Décision de la Commission des sanctions du 19 décembre 2014 à l'égard des sociétés Financière du Vignoble et Vermots Finance, de Mme A et de M. B

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
AMF, 19 déc. 2014, n° SAN-2014-23
Numéro : SAN-2014-23
Identifiant AMF : SAN-2014-23

Sur les parties

Texte intégral

La Commission

des sanctions

DÉCISION DE LA COMMISSION DES SANCTIONS A L’ÉGARD DES SOCIETES FINANCIERE DU

VIGNOBLE ET VERMOTS FINANCE, DE MME A ET DE M. B

La 1ère section de l

a Com

mission de

s sanctio

ns de l’A

utorité des

marchés financiers (ci-après : « AMF »),

Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 621-2, L. 621-5, L. 621-14 et L. 621-15 ainsi

que les ar

ticles R. 6

21-38

à R

. 621-39-4 ;

Vu

le code de c

ommer

ce, et nota

mment

les articles

L. 2

33-7, L. 233-10 et L. 233-14 ;

Vu

le règlem

ent général de l

’AMF,

notamment

ses

art

icles 144-2-1 et 223-14 ;

Vu les notifications de griefs adressées le 6 mars 2014 par lettres recommandées avec demande d’avis de

réception aux sociétés Vermots Finance, Financière du Vignoble, M. B et Mme A ;

Vu la lettre du président de l’AMF du 6 mars 2014 transmettant au président de la Commission des

sanctions,

en applic

ation de

l'

article R. 621-38 d

u c

ode monétaire et financier, copie des notifications de griefs adr

es

sées

le 6

mar

s 2014 aux

sociét

és Verm

ots Finance, Financière du Vignoble, M. B et Mme A ;

Vu la décision du 20 mars 2014 du président de la Commission des sanctions désignant M. Bruno Gizard en

qualité de r

appor

teur ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 24 mars 2014 adressées aux mis en

c

ause les inform

ant de

la nom

ination du

r

app

ort

eur et de la possibilité d’être entendus à leur demande ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 27 mars 2014 adressées aux mis en

cause les informant de

la faculté de

dem

ander la r

écusa

tion du rapporteur ;

Vu la lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 3 avril 2014 par laquelle

Mes Labbé et Bernet, huissiers de justice, ont été saisis pour signifier, selon les modalités prévues par

les articles

555

et 563 du co

de de

procédur

e pénal

e, la notification de griefs et le rapport d’enquête à Mme A

;

Vu les obs

ervations

écrites en

r

épons

e

aux

notif

ications de griefs présentées le 17 juin 2014, par l’intermédi

aire

de

leur conseil, pour M. B, la société Financière du Vignoble et la société Vermots

Finance ;

Vu les lettres de

c

onvo

cation

à la séanc

e d

e la C

ommission des sanctions prévue le 19 décembre 2014,

adressées le 24 juin 2014 par lettres recommandées avec demande d’avis de réception aux mis en

cause ;

17 pl

ace de la Bour

se – 75082

Paris c

edex 2 – tél

. 01 53 45

60 0

0 -

fax 01 53 45 63 20 www.amf-france.org

—  2 -

Vu les lettres de convocation informant d’une nouvelle date de séance de la Commission des sanctions le vendredi 5 décembre 2014, adressées le 4 août 2014 par lettres recommandées avec demande d’avis de réception aux mis en cause ou à leur conseil ;

Vu la lettre du 7 août 2014 adressée par M. Bruno Gizard au Secrétaire général de l’AMF et les informations transmises en réponse le 14 août 2014 ;

Vu le rapport de M. Bruno Gizard en date du 28 octobre 2014 ;

Vu les lettres de convocation à la séance de la Commission des sanctions du 5 décembre 2014, auxquelles était joint le rapport du rapporteur, adressées par lettres recommandées avec demande d’avis de réception le 28 octobre 2014 et signifiées par Mes Labbé et Bernet, huissiers de justice, le 3 novembre 2014 ;

Vu les lettres informant les mis en cause de la composition de la Commission des sanctions et mentionnant la faculté qui leur était offerte de demander la récusation d’un ou plusieurs de ses membres adressées par lettres recommandées avec demande d’avis de réception le 28 octobre 2014 et signifiées par Mes Labbé et Bernet, huissiers de justice, le 3 novembre 2014 ;

Vu les observations présentées en réponse au rapport du rapporteur, adressées le 19 novembre 2014 par les mis en cause ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir constaté que :

Mme A et M. B n’étaient pas présents à la séance ;

Après avoir entendu au cours de la séance publique du 5 décembre 2014 :

— M. Bruno Gizard en son rapport ;

- Mme Maëlle Foerster, représentant le directeur général du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;

- Mme Christelle Le Calvez, représentant le Collège de l’AMF ;

- Me Christine Méjean, conseil de M. B, de Mme A et des sociétés Vermots Finance et Financière du Vignoble ;

Le conseil ayant eu la parole en dernier.

FAITS ET PROCEDURE

I. Faits

La société Prologue est une société de services informatiques qui intervient auprès de ses clients en tant qu’éditeur, intégrateur de systèmes et solutions et opérateur de systèmes d’information et de télécommunication. En 2011, le groupe était présent dans 3 pays : France, Espagne, Etats-Unis et comptait environ 230 collaborateurs avec un chiffre d’affaires de 22,4 millions d’euros et un résultat net de 2,12 millions d’euros. Le titre Prologue a été admis à la négociation sur le Nouveau Marché en 1998, puis sur Eurolist. Le titre étant peu liquide, sa cotation est réalisée de manière discontinue. La valeur Prologue est cotée sur le compartiment C d’Euronext et faisait l’objet d’un double fixing quotidien jusqu’au 30 avril 2012 avant d’être cotée en continu. Au 20 juin 2012, la capitalisation boursière de la société était de 369 millions d’euros.

Aux termes de la déclaration de franchissement de seuil et de la déclaration d’intention effectuées « à titre de régularisation » et publiées par l’AMF le 27 janvier 2012 à la suite des courriers reçus le 20 et le 26 janvier 2012, le « groupe familial X » composé de M. B, Mme A et des sociétés civiles Financière du Vignoble et Vermots

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Finance, contrôlées par la famille X, détenait 25,83% des titres et 21,33% des droits de vote au 30 mars 2011 et 27,40% des titres et 23,99% des droits de vote au 20 janvier 2012.

Aux termes du rapport d’enquête, au 29 février 2012, l’actionnariat de la société Prologue était réparti de la façon suivante :

- groupe familial X : 27,4% des actions et 17,29% des droits de vote ;

- groupe familial Seban : 14,71% des actions et 20% des droits de vote ;

- autres actionnaires : 57,89% des actions et 62,71% des droits de vote.

L’activité de la société Prologue est poursuivie dans le cadre d’un plan de continuation homologué le 7 novembre 2005 par le tribunal de commerce d’Evry en application des articles L. 626-1 et suivants du code de commerce. Ce plan de continuation prévoyait un rééchelonnement du passif sur une période de 10 ans. Il a été modifié et homologué le 5 décembre 2011 par le tribunal de commerce d’Evry.

II. Procédure

Le 31 juillet 2012, le Secrétaire général de l’AMF a ouvert une enquête sur l’information financière et le marché du titre Prologue, à compter du 1er janvier 2011.

Des lettres circonstanciées datées du 12 septembre 2013 ont notamment été adressées à Mme A, à M. B, à la société Vermots Finance et à la société Financière du Vignoble.

Lors de sa séance du 28 janvier 2014, la Commission spécialisée n° 2 de l’AMF, constituée en application de l’article L. 621-2 du code monétaire et financier, a examiné, conformément à l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, le rapport d’enquête du 14 janvier 2014 et a décidé de notifier à M. B, Mme A et aux sociétés civiles Financières du Vignoble et Vermots Finance, agissant de concert au sein du groupe familial X vis-à-vis de la société Prologue, des griefs tirés de l’absence de déclarations dans les délais requis des franchissements à la hausse des seuils de 15%, 20% et 25% du capital et des droits de vote de Prologue intervenus entre le 21 et le 30 mars 2011 et des objectifs que le groupe familial X avait l’intention de poursuivre au cours des six mois qui ont suivi le franchissement de ses seuils ;

Par la lettre du 6 mars 2014, le président de l’AMF a transmis au président de la Commission des sanctions, en application de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier, copie des notifications de griefs adressées le 6 mars 2014 aux sociétés Vermots Finance, Financière du Vignoble, M. B et Mme A.

Le président de la Commission des sanctions a désigné M. Bruno Gizard en qualité de rapporteur par une décision du 20 mars 2014, ce dont les mis en cause ont été avisés par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 24 mars 2014, leur rappelant la possibilité d’être entendus, à leur demande, en application de l’article R. 621-39 I du code monétaire et financier.

Par lettres recommandées, en date du 27 mars 2014, avec demande d’avis de réception, les mis en cause ont été informés qu’en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, ils disposaient d’un délai d’un mois à compter de la réception des lettres qui leur ont été adressées pour demander la récusation du rapporteur dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du code monétaire et financier.

Par lettre du 3 avril 2014, Mes Labbé et Bernet, huissiers de justice, ont été saisis par le secrétariat de la Commission des sanctions de l’AMF pour signifier, selon les modalités prévues par les articles 555 et 563 du code de procédure pénale, la notification de griefs et le rapport d’enquête à Mme A.

Par un courrier électronique du 30 avril 2014, Me Christine Méjean a indiqué à la Commission des sanctions que M. B et les sociétés Financière du Vignoble et Vermots Finance lui avaient confié la défense de leurs intérêts dans la procédure visée. Par un courrier du 19 mai 2014, Me Christine Méjean sollicitait une prorogation du délai de réponse aux notifications de griefs, prorogation qui lui a été accordée jusqu’au

19 juin 2014 par courrier du 20 mai 2014.

Des observations écrites ont été présentées le 17 juin 2014 par Me Christine Méjean pour le compte de M. B et des sociétés Financière du Vignoble et Vermots Finance.

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Par courrier du 7 août 2014, le rapporteur a demandé au Secrétaire général de l’AMF des informations supplémentaires qui lui ont été transmises le 14 août 2014.

Le rapport du Rapporteur a été établi le 28 octobre 2014.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 28 octobre 2014, auxquelles était joint le rapport du rapporteur, et par exploits de Mes Labbé et Bernet, huissiers de justice, du 3 novembre 2014, les mis en cause ont été convoqués à la séance de la Commission des sanctions et informés de la composition de la Commission ainsi que de la faculté qui leur était offerte de demander la récusation d’un ou plusieurs de ses membres.

Des observations ont été présentées en réponse au rapport du rapporteur, le 19 novembre 2014.

MOTIFS DE LA DECISION

I. SUR LES EXCEPTIONS TIREES DE L’IRREGULARITE DE LA PROCEDURE

Considérant qu’aux termes des observations en réponse au rapport du rapporteur déposées par M. B, le maintien au dossier d’enquête de la lettre circonstanciée établie le 12 septembre 2013 sans l’expurger des références aux pièces saisies et ce alors que le premier président de la cour d’appel de Dijon a, par ordonnances du 10 décembre 2013, annulé les ordonnances d’autorisation de visites domiciliaires et de saisie de documents effectuées au domicile de M. [ …] et au domicile de M. B conduirait à reconstituer l’essentiel des pièces à charge retenues par les enquêteurs issues de pièces dont la saisie avait été annulée et constituerait un procédé manifestement déloyal ; que selon les mis en cause, l’absence de transmission d’une lettre circonstanciée, expurgée des éléments de fait et de droit annulés à la suite des ordonnances du premier président de la cour d’appel de Dijon, adressée aux personnes concernées et à leurs conseils, comme cela aurait été le cas pour d’autres personnes finalement non destinataires d’une notification de griefs constituerait un procédé déloyal ayant nécessairement porté atteinte aux droits de la défense ; qu’en conséquence les mis en cause sollicitent l’annulation de la procédure administrative en raison d’un défaut de loyauté de l’enquête et d’une atteinte aux droits de la défense ;

Considérant qu’après avoir eu connaissance des ordonnances du premier président de la cour d’appel de Dijon précitées, la commission spécialisée du Collège a exercé une faculté qui lui est reconnue, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation de l’opportunité d’ouverture d’une procédure de sanction, en limitant sa notification de griefs à ceux qui n’avaient à aucun titre leur support dans les pièces saisies dans le cadre des opérations annulées, à savoir ceux tirés de l’absence, dans les délais requis, des déclarations d’intention et de franchissements de seuil ; que les notifications de griefs qui ouvrent la procédure de sanction et en délimitent les contours doivent énoncer les griefs retenus afin de permettre aux personnes mises en cause de faire valoir leur défense en présentant leurs observations ; qu’en l’espèce, il n’est nullement démontré en quoi la présence au dossier d’enquête de lettres circonstanciées adressées aux personnes concernées serait susceptible de constituer en elle-même un procédé déloyal compromettant irrémédiablement les droits de la défense ; qu’aucun texte légal ou règlementaire ne prévoit l’obligation d’adresser une nouvelle lettre circonstanciée, pas plus que sa communication au conseil des personnes concernées ; que les mis en cause ont été en mesure de présenter leurs observations en défense sur les griefs notifiés ; que le moyen tiré d’un défaut de loyauté de l’enquête et d’une atteinte aux droits de la défense, non fondé, sera écarté ;

—  5 -

II. SUR LE GRIEF TIRE DU DEFAUT DE DECLARATION DE FRANCHISSEMENT DE SEUIL ET D’INTENTION

Considérant qu’il est fait grief aux sociétés civiles Financière du Vignoble et Vermots Finance, à M. B et à Mme A, agissant de concert au sein du groupe familial X vis-à-vis de la société Prologue, d’avoir omis de déclarer, dans les délais requis, le franchissement de concert à la hausse des seuils de 15%, 20% et 25% du capital et des droits de vote de Prologue intervenus entre le 21 mars 2011 et le 30 mars 2011 ainsi que les objectifs que le groupe familial X avait l’intention de poursuivre au cours des six mois qui ont suivi le franchissement de ces seuils, en violation des dispositions des articles L. 233-7 et L. 233-10 du code de commerce et de l’article 223-14 du règlement général de l’AMF ;

Considérant qu’aux termes des notifications de griefs l’absence de déclaration « a eu pour effet (I) de laisser le marché dans l’ignorance, pendant une période de 10 mois, des achats de titres effectués par le groupe familial X et de la nouvelle répartition du capital et des droits de vote de la société Prologue qui s’en est suivie et (II) de dissimuler le désengagement du groupe familial X dans Prologue » ; Considérant que dans sa rédaction applicable en mars 2011, l’article L. 233-7 du code de commerce disposait : « I.- Lorsque les actions d’une société ayant son siège sur le territoire de la République sont admises aux négociations sur un marché réglementé d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou sur un marché d’instruments financiers admettant aux négociations des actions pouvant être inscrites en compte chez un intermédiaire mentionné à l’article L. 211-3 du code monétaire et financier, toute personne physique ou morale agissant seule ou de concert qui vient à posséder un nombre d’actions représentant plus du vingtième, du dixième, des trois vingtièmes, du cinquième, du quart, des trois dixièmes, du tiers, de la moitié, des deux tiers, des dix-huit vingtièmes ou des dix-neuf vingtièmes du capital ou des droits de vote informe la société dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat, à compter du franchissement du seuil de participation, du nombre total d’actions ou de droits de vote qu’elle possède. […] / II.- La personne tenue à l’information mentionnée au I informe également l’Autorité des marchés financiers, dans un délai et selon des modalités fixés par son règlement général, à compter du franchissement du seuil de participation, lorsque les actions de la société sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un marché d’instruments financiers autre qu’un marché réglementé, à la demande de la personne qui gère ce marché d’instruments financiers. […] / VII.- Lorsque les actions de la société sont admises aux négociations sur un marché réglementé, la personne tenue à l’information prévue au I est tenue de déclarer, à l’occasion des franchissements de seuil du dixième, des trois vingtièmes, du cinquième ou du quart du capital ou des droits de vote, les objectifs qu’elle a l’intention de poursuivre au cours des six mois à venir. »

Considérant que l’article L. 233-10 du même code dispose : « I.- Sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d’acquérir, de céder ou d’exercer des droits de vote, pour mettre en œuvre une politique commune vis-à-vis de la société ou pour obtenir le contrôle de cette société. / II.- Un tel accord est présumé exister : / 1° Entre une société, le président de son conseil d’administration et ses directeurs généraux ou les membres de son directoire ou ses gérants ; / 2° Entre une société et les sociétés qu’elle contrôle au sens de l’article L. 233-3 ; / 3° Entre des sociétés contrôlées par la même ou les mêmes personnes ; / 4° Entre les associés d’une société par actions simplifiée à l’égard des sociétés que celle-ci contrôle ; / 5° Entre le fiduciaire et le bénéficiaire d’un contrat de fiducie, si ce bénéficiaire est le constituant. / III.- Les personnes agissant de concert sont tenues solidairement aux obligations qui leur sont faites par les lois et règlements. » ;

Considérant qu’aux termes de l’article 223-14 du règlement général de l’AMF : « I.- Les personnes tenues à l’information mentionnée au I de l’article L. 233-7 du code de commerce déposent leur déclaration auprès de l’AMF, avant la clôture des négociations, au plus tard le quatrième jour de négociation suivant le franchissement du seuil de participation. » ;

Considérant que l’article L. 233-10 précité du code de commerce ne subordonne pas la qualification d’action de concert à l’existence d’un accord écrit ; qu’en l’absence de convention écrite, l’existence d’un concert peut être établie par un faisceau d’indices graves, précis et concordants ;

—  6 -

Considérant que le 1° de l’article L. 233-10 du code de commerce dispose qu’« un tel accord est présumé exister : 1° Entre une société, le président de son conseil d’administration et ses directeurs généraux ou les membres de son directoire ou ses gérants » ; qu’une action de concert est donc présumée exister entre, d’une part, la société Vermots Finance et M. B, d’autre part, entre la société Financière du Vignoble et ce dernier dès lors que les deux sociétés sont gérées par M. B ;

Considérant qu’au titre du 3°, un tel accord est également présumé exister « Entre des sociétés contrôlées par la même ou les mêmes personnes » ; que la décision de l’AMF n° 208C0241 du 4 février 2008 indique que M. B et Mme A ont déclaré contrôler les sociétés civiles Financière du Vignoble et Vermots Finance ; qu’il est donc possible de présumer l’existence d’une action de concert entre les sociétés Financière du Vignoble et Vermots Finance ;

Considérant que M. B et Mme A sont mariés sous le régime de la communauté légale ; que s’ils sont séparés depuis 2008, ils demeurent unis par un contrat de mariage duquel résulte un intérêt commun à la gestion commune de leurs droits de vote au sein de la société Prologue ; qu’en outre les membres du groupe familial entretiennent indiscutablement des liens capitalistiques dès lors que M. B et Mme A contrôlent les sociétés Vermots Finance et Financière du Vignoble ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’un accord est présumé exister entre M. B, Mme A et les sociétés Vermots Finance et Financière du Vignoble ;

Considérant que lors des déclarations publiques effectuées, les mis en cause se présentent comme un seul et même actionnaire désigné « groupe familial X» ; qu’il résulte du « formulaire de déclaration de franchissement(s) de seuil(s) et d’intention(s) » (cote D228) adressée à l’AMF le 20 janvier 2012 par le conseil des personnes mises en cause que la déclaration de franchissement de seuil était effectuée à titre de régularisation, que le franchissement était « de concert » et mentionnait l’identité de M. B, de A et les sociétés Financières du Vignoble et Vermots Finance toutes deux représentées par leur gérant, M. B ; qu’il était précisé que le « groupe familial X » comprenant « M. B, Mme A et les sociétés contrôlées par la famille X (SC Financière du Vignoble et Vermots Finance) » détenait 27,40% du capital et 23,99% des droits de vote et que « le financement des achats ayant conduit le groupe familial X à franchir en mars 2011, les seuils de 15%, 20% et 25% du capital et de 15% et 20% des droits de vote de la société Prologue a été réalisée par recours à des fonds propres » ; que la mention aux termes de laquelle « le groupe familial X n’a pris part à aucune action de concert, au sens de l’article L. 233-10 du code de commerce, vis-à-vis de la société Prologue » doit être lue comme excluant une action de concert plus large avec d’autres concertistes ;

Considérant qu’ainsi et à rebours de ce que prétendent les mis en cause dans leurs observations en réponse au rapport du rapporteur, la participation des mis en cause à une action de concert ne résulte pas des seules déclarations de M. B tant lors de l’enquête que dans les observations écrites en réponse à la notification de griefs dans lesquelles il justifiait l’absence de déclaration par un « un manque de diligence à une période particulièrement compliquée sur le plan professionnel comme personnel pour [lui] » ; que les éléments allégués par les mis en cause tenant au fait que Vermots Finance n’aurait pas exercé ses droits de vote lors de l’assemblée générale de Prologue du 9 juin 2011 et aurait exercé seulement 200 000 voix à celle du 28 juin 2012, postérieurs à la date des franchissements de seuil, ne sont pas de nature à renverser la présomption d’action de concert résultant de l’application des dispositions de l’article L. 233-10 du code de commerce ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le concert formé par M. B, Mme A et les sociétés Vermots Finance et Financière du Vignoble est suffisamment établi ; que les membres du concert auraient dû procéder à la déclaration du franchissement de concert à la hausse des seuils de 15%, 20% et 25% du capital et des droits de vote de Prologue intervenus entre le 21 mars 2011 et le 30 mars 2011 ainsi que les objectifs que le groupe familial X avait l’intention de poursuivre au cours des six mois qui ont suivi le franchissement de ces seuils ; que les déclarations à titre de régularisation n’ont été adressées à l’AMF que le 20 janvier 2012, soit près de 10 mois après le franchissement des seuils.

—  7 -

Considérant qu’aux termes du III de l’article L. 233-10 du code de commerce, les personnes agissant de concert sont tenues solidairement aux obligations qui leur sont faites par les lois et règlements ; que la circonstance invoquée par M. B tenant au fait que, ne détenant pas de titres de la société Prologue, il n’était pas soumis à l’obligation de déclaration est en tout état de cause inopérante dès lors qu’il ressort des éléments du dossier qu’il en est indirectement actionnaire par l’intermédiaire de la société Vermots Finance qu’il a indiqué contrôler et dont il est le gérant ;

Considérant que s’il ressort du rapport annuel 2011 de la société Prologue que la privation pour une durée de deux ans des droits de vote du « groupe X » en raison du défaut de déclarations prévue à l’article L. 233-14 du code de commerce a bien été opérée, cette circonstance – au demeurant de nature à faire ressortir qu’à l’époque les mis en cause ne contestaient pas agir de concert dans le cadre de ladite privation – ne fait nullement obstacle, contrairement à ce qu’indiquent les personnes mises en cause, à la caractérisation d’un manquement sur le fondement du I de l’article L. 621-14 ;

Considérant que ces retards de déclarations pendant une période de 10 mois, des achats de titres effectués par le groupe familial X et de la nouvelle répartition du capital et des droits de vote de la société Prologue qui s’en est suivie, sont bien de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché ;

Considérant, dès lors, que ces manquements peuvent donner lieu au prononcé d’une sanction sur le fondement de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, peu important à cet égard, contrairement à ce que soutiennent les mis en cause, que le Collège de l’AMF n’ait pas fait usage de la faculté dont il disposait en application des dispositions du III de l’article L. 233-14 du code de commerce de demander au Tribunal de commerce de prononcer pour une durée pouvant aller jusqu’à 5 ans la suspension totale ou partielle des droits de vote à l’encontre des actionnaires n’ayant pas procédé aux déclarations requises ; que le manquement est caractérisé à l’encontre de chacune des personnes mises en cause ;

III. SANCTION ET PUBLICATION

Considérant qu’aux termes de l’article L. 621-15 II du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce, «°La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l’encontre des personnes suivantes : […] / c) Toute personne qui, sur le territoire français ou à l’étranger, s’est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d’initié ou s’est livrée à une manipulation de cours, à la diffusion d’une fausse information ou à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du I de l’article L. 621-14, dès lors que ces actes concernent : / -un instrument financier ou un actif mentionné au II de l’article L. 421-1 admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations, ou pour lequel une demande d’admission aux négociations sur de tels marchés a été présentée, dans les conditions déterminées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers ; / -un instrument financier lié à un ou plusieurs instruments mentionnés à l’alinéa précédent ; ». Considérant que le manquement aux obligations déclaratives posées par l’article 233-7 du code de commerce et 223-14 du règlement général de l’AMF est de nature à porter atteinte au bon fonctionnement du marché au sens de l’article L. 621-14 I du code monétaire et financier en ce qu’il viole le principe de transparence qui conditionne son bon fonctionnement ; que conformément aux termes de l’article L. 621-15 III c) du code monétaire et financier dans sa version applicable aux faits postérieurs au 24 octobre 2010, le montant de la sanction qui peut être prononcé ne peut excéder 100 millions d’euros ou le décuple du montant des profits éventuellement réalisés ;

Considérant qu’en l’espèce, le marché a été tenu pendant 10 mois dans l’ignorance des opérations réalisées par les concertistes et de leurs intentions ; que la société Financière du Vignoble, placée en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de grande instance de Dijon du 6 janvier 2012 a été sanctionnée par décision de la Commission des sanctions du 26 mai 2011 pour des faits relatifs à des non déclarations d’opérations ; que de telles sanctions ont également été prononcées à l’encontre de M. B par décisions du 26 mai 2011 et du 30 avril 2014 ;

—  8 -

Considérant qu’aucune circonstance n’est de nature à démontrer que la publication de la présente décision, en application du V de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier entraînerait des conséquences disproportionnées sur la situation des personnes mises en cause ;

PAR CES MOTIFS,

Et après en avoir délibéré sous la présidence de M. Michel Pinault, par M. Christophe Soulard, Mme France Drummond et M. Miriasi Thouch, membres de la 1ère section de la Commission des sanctions, en présence du secrétaire de séance,

DECIDE DE :

— prononcer à l’encontre de Mme A une sanction pécuniaire d’un montant de

30 000 (trente mille) euros ;

- prononcer à l’encontre de M. B une sanction pécuniaire d’un montant de

30 000 (trente mille) euros ;

- prononcer à l’encontre de la société civile Financière du Vignoble une sanction pécuniaire d’un montant de 30 000 (trente mille) euros ;

- prononcer à l’encontre de la société civile Vermots Finance une sanction pécuniaire d’un montant de 30 000 (trente mille) euros ;

- publier la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers.

Paris, le 19 décembre 2014

Le Secrétaire de séance, Le Président,

Marc-Pierre Janicot Michel Pinault

Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans les conditions prévues à l’article R. 621-44 du code monétaire et financier.

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Décision de la Commission des sanctions du 19 décembre 2014 à l'égard des sociétés Financière du Vignoble et Vermots Finance, de Mme A et de M. B