissement stable). L’article 205 B, I, 2° du CGI définit la notion comme « tout droit à un transfert de valeur associé à un montant susceptible d'être payé ». En réalité, les choses sont un peu plus complexes car, en face des paiements « classiques » (n° 711890 et s.), le dispositif traite également de paiements « réputés effectués », c'est-à-dire de paiements purement notionnels (n° 711940 et s.).
1. Règle générale
La directive ATAD 2i ne donne pas de définition de la notion de « paiement », on retrouve toutefois un certain nombre d’éléments au sein des travaux de l’OCDE, mais également dans la doctrine administrative.
La Recommandation 12 de l’Action 2i qui contient un certain nombre de définitions précise que le terme de « paiement » désigne « tout montant susceptible d’être payé ». La rédaction est donc sensiblement plus vague – peut être plus large – que celle qui est retenue par l’article 205 B, I, 2° du CGI (n° 711880). L’OCDEi précise que le « paiement » peut prendre forme dans « une distribution, un crédit, un débit, une somme due, mais exclut les paiements réputés être effectués uniquement à des fins fiscales et qui n’impliquent pas la création de droits économiques entre les parties ».
Le Rapport final de l’Action 2i contient cependant plus de détails sur ce qu’il convient d’entendre par « paiement » en indiquant que le terme « désigne tout transfert de valeur associé à un montant susceptible d’être payé comme une obligation future ou conditionnelle d’effectuer un paiement ». Ainsi, le « paiement » n’a rien à voir avec la mise à disposition effective d’une somme puisqu’il recouvre également les obligations futures et mêmes conditionnelles d’effectuer un paiement.
Remarque
En cela, la définition s’éloigne de celle que retient l’OCDE pour l’application des conventions fiscales pour lesquelles le terme « payé à » renvoie à la mise à disposition des sommes au créancieri .
Exemple
Obligations futures . - L’exemple 1.13 du Rapport final sur l’Action 2i illustre la définition du paiement matérialisés dans des engagements constatés au titre d’obligations futures de paiement même lorsque le montant de l’engagement constaté ne correspond pas à un renforcement de l’obligation de paiement au cours de la période considérée. Dans cet exemple, une société crée une filiale dans laquelle elle investit 40 € dont 5 sous forme d’actions et le reste sous forme de prêt sans intérêt remboursable en totalité sous 5 ans. La filiale adopte un traitement fiscal et comptable particulier à l’égard des prêts sans intérêt consentis par une entité liée en application duquel elle scinde le prêt en deux composantes : un prêt non porteur d’intérêts assorti d’une prime d’émission et un apport de capital présumé équivalant au montant de cette prime. La filiale traite donc le prêt sans intérêt de 35 comme (i) une contribution au capital de 15 et (ii) un prêt de 20. Elle traite donc une portion de la prime sur le prêt comme une « dépense » à des fins comptables. La question se pose de savoir si la déduction ainsi pratiquée lors de chaque période comptable répond à la définition de « paiement ». L’OCDE répond par l’affirmative en indiquant que la circonstance que la déduction pratiquée par la filiale à l’égard de chaque période comptable ne correspond pas à une augmentation de ses obligations, cette déduction est cependant bien liée à une « obligation de remboursement » et répond de ce fait à la définition d’un paiement aux fins de la règle.
La doctrine administrativei indique qu’un paiement désigne « une obligation de payer, c'est-à-dire une créance ou une dette, sans qu’il soit nécessaire qu’il se traduise par un transfert de valeur effectif entre deux personnes ». Elle ajoute, conformément aux prescriptions de l’OCDEi, qu’une obligation « conditionnelle ou future d'effectuer un paiement est considérée comme un paiement au sens du 2° du I de l'article 205 B du CGI »i.
Le transfert de valeur actuel ou futur ne se matérialise pas nécessairement dans un transfert de numéraire. Le « paiement » ne désigne pas nécessairement un tel droit à un transfert de numéraire : un paiement peut parfaitement être représenté par une distribution d'un dividende en nature, « par exemple par la remise d'actions de la société distributrice »i.
2. Paiements notionnels
En principe, la notion de « paiement » retenue par l’OCDE exclut les paiements notionnels, entendus comme les paiements « réputés être effectués uniquement à des fins fiscales et qui n’impliquent pas la création de droits économiques entre les parties ». Cette exception à l’égard des paiements « réputés effectués » vise, selon l’organisationi, « uniquement à exclure les régimes tels ceux qui accordent des déductions pour intérêts notionnels au titre des capitaux propres lorsque la déduction fiscale n’est liée à aucune obligation de paiement de l’émetteur ».
Certains paiements impliquant une succursale peuvent cependant générer des « asymétries internes » entre la succursale et le siège lorsque les règles applicables dans la juridiction de la succursale et du siège divergent. En particulier, il arrive que la juridiction dans laquelle se situe la filiale comptabilise un paiement réputé avoir été effectué au profit de son siège sans que ce paiement soit reconnu dans l’État du siège.
Exemple
L’exemple suivant permet d’illustrer la notion :
Une société A fournit des services à une société non liée (C) par l’intermédiaire d’une succursale située dans le pays B. Les prestations fournies par la succursale font appel à des actifs incorporels sous-jacents qui appartiennent à la société A.
Le pays B attribue la propriété de ces actifs incorporels au siège social et considère, en conséquence, que la succursale effectue un paiement au prix de pleine concurrence afin de rémunérer la société A pour l’utilisation de ces actifs.
Ce paiement réputé effectué est déductible en vertu de la législation du pays B mais n’est pas reconnu par celle du pays A (parce que ce dernier attribue la propriété des actifs incorporels à la succursale).
Dans le même temps, les gains de la succursale rémunérant les prestations fournies sont exonérés d’impôt en vertu de la loi du pays A qui exonère dans ce pays les revenus des succursales ou les exclut du calcul du bénéfice imposable. Dans cette situation, le paiement réputé effectué génère une « asymétrie intragroupe » dans la mesure où la déduction est imputée sur le bénéfice de la succursale qui est exonéré dans le pays A.
L’OCDEi souligne (nous mettons en évidence) qu’un « paiement réputé avoir été effectué par une succursale peut survenir uniquement dans les cas où les règles d’attribution du bénéfice net à la succursale ou au siège autorisent la comptabilisation de paiements notionnels entre différentes parties du même contribuable ». La structure décrite ci-dessus implique un paiement de redevances réputé effectué mais l’application des principes fiscaux ou comptables ainsi que des principes en matière d’affectation de revenu dans la juridiction de la succursale peut également donner lieu à d’autres paiements réputés effectués (sous forme d’intérêts par exemple) dont les conséquences fiscales sont similaires. Le problème de ce type de situations est que la succursale peut prétendre à une déduction au titre d’un élément « considéré comme une charge par la législation de sa juridiction ou par celle du payeur »i mais qui n’est pas pris en compte dans la juridiction du siège ou celle du bénéficiaire du paiement parce que ce bénéficiaire ne considère pas fiscalement le payeur comme une entreprise distincte.
Afin de pouvoir prendre en compte des situations d’asymétries telles que celle décrite précédemment (V. supra, n° 711910) l’article 205 B, I, 1° f du CGI traite explicitement du cas d’un « paiement réputé effectué entre un établissement et son siège ». La doctrine administrativei précise qu’au sens de cet article, un paiement est réputé effectué « lorsque le débiteur et le bénéficiaire forment une personne morale unique ». En d’autres termes, « est réputé effectué un paiement entre un établissement et son siège ou entre deux établissements du même contribuable dans le cadre d'un mécanisme d'attribution des bénéfices destiné à permettre une détermination exacte du résultat fiscal imposable dans les États de résidence ou du lieu de situation respectifs du débiteur et du bénéficiaire ».
B. Personne, débiteur, investisseur
Le mécanisme anti-hybrides prévu aux articles 205 B et suivants du CGI traite des paiements effectués entre des « personnes ». Le terme est en effet utile à la compréhension de divers aspects dans la mise en œuvre du dispositif, par exemple la « résidence » qui renvoie, par exemple, au lieu où une « personne est considérée comme ayant son siège ou son domicile fiscal » (article 205 B, I, 4° du CGI) ou encore le « débiteur » qui correspond à la « personne tenue d’effectuer un paiement » (article 205 B, I, 5° du CGI) etc. Par conséquent, il est nécessaire de pouvoir définir ces différentes notions, à savoir celle de « personne » (n° 711990 et s.), celle de « débiteur » (n° 712010 et s.) et celle d’« investisseur » (n° 712030 et s.).
1. Personne
Pour l’OCDEi, une personne désigne « toute personne physique ou morale, tout ensemble de personnes non constitué en société, ainsi qu’un trust ou une fiducie ».
La notion de personne est définie à l’article 205 B, I, 3° du CGI comme « une personne physique ou une entité ». La doctrine administrativei précise qu’il « peut s'agir d'une entité avec ou sans personnalité morale, imposable ou non imposable ». Cette définition, particulièrement large, permet de considérer toute unité économique comme une « personne » et d’englober les fonds d’investissements, les sociétés de personnes et même les établissements.
La référence aux « établissements » est ici particulièrement surprenante dès lors que l’article 205 B, I, 7° parle « du siège de l’entité dont il dépend » en référence à un établissement. Par conséquent, dès lors qu’il n’est pas une personne physique, un établissement ne peut être qu’une « entité » au sens de l’article 205 B, I, 3° du CGI, laquelle devrait en principe être distincte de ses propres établissements. La doctrine administrative est donc contradictoire sur ce point.
2. Débiteur
Le terme « débiteur », devant être entendu comme désignant une « personne », n’apparait qu’à une seule reprise dans le Rapport final de l’Action 2i et ne figure à aucun endroit de la directive ATAD 2. En revanche, l’article 205 B, I, 5° le définit comme « une personne qui est tenue d'effectuer un paiement au sens du 2° » (la notion de « personne » est étudiée n° 711990 et s. et la notion de « paiement » est étudiée n° 711880 et s.).
La doctrine administrative précise que le « débiteur » doit être distingué de l’« investisseur », le cas échéant, « dans les situations de double déduction évoquées au 2 du III de l'article 205 B du CGI »i. Cette distinction est, en effet, essentielle pour appréhender le traitement des dispositifs entrainant une double déduction. Le « débiteur », dans ce contexte, représente la personne qui contracte la dette ou l’obligation financière qui donne naissance à la charge financière pouvant être déduite de ses revenus imposables sous certaines conditions. Par opposition, l'« investisseur » est celui qui fournit les fonds ou les ressources financières et qui peut également, à ce titre, bénéficier de déductions fiscales sur les revenus générés par le même investissement. La distinction entre le débiteur et l’investisseur est cruciale pour éviter les situations de double déduction, c'est-à-dire les situations où à la fois le débiteur et l'investisseur tentent de déduire la même charge de leurs revenus respectifs. Le 2 du III de l’article 205 B du CGI aborde précisément cette problématique en disposant que si une charge est déductible dans l'État de l'investisseur, elle ne doit pas être déduite des revenus du débiteur en France. Le texte précise, par ailleurs, que ses dispositions ne s'appliquent pas si la double déduction concerne un revenu qui est également sujet à une double imposition, témoignant ainsi d’une approche équilibrée qui évite à la fois la double imposition et la double déduction.
3. Investisseur
Pour l’OCDE, « un investisseur, en lien avec toute personne, désigne toute personne qui détient directement ou indirectement des droits de vote ou des participations dans cette personne »i. Cela étant, dans le cas particulier des « entités hybrides », le Rapport final sur l’Action 2i considère, plus largement, que « le terme « investisseur » désigne non seulement les personnes ayant apporté des capitaux en échange d’un intérêt dans une entité hybride inversée mais aussi toute personne à laquelle l’entité hybride inversée attribue ou affecte un paiement » sans que l’existence de droits de vote ou de participation ne soit prise en compte. Le CGI (article 205 B, I, 6°) considère, quant à lui, plus largement, que l’investisseur concerne « toute personne autre que le débiteur qui bénéficie d'une déduction afférente à un dispositif hybride mentionné au g du 1° ». Ainsi qu’évoqué ci-avant (V. supra, n° 712020) cette définition met l’accent sur la nécessaire distinction entre le « débiteur » et l’« investisseur » dans les situations qui impliquent une double déduction.
La doctrine administrativei précise, en effet, que dans les situations mentionnées à l’article 205 B, III, 2 du CGI, « l’investisseur et le débiteur déduisent la même charge. Cependant, au regard des dispositions du 9° du I de l'article 205 B du CGI, seul le débiteur, qui constitue une entité hybride ou un établissement stable, est considéré comme tenu au paiement et peut déduire une charge à ce titre. L’investisseur est établi dans un État distinct, dont la réglementation considère qu’il appartient à cet investisseur, et non au débiteur, de déduire la charge afférente au paiement. Cet investisseur a donc également déduit cette charge ».
Exemple
La doctrine administrativei donne l’exemple suivant :
Les sociétés A, B et C sont des entreprises associées au sens du 16° du 1 de l'article 205 B du CGI. La société B effectue un paiement au profit de la société C. La société B est le « débiteur » car elle supporte directement l’obligation de paiement, qu’elle déduit donc. La société A, l’« investisseur », déduit également la charge en sa qualité d’associé du débiteur sans en supporter l’obligation de paiement. La différence dans l’attribution des paiements à l’origine de l’asymétrie est liée aux divergences de législation entre l’État de résidence de la société B et l’État de résidence de la société A. La société B est considérée comme imposable selon la législation de l'État B mais comme non imposable selon la législation de l'État A. La société B peut être une entité hybride ou un établissement.
C. Instrument financier
Selon l’OCDE, la définition d’un « instrument financier » doit être établie selon la législation nationale. Ce renvoi est dû au fait que l’objectif poursuivi par les règles relatives aux « instruments financiers hybrides » est de parvenir à un alignement du traitement fiscal des paiements qui se rapportent à ces instruments « de manière à ce que les montants qui ne sont pas pleinement soumis à l’impôt dans la juridiction du bénéficiaire ne soient pas considérés comme des charges déductibles dans la juridiction du payeur »i. Ainsi, l’OCDE « invite les juridictions à traiter comme un instrument financier tout dispositif qui génère un rendement financier ou un rendement de capitaux propres et à soumettre ces dispositifs à l’impôt conformément aux règles fiscales nationales applicables aux titres de dette, titres de participation ou produits dérivés »i. Elle reconnait que « les pays devraient mettre en œuvre les efforts appropriés pour adopter des définitions similaires du terme « instrument financier » ; cela étant, il restera difficile d’établir, dans certains cas, si un contrat doit être traité comme un instrument financier ou comme un accord d’une autre nature, tel qu’un contrat de vente ou un contrat de prise en charge de risques »i.
La directive suit ces prescriptions en précisant, de manière plus précise, qu’un instrument financier désigne « tout instrument dans la mesure où il génère un rendement financier ou un rendement de capitaux propres soumis aux règles d'imposition applicables aux titres de dette, titres de participation ou produits dérivés selon les lois des juridictions du bénéficiaire ou de celles du payeur, y compris tout transfert hybride ».
L’article 205 B, I, 12° du CGI définit l’instrument financier comme (nous mettons en évidence) « un instrument qui génère un rendement financier soumis, soit dans l'État de résidence du débiteur, soit dans l'État de résidence du bénéficiaire, aux règles fiscales applicables aux titres de dette, titres de participation ou instruments dérivés, y compris tout transfert hybride ».
S’agissant de la notion de rendement financier, celle-ci peut être entendue « comme un rendement qui est économiquement équivalent à un intérêt ou comme un rendement de capitaux propres, c'est-à-dire un droit de percevoir des bénéfices ou de participer à des distributions de toute personne ou un rendement qui est économiquement équivalent à une distribution ou à des bénéfices »i. Cette définition prévoit donc trois types de rendements économiquesi :
- Premièrement, ceux qui équivalent à un intérêt ;
- Deuxièmement, les rendements de capitaux propres ;
- Troisièmement, ceux qui sont économiquement équivalents à une distribution ou à des bénéfices.
Remarque
Selon un auteuri, cette troisième catégorie renvoie (nous mettons en évidence) « aux contrats financiers ayant des titres de capital pour sous-jacent » dès lors que ces contrats ont pour objet de générer un rendement qui ne constitue pas directement un rendement de capitaux propre mais peut être considéré comme « économiquement équivalent à une distribution ou à des bénéfices puisqu’il « réplique » le rendement généré par le titre de capital sous-jacent ». L’auteur ajoute que certains contrats financiers ayant un titre de capital pour sous-jacent pourraient cependant être exclu de la définition, et met en avant l’exemple du titulaire d’un « call » l’exerçant pour acheter des actions à un prix déterminé percevant, de ce fait, un gain correspondant à la différence entre la valeur des actions acquises et la valeur de l’option : un tel gain ne devrait pas pouvoir être équivalent à une distribution de bénéfice mais « plutôt à une « économie » réalisée sur le prix des actions qui seront achetées à un prix moins élevé (le prix prédéterminé dans le call) que leur prix actuel de marché ».
Exemple
La doctrine administrativei donne un certain nombre d’exemples de paiements réalisés au titre d’instruments financiers. Ainsi, peut être qualifié de dispositif hybride, sous réserve de remplir l'ensemble des autres critères visés au a du 1° du I de l'article 205 B du CGI, tout paiement réalisé, notamment, dans le cadre de la détention d'actions ou d'obligations ou à la suite de la conclusion de contrats sur des produits dérivés, de contrats de swap ou d'options ou à l’issue de la mise en place d'autres instruments financiers à terme.
Cette définition semble particulièrement large. En particulier, elle semble tenir compte de n’importe quel paiement réalisé dans le cadre d’instruments financiers à terme alors que, comme évoqué ci-avant (n° 712100), le rendement financier en question doit malgré tout entrer dans l’une des trois catégories limitativement énumérées. L’OCDEi, quant à elle, précise que « la règle ne s’applique qu’aux paiements qui génèrent un rendement financier ou un rendement de capitaux propres au titre de l’instrument sous-jacent. Elle ne s’applique normalement pas, à titre d’exemple, à un paiement effectué pour régler un différend lié à une rupture de garantie au titre d’un contrat de cession d’actif ».
Cons. UE, dir. (UE) 2017/952, 29 mai 2017 (ATAD 2), modifiant Cons. UE, dir. (UE) 2016/1164, 12 juill. 2016 (ATAD ou ATAD 1) en ce qui concerne les dispositifs hybrides faisant intervenir des pays tiers.
BOI-IS-BASE-80-20, 15 déc. 2021.
Cons. UE, dir. (UE) 2017/952, 29 mai 2017 (ATAD 2), modifiant Cons. UE, dir. (UE) 2016/1164, 12 juill. 2016 (ATAD ou ATAD 1) en ce qui concerne les dispositifs hybrides faisant intervenir des pays tiers.
BOI-IS-BASE-80-10, 9 févr. 2022, § 10.
BOI-IS-BASE-80-10, 9 févr. 2022, § 10.
BOI-IS-BASE-80-10, 9 févr. 2022, § 10.
BOI-IS-BASE-80-10, 9 févr. 2022, § 10.
BOI-IS-BASE-80-10, 9 févr. 2022, § 20.
BOI-IS-BASE-80-10, 9 févr. 2022, § 30.
BOI-IS-BASE-80-10, 9 févr. 2022, § 40.
BOI-IS-BASE-80-10, 9 févr. 2022, § 40.
BOI-IS-BASE-80-10, 9 févr. 2022, § 70.
E. Marchand, L’application des mesures de lutte contre les dispositifs hybrides aux produits dérivés[REF Fiscalité Internationale n° 4-2022, nov. 2022, spéc. § 27].
E. Marchand, L’application des mesures de lutte contre les dispositifs hybrides aux produits dérivés [REF Fiscalité Internationale n° 4-2022, nov. 2022, spéc. § 27].
BOI-IS-BASE-80-10, 9 févr. 2022, § 70.