Décision de la Commission des sanctions du 13 novembre 2008 à l'égard des sociétés AVENDIS CAPITAL SA, ACCENT TONIQUE BV et ACCENT GRAVE BV

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Sur la décision

Référence :
AMF, 13 nov. 2008, n° SAN-2009-15
Numéro : SAN-2009-15
Identifiant AMF : SAN-2009-15

Sur les parties

Texte intégral

1.

Commission

des sanctions

DECISION DE LA COMMISSION DES SANCTIONS A L’EGARD DES SOCIETES AVENDIS CAPITAL SA, ACCENT TONIQUE BV ET ACCENT GRAVE BV

La 2ème section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF),

Vu le Code monétaire et financier, notamment son article L. 621-15, ainsi que ses articles R. 621-5 à R. 621-7 et R. 621-38 à R. 621-40 ;

Vu le décret n° 2008-893 du 2 septembre 2008 relatif à la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers ;

Vu le Règlement général de l’AMF, notamment ses articles 560-1 et 560-2 dans leur rédaction en vigueur à l’époque des faits, dont les dispositions sont aujourd’hui reprises aux articles 570-1 et 570-2 ;

Vu les notifications de griefs en date du 27 septembre 2007 adressées aux sociétés AVENDIS CAPITAL S.A. (ci-après « AVENDIS CAPITAL »), ACCENT TONIQUE B.V. (ci-après « ACCENT TONIQUE ») et ACCENT GRAVE B.V. (ci-après « ACCENT GRAVE ») ;

Vu

la décision du 15 octobre 2007 du Président de la Commission des sanctions désignant

M. Jean-Jacques SURZUR, Membre de la Commission des sanctions, en qualité de Rapporteur ;

Vu les observations écrites communes présentées par Maître Arnaud GUERIN pour le compte des sociétés ACCENT TONIQUE et ACCENT GRAVE, reçues à l’AMF le 30 janvier 2008 ;

Vu le rapport de M. Jean-Jacques SURZUR en date du 30 septembre 2008 ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception portant convocation à la séance de la Commission des sanctions du 13 novembre 2008, auxquelles était annexé le rapport signé du Rapporteur, adressées aux sociétés AVENDIS CAPITAL, ACCENT TONIQUE et ACCENT GRAVE le 30 septembre 2008 ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 2 octobre 2008 informant les sociétés mises en cause, en application de l’article 2 du décret susvisé du 2 septembre 2008, de ce qu’elles

17 place de la Bourse – 75082 Paris cedex 2 – tél. 01 53 45 60 00 – fax 01 53 45 63 20 www.amf-france.org

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disposaient de la faculté de demander la récusation du Rapporteur dans un délai d’un mois et dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du Code monétaire et financier ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 13 octobre 2008 informant les sociétés mises en cause de la composition de la Commission des sanctions lors de la séance et de leur faculté de demander la récusation de l’un des Membres de ladite Commission, en application des articles R. 621-39-2, R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du Code monétaire et financier ;

Vu la lettre reçue à l’AMF le 27 octobre 2008 par laquelle l’Office des faillites du canton de Genève fait savoir à l’AMF que la société AVENDIS CAPITAL a été déclarée en faillite par un jugement du tribunal de première instance de Genève du 22 janvier 2008 et que, ce jugement n’ayant pas reçu l’exequatur, l’Office ne pourra être présent à la séance du 13 novembre 2008 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu au cours de la séance du 13 novembre 2008 :

— M. Jean-Jacques SURZUR en son rapport ;

— Mme Gabrielle d’ARAILH, Commissaire du Gouvernement, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;

— M. Jean-Philippe PONS-HENRY, représentant le Collège de l’AMF ;

— M. Ernst BODDE, Directeur des sociétés ACCENT GRAVE NV et ACCENT TONIQUE BV qu’il représente ;

- Maîtres Arnaud GUERIN et Cécile SCHNECKENBURGER, conseils des sociétés ACCENT GRAVE BV et ACCENT TONIQUE BV ;

M. Ernst BODDE ayant pris la parole en dernier.

I – FAITS ET PROCEDURE

A – Les faits

La société ST DUPONT est spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de produits de luxe : briquets et stylos pour un peu moins de la moitié de son chiffre d’affaires consolidé au 31 mars 2007, maroquinerie et autres pour 45 % et vente de licences pour le solde. Elle a été acquise en 1987 par M. Dickson POON et introduite sur le Second Marché de la bourse de Paris en 1996. La société est désormais cotée sur l’Eurolist, compartiment C, d’Euronext Paris ; le groupe ST DUPONT demeure contrôlé par M. Dickson POON, au travers d’une holding de participations nommée « D and D International B.V. » à hauteur de 68,8 % des actions, le solde étant détenu par le public.

La société a connu de grandes difficultés financières pendant les exercices clos en 2003, 2004 et 2005, ses pertes cumulées ayant atteint 16,6 M€ au 31 mars 2005. Le 25 octobre 2005, elle a demandé la suspension de la cotation de son titre, qui s’est prolongée jusqu’au 8 mars 2006. Elle a annoncé au marché, le 24 novembre suivant, le principe d’une recapitalisation à hauteur de 42 M€, dont les modalités ont été précisées le 29 février 2006 dans un communiqué puis dans la note d’opération visée par l’AMF le 30 mai 2006. Elles comportaient notamment une réduction du capital portant sur les 6.226.724 actions le composant alors, par diminution de 1,60 € à 0,05 € de la valeur nominale du titre, suivie d’un appel au marché ; était poursuivie l’émission, au prix unitaire de 0,10 €, de 68 actions nouvelles pour une action ancienne (soit 423.417.232 actions), avec maintien du droit préférentiel de souscription. Cette augmentation de capital, garantie par l’actionnaire majoritaire à hauteur de 41,8 M€, s’est déroulée du 6 au 16 juin 2006. Le 29 juin 2006, ce sont

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finalement 418.000.000 actions nouvelles qui ont été émises, l’actionnaire majoritaire de ST DUPONT ayant, à cette occasion, porté de 55,5 % à 68,8 % sa part dans le capital de cette société.

L’annonce par la société ST DUPONT de la nécessité de réaliser cette augmentation de capital afin d’éviter de déposer son bilan a conduit le Secrétaire général de l’AMF à ouvrir le 16 mars 2006 une enquête sur l’information financière et le marché du titre ST DUPONT. Le rapport d’enquête a été établi le 16 juillet 2007 par la Direction des Enquêtes et de la Surveillance des Marchés de l’AMF (« DESM »), à laquelle a été associé un collaborateur habilité du Service du Contrôle des Prestataires et des Infrastructures de Marché (« CPIM »). Ce rapport a été examiné, lors de sa séance du 11 septembre 2007, par la Commission spécialisée n° 1 du Collège de l’AMF, constituée en application de l’article L. 621-2 du Code monétaire et financier, qui a décidé de notifier des griefs.

B – La procédure

Par lettres recommandées avec demandes d’avis de réception en date du 27 septembre 2007, le Président de l’AMF a notifié les griefs qui leur étaient reprochés aux sociétés suivantes, en les informant, d’une part, de la transmission des lettres de notification au Président de la Commission des sanctions pour attribution et désignation d’un Rapporteur, d’autre part, du délai d’un mois dont elles disposaient pour présenter des observations écrites en réponse, ainsi que de la possibilité de se faire assister de toute personne de leur choix et de prendre connaissance des pièces du dossier dans les locaux de l’AMF:

ƒ la société AVENDIS CAPITAL S.A. (ci-après « AVENDIS CAPITAL »), représentée par son chairman, M. Yannis BILQUEZ ; ƒ la société ACCENT TONIQUE B.V. (ci-après « ACCENT TONIQUE »), représentée par son Directeur, M. Rudolf E. BODDE ; ƒ la société ACCENT GRAVE B.V. (ci-après « ACCENT GRAVE »), représentée par son Directeur, M. Rudolf E. BODDE,

Les notifications de griefs adressées à ces trois sociétés rappellent que la date de dénouement, par Règlement des capitaux et livraison des titres, des transactions portant sur des titres de capital négociés sur Euronext et dont le Règlement est stipulé au comptant a lieu « trois jours de négociation après la date d’exécution des ordres » et ajoutent que « celui qui est engagé à livrer commet un manquement s’il poursuit ses ventes à découvert tout en sachant ne pas être en mesure de livrer les titres dans le délai réglementaire ». Elles ajoutent que les opérations reprochées aux sociétés mises en cause sont susceptibles d’avoir contrevenu aux dispositions des articles 560-1 et 560-2 du Règlement général de l’AMF dans leur rédaction en vigueur à l’époque des faits, et de donner lieu à une sanction sur le fondement de l’article L. 621-15 du Code monétaire et financier.

1. En ce qui concerne la société AVENDIS CAPITAL :

La notification de griefs relève que :

— en premier lieu, du 14 au 26 juin 2006, cette société « a effectué de très nombreuses ventes à découvert d’actions ST DUPONT en sachant qu’elle ne serait pas en mesure de livrer les titres correspondants trois jours ouvrables après la date de transaction », ces ventes ayant été réalisées dans le cadre d’un arbitrage entre l’action ST DUPONT et ses dérivés, « et notamment le droit préférentiel de souscription afférent à l’action ST DUPONT dans le cadre de l’augmentation de capital concomitante » ;

— en deuxième lieu, l’incapacité d’AVENDIS CAPITAL à emprunter tous les titres nécessaires à la livraison dans les trois jours à compter de l’exécution de ces ventes « résultait mécaniquement du fait que [la société] avait vendu entre le 14 et le 26 juin 2006 un nombre d’actions représentant près de 105 % du flottant de ST DUPONT » ;

— en troisième lieu, le risque de défaut de livraison des titres ST DUPONT était connu d’AVENDIS CAPITAL six jours au moins avant que cette dernière ne cesse de vendre à découvert, le responsable des opérations pour compte propre ayant indiqué que ses banques dépositaires avaient communiqué le 20 juin 2006 à la société « des rapports d’état de position et d’état de risque indiquant notamment nos défauts de livraison », de sorte que

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c’est « à cette date que la problématique du défaut de livraison des titres ST DUPONT apparaît pour la première fois » ;

— en quatrième lieu, les investigations ont mis en évidence que la société a choisi de commencer ses ventes à une date permettant d’éviter le déclenchement par la Chambre de compensation LCH. CLEARNET de la procédure de dénouement forcé des transactions encore en suspens dix jours de négociation après leur exécution, puisqu’elle savait qu’elle disposerait, le 29 juin 2006, des actions nouvelles ST DUPONT obtenues par l’exercice des droits de souscription acquis dans le cadre de l’arbitrage auquel elle avait procédé.

Selon la notification de griefs, si la société AVENDIS CAPITAL avait respecté le délai de livraison de trois jours, ce qui l’aurait conduite à reporter la vente à découvert des titres ST DUPONT au 26 juin 2006, soit trois jours de bourse avant le 29 juin 2006, elle aurait obtenu un cours de vente moyen inférieur à celui dont elle a réellement bénéficié.

2. En ce qui concerne les sociétés ACCENT TONIQUE et ACCENT GRAVE :

Les notifications de griefs qui leur ont été adressées, rédigées dans des termes identiques, sous réserve des indications quantitatives relatives au nombre de titres vendus à découvert, relèvent que :

— du 20 au 26 juin 2006, ces sociétés – qui appartiennent toutes les deux au groupe ACCENT CIRCONFLEXE B.V. – ont « effectué de très importantes ventes à découvert d’actions ST DUPONT en sachant qu’elle[s] ne serai[ent] pas en mesure de livrer les titres correspondants trois jours ouvrables après la date de la transaction », ces ventes ayant été réalisées dans le cadre d’un arbitrage identique à celui auquel s’est livrée la société AVENDIS CAPITAL ;

— leur incapacité à emprunter tous les titres nécessaires pour respecter le délai de livraison de trois jours « résultait mécaniquement du fait que (…) les opérations à découvert des deux sociétés ont porté au total sur environ 2.415.455 titres, soit de l’ordre de 88 % du flottant de la société ST DUPONT » ;

— certaines de pouvoir exercer leurs droits préférentiels de souscription le 29 juin 2006, les sociétés ACCENT TONIQUE et ACCENT GRAVE ont « massivement vendu à découvert dès le 20 juin 2006 en sachant qu’elle[s] ne livrerai[en]t pas les actions ST DUPONT avant le 29 juin », comme cela ressortirait des déclarations de leur Directeur commun et des deux opérateurs de marché concernés ;

— le calendrier choisi pour ces interventions a permis à ces sociétés d’éviter le déclenchement par la Chambre de compensation LCH. CLEARNET de la procédure de dénouement forcé et de bénéficier d’un cours de vente plus avantageux.

En application de l’article R. 621-38 du Code monétaire et financier, par lettre du 27 septembre 2007, copie des notifications de griefs a été transmise par le Président de l’AMF au Président de la Commission des sanctions qui a désigné, le 21 juin 2006, M. Jean-Jacques SURZUR en qualité de Rapporteur. Celui-ci en a avisé les sociétés AVENDIS CAPITAL, ACCENT TONIQUE et ACCENT GRAVE par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 23 octobre 2007, en leur rappelant la possibilité d’être chacune entendue, à sa demande, dans les locaux de l’AMF, en application du I de l’article R. 621-39 du Code monétaire et financier.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 13 novembre 2007, le Président de l’AMF a fait parvenir aux sociétés ACCENT TONIQUE et ACCENT GRAVE la traduction en néerlandais des notifications de griefs qui leur ont été adressées le 27 septembre 2007, en leur précisant que seule la version française de ces notifications faisait foi. Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 17 décembre 2007, le Rapporteur a informé l’avocat commun de ces deux sociétés de ce que le délai qui leur avait été imparti pour présenter leurs observations était prolongé jusqu’au 30 janvier 2008.

Des observations écrites communes ont été présentées pour les sociétés ACCENT TONIQUE et

ACCENT GRAVE et ont été reçues à l’AMF le 30 janvier 2008. Pour la société AVENDIS CAPITAL, il n’a, en

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revanche, pas été produit d’observations écrites en réponse à la notification de griefs. Aucune des trois sociétés, informées de leur droit de demander leur audition, n’a formulé une telle demande.

La société AVENDIS CAPITAL, prise en la personne de M. Yannis BILQUEZ, son chairman, et les sociétés ACCENT TONIQUE et ACCENT GRAVE, prises en la personne de M. Rudolf E. BODDE, leur Directeur commun, ont été convoquées à la séance du 13 novembre 2008 par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 30 septembre 2008, auxquelles était joint le rapport du Rapporteur.

Il n’a pas été présenté d’observations écrites en réponse au rapport du Rapporteur.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 2 octobre 2008, la secrétaire de la Commission des sanctions a informé les sociétés mises en cause, en application de l’article 2 du décret susvisé du 2 septembre 2008, de ce qu’elles disposaient de la faculté de demander la récusation du Rapporteur dans un délai d’un mois et dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du Code monétaire et financier. Par lettres recommandées avec demandes d’avis de réception en date du 13 octobre 2008, la secrétaire de la Commission des sanctions a ensuite informé les sociétés mises en cause de la composition de la Commission des sanctions lors de la séance, et leur a précisé qu’elles disposaient de la faculté de demander la récusation de l’un des Membres de ladite Commission, en application des articles R. 621-39-2, R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du Code monétaire et financier.

Par lettre reçue à l’AMF le 27 octobre 2008, l’Office des faillites du canton de Genève a fait savoir que la société AVENDIS CAPITAL avait été déclarée en faillite par un jugement du tribunal de première instance de Genève du 22 janvier 2008 mais que, ce jugement n’ayant pas reçu l’exequatur, il ne pourrait être présent à la séance du 13 novembre 2008.

II – MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que la société AVENDIS CAPITAL n’a pas produit d’observations en réponse à la notification de grief qui lui a été adressée ;

Considérant que, pour leur défense commune, les sociétés ACCENT TONIQUE et ACCENT GRAVE font valoir dans leurs observations écrites que :

ƒ à titre liminaire, « l’ampleur de l’augmentation de capital, conduisant à multiplier par 68 le nombre de titres ST DUPONT, était tout à fait inédite, compliquant la compréhension du marché de cette valeur » ; en outre, en raison de la garantie qui avait été apportée à la réalisation de l’augmentation de capital à hauteur de 41,8 M€, « il n’y avait (…), pour le marché, aucun doute sur le fait que l’augmentation de capital irait jusqu’au bout et que, in fine, en juin 2006, le marché du titre ST DUPONT représenterait au total 424 millions d’actions environ » ; ƒ il suit de là que, « dès lors que les ventes litigieuses ont pour objet des actions acquises dans le cadre de l’augmentation de capital (…), la proportion de titres en cause doit être appréciée sur la base du capital social de ST DUPONT et de son flottant postérieurement à cette augmentation de capital dont la réalisation était certaine » ; ƒ les actions dont les sociétés mises en cause avaient à assurer la livraison existaient depuis le 16 juin 2006, date à laquelle il était certain que serait bien menée à son terme l’émission à laquelle elles avaient souscrit, de sorte qu’elles ont légitimement pu en disposer dès cette date ; ƒ peu importe, à cet égard, « que la cotation de ces actions n’intervienne que le 29 juin 2006 » ; ƒ « les interventions d’ACCENT GRAVE et d’ACCENT TONIQUE sur le titre ST DUPONT n’ont à aucun moment porté atteinte au bon fonctionnement du marché et/ou à la protection due aux investisseurs » ; ƒ il « appartenait à FORTIS BANK GLOBAL CLEARING, en tant que « prime broker », de garantir le respect des règles de Règlement-livraison », le délai de livraison ne s’imposant qu’aux seuls adhérents compensateurs de LCH. CLEARNET ; ƒ à titre subsidiaire, le prononcé d’une très éventuelle sanction devrait respecter le principe de proportionnalité ;

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A – En ce qui concerne le manquement relatif au délai de livraison

1 – Sur la caractérisation du manquement relatif au délai de livraison :

Considérant que l’article 560-1 du Règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits, disposait : « L’acheteur et le vendeur sont, dès l’exécution de l’ordre, définitivement engagés, le premier à payer, le second à livrer les instruments financiers, à la date mentionnée à l’article 560-2 » ; qu’aux termes du second alinéa de l’article 560-2, cette « date de dénouement des négociations et simultanément d’inscription en compte intervient au terme d’un délai de trois jours de négociation après la date d’exécution des ordres » ; que les dispositions de ces deux articles sont aujourd’hui reprises, dans une rédaction identique, par les articles 570-1 et 570-2 du même Règlement général ;

Considérant que la fixation, à partir de la date de transaction, d’un délai pour la livraison des instruments financiers vendus – qui est de trois jours en l’état des textes actuels et de ceux applicables à l’espèce – a été édictée sur proposition du Régulateur et dans l’intérêt du marché, pour en préserver la fluidité et prévenir les suspens ; que si, en raison des aléas susceptibles de déjouer les prévisions a priori réalisables du donneur d’ordres, un dépassement du délai de livraison peut exceptionnellement ne pas être constitutif d’un manquement passible de sanction, il en va autrement dans le cas où celui-ci a pris des positions vendeuses sans disposer de l’assurance raisonnable de pouvoir, notamment par le recours à des emprunts de titres, procéder en temps voulu à la livraison des instruments financiers correspondants ;

2. – Sur l’application à l’espèce :

2.1. – En ce qui concerne AVENDIS CAPITAL :

Considérant que la société – qui n’a produit d’observations en réponse ni à la notification de griefs ni au rapport – a fait valoir au cours de l’enquête qu’elle n’était pas parvenue à emprunter des titres ST DUPONT bien qu’elle ait formulé « des demandes auprès de ses contreparties » ; que, cependant, il ressort de l’instruction qu’il est apparu assez rapidement que les titres dont l’emprunt était sollicité ne pourraient être obtenus ; qu’AVENDIS CAPITAL n’en a pas moins poursuivi massivement ses ventes, au point que celles-ci ont dépassé 100 % du flottant de la société ST DUPONT ; que la mise en cause a donc bien eu conscience qu’elle ne pourrait pas livrer l’ensemble des titres vendus, faute de pouvoir en emprunter un nombre équivalent dans le délai requis ;

2.2. – En ce qui concerne ACCENT TONIQUE et ACCENT GRAVE :

Considérant que la livraison à temps des titres vendus ne peut porter que sur des instruments financiers déjà cotés à la date de dénouement théorique des opérations de vente, qui sont les seuls susceptibles d’être effectivement livrés ; que les sociétés mises en cause ne sauraient soutenir que des instruments financiers à naître, et par voie de conséquence encore étrangers au marché, peuvent être considérés par avance comme livrables avec certitude, alors que le respect du délai de livraison qui leur incombe ne vaut que pour des titres réellement livrables, et non pour ceux non encore créés, qui n’auront vocation à être admis à la cotation qu’après l’expiration de ce délai ; qu’il leur suffisait de se reporter à la notice d’Euronext du 1er juin 2006 pour y lire que le Règlement-livraison et la cotation des actions nouvelles n’interviendraient que le 29 juin 2006 ;

Considérant que le défaut de respect du délai de livraison est, en l’espèce, d’autant plus avéré qu’aucune tentative d’emprunt de titres n’a été alléguée et que les ventes à découvert ont été accrues alors même que les délais de livraison des premières ventes étaient déjà dépassés ; que les cessions ainsi réalisées du 20 au 23 juin 2006 par les sociétés ACCENT TONIQUE et ACCENT GRAVE, qui représentaient globalement plus de 80 % du flottant du titre ST DUPONT, atteignent une ampleur qui doit, pour chacune, être appréciée au regard des ventes à découvert effectuées non seulement par elle-même, mais aussi par l’autre société, dont elle avait une connaissance étroite, sinon directe ; que la position vendeuse globale a atteint 2 050 000 titres ; qu’elle était susceptible de porter atteinte au fonctionnement du marché, les acquéreurs se trouvant placés dans l’impossibilité de revendre des actions qui ne leur seraient pas livrées ; que le manquement est donc caractérisé, sans que les mises en cause puissent invoquer la responsabilité de leur « prime broker » pour tenter de s’exonérer partiellement ou totalement de leur propre responsabilité ; qu’il leur appartenait en effet, d’une part, de s’assurer de la capacité – plus qu’hypothétique en l’espèce – de leur intermédiaire à emprunter la totalité des

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titres, d’autre part, d’assurer un suivi de ces emprunts, ce qui n’a évidemment pas été fait, aucun titre n’ayant été emprunté ; que, contrairement à ce qu’elles soutiennent, leur relevé de compte au 16 juin 2006 (cote 0000293) ne faisait état que de transactions non dénouées (« unsettled ») ; qu’elles ne pouvaient donc pas ignorer qu’elles ne pourraient pas livrer en temps utile les actions vendues à découvert ;

2.3. En ce qui concerne les trois sociétés mises en cause :

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le manquement relatif aux délais de livraison est constitué à l’encontre des trois sociétés mises en cause, les quantités de titres vendus à découvert ayant excédé celles qui auraient raisonnablement pu être couvertes par l’emprunt de titres existants, emprunt dont les sociétés ACCENT TONIQUE et ACCENT GRAVE ne se sont pas préoccupées ;

B. En ce qui concerne les sanctions et la publication de la décision

-1- Considérant qu’aux termes du II de l’article L. 621-15 du Code monétaire et financier : « Le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements » ;

Considérant qu’en raison de son incidence sur la fluidité et l’intégrité du marché, doit être sanctionnée toute vente à découvert ayant entraîné un dépassement du délai de livraison, dès lors que la réalisation de ce risque était avérée ou raisonnablement prévisible ; qu’il y a toutefois lieu, pour déterminer les sanctions qui vont être prononcées, de tenir compte, d’une part, des circonstances de l’espèce, et notamment de la garantie qui avait été apportée que l’augmentation de capital de la société ST DUPONT à hauteur de 41,8 M€ et la création des actions correspondantes interviendraient effectivement, d’autre part, du fait qu’antérieurement à la décision de la Commission des sanctions intervenue le 4 septembre 2008, la portée exacte de la règle relative au délai de livraison n’avait pas été expressément précisée ;

Considérant que, par ailleurs, la mise en faillite d’AVENDIS CAPITAL ne paraît pas devoir faire obstacle au prononcé de sanctions contre cette société, qui conserve sa personnalité morale tant que les opérations de liquidation ne sont pas clôturées ;

Considérant qu’il convient, en conséquence, de prononcer des sanctions de 100 000€, 40 000€ et 10 000€ à l’encontre, respectivement, des sociétés AVENDIS CAPITAL, ACCENT TONIQUE et ACCENT GRAVE ;

-2- Considérant que le V de l’article L 621-15 du Code monétaire et financier dispose que « la commission des sanctions peut rendre publique sa décision dans les publications, journaux ou supports qu’elle désigne. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées » ; que le législateur a entendu, d’une part, mettre en lumière les exigences d’intérêt général relatives à la loyauté du marché, à la transparence des opérations et à la protection des épargnants qui fondent le pouvoir de sanction de la Commission, et prendre en compte l’intérêt qui s’attache, pour la sécurité juridique de l’ensemble des opérateurs, à ce que ceux-ci puissent, en ayant accès aux décisions rendues, mieux appréhender le contenu des règles qu’ils doivent observer, d’autre part, éviter qu’une telle mesure n’entraîne pour les mis en cause des conséquences par trop dommageables ; qu’en l’espèce, il y a lieu de prononcer la publication, celle-ci n’étant pas susceptible, compte tenu des observations qui précèdent (B-1), d’entraîner un préjudice disproportionné pour aucune des trois sociétés mises en cause ;

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PAR CES MOTIFS,

Et après en avoir délibéré sous la présidence de Mme Claude NOCQUET, par MM. Jean-Pierre MORIN et Antoine COURTAULT, Membres de la 2ème section de la Commission des sanctions, en présence de la secrétaire de séance,

DECIDE DE :

— prononcer une sanction pécuniaire de 100.000 € (cent mille euros) à l’encontre de la société AVENDIS CAPITAL ;

— prononcer une sanction pécuniaire de 40.000 € (quarante mille euros) à l’encontre de la société ACCENT TONIQUE ;

— prononcer une sanction pécuniaire de 10.000 € (dix mille euros) à l’encontre de la société

ACCENT GRAVE ;

— publier la présente décision au « Bulletin des annonces légales obligatoires », ainsi que sur le site Internet et dans la revue de l’Autorité des marchés financiers.

A Paris, le 13 novembre 2008

La secrétaire de séance

La Présidente

Brigitte LETELLIER Claude NOCQUET

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Décision de la Commission des sanctions du 13 novembre 2008 à l'égard des sociétés AVENDIS CAPITAL SA, ACCENT TONIQUE BV et ACCENT GRAVE BV