Le Fiscal by Doctrine / Part. 10 - Procédure, contrôle et contentieux / Ss-part. 4 - Résolution des différends

Sous-partie 4 - Résolution des différends
La France fait partie des pays les plus avancés en matière de prévention et de règlement des différends fiscaux internationaux, compte-tenu notamment de l’existence d’un système d’imposition robuste et de l’expérience développée par son administration fiscale en la matière. En matière de prix de transfert, les contribuables français disposent de différents instruments leur permettant de prévenir et régler les différends internationaux et, ce faisant, d’éviter ou mettre fin aux doubles impositions qu’ils peuvent rencontrer.
Les instruments sont à la fois issus du droit interne et du droit international. Les instruments de droit interne sont des dispositifs qui s’appliquent indistinctement à tous types de différends entre le contribuable et l’administration fiscale et qui permettent de clore de manière définitive les différends. Il s’agit des procédures gracieuses, soit la transaction et le règlement d’ensemble, ou de l’ultime recours devant le Comité du contentieux douanier et des changes. En parallèle, depuis la loi ESSOC de 2018, lorsqu’ils découvrent avec retard une erreur commise, les contribuables peuvent également prévenir les différends qui pourraient en résulter en engageant une procédure de régularisation devant le SMEC.
Les instruments de droit international reposent principalement sur les conventions fiscales signées par la France, telles que complétées par l’Instrument multilatéral, ou encore au niveau européen la Convention européenne d’arbitrage ainsi que plus récemment la Directive européenne de 2017. Un nouveau dispositif international élaboré par l’OCDE et auquel la France a adhéré en 2019 complète l’ensemble en contribuant désormais à prévenir les différends fiscaux internationaux à l’aide de garanties accordées par plusieurs administrations fiscales sur des sujets présentant des risques fiscaux faibles.
Chapitre 1 - Les méthodes de droit interne destinées à éviter et régler les différends en matière de prix de transfert
Lorsqu’un différend se noue ou lorsque le contribuable identifie qu’un différend pourrait se nouer avec l’administration fiscale concernant la mise en œuvre de ses prix de transfert, des voies de droit interne dédiées lui sont offertes pour éviter et régler ce différend en dehors du contentieux avec l’administration fiscale. Il s’agit des procédures gracieuses (n° 1013860 et s.), au travers de la transaction (n° 1013870 et s.) et du règlement d’ensemble (n° 1013960), ainsi que la mise en conformité (n° 1013970 et s.). Le comité du contentieux fiscal, douanier et des changes est un acteur administratif à prendre en compte dans le cadre de ce type de procédures (n° 1014040).
Cette partie ne couvre pas les méthodes de prévention des différends en matière de prix de transfert (rescrit et accord préalable en matière de prix de transfert unilatéral). Pour plus de précisions sur ces sujets, V. J. Monsenego, Prévention des différends, n° 1013240 et s.
Section 1 - Les procédures gracieuses
Les procédures gracieuses qui peuvent être mises en œuvre dans le cadre des prix de transfert sont la transaction et le règlement d’ensemble. Ces deux procédures sont sollicitées par les contribuables auprès de l’administration fiscale en général à la suite d’un contrôle fiscal afin de mettre fin à un différend qui les oppose.
Sous-section 1 - La transaction
I. Domaine d’application
Au regard de l’article 2044 du Code civil, la transaction est le contrat par lequel « les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître ».
L’article L. 247 du Livre des procédures fiscale (LPF) prévoit que par voie de transaction, l'administration peut accorder, sur demande du contribuable, une atténuation d'amendes fiscales ou de majorations d'impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant les impositions auxquelles elles s'ajoutent, ne sont pas définitives.
À la différence des remises et modérations, la transaction ne peut pas porter sur le principal de l'impôt. De plus, les impositions en jeu et les pénalités applicables ne doivent pas être définitives. L'accord peut ainsi conduire à une atténuation de pénalité, mais ne peut pas conduire à une réduction de l'impôt dû.
L'atténuation tient compte des caractéristiques particulières du comportement du contribuable, conformément au principe d'individualisation des peines. Les accords conclus par les contribuables et approuvés par l'administration dans ce cadre sont définitifs, tant en termes de droits que de pénalités, et excluent – pour les deux parties – toute ouverture ou reprise de procédures contentieusesi.
Certaines circonstances interdisent à l’administration de transiger :
- lorsque le contribuable met en œuvre des manœuvres dilatoires visant à nuire au bon déroulement du contrôlei ; et
- après mise en mouvement d'une action judiciairei.
Conformément aux termes de l’article L. 249 du LPF, en matière de contributions indirectes, lorsque l’action judiciaire a été mise en mouvement, une transaction ne peut être conclue qu'avec l'accord et sous le contrôle de l'autorité judiciaire.
II. La procédure
A. Demande du contribuable
Une demande de transaction doit être présentée par le contribuable. Ce dernier doit adresser sa demande au service territorial de la direction générale des finances publiques (DGFiP) ou de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) dont dépend le lieu de l'imposition. La procédure de transaction est régie par l’article R. 247-1 et suivants du LPF.
L'administration n'est pas tenue de faire droit à une demande de transaction. Le délai au terme duquel le silence gardé par l'autorité administrative vaut décision de rejet est fixé à 4 mois.
B. Proposition de transaction
Si la demande est acceptée, les conditions de la transaction sont arrêtées par le service compétent, puis notifiées au redevable.
En pratique
En pratique, cette proposition mentionne :
- le montant de l'impôt ;
- celui des pénalités encourues ; et
- celui des pénalités qui seront réclamées au contribuable s'il accepte la proposition.
Le montant de l'atténuation de pénalités accordée est égal à la différence entre ces deux dernières sommes. En contrepartie, le contribuable doit s'engager à acquitter, en sus des droits, le montant de pénalités laissé à sa charge et à renoncer à toute procédure contentieusei.
L'offre de transaction est un acte préparatoire qui ne peut pas être contesté devant le juge au moyen d’un recours pour excès de pouvoiri.
C. Acceptation ou refus du contribuable
Selon la doctrine administrativei, le redevable dispose d'un délai de 30 jours à compter de la réception de l’offre de transaction pour faire connaître son acceptation ou son refus.
Le défaut de réponse dans le délai de 30 jours n'emporte pas de conséquences définitives. Le contribuable pourra encore signer la transaction sur la base de la proposition initiale. L'accord ne devient contraignant qu'à la réception de l'acceptation écrite du contribuable.
En cas de refus, la demande de transaction est rejetée et la procédure reprend son cours normal. En cas de contentieux ultérieur, le tribunal compétent fixera le taux des majorations ou pénalités en même temps que la base de l'impôt.
La transaction est conclue et doit être considérée comme automatiquement approuvée dès lors qu'elle est acceptée, sans réserve, par le contribuable, quelle que soit l'autorité compétente pour statuer.
En contrepartie, le contribuable renonce à tout droit à toute action en justice – existante ou à engager – relative aux pénalités ou droits ; il s'engage à verser au Trésor public, à titre de pénalité, outre les droits et frais éventuels, une somme inférieure aux pénalités initialement appliquées.
III. Effets de la transaction
Selon la doctrine administrativei, la transaction devient définitive lorsque :
- elle a été approuvée par le service compétent ; et
- les obligations qu'elle prévoit ont été accomplies.
En règle générale, l'administration s'engage à accorder une réduction de pénalités et le contribuable à régler avant une certaine date les sommes laissées à sa charge. À défaut d'exécution, la transaction est déclarée caduque.
Le caractère définitif de la transaction s'attache aussi bien aux droits en principal qu'aux pénalités. Après exécution de la transaction par le redevable, l'administration fiscale ne peut pas réclamer à l'intéressé des sommes supérieures à celles portées dans la transaction, même si cette dernière est entachée d'erreur.
Aucune procédure contentieuse visant à remettre en cause les pénalités qui ont fait l'objet de la transaction ne peut plus être engagée ou reprise. Le contribuable ne peut donc plus adresser de réclamation contentieuse ni introduire ou reprendre une instance devant les tribunaux. Les réclamations ou instances en cours doivent donc être considérées comme devenues sans objet.
Conformément aux termes de l’article L. 228 du LPF, l'administration est tenue de dénoncer au procureur de la République les faits qu'elle a examinés dans le cadre d’un contrôle qui ont conduit à l'application de certaines pénalités importantes dans le cadre d’un rehaussement des droits dont le montant est supérieur à 100 000 € (transmission automatique). L’application des pénalités s’apprécie par principe au stade de la mise en recouvrement. Lorsque le contribuable conclut une transaction, l'application des pénalités s'apprécie au stade des dernières conséquences financières portées à la connaissance du contribuable avant conclusion de la transaction. Dans ces conditions, la conclusion d’une transaction ne protège pas de la transmission du dossier au procureur de la République.
Sous-section 2 - Le règlement d'ensemble
En pratique, le règlement d’ensemble est une mesure sui generis employée pour régler des questions fiscales complexes.
En pratique
Il est particulièrement approprié lorsqu'il est difficile d'établir le montant de la nouvelle imposition avec une précision suffisante, ou lorsqu'il existe une insécurité juridique sur le sujet en question.
Le règlement d’ensemble peut avoir lieu à partir de la réponse aux observations du contribuable jusqu'à l'interlocution départementale, et si possible avant l’émission de l'avis de mise en recouvrement. Généralement, le règlement d’ensemble est atteint au stade de l'interlocuteur départemental. Ce faisant, il prévoit le règlement définitif du dossier concernant les droits et pénalités applicables.
Le règlement d’ensemble peut également prévoir la clôture définitive du dossier, y compris concernant une éventuelle procédure amiable (PA ou MAP). Cela signifie qu'in fine,le contribuable pourrait supporter une double imposition à hauteur du montant des impôts supplémentaires acquittés en application du règlement d’ensemble, si un impôt a déjà été acquitté à l’étranger sur ces mêmes revenus. Le règlement d’ensemble demeure néanmoins une mesure sécurisante pour les entreprises et qui présente dès lors un intérêt pour les entreprises afin de régler des sujets de fiscalité internationale complexe, et notamment de prix de transfert.
Eu égard à l’enjeu de dénonciation des faits au procureur de la République dans le cadre de l’article L 228 du LPF, lorsqu’un règlement est conclu, le règlement d’ensemble n’étant pas une transaction, ce règlement entre dans le champ de la disposition selon laquelle l’application des pénalités s’apprécie par principe au stade de la mise en recouvrement. Aussi, dès lors que le règlement d’ensemble prévoit des pénalités d’un niveau inférieur à celui donnant lieu à transmission au procureur de la République, le dossier ne doit pas donner lieu à transmission automatique à ce dernier.
BOI-CTX-GCX-10-40-40, 12 sept. 2012, § 200.
LPF, art. L. 247, al. 9.
LPF, art. L. 248.
BOI-CTX-GCX-10-40-40, 12 sept. 2012, § 200 et s.
CE, 8e et 3e, 4 mars 2009, n° 295288, Sté Réseaux publics et Services (RPS) [Dr. fisc. 2009, n° 27, comm. 400 ; RJF 5/2009, n° 489].
BOI-CTX-GCX-10-40-40, 12 sept. 2012, § 80 et s.
BOI-CTX-GCX-10-40-40, 12 sept. 2012, § 170 et s.