Décision de la Commission des sanctions du 5 juillet 2018 à l'égard des sociétés CIBOX INTERACTIVE et AI INVESTMENT ainsi que MM. A et B

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
AMF, 5 juill. 2018, n° SAN-2018-08
Numéro : SAN-2018-08
Identifiant AMF : SAN-2018-08

Texte intégral

La Commission des sanctions

COMMISSION DES SANCTIONS Décision n° 7 du 5 juillet 2018

Procédure n° 17-05 Décision n° 7

Personnes mises en cause :

 CIBOX INTER@CTIVE Société anonyme immatriculée au RCS de Créteil sous le numéro 400 244 968 Dont le siège social est situé 17, allée Jean-Baptiste Preux à Alfortville Prise en la personne de son représentant légal

 AI INVESTMENT Société de droit étranger immatriculée au RCS d’Orléans sous le numéro 513 530 972 Dont l’établissement français est situé 71 rue des Sorbiers à Château Renard (45220) Prise en la personne de son représentant légal

 M. Pierre FOURNIER Né le […] Domicilié […]

 M. Ming Lun SUNG Né le […] Domicilié […]

La 1ère section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après : « AMF ») :

Vu le règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché, notamment ses articles 7, 8, 12.1 c) et 15 ;

Vu le code de commerce, notamment ses articles L. 225-209 et suivants et L. 233-7 ;

Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 451-3, L. 621-14, L. 621-15 et L. 621-18-2 ;

Vu le règlement général de l’AMF, notamment ses articles 221-1, 223-1, 223-1 et suivants, 223-14, 223-22-1 à 223-26, 241-1 à 241-4, 621-1, 622-1, 622-2 et 632-1 ;

Après avoir entendu au cours de la séance publique du 1er juin 2018 :

— M. Miriasi Thouch, en son rapport ;

- Mme Audrey Micouleau, représentant le collège de l’AMF ; 17 place de la Bourse – 75082 Paris cedex 2 – tél. 01 53 45 60 00 – fax 01 53 45 63 20 www.amf-france.org

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— Mme Natalie Verne, représentant la directrice générale du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;

- M. Ming Lun Sung, tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentant légal de Cibox, assisté par ses conseils Maître Nicolas Cuntz et Maître Quentin Lagier ;

- M. Pierre Fournier ;

Les mis en cause ayant eu la parole en dernier ;

AI Investment, régulièrement convoquée, ne s’étant pas présentée.

FAITS

Créée en 1995, Cibox Inter@ctive (ci-après « Cibox ») est une société spécialisée dans le développement et la commercialisation de périphériques informatiques, de terminaux connectés et de solutions de stockage et cloud dont les actions sont admises à la négociation sur le compartiment C d’Euronext Paris.

Cibox est dirigée depuis 2003 par M. Ming Lun Sung, qui exerce les fonctions de président-directeur général.

Par communiqué de presse publié le 31 juillet 2014, Cibox a annoncé au public avoir réalisé, au cours du premier semestre 2014, un chiffre d’affaires de 3 591 k€ et une perte nette de -340 k€. Ces résultats ont fait l’objet d’une rectification le 14 novembre 2014, la société ayant alors annoncé que sa perte nette semestrielle était ramenée à -129 k€.

Il était également fait état, dans le même communiqué, du lancement d’une nouvel e gamme de téléphones de type smartphones fabriqués par « Foxconn ». Mais le partenariat avec cette société chinoise n’a finalement pas abouti.

Par ailleurs, au cours de l’année 2014, l’actionnariat de Cibox a connu de nombreuses évolutions. Parallèlement à la sortie de l’actionnaire historique de Cibox, la société Behavior Tech Computer BV, au cours du mois de janvier 2014, M. Sung et M. Pierre Fournier, cadre dirigeant de Cibox, ont augmenté leur participation au capital, le premier en détenant 6,47 % et le second 10,28 % en février 2014. M. Fournier a cependant cédé l’essentiel de sa participation au cours de l’automne 2014, tandis qu’un troisième acteur, la société AI Investment, a déclaré en septembre 2014 avoir franchi le seuil de 5 % du capital.

Au cours de l’année 2015, Cibox s’est montrée très active sur le marché de son propre titre : entre mai et juillet 2015, elle a réalisé 22 opérations d’acquisition qui l’ont conduit à détenir 13,46 % de son capital le 30 juillet 2015.

PROCÉDURE

Le 11 décembre 2014, le secrétaire général de l’AMF a décidé l’ouverture d’une enquête portant sur l’information financière et le marché du titre de la société Cibox à compter du 1er janvier 2014.

Le 31 mai 2016, la direction des enquêtes et des contrôles de l’AMF a adressé aux sociétés Cibox et AI Investment ainsi qu’à MM. Fournier, Sung et Trifaro des lettres les informant de manière circonstanciée des faits éventuellement susceptibles de leur être reprochés au regard des constats des enquêteurs et de la faculté de présenter des observations dans le délai d’un mois.

Des observations en réponse ont été présentés par M. Fournier le 26 juin 2016, par Cibox et M. Sung le 29 juin 2016 et par AI Investment et M. Trifaro le 31 juillet 2016, après obtention d’un délai supplémentaire d’un mois.

L’enquête a donné lieu à un rapport daté du 24 octobre 2016.

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La Commission spécialisée n° 2 du Collège de l’AMF a décidé, le 3 novembre 2016, de notifier des griefs à Cibox, AI Investment et à MM. Fournier et Sung.

Par courrier du 13 février 2017, le parquet national financier, avisé du projet de notification de griefs, a informé le secrétaire général de son intention de ne pas mettre en mouvement l’action publique.

Les notifications de griefs ont été adressées aux personnes concernées par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 mars 2017.

Il est reproché :

 à Cibox : o d’avoir communiqué des informations inexactes, imprécises ou trompeuses à l’occasion de la publication des communiqués de presse des 31 juillet, 1er octobre, 23 octobre et 10 novembre 2014 ainsi que lors de la publication du rapport semestriel 2014 le 1er août 2014, du rapport semestriel 2014 rectificatif le 15 novembre 2014 et du rapport semestriel 2015 le 24 septembre 2015, en méconnaissance des dispositions des articles 223-1 et 632-1 du règlement général de l’AMF ;

o en procédant à l’acquisition de ses propres titres en 2014 et 2015 en l’absence de programme de rachat et sans informer l’AMF et le public de ses opérations de rachat, d’avoir manqué aux dispositions relatives aux programmes de rachat d’actions et à leur mise en œuvre, en méconnaissance des dispositions des articles L. 451-3 du code monétaire et financier, L. 225-209 et suivants du code de commerce et 241-1 à 241-4 du règlement général de l’AMF ;

o d’avoir manqué à l’obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée en procédant à l’acquisition de ses propres titres le 30 juillet 2015 alors qu’el e détenait une information privilégiée relative à ses résultats financiers au 30 juin 2015, en méconnaissance de l’article 622-1 du règlement général de l’AMF ;

 à M. Sung : o d’avoir commis le premier manquement reproché à Cibox en sa qualité de président-directeur général de cette société ;

o d’avoir manqué à son obligation de déclaration dans le délai réglementaire du franchissement à la hausse du seuil de 5 % du capital et des droits de vote de Cibox intervenu le 19 février 2014, en méconnaissance des articles L. 233-7 du code de commerce et 223-14 du règlement général de l’AMF ;

o d’avoir manqué à ses obligations de déclaration, en qualité de dirigeant de Cibox, de l’acquisition de titres Cibox les 7 janvier et 19 février 2014, en méconnaissance des articles L. 621-18-2 du code monétaire et financier et 223-22-1 à 223-26 du règlement général de l’AMF ;

 à AI Investment : o d’avoir manqué à son obligation de déclarer le franchissement du seuil de 5 % du capital et des droits de vote de Cibox intervenu à la hausse le 3 juillet 2014 puis à la baisse le 10 juillet 2014 ainsi que, dans le délai réglementaire, le franchissement à la hausse de ce même seuil intervenu le 1er août 2014, en méconnaissance des articles L. 233-7 et suivants du code de commerce et 223-11 et suivants du règlement général de l’AMF ;

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o d’avoir communiqué des informations inexactes, imprécises ou trompeuses à l’occasion de sa déclaration de franchissement du seuil de 5 % du capital et des droits de vote de Cibox datée du 17 septembre 2014, en méconnaissance de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF ;

 à M. Pierre Fournier, d’avoir manqué à son obligation de déclaration dans le délai réglementaire des franchissements à la hausse des seuils de 5 % et 10 % du capital et des droits de vote de Cibox intervenus les 17 et 27 janvier 2014 puis des franchissements à la baisse de ces mêmes seuils de 10 % et 5 % intervenus les 28 octobre et 5 novembre 2014, en méconnaissance des articles L. 233-7 du code de commerce et 223-14 du règlement général de l’AMF.

Une copie de la notification de griefs a été transmise le 2 mars 2017 à la présidente de la Commission des sanctions, conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier.

Par décision du 16 mars 2017, la présidente de la Commission des sanctions a désigné M. Miriasi Thouch en qualité de rapporteur.

Par lettre du 27 mars 2017, les personnes mises en cause ont été informées qu’elles disposaient d’un délai d’un mois, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander la récusation du rapporteur dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du code monétaire et financier.

Des observations en réponse à la notification de griefs ont été déposées le 26 avril 2017 par AI Investment et le 18 mai 2017 par Cibox et M. Sung.

Le rapporteur a entendu M. Fournier le 21 février 2018, AI Investment le 22 février 2018 et M. Sung et Cibox le 23 février 2018. Dans le prolongement de ces auditions, M. Sung et Cibox ont fait parvenir des éléments complémentaires au rapporteur les 28 février, 19 mars, 30 mars et 19 avril 2018.

Le rapporteur a déposé son rapport le 20 avril 2018.

Par lettres du 23 avril 2018 auxquelles était joint le rapport du rapporteur, Cibox, AI Investment et MM. Fournier et Sung ont été convoqués à la séance de la Commission des sanctions du 1er juin 2018 et informés qu’ils disposaient d’un délai de quinze jours pour présenter des observations en réponse au rapport du rapporteur, conformément aux dispositions du III de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Par lettres du 23 avril 2018, les mis en cause ont été informés de la composition de la formation de la Commission des sanctions appelée à délibérer lors de la séance du 1er juin 2018 ainsi que du délai de quinze jours dont ils disposaient, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander, conformément aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code, la récusation d’un ou de plusieurs de ses membres.

AI Investment a présenté des observations en réponse au rapport du rapporteur par lettre du 7 mai 2018 puis par courriel du 9 mai 2018 et sol icité d’être entendu hors la présence des autres mis en cause et à une autre date.

Cibox et M. Sung ont déposé des observations communes en réponse au rapport du rapporteur par lettre du 11 mai 2018 et sollicité l’absence de publicité des débats lors de la séance du 1er juin 2018.

M. Fournier n’a pas présenté d’observations en réponse au rapport du rapporteur.

Par courriers du 14 mai 2018, la présidente de la Commission des sanctions a informé AI Investment, Cibox et M. Sung qu’il ne pouvait être donné une suite favorable à leurs diverses demandes relatives à la séance du 1er juin 2018.

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Par courrier du 16 mai 2018, M. Trifaro, représentant légal de AI Investment, a informé les membres de la Commission des sanctions qu’il n’assisterait pas à la séance du 1er juin 2018.

Par courrier du 28 mai 2018, Cibox et M. Sung ont adressé à la présidente de la Commission des sanctions des observations complémentaires.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Avant tout débat au fond, il convient d’examiner les points ci-après.

Cibox et M. Sung exposent qu’ils ont relevé des irrégularités de la procédure d’enquête qui, sans leur faire grief, démontrent les failles des enquêteurs dans la manière de mener leur travail d’investigation, tel es l’absence de tri des courriels et documents transmis par Cibox aux enquêteurs de l’AMF permettant d’assurer le respect du secret des correspondances entre l’avocat et son client, l’absence de versement au dossier de l’ensemble des données de marché recueillies par les enquêteurs entre le 1er janvier 2014 et le 24 septembre 2015, la production par MM. Fournier et Sellier de pièces du dossier de la procédure, dont le rapport d’enquête, dans le cadre d’instances prud’homales les opposant à Cibox en l’absence de protection adéquate par l’AMF des données recueillies au cours de l’enquête.

Dès lors qu’ils ne tirent aucune conséquence juridique des irrégularités invoquées, les mis en cause ne soutiennent pas des moyens mais font valoir des arguments auxquels il n’y a pas lieu de répondre.

AI Invest soulève de son côté la violation de l’article 6 § 3 a) de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui donne le droit à tout accusé d’« être informé, dans le plus court délai […] de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui », au motif que la cause de l’accusation portée contre el e sur le fondement de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF est inconnue, en l’absence, dans la lettre circonstanciée ou la notification de griefs, de mention précisant quelles indications inexactes, imprécises ou trompeuses la déclaration de franchissement de seuil du 17 septembre 2014 aurait donné sur le titre Cibox. Elle prétend donc avoir été dans l’impossibilité de se défendre.

Cependant, la notification de griefs mentionne bien les informations qui, selon la poursuite, revêtent un caractère inexact, imprécis ou trompeur ainsi que le texte édictant l’interdiction de diffuser de tel es informations, que la mise en cause cite elle-même. La notification précise que les articles L. 621-14 et L. 621-15 du code monétaire et financier rendent la violation de cette interdiction passible d’une sanction prononcée par la commission. Ainsi, AI Investment a bien été informée des faits fondant l’accusation et de la qualification juridique envisagée dès la notification de griefs qui est l’acte de poursuite saisissant la commission des sanctions. Le moyen manque donc en fait.

I. SUR LES GRIEFS RELATIFS A L’INFORMATION FINANCIERE DE CIBOX

Il est reproché à Cibox d’avoir communiqué des informations inexactes, imprécises ou trompeuses à l’occasion de la publication des communiqués de presse des 31 juillet, 1er octobre, 23 octobre et 10 novembre 2014 ainsi que lors de la publication du rapport semestriel 2014 le 1er août 2014, du rapport semestriel 2014 rectificatif le 15 novembre 2014 et du rapport semestriel 2015 le 24 septembre 2015, en méconnaissance des dispositions des articles 223-1 et 632-1 du règlement général de l’AMF.

Selon la poursuite, ces manquements sont également imputables à M. Sung, en application de l’article 221-1, dernier alinéa, du règlement général de l’AMF.

Cibox et M. Sung contestent que des manquements puissent leur être imputés.

Ils soutiennent qu’il y a lieu d’appliquer rétroactivement l’article 12.1 c) du règlement n°596/2014 du Parlement européen et du Conseil sur les abus de marché du 16 avril 2014 (ci-après « règlement MAR »)

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en ce qu’il exige d’établir que la personne ayant diffusé l’information savait ou aurait dû savoir que l’information était fausse ou trompeuse.

Ils relèvent également que la communication des émetteurs ne peut donner lieu à sanction, en application des articles L. 621-14 et L. 621-15 du code monétaire et financier, qu’à la condition que les informations portées à la connaissance du public soient de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement des marchés et que la commission fait preuve de tolérance à l’égard des erreurs affectant cette communication lorsqu’elles sont patentes, reconnues par les mis en cause, négligeables dans leur montant et sans incidence sur le marché.

Ils soulignent en outre que les imperfections affectant la communication de Cibox ne procèdent ni d’une intention de tromper le marché, ni d’un manque de vigilance du président-directeur général et qu’elles sont imputables à une conjonction de circonstances exceptionnel es tenant à l’absence d’expertise spécifique en matière financière du dirigeant, à la difficulté de déceler l’erreur affectant le résultat net semestriel 2014, au déroulement concomitant aux faits de deux contrôles, fiscal et social, à la diffusion par d’anciens salariés de rumeurs visant à déstabiliser la société et à une tentative d’éloignement de la direction effective de la société dont M. Sung a fait l’objet de la part de M. Fournier.

Ils font encore valoir que les informations litigieuses n’ont pas eu d’impact sur le cours du titre Cibox et que la bonne réception par le marché de l’information communiquée constitue un indice de ce que des inexactitudes isolées n’ont pas gêné la compréhension de l’information communiquée.

Enfin, ils considèrent qu’ils jouissaient d’une certaine liberté dans la réponse à apporter aux erreurs affectant leur communication au marché, après leur détection, dès lors que les informations litigieuses, non qualifiées de privilégiées par la poursuite, n’entraient pas dans le champ d’application des articles 223-2 et 223-5 du règlement général de l’AMF.

I.1 Textes applicables

Les faits reprochés, qui se sont déroulés entre le 31 juillet et le 10 novembre 2014 ainsi que le 24 septembre 2015, seront examinés au regard du double fondement des articles 223-1 et 632-1 du règlement général de l’AMF visés par la poursuite, dans leur rédaction en vigueur à l’époque des faits, sous réserve de l’application rétroactive d’éventuel es dispositions plus douces entrées en vigueur postérieurement.

L’article 223-1 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur depuis le 21 janvier 2007, énonce : « l’information donnée au public par l’émetteur doit être exacte, précise et sincère ».

L’article 12.1 c) du règlement MAR, entré en application postérieurement aux faits, le 3 juillet 2016, prévoit un cas de manipulation de marché par diffusion d’informations ainsi formulé : « Aux fins du présent règlement, la notion de « manipulation de marché » couvre les activités suivantes: / […] ; / c) diffuser des informations, que ce soit par l’intermédiaire des médias, dont l’internet, ou par tout autre moyen, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier, […], ou fixent ou sont susceptibles de fixer à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers, […], y compris le fait de répandre des rumeurs, alors que la personne ayant procédé à une telle diffusion savait ou aurait dû savoir que ces informations étaient fausses ou trompeuses ».

L’article 15 du même règlement dispose qu’« une personne ne doit pas effectuer des manipulations de marché ni tenter d’effectuer des manipulations de marché » tandis que son article 30 impose aux Etats d’assortir le non-respect de cette disposition de sanctions.

Ainsi, l’article 12 du règlement MAR, contrairement à l’article 223-1 du règlement général de l’AMF, ne réprime pas la diffusion d’une information seulement imprécise. En outre, il exige deux éléments constitutifs supplémentaires : d’une part, la circonstance que les informations litigieuses donnent ou sont susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses « en ce qui concerne l’offre, la demande

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ou le cours d’un instrument financier […] ou fixent ou sont susceptibles de fixer à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un ou plusieurs instruments financiers », d’autre part, la connaissance, avérée ou supposée, du caractère faux ou trompeur de l’information diffusée.

L’article 12.1 c) du règlement MAR est donc moins sévère que l’article 223-1 du règlement général de l’AMF, de sorte qu’il y a lieu d’en faire une application rétroactive aux faits reprochés.

L’article 632-1, alinéa 1, du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 15 juin 2014 au 23 septembre 2016, disposait que « [t]oute personne doit s’abstenir de communiquer, ou de diffuser sciemment, des informations, quel que soit le support utilisé, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur des instruments financiers […], y compris en répandant des rumeurs ou en diffusant des informations inexactes ou trompeuses, alors que cette personne savait ou aurait dû savoir que les informations étaient inexactes ou trompeuses ».

A ces dispositions, abrogées à compter du 24 septembre 2016, se sont substituées, dès le 3 juillet 2016, celles précitées des articles 12.1 c) et 15 du règlement MAR, dont il convient de déterminer si elles doivent recevoir une application rétroactive.

Les définitions de la manipulation de marché prévue par l’article 12.1 c) du règlement MAR et du manquement de diffusion d’une fausse information prévu par l’article 632-1 du règlement général de l’AMF sont rédigées en des termes très proches, sous les réserves examinées ci-après.

En premier lieu, le règlement MAR fait référence à la diffusion d’informations tandis que l’article 632-1 du règlement général de l’AMF distingue le fait de « communiquer » et celui de « diffuser sciemment » une information. Toutefois, l’article 1.2 c) de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les opérations d’initiés et les manipulations de marché, transposé à l’article 632-1 du règlement général de l’AMF, ne visait que « le fait de diffuser des informations ». En outre, le considérant 47 du règlement MAR emploie indifféremment les termes « diffusion » et « communiquer ». Dans ces conditions, il apparaît que la distinction entre « diffusion » et « communication » est dépourvue de portée et que l’article 12.1 c) du règlement MAR n’est pas, sur ce point, moins sévère.

En deuxième lieu, les articles 12.1 c) et 15 du règlement MAR ne répriment pas la diffusion d’une information seulement imprécise, alors que l’article 632-1 du règlement général de l’AMF vise les informations « qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses ». Toutefois, ce dernier texte exige également que la personne ayant communiqué les informations en cause « [ait su] ou aurait dû savoir que les informations étaient inexactes ou trompeuses », de sorte qu’une information seulement imprécise ne peut remplir cette condition. Dès lors, l’article 12.1 c) du règlement MAR n’apparaît pas, sur ce point, moins sévère.

En troisième lieu, l’article 632-1 du règlement général de l’AMF s’applique aux informations donnant ou susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses « sur des instruments financiers », alors que le règlement MAR vise les « informations […] qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier […] ou fixent ou sont susceptibles de fixer à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers », ce qui constitue dans les deux cas une condition supplémentaire par rapport aux dispositions de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF. Le règlement MAR est donc moins sévère que l’article 632-1 du règlement général sur ce point.

Le dernier alinéa de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur depuis le 3 mars 2007, précise : « Les dispositions du présent titre [titre II du livre II du règlement général de l’AMF] sont également applicables aux dirigeants de l’émetteur, de l’entité ou de la personne morale concernée ».

Cet alinéa rend notamment applicable au dirigeant de l’émetteur l’obligation prévue à l’article 223-1 du règlement général de l’AMF, qui constitue l’un des deux fondements invoqués

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Postérieurement aux faits est entré en vigueur l’article 12 du règlement MAR intitulé « Manipulations de marché » dont le 4. dispose : « Lorsque la personne visée dans le présent article est une personne morale, le présent article s’applique également, conformément au droit national, aux personnes physiques qui prennent part à la décision de mener des activités pour le compte de la personne morale concernée ».

Ces dispositions, qui posent un principe d’imputabilité aux « personnes physiques qui prennent part à la décision de mener des activités pour le compte de la personne morale concernée » et renvoient au droit national pour la mise en œuvre de celui-ci, ne sont pas plus douces que celles précitées du dernier alinéa de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF, de sorte que ces dernières sont seules applicables.

Il résuIte du paragraphe qui précède que les manquements reprochés doivent être examinés sur le fondement des dispositions combinées, d’une part, des articles 223-1 du règlement général de l’AMF et 12.1 c) du règlement MAR, d’autre part, de ce dernier texte et de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF.

Si l’article 632-1 du règlement général de l’AMF, qui fait obligation « à toute personne » de s’abstenir de diffuser une information fausse ou trompeuse, est applicable tant à l’émetteur qu’à ses dirigeants, l’article 223-1 du même règlement ne vise que l’émetteur, de sorte que les manquements notifiés à M. Sung sur ce fondement ne pourront être retenus qu’à la condition d’établir que ces manquements ont été commis par Cibox et lui sont imputables en application du dernier alinéa de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF.

Il s’ensuit que, pour caractériser chaque manquement sur les deux fondements en cause à l’encontre de Cibox, il y aura lieu de vérifier les éléments constitutifs relatifs, en premier lieu, à la diffusion de l’information, en deuxième lieu, au caractère inexact ou trompeur de l’information diffusée, en troisième lieu, aux indications fausses ou trompeuses données ou susceptibles d’être données en ce qui concerne « l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier » ou qui « fixent ou sont susceptibles de fixer à un niveau anormal ou artificiel le cours de l’instrument financier » et, en quatrième lieu, à la connaissance, avérée ou supposée, du caractère inexact ou trompeur de l’information par Cibox.

La caractérisation à l’encontre de M. Sung de chacun des manquements fondé sur les dispositions combinées des articles 632-1 du règlement général de l’AMF et 12.1 c) du règlement MAR suppose que soient établis les trois premiers éléments constitutifs qui viennent d’être mentionnés ainsi que la connaissance, avérée ou supposée, par M. Sung, du caractère inexact ou trompeur de l’information.

Enfin, les éventuels manquements de Cibox aux dispositions combinées des articles 223-1 du règlement général de l’AMF et 12.1 c) du règlement MAR seront retenus à l’encontre de M. Sung s’ils sont imputables à ce dernier en application de l’article 221-1, dernier alinéa, du règlement général de l’AMF.

I.2 Appréciation des manquements

I.2.1 Sur l’information relative aux résultats financiers de Cibox au 30 juin 2014

I.2.1.1 Sur l’inexactitude du résultat net de la société au 30 juin 2014 dans le communiqué du 31 juillet 2014 et le rapport financier semestriel 2014

Les notifications de griefs considèrent que le communiqué de presse publié le 31 juillet 2014 et le rapport financier semestriel 2014 publié le lendemain font état de manière inexacte d’une perte nette de 340 k€ au 30 juin 2014 à défaut d’exprimer les doutes sérieux existant sur ce montant, alors que, dès le 25 juil et 2014, un écart anormal chiffré à 230 k€ entre les données de la comptabilité générale et celles de la comptabilité analytique avait été relevé par un salarié de l’entreprise qui en avait notamment avisé le président-directeur général et le commissaire aux comptes.

Les mis en cause exposent qu’il n’a pas été jugé utile de modifier ou décaler la communication de Cibox dès lors que l’écart avait seulement fait l’objet, entre le 25 et le 28 juillet 2014, d’un échange de courriels techniques, bref et non conclusif, entre le salarié l’ayant identifié et le commissaire aux comptes, à l’issue

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duquel le second avait écarté les doutes exprimés par le premier. Ils ajoutent que le communiqué litigieux a été élaboré par le salarié ayant signalé l’écart.

Ils soulignent qu’ils n’avaient aucun intérêt à annoncer une perte supérieure à celle finalement retenue après rectification et que l’information relative à la perte semestriel e n’a pas eu, et n’était pas susceptible d’avoir, d’impact sur le marché .

—  La diffusion de l’information

Le communiqué litigieux ayant été mis en ligne sur le site internet de Cibox, la condition tenant à la diffusion de l’information, prévue à l’article 12.1 c) du règlement MAR, ou à sa communication, posée à l’article 632-1 du règlement général de l’AMF, est remplie.

— Le caractère inexact ou trompeur de l’information diffusée

Cibox est équipée d’un progiciel de gestion intégré appelé ERP Baan qui intègre l’ensemble des postes de gestion de la société et comprend une partie logistique et une partie finance. Les achats, ventes et ordres de fabrication saisis dans la partie logistique sont répercutés automatiquement dans la partie finance, pour aboutir à l’édition des balances comptables générales.

Au cours du premier semestre 2014, il a été détecté des écarts entre les états comptables et le reporting financier issu de l’ERP ayant nécessité des ajustements. Mais, dès le mois de juin 2014, le système était considéré en interne comme fonctionnant correctement.

Cependant, il ressort des courriels versés au dossier que dans le cadre de l’établissement des comptes semestriels 2014, une alerte concernant le résultat semestriel 2014 a été donnée le 25 juillet 2014 par un salarié de Cibox qui, dans un courriel adressé au prestataire ERP Baan de l’entreprise, avec copie à M. Sung et au commissaire aux comptes, a indiqué : « nous avons un souci sur Baan : le « prix de revient » des reporting Baan donne un montant significativement différent (environ 230 kE d’écart) du chiffre comptable « Achats » fourni par [le commissaire aux comptes] ».

Plusieurs échanges entre les mêmes destinataires ont eu lieu, en particulier le 28 juillet 2014.

A cette date, le salarié a indiqué que « dans le reporting Baan joint, la colonne « coût de revient » (en fait le coût des achats) fait ressortir un montant de 2 652 kE, très inférieur au montant réel (écart de 227 kE) ». Il a affirmé que l’écart était le résultat de trois phénomènes et a conclu : « En somme je formule une hypothèse de travail : 227 kE= +erreur sur les achats consommés +Ecart dû à l’application dans Baan d’une méthode de valorisation des achats consommés (et non des stocks) différente de celle de la comptabilité générale +Ecart d’inventaire (démarque inconnue) ». Il a proposé l’intervention d’un expert de l’ERP Baan.

Le commissaire aux comptes ayant contesté l’importance et les causes de l’écart, le salarié lui a répondu « vous vous trompez sur le sens de l’écart »…Je vous rappelle que nous avons un « trou » (pas d’inventaire donc…) de 227 kE qu’il faudra d’une façon ou d’une autre expliquer. C’est un fait têtu. Nier la réalité de l’écart ne sert pas Cibox… »

Le commissaire aux comptes a ensuite adopté une position plus nuancée, reconnaissant notamment l’utilité de l’intervention du spécialiste de l’ERP Baan : « je ne voulais en aucun cas nier l’écart existant entre la comptabilité générale et la comptabilité analytique, comme le prouve notre réunion de vendredi soir ensemble. Malheureusement, je ne suis pas compétent pour gérer les spécificités du système Baan et comme vous le préconisier dans votre mail, je pense utile de faire intervenir un spécialiste Baan finance afin de construire un reporting fiable nécessaire au pilotage de Cibox que vous souhaitez. »

Une mission a été confiée à un spécialiste du progiciel dès le 28 juillet 2014 mais elle n’a abouti qu’au mois de septembre 2014.

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Il résulte de ces échanges qu’aux dates de publication des documents litigieux, le 31 juillet et le 1er août 2014, l’existence d’un écart anormal significatif créant l’incertitude sur les résultats semestriels de Cibox était connue en interne, même si la cause de cet écart n’était pas déterminée.

Cependant, à l’occasion de la publication du communiqué du 31 juillet 2014 et de son rapport financier semestriel, Cibox a annoncé au marché, sans faire état de la moindre réserve, un résultat semestriel net de -340 K€ sur l’exactitude duquel pesait un doute sérieux.

Contrairement à ce que soutiennent les mis en cause, la possible erreur affectant les résultats semestriels 2014 n’était ni détectable par le public, ni négligeable dans son montant s’agissant d’un potentiel écart positif alors évalué à 227 k€ susceptible de ramener la perte nette de 340 k€ à 113 k€.

Dès lors, l’information diffusée sur ce résultat avait un caractère trompeur.

— Des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne « l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier » ou qui « fixent ou sont susceptibles de fixer à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un ou plusieurs instruments financiers »

L’annonce au public d’un indicateur clé – le résultat net semestriel – dont le montant était potentiellement erroné dans une proportion non négligeable était susceptible de fixer le cours du titre Cibox à un niveau anormal ou artificiel.

L’élément constitutif supplémentaire prévu par l’article 12.1 c) du règlement MAR est caractérisé lorsque les indications fausses ou trompeuses sont seulement « susceptibles » de fixer le cours à un niveau anormal ou artificiel.

L’argument des mis en cause selon lequel l’information portée à la connaissance du public n’a pas eu d’impact sur le cours du titre Cibox est donc inopérant.

— La connaissance, avérée ou supposée, par les mis en cause du caractère faux ou trompeur de l’information diffusée

M. Sung, président-directeur général de Cibox, figurait en copie de l’ensemble des échanges de courriels portant sur l’écart relevé dans le poste achats de la comptabilité.

Il ressort des échanges de courriels du 28 juillet 2014 évoqués plus haut que si le commissaire aux comptes de Cibox s’est montré peu convaincu, dans un premier temps, par le signalement effectué par le salarié ayant identifié l’écart, il a néanmoins reconnu, le jour même, l’existence de cet écart et l’utilité de l’intervention du spécialiste de l’ERP Baan, de sorte que c’est vainement que les mis en cause se prévalent de la position prise par le commissaire aux comptes.

Enfin, comme il a été dit, une mission a été effectivement confiée au spécialiste de l’ERP Baan le 28 juillet 2014.

Cibox et M. Sung avaient donc connaissance de l’absence de fiabilité et, partant, du caractère trompeur de l’information sur le résultat net semestriel portée à la connaissance du public dans le communiqué et le rapport semestriel litigieux publiés, respectivement, les 31 juillet et 1er août 2014.

— L’imputabilité du manquement à M. Sung

M. Sung, qui exerçait à l’époque des faits les fonctions de président-directeur général de Cibox, avait la qualité de dirigeant de cette société au sens du dernier alinéa de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF.

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Au demeurant, il était en copie de l’ensemble des échanges concernant le possible écart affectant le résultat semestriel et son nom figure sur l’attestation du responsable du rapport financier semestriel publié le 1er août 2014, même s’il déclare ne pas l’avoir signé.

Il invoque des circonstances dont aucune ne permet de considérer qu’il a été privé de l’exercice de ses fonctions.

Dès lors, le manquement retenu à l’encontre de Cibox sur le fondement des articles 12.1 c) du règlement MAR et 223-1 du règlement général de l’AMF est imputable à M. Sung.

Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le manquement de Cibox et de M. Sung aux dispositions combinées, d’une part, des articles 632-1 du règlement général de l’AMF et 12.1 c) du règlement MAR, d’autre part, des articles 223-1 du règlement général de l’AMF et 12.1 c) du règlement MAR, est caractérisé.

I.2.1.2 Sur l’imprécision des communiqués publiés les 1er octobre, 23 octobre et 10 novembre 2014 concernant le montant de l’erreur sur le résultat net semestriel

Il est fait grief à Cibox et à M. Sung d’avoir manqué à leur obligation d’information du public en publiant, les 1er octobre, 23 octobre et 10 novembre 2014, des communiqués qui, à défaut d’annoncer le montant de l’erreur sur le résultat net semestriel 2014 de Cibox, alors connu en interne, étaient imprécis.

— La diffusion de l’information

Les communiqués litigieux ayant été mis en ligne sur le site internet de Cibox, la condition tenant à la diffusion de l’information, prévue à l’article 12.1 c) du règlement MAR, ou à sa communication, posée à l’article 632-1 du règlement général de l’AMF, est remplie.

— Le caractère inexact ou trompeur de l’information diffusée

L’article 12.1 c) du règlement MAR et l’article 632-1 du règlement général de l’AMF réprimant la diffusion d’informations fausses ou trompeuses, et non pas seulement imprécises, il convient de déterminer si l’absence de mention du montant de l’erreur affectant le résultat net semestriel de Cibox a rendu fausse ou trompeuse l’information diffusée par Cibox dans les trois communiqués en cause.

Lors d’une réunion tenue le 26 septembre 2014 avec le spécialiste de l’ERP Baan mandaté par Cibox, l’écart détecté le 25 juillet 2014 a été confirmé et imputé au relevé d’inventaire ayant servi à l’établissement des comptes semestriels, fondé sur une édition des stocks au 1er juillet 2014, au lieu du 30 juin 2014, erreur qui avait entraîné des oublis de valorisation du fait des sorties de stocks importantes intervenues au cours de la journée du 1er juillet 2014.

Un inventaire des stocks, réalisé le 30 septembre 2014, a permis de confirmer que l’écart provenait d’un oubli de valorisation des stocks.

Dans un courriel du 7 octobre 2014, le commissaire aux comptes se plaignait ainsi :« pouvez-vous enfin pour toute me donner des chiffres exactes et definitifs sur cet écart !! »), le montant de l’écart n’était donc pas encore arrêté à cette date.

Ce n’est que le 9 octobre 2014 que le spécialiste de l’ERP Baan a communiqué par courriel au comptable de Cibox, au commissaire aux comptes et à M. Sung, des éléments précis sur le montant de l’écart, chiffré à 210 837,14 euros.

Cinq jours plus tard, le 14 octobre 2014, le conseil d’administration de Cibox a été informé par son président qu’à la « suite d’une erreur d’inventaire physique, la société a dû modifier ses comptes semestriels. Cette rectification a entraîné un impact positif sur le résultat de la période de 211 k€ ».

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Le premier communiqué litigieux, publié le 1er octobre 2014 et intitulé « informations relatives à de fausses informations diffusées à l’encontre de CIBOX Inter@ctive » indique, dans une section consacrée à la santé de l’entreprise, qu’« il est apparu après vérification que les pertes du premier semestre 2014 s’avèrent être bien moins importantes qu’annoncées, le détail sera communiqué à l’occasion de la publication du chiffre d’affaires du 3ème trimestre ».

Si la cause de l’écart avait été identifiée à la date de ce communiqué, son montant exact n’avait pas encore été définitivement fixé, de sorte qu’il ne peut être reproché à la société d’avoir omis de le mentionner.

En outre, la perte était moins importante qu’annoncée dans le communiqué du 31 juillet 2014 et un calendrier de rectification du montant de l’erreur était annoncé et a, au demeurant, été respecté par Cibox. Les informations diffusées dans le communiqué critiqué ne sont donc ni inexactes ni trompeuses.

Le deuxième communiqué litigieux, publié le 23 octobre 2014 « en réponse à de nouvelles accusations diffusées à l’encontre de Cibox Inter@ctive », ne comporte aucune information concernant le résultat semestriel 2014 de Cibox et sa rectification et ne concerne ni les comptes ni l’erreur ou sa rectification. Il ne peut donc être reproché aux mis en cause de s’être abstenus de chiffrer l’erreur.

Il sera observé qu’il n’est pas reproché aux mis en cause d’avoir omis de diffuser « dès que possible » l’information relative à la rectification du résultat net semestriel au sens de l’ancien article 223-2 du règlement général de l’AMF, dans sa version applicable à l’époque des faits, ou encore de s’être abstenus de « divulgu[er] rapidement » tout changement significatif affectant l’information préalablement communiquée, au sens de l’article 223-5 du même règlement.

Le dernier communiqué invoqué par les notifications de griefs, daté du 10 novembre 2014, se borne à annoncer en trois lignes le calendrier de « publication du rectificatif des résultats semestriels 2014 » prévue pour le 14 novembre 2014. Aucune information de ce communiqué n’apparaît inexacte ou trompeuse.

Il s’ensuit que les manquements pris de l’absence d’indication du montant de l’erreur affectant le résultat net semestriel de Cibox dans les communiqués publiés les 1eroctobre, 23 octobre et 10 novembre 2014 ne peuvent être retenus.

I.2.2 Sur l’information relative à la fabrication de smartphones par Foxconn communiquée les 31 juillet, 1er août, 1er octobre et 15 novembre 2014

Il est fait grief à Cibox et à M. Sung d’avoir communiqué au public des informations inexactes en annonçant le lancement d’une gamme de smartphones fabriqués par Foxconn dans le communiqué du 31 juillet 2014, le rapport semestriel 2014 publié le 1er août 2014 et le rapport semestriel 2014 rectificatif publié le 15 novembre 2014 puis en confirmant cette fabrication par Foxconn dans un communiqué du 1er octobre 2014.

Les mis en cause ont fait valoir en réponse à la notification de griefs que ce n’est qu’au début du mois d’août 2014, après la publication du communiqué du 31 juillet, que des doutes sont apparus au sein des équipes de Cibox sur la possibilité de pouvoir obtenir de Foxconn la fabrication de smartphones et que la question des relations entre Cibox et Foxconn est restée d’actualité le 1er octobre 2014 puisque Cibox a réitéré son projet de faire fabriquer des smartphones par Foxconn.

Ils ont fait observer que l’information n’avait aucun caractère sensible et ne pouvait donc pas influencer le cours de l’action ce qui explique que le marché n’a pas réagi au communiqué du 31 juillet 2014 ni au rapport financier semestriel.

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— La diffusion de l’information

Les documents en cause ayant été mis en ligne sur le site internet de Cibox, la condition tenant à la diffusion de l’information, prévue à l’article 12.1 c) du règlement MAR, ou à sa communication, posée à l’article 632-1 du règlement général de l’AMF, est remplie.

— Le caractère inexact ou trompeur de l’information diffusée

Le communiqué du 31 juillet 2014, le rapport semestriel publié le 1er août 2014 et le rapport semestriel rectificatif publié le 15 novembre 2014 mentionnent, que « dans le domaine des terminaux connectés, Cibox a lancé ses nouvelles gammes de Smartphones fabriqués par Foxconn, notamment à destination et à la marque des grands distributeurs ».

Dans son communiqué du 1er octobre 2014, Cibox a confirmé que « concernant les Smartphones, ils seront bien fabriqués par Foxconn et distribués en MDD chez de grands distributeurs comme mentionné dans le rapport financier du 1er semestre 2014. »

Pourtant, M. Sung a déclaré aux enquêteurs que Foxconn ne fabriquait pas de smartphones pour Cibox à la fin du mois de juillet 2014 (« A cette date [31 juillet 2014], on proposait des smartphones mais qui n’étaient pas fabriqués par Foxconn ») et qu’une telle fabrication n’était pas envisageable (« […] personnellement, je savais que nous étions trop petits pour travailler avec Foxconn et que nous n’avions pas et ne pouvions pas commercialiser des smartphones fabriqués par Foxconn »).

Il a confirmé cette impossibilité de fabrication par Foxconn devant le rapporteur de la Commission en précisant qu’elle était connue dès la fin du mois de juin 2014 (« A cette date, l’usine Foxconn n’a plus de possibilité de production dans l’immédiat. Je l’ai su fin juin 2014. […]. Quand j’ai connaissance de l’impossibilité de faire fabriquer par Foxconn, j’informe le client [la société appelée à commercialiser les smartphones de Cibox] de l’indisponibilité de l’usine Foxconn, en fin juin début juillet 2014. L’équipe est informée à la même période. »).

Il a également indiqué aux enquêteurs qu’à la date du 1er octobre 2014, « […] il n’y avait alors pas de possibilité de faire fabriquer des smartphones par Foxconn » et que Cibox n’avait pas depuis lors proposé des smartphones fabriqués par Foxconn puis, au rapporteur de la Commission, que les smartphones avaient finalement été produits par HPC.

Il résulte de ces déclarations que l’information communiquée au public les 31 juillet, 1er août et 15 novembre 2014 selon laquelle « Cibox a lancé ses nouvelles gammes de Smartphones fabriqués par Foxconn », de même que celle qui figurait dans le communiqué du 1er octobre 2014 annonçant que les smartphones « seront bien fabriqués par Foxconn », étaient inexactes.

— Des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne « l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier » ou qui « fixent ou sont susceptibles de fixer à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un ou plusieurs instruments financiers »

Si les communiqués et rapports semestriels litigieux se bornent à nommer Foxconn, sans autre précision, la réputation mondiale de cette société taïwanaise se suffit à elle-même.

Il résulte des explications recueillies lors des auditions et de la séance de la Commission que Foxconn est le fabricant chinois des Iphones, renommé pour la qualité de ses produits. Les mis en cause ont déclaré que la fabrication des smartphones par Foxconn constituait une « nouvelle plutôt positive » pour le marché.

Sur le forum Boursorama du 5 août 2014, l’annonce de M. Trifaro, sous le pseudonyme de « selonmoi », a été reprise : « 1 soyez confiants 2 Cibox s’associe à Foxconn pour vendre des smatphones low cost en grande surface ça devrait marcher du tonnerre de dieu ».

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Ainsi, la commercialisation par Cibox pour la grande distribution de smartphones fabriqués par Foxconn était une information importante pour le marché, l’identité de ce fabriquant étant un élément susceptible d’être pris en considération par un investisseur et de conditionner son choix d’investir dans la valeur Cibox et, de fait, de fixer le cours du titre à un niveau anormal ou artificiel. De même, l’impossibilité pour Cibox de commercialiser les produits de ce fabricant pouvait conditionner le choix inverse d’un investisseur.

— La connaissance, avérée ou supposée, par les mis en cause du caractère faux ou trompeur de l’information diffusée

Il ressort des déclarations précitées de M. Sung que, dès la fin du mois de juin 2014, ce dernier savait que Foxconn ne pourrait pas fabriquer de smartphones pour Cibox, ce dont il a avisé ses équipes, et que cette situation était demeurée inchangée au 1er octobre 2014.

Cibox et M. Sung avaient donc connaissance de l’inexactitude de l’information diffusée concernant la fabrication des smartphones par Foxconn.

— L’imputabilité du manquement à M. Sung

M. Sung était président-directeur général de Cibox à l’époque des faits et, avait donc la qualité de dirigeant de cette société au sens du dernier alinéa de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF.

Au demeurant, il a été dit que M. Sung savait que l’information litigieuse était inexacte et il ressort des déclarations faites par ce dernier aux enquêteurs qu’il savait que cette information allait être diffusée dans les documents en cause mais a omis de la rectifier.

Les justifications invoquées par le mis en cause ne permettent pas de considérer qu’il a été privé de l’exercice de ses fonctions.

Dès lors, le manquement retenu à l’encontre de Cibox sur le fondement des articles 12.1 c) du règlement MAR et 223-1 du règlement général de l’AMF est imputable à M. Sung.

En conséquence, le grief tiré de la diffusion, à l’occasion des communiqués de presse des 31 juil et et 1er octobre 2014 ainsi que des rapports financiers semestriels des 1er août et 15 novembre 2014, d’une information inexacte concernant la fabrication par Foxconn des smartphones proposés par Cibox, fondé sur les dispositions combinées, d’une part, des articles 632-1 du règlement général de l’AMF et 12.1 c) du règlement MAR, d’autre part, des articles 223-1 du règlement général de l’AMF et 12.1c) du règlement MAR, est caractérisé à l’égard de Cibox et de M. Sung.

I.2.3 Sur l’information relative aux opérations d’autocontrôle de Cibox communiquée dans le rapport semestriel 2015

Il est fait grief à Cibox et à M. Sung d’avoir communiqué au public une information imprécise et inexacte en mentionnant dans son rapport financier semestriel 2015, publié le 23 septembre 2015, d’une part qu’au cours du 1er semestre 2015, la société avait cédé ses propres titres « pour un montant brut de 108 milliers d’euros », sans préciser le nombre de titres vendus, soit 2 150 000, pour un montant de 150 500 euros, d’autre part sans indiquer les opérations effectuées à l’achat pendant la même période, qui avaient porté sur 5 313 000 titres pour un montant de 502 030 euros.

Les mis en cause soutiennent que les informations en cause ne sont ni incomplètes, ni erronées.

Ils font d’abord valoir que l’article 222-4 du règlement général de l’AMF n’impose pas la mention dans le rapport financier semestriel de l’intégralité des interventions des émetteurs sur leurs propres titres.

Ils font ensuite observer que les informations litigieuses, figurant sous la note 7.12.3 des annexes aux comptes, étaient destinées à apporter des explications sur l’évolution des immobilisations financières au cours du 1er semestre 2015, impactée par la vente des actions propres, enregistrées en tant que titres de

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participation depuis des années. Ils affirment donc qu’ils n’avaient pas à faire état des 502 030 actions propres acquises au cours du premier semestre 2015, comptabilisées comme valeurs mobilières de placement et de ce fait sans incidence sur le niveau des immobilisations financières de Cibox.

— La diffusion de l’information

Le rapport semestriel 2015 ayant été mis en ligne sur le site internet de Cibox, la condition tenant à la diffusion de l’information, prévue à l’article 12.1 c) du règlement MAR, ou à sa communication, posée à l’article 632-1 du règlement général de l’AMF, est remplie.

— Le caractère inexact ou trompeur de l’information diffusée

Si l’article 222-4 du règlement général de l’AMF n’impose pas que le rapport financier semestriel fasse mention du nombre d’actions achetées et vendues au cours du semestre, contrairement à l’article L. 225-211 du code de commerce s’agissant du rapport annuel, il reste que cette information, dès lors qu’elle est communiquée par l’émetteur, doit satisfaire aux exigences d’exactitude et de sincérité.

Selon la section 7.12.3 « Immobilisations financières » du rapport semestriel 2015 de Cibox, « Cibox a cédé [au cours du premier semestre 2015] des titres pour un montant brut de 108 mil iers d’euros […] ».

S’agissant des cessions de titres, il ressort du dossier d’enquête, non contesté sur ce point par les mis en cause, qu’au cours du premier semestre 2015, Cibox a procédé à trois opérations de cession de ses titres, intervenues les 9 avril, 5 juin et 8 juin 2015, portant sur un total de 2 250 000 titres pour un montant de 158 500 euros (et non 150 500 euros comme l’indiquent par erreur les notifications de griefs).

L’information portée dans le rapport semestriel de Cibox faisant état d’une cession de titres pour 108 000 euros, au lieu de 158 500 euros, est dès lors inexacte.

S’agissant des acquisitions de titres, il convient de relever que Cibox est une société cotée qui établit ses comptes sociaux conformément aux normes comptables françaises.

Or, les actions propres rachetées par l’émetteur doivent, en application de l’article 942-27 du plan comptable général relatif au compte « 27 : autres immobilisations financières » dont le 6e alinéa dispose que « les sociétés qui achètent leurs actions inscrivent ces titres au compte 2771 « Actions propres ou parts propres », complété par l’article 624-15 du même plan relatif à la comptabilisation des actions acquises en vue de leur attribution, être comptabilisées comme « titre de participation », à moins que ces titres n’aient été rachetés en vue d’être attribués aux salariés, ce qui entraîne leur classement comptable en « valeurs mobilières de placement ».

En l’espèce, aucune résolution de l’assemblée générale des actionnaires en cours de validité à la date des opérations de rachat d’actions n’autorisait le rachat d’actions en vue de leur attribution aux salariés, ce dont il résulte que les actions propres rachetées par Cibox au cours du premier semestre 2015 auraient dû être comptabilisées comme des titres de participation.

La note relative aux immobilisations financières mentionnait le montant des cessions de ses propres titres réalisées au cours du premier semestre 2015 sans indiquer les acquisitions auxquelles elle avait procédé au cours de la même période qui, comme il a été dit, auraient dû être comptabilisées comme titres de participation.

Une tel e omission, qui portait de surcroît sur des opérations d’une ampleur bien supérieure aux cessions réalisées, à savoir 5 413 000 titres pour un montant total de 510 030 euros (et non, comme l’indiquent les notifications de griefs, 5 313 000 titres pour un montant de 502 030 euros), était de nature à induire le public en erreur sur la réalité des immobilisations financières de Cibox.

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— Des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne « l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier » ou qui « fixent ou sont susceptibles de fixer à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un ou plusieurs instruments financiers »

Les informations inexactes et trompeuses communiquées par Cibox dans son rapport financier semestriel 2015, qui concernaient les opérations sur ses propres actions réalisées au cours du semestre, ont donné ou étaient susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne l’offre ou la demande du titre Cibox.

— La connaissance, avérée ou supposée, par les mis en cause du caractère faux ou trompeur de l’information diffusée

En publiant le 24 septembre 2015, près de trois mois après la fin du 1er semestre 2015, un rapport semestriel qui, d’une part, était affecté d’une erreur du prix de cession des actions propres de la société, avec un écart entre le prix de cession de 108 000 euros annoncé au public et le prix de 158 500 euros effectivement réalisé par Cibox, soit 50 500 euros représentant 1/3 du prix de cession effectif, d’autre part, omettait de mentionner les opérations d’acquisitions réalisées au cours du semestre pour un montant près de 5 fois supérieur au montant des cessions, Cibox et M. Sung savait ou aurait dû savoir que l’information diffusée était fausse et trompeuse.

— L’imputabilité du manquement à M. Sung

M. Sung était président-directeur général de Cibox à l’époque des faits et, partant, avait la qualité de dirigeant de cette société au sens du dernier alinéa de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF.

Aucune des justifications invoquées par le mis en cause ne permettent d’établir qu’il a été privé de l’exercice de ses fonctions.

Au demeurant, son nom figure sur l’attestation du responsable du rapport financier semestriel 2015.

Dès lors, le manquement retenu à l’encontre de Cibox sur le fondement des articles 12.1 c) du règlement MAR et 223-1 du règlement général de l’AMF est imputable à M. Sung.

Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le manquement de Cibox et de M. Sung aux dispositions combinées, d’une part, des articles 632-1 du règlement général de l’AMF et 12.1 c) du règlement MAR, d’autre part, des articles 223-1 du règlement général de l’AMF et 12.1c) du règlement MAR est caractérisé s’agissant de l’information, communiquée dans le rapport financier semestriel 2015, relative aux opérations réalisées par Cibox sur ses propres actions.

II. SUR LES GRIEFS RELATIFS AUX OBLIGATIONS DE CIBOX EN MATIERE DE PROGRAMME DE RACHAT D’ACTIONS

Il est fait grief à Cibox d’avoir, en l’absence de programme de rachat d’actions autorisé par son assemblée générale d’actionnaires pour les années 2014 et 2015, procédé à plusieurs opérations d’acquisition de ses propres titres entre le 27 janvier 2014 et le 30 juillet 2015 et dépassé, le 10 juillet 2015, le seuil de 10 % de titres autodétenus, sans que ces titres n’aient été revendus ou annulés à la date de la notification de griefs, en violation des articles L. 225-209, L. 225-210 et L. 225-214 du code de commerce.

Il est également reproché à Cibox d’avoir manqué à ses obligations d’information de l’AMF et du marché, tant préalables aux achats de ses actions que postérieures à leur exécution, en violation des articles L.225-215 du code de commerce, L. 451-3 du code monétaire et financier et 241-1 à 241-4 du règlement général de l’AMF.

Cibox soulève d’abord l’incompétence de l’AMF pour connaître d’une violation des articles L. 225-209 et suivants du code de commerce dès lors que l’inobservation de ces dispositions ne constitue ni un abus de

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marché, ni un manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement des marchés et qu’une tel e violation est sanctionnée par l’annulation des actions irrégulièrement détenues, sur autorisation de l’assemblée générale.

Elle conteste ensuite le bien fondé du grief.

Elle souligne qu’à la date de ses observations en réponse au rapport du rapporteur, elle ne détenait plus que 6,09 % de son capital.

Elle considère qu’il n’est pas établi que les acquisitions de ses propres titres litigieuses ont été réalisées en application de l’article L. 225-209 du code de commerce relatif aux programmes de rachat d’actions, dont découlent les obligations d’information prétendument méconnues, plutôt que sur le fondement de l’article L. 225-207 du code de commerce en vue d’une réduction de capital non motivée par des pertes ou de l’article L. 225-208 du même code, en vue d’une attribution d’actions aux salariés et souligne à cet égard avoir inscrit à l’ordre du jour de son assemblée générale mixte du 30 juin 2017 une résolution prévoyant une telle attribution. Elle en déduit que, conformément à la présomption d’innocence, les manquements à ses obligations d’information doivent être écartés.

II.1 Sur l’exception d’incompétence de l’AMF pour connaître d’une violation des articles L. 225-209 et suivants du code de commerce

Conformément aux articles L. 621-15 et L. 621-14 I, alinéa 1er, du code monétaire et financier, dans leur version en vigueur du 28 juillet 2013 au 5 décembre 2015, non modifiés depuis dans un sens plus doux, la Commission des sanctions peut prononcer une sanction à l’encontre de toute personne s’étant, dans certaines conditions, livrée ou ayant tenté de se livrer à une opération d’initié, à une manipulation de cours, à la diffusion d’une fausse information ou s’étant livrée à tout autre manquement « de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché ».

Les griefs pris de l’inobservation des obligations de Cibox en matière de programme de rachat d’actions sont relatifs :

— d’une part, à l’absence d’autorisation d’un programme de rachat d’actions par l’assemblée générale des actionnaires, en violation de l’article L. 225-209 du code de commerce, au dépassement du seuil de 10 % de titres auto détenus, interdit par l’article L. 225-210 du même code et à l’absence de revente ou d’annulation des titres auto détenus au-delà de ce seuil malgré les prescriptions contraires de l’article L. 225-214 du même code ;

— d’autre part, aux informations à communiquer à l’AMF et au marché en application des articles L. 225-212 du code de commerce, L. 451-3 du code monétaire et financier et 241-1 à 241-4 du règlement général de l’AMF.

Aucun de ces manquements ne relève d’une opération d’initié, d’une manipulation de cours ou de la diffusion d’une fausse information, de sorte que la commission des sanctions ne peut en connaître qu’à la condition qu’ils soient « de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché ».

La première catégorie de manquements intéresse le respect des prérogatives de l’assemblée générale des actionnaires ainsi que la prévention du risque de fictivité du capital social et d’auto-désignation des dirigeants sociaux, assurée par la limitation à 10 % du pourcentage de détention par une société de ses propres titres et la neutralisation des effets du non-respect de ce plafond.

Les manquements en cause, qui concernent au premier chef le bon fonctionnement des sociétés, n’apparaissent donc pas de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement du marché, de sorte que la commission des sanctions n’est pas compétente pour en connaître.

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Les obligations qui sous-tendent les manquements reprochés entrant dans la seconde catégorie poursuivent un objectif de bonne information du marché et de prévention des abus de marché susceptibles d’être commis par un émetteur intervenant sur ses titres, de sorte que leur méconnaissance est de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement du marché.

Il en résulte que la Commission des sanctions peut, le cas échéant, prononcer une sanction à l’encontre de Cibox à raison de la méconnaissance des obligations d’information découlant des articles L. 225-212 du code de commerce, L. 451-3 du code monétaire et financier et des articles 241-1 à 241-4 du règlement général de l’AMF.

Seuls ces derniers manquements seront donc examinés.

II.2 Appréciation des manquements aux obligations d’information en matière de programme de rachat de titres

II.2.1 Textes applicables

Les faits reprochés à Cibox, qui se sont déroulés entre le 27 janvier 2014 et le 30 juillet 2015, seront examinés à la lumière des textes alors applicables, sous réserve de l’application rétroactive d’éventuel es dispositions plus douces entrées en vigueur postérieurement.

L’article L. 225-212 du code de commerce, dans sa version en vigueur du 24 mars 2012 au 11 décembre 2016, énonçait : « Les sociétés doivent déclarer à l’Autorité des marchés financiers les opérations qu’elles envisagent d’effectuer en application des dispositions de l’article L. 225-209. Elles rendent compte chaque mois à l’Autorité des marchés financiers des acquisitions, cessions, annulations et transferts qu’elles ont effectués. / L’Autorité des marchés financiers peut leur demander à ce sujet toutes les explications ou les justifications qu’elle juge nécessaires. / S’il n’est pas satisfait à ces demandes ou lorsqu’elle constate que ces transactions enfreignent les dispositions de l’article L. 225-209, l’Autorité des marchés financiers peut prendre toutes mesures pour empêcher l’exécution des ordres que ces sociétés transmettent directement ou indirectement. »

Par ailleurs, l’article L. 451-3 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur du 27 juillet 2005 au 11 décembre 2016, disposait : « Les opérations de rachat d’actions prévues par l’article L. 225-209 du code de commerce ne sont pas soumises aux dispositions du VII de l’article L. 621-8 du présent code. / Dans les conditions et selon les modalités fixées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers, toute société dont des actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé qui souhaite procéder au rachat de ses propres titres de capital informe préalablement le marché. »

Dans leur rédaction en vigueur depuis le 11 décembre 2016, soit postérieurement aux faits, les articles L. 225-212 du code de commerce et L. 451-3 du code monétaire et financier prévoient que la déclaration à l’AMF des acquisitions envisagées par les émetteurs en application des dispositions de l’article L. 225-209, c’est-à-dire dans le cadre d’un programme de rachat d’actions, « est réputée avoir été réalisée lorsque

[ces émetteurs] l’ont effectuée en application des articles 5 et 13 du règlement MAR ».

En l’espèce, il n’est pas contesté que les acquisitions litigieuses ne s’inscrivaient pas dans le cadre d’un programme de rachat d’actions mettant en œuvre les articles 5 et 13 du règlement MAR, non encore applicables à l’époque des faits.

De surcroît, l’article L. 451-3 du code monétaire et financier dans sa version en vigueur prévoit des obligations d’information supplémentaires à l’égard de l’AMF.

Il en résulte que les versions en vigueur des articles L. 225-212 du code de commerce et L. 451-3 du code monétaire et financier ne sont pas plus douces.

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L’article 241-2 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur du 1er juin 2009 au 18 décembre 2016, non modifiée sur ces points dans un sens plus doux, prévoit : « I. – Préalablement à la réalisation d’un programme de rachat de ses titres, tout émetteur publie, selon les modalités fixées à l’article 221-3, le descriptif du programme […] / II. – Pendant la réalisation du programme de rachat, toute modification de l’une des informations énumérées aux 3°, 4° et 5° du I doit être portée, le plus tôt possible, à la connaissance du public selon les modalités fixées à l’article 221-3. »

L’article 241-4 du même règlement, dans sa rédaction en vigueur du 1er avril 2009 au 18 décembre 2016, dispose : « I. – Tout émetteur pour lequel un programme de rachat de ses titres est en cours de réalisation : / 1° Informe le marché de toutes les opérations effectuées dans le cadre du programme de rachat au plus tard le septième jour de négociation suivant leur date d’exécution. Ces informations, établies selon les modalités précisées dans une instruction de l’AMF, sont mises en ligne sur le site de l’émetteur ; / 2° Informe l’AMF selon une périodicité qui ne peut être supérieure à un mois : / a) Des annulations de titres effectuées, pour la période écoulée depuis la dernière déclaration, en précisant le nombre et les caractéristiques des titres annulés ainsi que la date d’effet de l’annulation ; / b) Des opérations effectuées sur le marché réglementé ou hors marché, par voie d’acquisition, de cession ou de transfert en distinguant les opérations au comptant et par l’utilisation de produits dérivés, pour la période écoulée depuis la dernière déclaration ; / c) Des positions ouvertes sur produits dérivés à la date de la déclaration. / Ces informations sont transmises à l’AMF par voie électronique, selon le format défini dans une instruction de l’AMF. / II. – […] / Si, parallèlement à la diffusion de la déclaration mentionnée au 1° du I, l’émetteur transmet à l’AMF, selon les mêmes modalités que la déclaration mensuelle mentionnée au 2° du I, l’intégralité des informations exigées au titre de cette dernière, il est dispensé de l’application du 2° du I. »

Cet article a été modifié par l’arrêté du 14 décembre 2016, entré en vigueur le 18 décembre 2016, et dispose désormais : « I.- Tout émetteur effectuant des transactions sur ses propres titres dans le cadre d’un programme de rachat dans les conditions de l’article 5 du règlement sur les abus de marché (règlement n° 596/2014/ UE) déclare ces transactions à l’AMF par voie électronique selon des modalités définies dans une instruction de l’AMF. Ces déclarations font l’objet d’une diffusion effective et intégrale au sens de l’article 221-3. / II.- Tout émetteur effectuant des transactions sur ses propres titres dans le cadre d’un programme de rachat déclare mensuellement ces transactions à l’AMF par voie électronique selon des modalités et un format définis dans une instruction de l’AMF. »

L’article 221-3 du règlement général de l’AMF auquel il est fait référence dispose : « I. – L’émetteur s’assure de la diffusion effective et intégrale de l’information réglementée définie à l’article 221-1 à l’exception de l’information visée au m du 1° de l’article 221-1 [les informations relatives à un franchissement de seuil de participation] […] / II. – L’émetteur met en ligne sur son site internet les informations réglementées dès leur diffusion à l’exception de l’information visée au m du 1° de l’article 221-1 qui est diffusée par l’AMF sur son site internet. »

Ainsi, dans sa rédaction en vigueur depuis le 18 décembre 2016, le I de l’article 241-4 du règlement général de l’AMF restreint le champ d’application de l’obligation d’information a posteriori du marché aux transactions effectuées dans le cadre d’un programme de rachat dans les conditions de l’article 5 du règlement MAR, c’est-à-dire à celles qui ont vocation à bénéficier de la dérogation à l’interdiction des opérations d’initié prévue par ce dernier texte. Les autres transactions effectuées dans le cadre d’un programme de rachat ne sont pas interdites mais sont soumises à l’interdiction des opérations d’initié.

Dès lors, le I de l’article 241-4 du règlement général de l’AMF dans version en vigueur, en ce qu’il ne soumet plus les transactions effectuées dans le cadre d’un programme de rachat s’inscrivant en dehors des conditions de l’article 5 du règlement MAR à l’obligation d’information qu’il prévoit, apparaît moins sévère sur ce point.

Il y aura donc lieu d’examiner les faits à la lumière des articles L. 225-212 du code de commerce, L. 451-3 du code monétaire et financier, 241-2 et 241-4 du règlement général de l’AMF, dans leur version précitée, applicable à l’époque des faits, sous réserve, s’agissant de ce dernier texte, de son champ d’application désormais plus limité.

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II.2.2 Appréciation du manquement

Le II de l’article L. 225-206 du code de commerce, dans sa rédaction en vigueur depuis le 26 juin 2004, autorise « l’achat par une société de ses propres actions […] dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 225-207 à L. 225-217 ». I

Il résulte des dispositions auxquelles ce texte renvoie que trois hypothèses seulement sont envisagées en ce qui concerne un émetteur dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé : une réduction de capital non motivée par des pertes en vue de l’annulation d’un certain nombre d’actions en application de l’article L. 225-207, l’attribution d’actions ou l’octroi d’options d’achat aux salariés en vertu de l’article L. 225-208 et la mise en œuvre du programme de rachat d’actions prévu par l’article 225-209, qui exige de satisfaire aux obligations d’information invoquées par la notification de griefs.

En premier lieu, Cibox ne conteste pas qu’aucune des 26 opérations d’acquisition de ses propres titres effectuées entre le 27 janvier 2014 et le 30 juillet 2015 n’a donné lieu à l’attribution d’actions aux salariés dans le délai d’un an comme le prévoit l’article L. 225-208 du code de commerce et l’inscription à l’ordre du jour d’une assemblée générale du 30 juin 2017 d’une résolution relative à l’attribution d’actions aux salariés – au demeurant non adoptée – est intervenue près de deux ans après les derniers rachats de titres.

Il n’est donc pas établi que Cibox a procédé au rachat de ses titres entre le 27 janvier 2014 et le 30 juillet 2015 en vue de les attribuer à ses salariés

En second lieu, il ressort des rapports financiers annuels 2014 et 2015 qu’au 31 décembre 2013, 2014 et 2015, le capital de la société s’élevait à 1 983 015,84 euros, divisé en 99 150 792 actions de 0,02 euro, de sorte que les achats de ses propres titres réalisés par Cibox entre le 27 janvier 2014 et le 30 juillet 2015 ne faisaient pas suite à une réduction de capital non motivée par des pertes décidée par l’assemblée générale.

En conséquence, les rachats litigieux s’inscrivaient nécessairement dans le cadre de l’article L. 225-209 du code de commerce et se trouvaient soumis aux obligations déclaratives en découlant, peu important le non-respect par Cibox d’autres conditions posées par ce texte.

Les obligations d’information susvisées sont donc bien applicables à Cibox.

Cibox ne conteste pas, d’une part, que les 26 opérations d’acquisitions réalisées sur ses propres titres entre le 27 janvier 2014 et le 30 juillet 2015 n’ont fait l’objet d’aucune déclaration, a priori et a posteriori, auprès de l’AMF, d’autre part, qu’elle n’a ni informé le marché qu’el e souhaitait procéder au rachat de ses titres, ni publié de descriptif de son programme de rachat, ni porté ses acquisitions à la connaissance du public.

Les acquisitions litigieuses de Cibox ne s’inscrivant pas dans le champ d’application défini par l’article 5 du règlement MAR, l’obligation d’en informer le marché a posteriori prévue par le I de l’article 241-4 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur depuis le 18 décembre 2016, ne lui est pas applicable.

En revanche, Cibox était soumise aux obligations déclaratives à l’égard de l’AMF ainsi qu’aux obligations d’informer le marché du souhait de l’émetteur de racheter ses titres et de publier le descriptif de son programme de rachat, prévues aux articles L. 225-212 du code de commerce, L. 451-3 du code monétaire et financier, 241-2 et 241-4, II, du règlement général de l’AMF, qui sont applicables à tout émetteur dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé procédant ou envisageant de procéder au rachat de ses actions en vertu de l’article L. 225-209 du code de commerce.

Le manquement de Cibox à ses obligations d’informer l’AMF et le marché de son projet de mise en œuvre d’un programme de rachat de titres et de sa réalisation édictées par les articles L. 225-212 du code de

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commerce, L. 451-3 du code monétaire et financier, 241-2 et 241-4, II, du règlement général de l’AMF, est donc caractérisé.

III. SUR LE GRIEF NOTIFIE A CIBOX TIRE DU MANQUEMENT A L’OBLIGATION D’ABSTENTION D’UTILISATION D’UNE INFORMATION PRIVILEGIEE

Il est fait grief à Cibox d’avoir manqué à son obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée, en violation des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF, à l’occasion de son intervention à l’achat sur le marché de son titre le 30 juillet 2015, ayant porté sur un total de 99 800 titres, alors qu’elle détenait une information relative à ses résultats semestriels au 30 juin 2015 qui présentait dès le 27 juillet 2015 les caractéristiques d’une information privilégiée, en ce qu’elle était à cette date :

— non publique, les résultats semestriels de Cibox n’ayant été publiés que le 31 juil et 2015 ;

— précise car portant sur un résultat net au 30 juin 2015, estimé à 240 000 euros, en nette progression par rapport à la perte de 129 000 euros constatée au 30 juin 2014, et sur un chiffre d’affaires estimé à 5 191 000 euros pour le 1er semestre 2015, en hausse de 44 % par rapport au chiffre d’affaires de 3 591 000 euros réalisé au cours du premier semestre 2014, de sorte qu’il était possible de tirer de cette information une conclusion, en l’occurrence positive, sur le cours du titre Cibox ;

— susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours du titre Cibox dès lors que les résultats et le chiffre d’affaires de Cibox au 30 juin 2015, en nette progression par rapport à l’année précédente, constituait une information de nature positive qu’un investisseur raisonnable, anticipant une évolution favorable du cours de bourse, aurait pu utiliser comme l’un des fondements de sa décision d’investissement, comme en témoigne la progression du cours de 8,3 % à l’ouverture le 3 août 2015 dans un volume d’échange important.

Cibox conteste le manquement.

Elle fait d’abord valoir que l’acquisition de 99 800 titres Cibox le 30 juillet 2015 a été décidée et réalisée par M. Fabrice Trifaro, tiers à la société puisqu’il n’était, à la date des faits, ni salarié, ni dirigeant de Cibox, ni représentant permanent de la société AI Investment au conseil d’administration de Cibox et soutient que le principe de personnalité des peines édicté par l’article 121-2 du code pénal commande qu’el e ne soit pas tenue responsable des agissements d’un tiers non autorisé, de surcroît frauduleux.

Elle précise que si M. Trifaro a été investi, de façon informelle, d’un mission de gestion de sa trésorerie, en raison de sa situation de principal actionnaire de la société et, à ce titre, s’est vu remettre tous les jours, sur autorisation du président-directeur général, les codes d’accès au compte Interactive Brokers de la société Cibox sur lequel ont été passés les ordres litigieux du 30 juillet 2015, il n’avait pas été « mandat[é] pour réaliser des opérations sur actions propres » et a agi en violation des directives données le 14 juillet 2015 par le président-directeur général de Cibox de cesser les rachats de titres et de son propre engagement de ne plus acquérir de titres Cibox.

Cibox fait ensuite observer que les opérations réalisées par M. Trifaro, qui n’est pas initié primaire, s’inscrivaient dans le cadre de ses habitudes d’investissement et, partant, qu’il n’est pas établi que ce dernier a utilisé l’information en cause.

Elle relève enfin qu’il n’a été tiré aucun profit de cette opération dans la mesure où le cours de clôture de la séance ayant suivi la publication des résultats semestriels 2015 était le même que le cours d’exécution de l’acquisition litigieuse du 30 juil et 2015.

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III.1 Textes applicables

Les faits reprochés à Cibox, qui se sont déroulés au cours du mois de juillet 2015, seront examinés à la lumière des textes alors applicables, sous réserve de l’application rétroactive d’éventuelles dispositions plus douces entrées en vigueur postérieurement.

— Définition de l’information privilégiée

L’article 621-1 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 15 juin 2014 jusqu’à son abrogation par l’arrêté du 14 septembre 2016, énonce : « Une information privilégiée est une information précise qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés […]. / Une information est réputée précise si elle fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de se produire et s’il est possible d’en tirer une conclusion quant à l’effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés […]. / Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés […] est une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement. »

Le règlement MAR dispose, en son article 7, intitulé « Informations privilégiées » : « « 1. Aux fins du présent règlement, la notion d’« information privilégiée» couvre les types d’information suivants : a) une information à caractère précis qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d’influencer de façon sensible le cours des instruments financiers concernés […] ; […] / 2. Aux fins de l’application du paragraphe 1, une information est réputée à caractère précis si el e fait mention d’un ensemble de circonstances qui existe ou dont on peut raisonnablement penser qu’il existera ou d’un événement qui s’est produit ou dont on peut raisonnablement penser qu’il se produira, si elle est suffisamment précise pour qu’on puisse en tirer une conclusion quant à l’effet possible de cet ensemble de circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers […] . […] / 4. Aux fins du paragraphe 1, on entend par information qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d’influencer de façon sensible le cours des instruments financiers […], une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme faisant partie des fondements de ses décisions d’investissement. […] ».

Les dispositions précitées de l’article 7 du règlement MAR, qui définissent l’information privilégiée en des termes très proches de celles ci-dessus reproduites de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, ne sont pas plus douces et, partant, ne peuvent donner lieu à application rétroactive.

Le caractère privilégié de l’information en cause sera donc examiné à la lumière des dispositions précitées de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF.

— Définition des opérations d’initiés

L’article 622-1 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 15 juin 2014 jusqu’à son abrogation par l’arrêté du 14 septembre 2016 dispose que « Toute personne mentionnée à l’article 622-2 doit s’abstenir d’utiliser l’information privilégiée qu’elle détient en acquérant ou en cédant, ou en tentant d’acquérir ou de céder, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, soit directement soit indirectement, les instruments financiers […] auxquels se rapporte cette information […] ».

Aux termes de l’article 622-2 du règlement général de l’AMF, dans sa version issue de l’arrêté du 12 novembre 2004, non modifiée depuis sur ces points dans un sens moins sévère : « Les obligations d’abstention prévues à l’article 622-1 s’appliquent à toute personne qui détient une information privilégiée en raison de / : 1° Sa qualité de membre des organes d’administration, de direction, de gestion ou de surveillance de l’émetteur ; / 2° Sa participation dans le capital de l’émetteur ; / […] / Ces obligations

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d’abstention s’appliquent également à toute autre personne détenant une information privilégiée et qui sait ou qui aurait dû savoir qu’il s’agit d’une information privilégiée. / Lorsque la personne mentionnée au présent article est une personne morale, ces obligations d’abstention s’appliquent également aux personnes physiques qui participent à la décision de procéder à l’opération pour le compte de la personne morale en question ».

Le règlement MAR, entré en application le 3 juillet 2016, dispose, en son article 8 : « 1. Aux fins du présent règlement, une opération d’initié se produit lorsqu’une personne détient une information privilégiée et en fait usage en acquérant ou en cédant, pour son propre compte ou pour le compte d’un tiers, directement ou indirectement, des instruments financiers auxquels cette information se rapporte […] / 4. Le présent article s’applique à toute personne qui possède une information privilégiée en raison du fait que cette personne : / a) est membre des organes d’administration, de gestion ou de surveil ance de l’émetteur […] ; / b) détient une participation dans le capital de l’émetteur […] ; / […] / Le présent article s’applique également à toute personne qui possède une information privilégiée dans des circonstances autres que celles visées au premier alinéa lorsque cette personne sait ou devrait savoir qu’il s’agit d’une information privilégiée. / […].

Son article 14 prévoit : « Une personne ne doit pas : / a) effectuer ou tenter d’effectuer des opérations d’initiés […] ».

Ces dispositions, qui définissent les opérations d’initié en des termes très proches de celles précitées des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF, ne sont pas plus douces et les faits de la présente affaire n’entrent pas dans les prévisions de l’article 9 du règlement MAR relatif aux comportements légitimes.

Il s’ensuit qu’en l’absence de disposition susceptible de recevoir une application rétroactive, la définition des opérations d’initiés retenue sera celle énoncée par l’article 622-2 du règlement général de l’AMF dans sa version en vigueur à l’époque des faits.

III.2 Appréciation du manquement

III.2.1 Sur l’existence d’une information privilégiée relative aux résultats semestriels 2015 de Cibox

Il convient de rechercher si l’information relative aux « résultats semestriels de Cibox » pour 2015 était privilégiée au moment de l’intervention de Cibox sur son titre, le 30 juillet 2015, qualification au sujet de laquelle Cibox ne fait valoir aucune observation.

— Sur le caractère non public de l’information

Par communiqué publié le 31 juillet 2015, Cibox a porté à la connaissance du public ses résultats du premier semestre 2015, en progression par rapport à ceux du premier semestre 2014, et, en particulier, un chiffre d’affaires de 5 191 k€ (contre 3 591 k€ au premier semestre 2014), un résultat d’exploitation de -16 k€ (contre -164 k€ au premier semestre 2014), un résultat financier de 260 k€ (contre 36 k€ au premier semestre 2014), un résultat exceptionnel de -4 k€ et un résultat net de 240 k€ (contre une perte de -129 k€ au premier semestre 2014).

Cibox ne soutient pas que ses résultats semestriels 2015 ont été rendus publics avant le communiqué précité et aucun élément du dossier ne le laisse penser.

Dès lors, il sera retenu que l’information en cause est demeurée confidentielle jusqu’à sa publication par Cibox le 31 juillet 2015.

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— Sur la précision de l’information

Le 27 juillet 2015 à 10h55, la responsable des relations investisseurs de Cibox a adressé par courriel à M. Sung et M. Vasser (en réalité M. Trifaro, comme ce dernier l’a lui-même déclaré aux enquêteurs) un projet de communiqué de presse relatif aux résultats semestriels de la société, identique au document publié le 31 juillet suivant, qui a été approuvé le même jour par M. Sung dans un courriel envoyé à 18h25.

Ainsi, l’information relative aux « résultats semestriels de Cibox » portait, à compter du 27 juillet 2015, sur un ensemble de circonstances qui s’étaient produites ou étaient susceptibles de se produire.

Eu égard à leur objet, il était possible de tirer de ces circonstances une conclusion quant à leur effet possible sur le cours de Cibox.

En conséquence, l’information était précise, au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, à compter du 27 juillet 2015.

— Sur le critère de l’influence sensible

L’information relative aux résultats financiers au 30 juin 2015 de Cibox mettait en exergue une nette progression par rapport au premier semestre 2014 avec un chiffre d’affaires de 5 191 k€ (contre 3 591 k€ en 2014) et un résultat net de 240 k€ (contre une perte de -129 k€ en 2014).

Or, il ressort des termes mêmes du communiqué de Cibox (« les bénéfices sont au rendez-vous dès le 1er semestre alors que la période est réputée moins favorable (ce qui n’était pas arrivé depuis des années) ») qu’il était inhabituel qu’un résultat positif soit dégagé au premier semestre.

En conséquence, l’information relative aux résultats du premier semestre 2015 de Cibox était susceptible, dès le 27 juillet 2015, d’être utilisée par un investisseur raisonnable comme l’un des fondements de sa décision d’investissement et, partant, d’avoir une influence sensible sur le cours du titre Cibox, au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF.

Il résulte de l’ensemble des éléments qui précèdent qu’à compter du 27 juil et 2015, l’information relative aux résultats semestriels 2015 de Cibox revêtait un caractère privilégié au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF.

III.2.2 Sur la détention et l’utilisation de l’information privilégiée par Cibox

Il résulte d’abord de l’échange de courriels précité du 27 juillet 2015 entre la responsable des relations investisseurs de Cibox, M. Sung et M. Trifaro concernant le projet de communiqué de presse sur les résultats semestriels de la société qu’au plus tard à cette date, ces résultats étaient établis et connus en interne, de sorte qu’il est acquis que Cibox, son représentant légal et M. Trifaro détenaient l’information privilégiée lors de l’acquisition des titres Cibox le 30 juillet 2015.

Il ressort ensuite des éléments versés au dossier qu’une acquisition de 99 800 titres Cibox a été réalisée le 30 juillet 2015 depuis le compte Interactive Brokers ouvert au nom de Cibox, pour un montant total de 11 976 euros.

Initiée primaire du fait de la détention d’une partie de son capital, Cibox est présumée avoir utilisé l’information privilégiée relative à ses résultats semestriels 2015 à l’occasion de l’acquisition réalisée le 30 juillet 2015.

Selon les déclarations concordantes de MM. Sung et Trifaro recueillies par les enquêteurs de l’AMF, les ordres d’achat du 30 juillet 2015 ont été matériellement passés par le second.

Aucun élément versé au dossier n’établit que M. Trifaro avait la qualité de salarié ou de mandataire social de Cibox.

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Toutefois, Cibox a mentionné dans ses observations en réponse au rapport du rapporteur, que M. Trifaro « a été investi de façon informelle, grâce à sa situation de principal actionnaire, d’une mission de gestion de la trésorerie de Cibox » ou encore qu’il « a agi en qualité de prestataire de services », indications qui corroborent les déclarations faites aux enquêteurs par M. Sung, président-directeur général de la société, selon lesquelles ce dernier avait confié à M. Trifaro la gestion du compte Interactive Brokers ouvert au nom de Cibox au début du mois de mai 2015.

Il est établi tant par les déclarations de M. Sung que par celles de M. Trifaro que pour effectuer les rachats de titres Cibox sur le marché, ce dernier avait besoin d’une clé d’accès au compte Interactive Brokers de Cibox, renouvelée chaque jour, qui lui était transmise par une salariée de Cibox sur autorisation du président-directeur général de la société, M. Sung.

Ainsi, M. Trifaro a bien agi au nom et pour le compte de Cibox, au su de son dirigeant.

M. Sung a adressé à M. Trifaro, le 14 juillet 2015, un courriel aux termes duquel il indiquait « vous avez dépasser trop la limite fixée [de 10%], cela me gène énormément » et M. Trifaro a reconnu ne pas avoir suivi les instructions données par M. Sung, ce dernier a également déclaré que « tous les jours, je lui ai répété qu’il ne fallait pas acheter des actions CIBOX mais il a fait le contraire », « je le lui répétais sans arrêt et lui n’en faisait qu’à sa tête. C’est le plus gros actionnaire » ou encore « j’avais beau lui dire de ne pas acheter, il continuait à acheter », ce dont il s’infère qu’il savait que ses instructions n’étaient pas suivies par M. Trifaro. Loin de révoquer le mandat, M. Sung a donc continué à fournir à M. Trifaro les moyens de l’exécuter.

Ainsi, c’est en connaissance de cause que le code d’accès au compte Interactive Brokers a été transmis à M. Trifaro pour l’opération du 30 juillet 2015 réalisée par ce dernier.

En sa qualité de gérant d’AI Investment, société dont la principale activité est « l’investissement sur les marchés internationaux », M. Trifaro, qui a par ailleurs indiqué qu’il réalisait des opérations sur le marché des actions et en particulier sur des penny stocks depuis 2000, savait ou aurait dû savoir que l’information sur les résultats semestriels de Cibox qui lui avaient été transmise le 27 juillet 2015 présentait un caractère privilégié, au sens de l’article 622-2 du règlement général de l’AMF.

Cibox argue que la comparaison des opérations d’achat effectuées entre le 23 juin et le 13 juillet 2015, d’une part, et entre le 15 et le 30 juillet 2015 ou entre le 27 et le 31 juillet 2015, d’autre part, révèle qu’au cours de la première période, celles-ci ont été bien plus nombreuses (17) qu’au cours de la deuxième (2) et ont porté sur un volume d’actions nettement plus élevé (9 700 000) qu’au cours de la troisième période (99 800), circonstances qui rendraient peu plausible l’utilisation de l’information privilégiée par M. Trifaro.

Toutefois, une telle comparaison, qui ne renseigne pas sur la modification ou, au contraire, la continuité des interventions de M. Trifaro entre la période au cours de laquel e l’information a revêtu un caractère privilégié (du 27 au 31 juillet 2015) et celle immédiatement antérieure, est dépourvue de portée.

Il résulte de ce qui précède que le manquement aux dispositions des articles 621-1, 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF est caractérisé à l’égard de Cibox.

IV. SUR LES GRIEFS RELATIFS AUX OBLIGATIONS DECLARATIVES DU DIRIGEANT ET ACTIONNAIRES SUITE A LEURS INTERVENTIONS SUR LE TITRE CIBOX

IV.1 Sur le manquement aux obligations déclaratives relatives aux transactions effectuées par M. Ming Lun Sung, en sa qualité de dirigeant de Cibox

Il est fait grief à M. Sung, président-directeur général de Cibox, d’avoir contrevenu aux obligations déclaratives prévues par les articles L. 621-18-2 du code monétaire et financier et les articles 223-22-A à 223-26 du règlement général de l’AMF en s’abstenant de déclarer ses acquisitions de titres Cibox à

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hauteur de 2 517 148 titres le 7 janvier 2014 et de 3 900 000 titres le 19 février 2014, pour un montant total de 231 514,44 euros.

M. Sung ne conteste pas la matérialité du manquement reproché mais explique qu’il procède de sa méconnaissance de la réglementation en vigueur ainsi que de ses déplacements réguliers à l’étranger à l’époque des faits et invoque sa bonne foi, sa coopération avec les services de l’AMF et l’absence de récidive ainsi que l’absence de profit tiré du manquement.

Il relève également qu’au sens de la directive 2003/6/CE sur les abus de marché, les déclarations de dirigeants sont destinées à prévenir les abus de marché et qu’il ne lui est pas reproché d’avoir commis un tel manquement.

Il en déduit qu’en application du principe de proportionnalité, la commission ne peut entrer en voie de sanction à son égard.

Les faits reprochés, qui se sont déroulés au cours des mois de janvier et février 2014, seront examinés à la lumière des textes alors applicables, sous réserve de l’application rétroactive d’éventuel es dispositions plus douces entrées en vigueur postérieurement.

Aux termes de l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 24 mars 2012 au 2 juillet 2016, applicable au moment des faits : « I -Sont communiqués par les personnes mentionnées aux a à c à l’Autorité des marchés financiers, et rendus publics par cette dernière dans le délai déterminé par son règlement général, les acquisitions, cessions, souscriptions ou échanges d’actions d’une société ainsi que les transactions opérées sur des instruments financiers qui leur sont liés, lorsque ces opérations sont réalisées par : / a) Les membres du conseil d’administration, du directoire, du conseil de surveillance, le directeur général, le directeur général unique, le directeur général délégué ou le gérant de cette personne ; […] / Les personnes mentionnées aux a à c sont tenues de communiquer à l’émetteur, lors de la communication à l’Autorité des marchés financiers prévue au premier alinéa, une copie de cette communication. Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers définit les modalités de la communication à celle-ci ainsi que les conditions dans lesquelles l’assemblée générale des actionnaires informée des opérations mentionnées au présent article. / Le I s’applique aux transactions portant sur les actions et les instruments financiers qui leur sont liés, de toute société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé et ayant son siège statutaire en France […] ».

L’article 223-22 A du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur depuis le 1er avril 2009 précise : « Les dispositions de la présente section s’appliquent aux transactions mentionnées à l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier. […] »

L’article 223-22 du même règlement, dans sa version en vigueur entre le 1er avril 2009 et le 23 septembre 2016, abrogée par l’arrêté du 14 septembre 2016, disposait : « Les personnes mentionnées à l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier déclarent à l’AMF, par voie électronique, dans un délai de cinq jours de négociation suivant leur réalisation, les acquisitions, cessions, souscriptions ou échanges d’actions de l’émetteur […] »

Enfin, l’article 223-23 du même règlement, dans sa version en vigueur du 1er avril 2009 au 23 septembre 2016, applicable au moment des faits, exemptait de ces obligations de déclaration les opérations réalisées « lorsque le montant cumulé desdites opérations n’excède pas 5 000 euros pour l’année civile en cours ».

Postérieurement aux faits, les modifications suivantes sont intervenues.

Le règlement MAR, entré en application le 3 juillet 2016, dispose, en son article 19 : « 1. Les personnes exerçant des responsabilités dirigeantes […] notifient à l’émetteur […] et à l’autorité compétente […] : / a) en ce qui concerne les émetteurs, toute transaction effectuée pour leur compte propre et se rapportant aux actions ou à des titres de créance dudit émetteur, ou à des instruments dérivés ou à d’autres instruments

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financiers qui leur sont liés ; […] / Ces notifications sont effectuées rapidement et au plus tard trois jours ouvrés après la date de la transaction. »

Le 25) de l’article 3.1 du règlement MAR désigne tout « membre de l’organe d’administration, de gestion ou de surveillance » de l’émetteur comme faisant partie des « personnes exerçant des responsabilités dirigeantes ».

Afin de tenir compte de l’entrée en application du règlement MAR, la loi du 21 juin 2016, entrée en vigueur le 3 juil et 2016, a modifié l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier. En premier lieu, a été introduit, au premier alinéa du I, un renvoi au règlement MAR en ce qui concerne les conditions de déclaration des opérations à l’AMF et à l’article 19 du même texte s’agissant des opérations à déclarer. En deuxième lieu, le dernier alinéa du I a été remplacé par une phrase disposant que « le règlement général de l’Autorité des marchés financiers fixe le seuil au-dessus duquel les opérations doivent être communiquées et les modalités d’application de ce seuil ». Enfin, les II et III ont été abrogés. Il convient de relever que la liste des personnes tenues de procéder à la déclaration, énumérées aux a) à c) de l’article L. 621-18-2, est demeurée inchangée.

L’arrêté du 14 septembre 2016 a, d’une part, abrogé l’article 223-22 du règlement général de l’AMF, supprimant ainsi le délai de déclaration imparti par ce texte (cinq jours de négociation suivant la réalisation des opérations), désormais prévu par l’article 19 du règlement MAR (déclaration à effectuer « rapidement et au plus tard trois jours ouvrables après la date de la transaction »), d’autre part, porté le seuil de déclaration mentionné à l’article 223-23 du règlement général de l’AMF de 5 000 à 20 000 euros par année civile.

Il en résulte que les dispositions entrées en vigueur postérieurement aux faits, notamment celles du règlement MAR, ne sont pas plus douces, sauf à constater que le seuil déclenchant l’obligation de déclaration, prévu à l’article 223-23 du règlement général de l’AMF, a été relevé.

Il n’est pas contesté que le seuil de 20 000 euros a été atteint par M. Sung, de sorte que la modification précitée est dépourvue d’incidence sur la caractérisation du manquement.

Il s’ensuit qu’aucune disposition plus douce n’est, en l’espèce, susceptible de recevoir une application rétroactive.

Au moment des faits, M. Sung était président du conseil d’administration et directeur général de Cibox de sorte que, en sa qualité de dirigeant de la société, il était tenu de déclarer toutes ses opérations effectuées sur le titre Cibox dans les cinq jours de négociation suivant leur réalisation.

M. Sung ne conteste pas avoir procédé à des acquisitions de titres Cibox les 7 janvier et 19 février 2014 représentant un total de 6 417 148 titres au prix de 231 514,44 euros, qui n’ont pas été déclarées à l’AMF.

En omettant de déclarer ses acquisitions à l’AMF, M. Sung – dont les déplacements à l’étranger au cours des périodes réglementaires de déclaration, au demeurant non établis, ne sont pas de nature à l’affranchir de son obligation déclarative – n’a pas satisfait aux exigences des articles L. 621-18-2 du code monétaire et financier et 223-22 du règlement général de l’AMF.

Le manquement à ces dispositions, qui ne requiert pas la démonstration d’un élément intentionnel ou l’existence d’un profit, est donc caractérisé.

IV.2 Sur les manquements à l’obligation de déclaration des franchissements de seuils

Les notifications de griefs adressées à MM. Sung et Fournier et à AI Investment leur reprochent d’avoir manqué à leurs obligations en matière de déclaration de franchissement de seuil, prévues par les articles L. 223-7 du code de commerce et 223-14 du règlement général de l’AMF.

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IV.2.1. Textes applicables

L’article L. 233-7 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 1er octobre 2012 au 5 décembre 2015, non modifié depuis dans un sens plus doux, dispose que : « I. Lorsque les actions d’une société ayant son siège sur le territoire de la République sont admises aux négociations sur un marché réglementé d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen […], toute personne physique ou morale agissant seule ou de concert qui vient à posséder un nombre d’actions représentant plus du vingtième, du dixième, des trois vingtièmes, du cinquième, du quart, des trois dixièmes, du tiers, de la moitié, des deux tiers, des dix-huit vingtièmes ou des dix-neuf vingtièmes du capital ou des droits de vote informe la société dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat, à compter du franchissement du seuil de participation, du nombre total d’actions ou de droits de vote qu’elle possède. / L’information mentionnée à l’alinéa précédent est également donnée dans les mêmes délais lorsque la participation en capital ou en droits de vote devient inférieure aux seuils mentionnés par cet alinéa. […] / II. La personne tenue à l’information mentionnée au I informe également l’Autorité des marchés financiers, dans un délai et selon des modalités fixés par son règlement général, à compter du franchissement du seuil de participation, lorsque les actions de la société sont admises aux négociations sur un marché réglementé […]. Cette information est portée à la connaissance du public dans les conditions fixées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers. »

Aux termes de l’article 223-14, alinéa 1er, du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur du depuis le 1er octobre 2012 : « I. Les personnes tenues à l’information mentionnée au I de l’article L. 233-7 du code de commerce déposent leur déclaration auprès de l’AMF, avant la clôture des négociations, au plus tard le quatrième jour de négociation suivant le franchissement du seuil de participation ».

IV.2.2 Sur l’appréciation des manquements

IV.2.2.1 Sur les griefs notifiés à M. Sung

Il est fait grief à M. Sung de ne pas avoir déclaré dans le délai réglementaire le franchissement à la hausse du seuil de 5 % du capital et des droits de vote de Cibox intervenu le 19 février 2014 à la suite d’une acquisition de 3 900 000 titres Cibox.

M. Sung reconnaît la matérialité des faits, attribue le non-respect du délai de déclaration à sa méconnaissance de ses obligations déclaratives et à ses déplacements fréquents à l’étranger à l’époque des faits et argue du caractère non intentionnel du manquement, de son absence de gravité et de l’inexistence d’un quelconque profit retiré de celui-ci.

Il en déduit que la Commission ne peut, par application du principe de proportionnalité, entrer en voie de sanction à son égard.

Il n’est pas contesté que M. Sung a acquis 3 900 000 titres Cibox le 19 février 2014, portant sa détention à 6,47 % du capital et des droits de vote de Cibox.

M. Sung a procédé à la déclaration de franchissement à la hausse du seuil de 5 % le 31 mars 2014, au lieu du 25 février au plus tard, et reconnaît d’ailleurs ne pas avoir respecté le délai réglementaire de déclaration.

Conformément aux dispositions des articles L. 233-7 du code de commerce et 223-14 du règlement général de l’AMF, le manquement aux obligations de déclaration des franchissements de seuil présente un caractère objectif, de sorte que les arguments de M. Sung tenant à sa méconnaissance des textes, à l’absence d’intention ou à l’inexistence de profit retiré du manquement sont inopérants.

Le manquement de M. Sung à ses obligations déclaratives est ainsi caractérisé.

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IV.2.2.2 Sur les griefs notifiés à M. Fournier

Il est fait grief à M. Fournier de ne pas avoir déclaré dans le délai réglementaire les franchissements à la hausse des seuils de 5 % et 10 % du capital et des droits de vote de Cibox, intervenus respectivement les 17 et 27 janvier 2014 (et non les 31 janvier et 13 février 2014 comme mentionné dans la déclaration déposée par le mis en cause auprès de l’AMF) ainsi que les franchissements à la baisse de ces mêmes seuils de 10 % et 5 % du capital de Cibox intervenus respectivement les 28 octobre et 5 novembre 2014 (et non les 5 et 6 novembre 2014 comme mentionné dans sa déclaration).

M. Fournier n’a pas déposé d’observations en réponse à la notification de griefs qui lui a été adressée. Dans sa réponse à la lettre circonstanciée, il a reconnu avoir franchi à la hausse « le seuil des 5 % le 17 janvier 2014 puis le 27 janvier 2014 » et précisé avoir tardé à déclarer ce franchissement d’abord par méconnaissance de la réglementation puis du fait de la réception de son relevé d’opérations du mois de janvier 2014 le 3 février 2014 et du manque de diligence de son avocat. Il a également indiqué avoir franchi à la baisse le seuil de 10 % le 4 novembre 2014 puis le seuil de 5 % le 6 novembre 2014 et avoir procédé aux déclarations correspondantes le 13 novembre suivant. Il a maintenu sa position en séance.

M. Fournier ne conteste pas avoir acquis 2 518 148 titres Cibox le 17 janvier 2014, portant sa participation à 5,84 % du capital et des droits de vote, et qu’à la suite d’une nouvelle acquisition de 3 900 000 titres le 27 janvier 2014, celle-ci a atteint 10,28 % du capital et des droits de vote.

M. Fournier n’a déclaré le franchissement à la hausse des seuils de 5 % puis de 10 % du capital et des droits de vote de Cibox que le 18 février 2014, alors que les délais de déclaration expiraient, respectivement, les 23 et 31 janvier 2014.

Les arguments en défense du mis en cause, tirés de sa méconnaissance des textes et du manque de diligence de son avocat pour le conseiller quant au contenu de sa déclaration d’intention, sont sans incidence sur la caractérisation du manquement, qui revêt un caractère objectif.

Il est établi par les pièces versées au dossier que M. Fournier, qui détenait 10,3 % du capital de Cibox à l’issue de ses opérations d’acquisition du mois de janvier 2014, a cédé 1 000 000 titres le 28 octobre 2014, ramenant sa participation à 9,3 % du capital et des droits de vote. Puis, à la suite de nouvelles cessions, M. Fournier, qui détenait 6,4 % du capital le 3 novembre 2014, a réduit sa participation à 3,02 % du capital et des droits de vote le 5 novembre 2014.

M. Fournier a déclaré ces deux franchissements à la baisse des seuils de 10 % puis de 5 % du capital par courrier du 13 novembre 2014, reçu le 17 novembre suivant par les services de l’AMF, alors que les délais de déclaration expiraient, respectivement, les 3 et 11 novembre 2014.

Le manquement de M. Fournier à ses obligations de déclaration des franchissements à la hausse et à la baisse des seuils de 5 % et 10 % du capital et des droits de vote de Cibox est ainsi caractérisé.

IV.2.2.3 Sur les griefs notifiés à AI Investment

Il est fait grief à AI Investment de s’être abstenue de déclarer les franchissements à la hausse puis à la baisse du seuil de 5 % du capital de Cibox, intervenus respectivement les 3 et 10 juillet 2014, et de ne pas avoir déclaré dans le délai réglementaire le franchissement à la hausse du seuil de 5 % du capital de Cibox intervenu le 1er août 2014.

AI Investment a reconnu les manquements mais souligné, d’une part, que la déclaration des franchissements du seuil de 5 % à la hausse puis à la baisse intervenus les 3 et 10 juillet 2014, soit à quelques jours d’intervalle, aurait entraîné une dépense inutile, d’autre part, s’agissant du franchissement de seuil du 1er août 2014, qu’ayant décidé d’augmenter sa participation, elle a préféré déclarer le nombre d’actions détenues au jour du dernier achat relativement important d’actions, intervenu le 17 septembre 2014, plutôt qu’une position intermédiaire quelques jours après le franchissement de seuil des 5 %.

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Il est constant et non contesté qu’AI Investment a acquis 522 000 titres Cibox le 3 juillet 2014, portant sa participation à 5,29 % du capital et des droits de vote puis qu’à la suite d’acquisitions et de cessions d’actions, elle détenait, le 10 juillet 2014, un total de 4 171 691 titres représentant 4,21 % du capital et des droits de vote et s’est abstenue de déclarer les franchissements à la hausse puis à la baisse du seuil de 5 % intervenus le 3 et le 10 juillet 2014.

Le souhait d’économiser le double coût de la contribution de 750 euros, rendue exigible par les articles L. 621-5-3, I-1°, et D. 621-27 du code monétaire et financier, n’est pas de nature à faire obstacle à la caractérisation du manquement, qui revêt un caractère objectif, ce coût fut-il jugé « inutile, dénué de sens et extrêmement cher ».

Il est également établi qu’AI Investment a acquis 1 510 002 titres Cibox le 1er août 2014, portant sa participation à 5,25 % du capital et des droits de vote, et déclaré ce franchissement à la hausse du seuil de 5 % le 17 septembre 2014, alors que le délai réglementaire expirait le 7 août 2014.

L’article 223-14 du règlement général de l’AMF ne prévoyant aucune possibilité de différer la déclaration de franchissement de seuil, y compris dans le cas où le déclarant a l’intention d’accroître encore sa participation, les explications données par AI Investment sur la date à laquelle elle a jugé préférable de procéder à la déclaration, correspondant au jour du dernier achat relativement important d’actions, sont inopérantes.

Les trois manquements d’AI Investment à ses obligations déclaratives relatives au franchissement du seuil de 5 % sont donc caractérisés.

V. SUR LE GRIEF RELATIF A LA DIFFUSION D’INFORMATIONS INEXACTES, IMPRECISES OU TROMPEUSES NOTIFIE A AI INVESTMENT

Il est fait grief à AI Investment d’avoir méconnu les dispositions de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF en diffusant, à l’occasion de sa déclaration de franchissement de seuil du 17 septembre 2014, des informations fausses concernant :

- le contrôle d’AI Investment, la déclaration mentionnant Mme Anna Vasser comme personne contrôlant au plus haut niveau la personne morale déclarante, alors que M. Trifaro en était le seul dirigeant ;

- la date du franchissement à la hausse du seuil de 5 %, intervenu non le 17 septembre 2014 comme mentionné dans la déclaration, mais le 1er août 2014 ;

- le montant de la participation d’AI Investment, qui n’était pas au 17 septembre 2014 de 8 800 000 mais de 9 000 000 de titres.

AI Investment soutient que les informations litigieuses étaient certes erronées mais ne concernaient qu’elle et ne donnaient pas d’indications sur le titre Cibox. A cet égard, elle fait valoir que le seul constat que des informations inexactes ont été transmises à l’AMF est insuffisant pour établir que des indications inexactes ou trompeuses sur le titre Cibox ont été données à cette occasion et que les informations litigieuses ne donnaient pas d’indications sur l’état de la demande de titres Cibox mais, s’agissant d’une déclaration de franchissement de seuils, sur un nombre de titres acquis.

Elle ajoute qu’une déclaration adressée à l’AMF ne remplit pas la condition de diffusion de l’information au public et que les informations concernées ne se rapportant pas à Cibox, l’élément intentionnel du manquement fait défaut.

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V.1 Textes applicables

Les faits reprochés se sont déroulés au cours du mois de septembre 2014.

Il ressort de l’analyse exposée au II.1 ci-avant que le manquement doit être examiné à la lumière des dispositions de l’article 632-1, alinéa 1, du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 15 juin 2014 au 23 septembre 2016, déjà citée, et de l’élément constitutif supplémentaire prévu par l’article 12.1 c) du règlement MAR qui vise les « informations […] qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier […] ou fixent ou sont susceptibles de fixer à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un ou plusieurs instruments financiers ».

V.2 Appréciation du manquement

— Le caractère inexact ou trompeur de l’information diffusée

En application du IV de l’article 223-14 du règlement général de l’AMF, toute déclaration de franchissement de seuil reçue complète par l’AMF donne lieu à la publication sur son site internet d’un avis reprenant les informations communiquées par le déclarant.

En conséquence, le dépôt d’une déclaration de franchissement de seuil équivaut à la diffusion d’une information au sens de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF, par le biais d’une publication sur le site internet de l’autorité.

Par ailleurs, il n’est pas contesté par AI Investment que cette dernière a franchi le seuil de 5 % du capital et des droits de vote de Cibox le 1er août 2014, à la suite de l’acquisition de 1 510 002 titres Cibox portant sa participation à 5,25 %, et non le 17 septembre 2014 comme mentionné dans la déclaration adressée à cette date à l’AMF, de sorte que cette déclaration comportait bien une indication inexacte concernant la date du franchissement de seuil.

AI Investment a reconnu en outre que le nombre de 8 800 000 actions Cibox mentionné dans sa déclaration était inexact puisqu’elle en détenait alors un total de 9 000 000, peu important pour l’appréciation du caractère faux ou trompeur de l’information que l’écart entre le nombre d’actions déclarées et effectivement détenues ne soit que de 2,3 %.

S’agissant de la personne « contrôlant au plus haut niveau » la société déclarante, au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, il convient d’observer que, dans sa version en vigueur du 27 juil et 2005 au 5 décembre 2015, ce texte ne définissait le contrôle que par référence aux personnes morales, de sorte que la rubrique correspondante du formulaire de déclaration de franchissement de seuil n’avait pas à être renseignée en cas de contrôle du déclarant par une personne physique, comme tel était le cas d’AI Investment, dont l’associé unique et bénéficiaire économique était M. Yan Huo Zhang.

Cependant, dès lors qu’AI Investment a volontairement porté des indications dans cette rubrique, celles-ci entraient dans les prévisions de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF. Or, il n’est pas contesté que l’information selon laquel e la société était contrôlée par Mme Anna Vasser était inexacte.

Il en résulte que les informations communiquées par AI Investment dans sa déclaration de franchissement de seuil présentaient un caractère inexact, sans qu’il y ait lieu d’opérer une distinction, du reste spécieuse, entre l’inexactitude des informations diffusées et les indications fausses ou trompeuses qu’el es donnent, dès lors que l’article 632-1 du règlement général de l’AMF, de même d’ailleurs que l’article 12.1 c) du règlement MAR, se réfèrent indistinctement aux informations « qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications inexactes » et aux informations « inexactes ou trompeuses ».

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— Des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne « l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier » ou qui « fixent ou sont susceptibles de fixer à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un ou plusieurs instruments financiers »

L’obligation de déclaration des franchissements de seuil, qui permet d’assurer l’information du public sur l’évolution du capital et des droits de vote des sociétés cotées en vue de préserver la transparence du marché et l’égalité entre investisseurs, constitue un vecteur privilégié d’information concernant l’offre et la demande d’un titre.

En l’espèce, la déclaration d’AI Investment, qui comportait des erreurs sur la date du franchissement du seuil de 5 %, le nombre de titres détenus et l’identité de la personne contrôlant l’actionnaire concerné, ne renseignait pas correctement le public sur la montée au capital d’un actionnaire de Cibox et, partant, donnaient des indications fausses en ce qui concerne la demande du titre Cibox.

— La connaissance, avérée ou supposée, par les mis en cause du caractère faux ou trompeur de l’information diffusée

En réponse à la notification de griefs, AI Investment a fait valoir qu’ « il a été jugé plus judicieux de mentionner le nombre d’actions que la société AI Investment détenait à la date de la déclaration que de déclarer une position intermédiaire à l’occasion du franchissement de seuil à la hausse des 5 % » et qu’il « était souhaité que le nom de M. Fabrice Trifaro n’apparaisse pas dans la déclaration, raison pour laquelle celui de Mme Anna Vasser a été mentionné en tant que personne contrôlant la société AI Investment ».

Il en résulte qu’AI Investment savait ou aurait dû savoir que les informations portées dans sa déclaration de franchissement de seuil étaient inexactes et trompeuses.

En conséquence, le manquement d’AI Investment aux dispositions des articles 632-1 du règlement général de l’AMF et 12.1 c) du règlement MAR est caractérisé.

SANCTIONS ET PUBLICATION

Le II de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 28 juillet 2013 au 5 décembre 2015, non modifiée depuis dans un sens moins sévère, dispose : « II. La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l’encontre des personnes suivantes : / […] / c) Toute personne qui, sur le territoire français ou à l’étranger, s’est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d’initié, à une manipulation de cours, à la diffusion d’une fausse information ou s’est livrée à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du I de l’article L. 621-14, dès lors que ces actes concernent : / -un instrument financier […] admis aux négociations sur un marché réglementé

[…] ; ».

Le premier alinéa du I de l’article L. 621-14 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur à la même période, se réfère « à tout autre manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché […] ».

Les manquements retenus, tirés d’une méconnaissance des obligations d’information du public, des obligations d’information de l’émetteur en matière de programmes de rachat d’actions et des obligations déclaratives des dirigeants et actionnaires qui font obstacle à la transparence du marché et à l’égalité d’information et de traitement des investisseurs, sont de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement du marché et, partant, passibles de sanctions sur le fondement du II c) précité de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier.

Le III de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans la même version, non modifiée depuis dans un sens moins sévère, dispose : « III.- Les sanctions applicables sont : / […] c) Pour les personnes autres que l’une des personnes mentionnées au II de l’article L. 621-9, auteurs des faits mentionnés aux c

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à g du II, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au Trésor public ».

Cibox, AI Investment et MM. Sung et Fournier encourent donc chacun une sanction au plus égale à 100 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés.

Le III ter de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur depuis le 11 décembre 2016, dispose : « - Dans la mise en œuvre des sanctions mentionnées aux III et III bis, il est tenu compte notamment : / - de la gravité et de la durée du manquement ; / - de la qualité et du degré d’implication de la personne en cause ; / - de la situation et de la capacité financières de la personne en cause, au vu notamment de son patrimoine et, s’agissant d’une personne physique de ses revenus annuels, s’agissant d’une personne morale de son chiffre d’affaires total ; / – de l’importance soit des gains ou avantages obtenus, soit des pertes ou coûts évités par la personne en cause, dans la mesure où ils peuvent être déterminés ; / – des pertes subies par des tiers du fait du manquement, dans la mesure où elles peuvent être déterminées ; / – du degré de coopération avec l’Autorité des marchés financiers dont a fait preuve la personne en cause, sans préjudice de la nécessité de veiller à la restitution de l’avantage retiré par cette personne ; / – des manquements commis précédemment par la personne en cause ; / – de toute circonstance propre à la personne en cause, notamment des mesures prises par elle pour remédier aux dysfonctionnements constatés, provoqués par le manquement qui lui est imputable et le cas échéant pour réparer les préjudices causés aux tiers, ainsi que pour éviter toute réitération du manquement. »

Concernant d’abord Cibox, il convient de prendre en considération la multiplicité et la diversité des manquements commis, qui concernent la mauvaise qualité d’informations portées à la connaissance du public sur des supports de communication différents, le non-respect de ses obligations d’information en matière de programmes de rachat d’actions et l’utilisation d’une information privilégiée en qualité d’initié primaire.

Aucun avantage ou profit identifié n’a cependant été retiré des manquements en cause.

Cibox a réalisé au cours de l’exercice 2017 un chiffre d’affaires de 16 824 k€, en hausse de 9,4 % par rapport à 2016, un résultat d’exploitation de 297 k€, contre 968 k€ en 2016, et un résultat net de 398 k€ en baisse de 13 % par rapport à 2016. Son chiffre d’affaires au 1er trimestre 2018 a progressé de 23 % par rapport au 1er trimestre 2017 pour s’établir à 4 608 k€. Ces résultats traduisent la dynamique de rebond dans laquel e s’inscrit l’entreprise, qui se déploie dans le nouveau secteur de la micro-mobilité et, à cet effet, doit procéder à des investissements importants.

Il sera en conséquence prononcé à l’encontre de Cibox une sanction pécuniaire de 200 000 euros.

S’agissant ensuite de M. Sung, il convient également de tenir compte de la multiplicité et de la diversité des manquements commis, qui se rapportent à la mauvaise qualité d’informations portées à la connaissance du public sur des supports de communication différents et au non-respect des obligations déclaratives applicables en matière de transactions effectuées par les dirigeants et de franchissement de seuil. De surcroît, il doit être relevé que M. Sung était destinataire de l’ensemble des courriels concernant l’écart sur le résultat semestriel 2014 auxquels il n’a pas réagi. Au regard des effectifs réduits de Cibox, qu’il dirigeant depuis 2003, l’absence d’implication dans la communication financière de la société qu’il invoque en défense, confère au manquement commis une plus grande gravité.

Il sera néanmoins relevé que M. Sung n’a tiré aucun profit identifié des manquements en cause.

Il a déclaré percevoir depuis 2003 un revenu de […] euros bruts par mois au titre de ses fonctions de directeur général de Cibox et ne pas percevoir de jetons de présence pour ses fonctions de membre du conseil d’administration. Son avis d’imposition pour l’année 2016 fait apparaître des revenus de […] euros, outre […] euros de loyers de location meublée et […] euros de revenus fonciers tiré de son patrimoine immobilier dont il n’a pas fourni d’évaluation. Il détient en outre 7 417 148 actions de la société Cibox.

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Il sera prononcé à l’encontre de M. Sung une sanction pécuniaire de 100 000 euros.

Quant à M. Fournier, il convient de prendre en considération la répétition du manquement aux obligations déclaratives relatives au franchissement de seuils en novembre 2014 alors que son attention avait été attirée par les services de l’AMF sur les modalités et délais d’une tel e déclaration en février 2014. Il n’a cependant pas été identifié de profit tiré de ces manquements.

M. Fournier a déclaré être redevable de l’ISF mais ne pas être imposé à l’impôt sur le revenu. Il perçoit […] euros nets par mois au titre d’une activité salariée au sein de la société […] et a un enfant majeur et étudiant à charge. Il est propriétaire de sa maison située à […] pour laquel e il n’a pas fourni d’évaluation et détient un portefeuille de titres évalué à […] euros.

Il sera prononcé à l’encontre de M. Fournier une sanction pécuniaire de 20 000 euros.

Enfin, s’agissant de AI Investment, il sera relevé que la déclaration par un actionnaire, en connaissance de cause, d’informations inexactes dans le cadre d’une déclaration de franchissement de seuil visant à informer le marché des mouvements de titres affectant le capital de l’émetteur revêt une gravité certaine. Aucun gain ou avantage n’a cependant été identifié.

Par ailleurs, par décision de la Commission des sanctions du 9 mars 2006, devenue définitive à la suite du rejet des recours formés par elle devant la Cour d’appel de Paris puis la Cour de cassation, la société AI Investment s’est vue infliger une sanction de 7 114 668 euros pour des faits de manipulations de cours.

La société AI Investment n’a pas fourni d’information sur son patrimoine ou ses revenus.

Il sera prononcé à l’encontre de AI Investment une sanction pécuniaire de 60 000 euros.

Le V de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, non modifiée depuis, dispose : « La décision de la commission des sanctions est rendue publique dans les publications, journaux ou supports qu’elle désigne, dans un format proportionné à la faute commise et à la sanction infligée. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées. / La commission des sanctions peut décider de reporter la publication d’une décision ou de publier cette dernière sous une forme anonymisée ou de ne pas la publier dans l’une ou l’autre des circonstances suivantes : / a) Lorsque la publication de la décision est susceptible de causer à la personne en cause un préjudice grave et disproportionné, notamment, dans le cas d’une sanction infligée à une personne physique, lorsque la publication inclut des données personnelles ; / b) Lorsque la publication serait de nature à perturber gravement la stabilité du système financier, de même que le déroulement d’une enquête ou d’un contrôle en cours. / Les décisions portant sur des manquements, par toute personne, aux obligations prévues à l’article L. 233-7 et au II de l’article L. 233-8 du code de commerce et à l’article L. 451-1-2 du présent code font obligatoirement l’objet d’une publication. […] »

La publication de la présente décision sans anonymisation n’est ni susceptible de causer aux personnes mises en cause un préjudice grave et disproportionné ni de nature à perturber gravement la stabilité du système financier ou encore le déroulement d’une enquête ou d’un contrôle en cours.

La publication de la décision sera donc ordonnée, sans anonymisation.

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PAR CES MOTIFS,

Et ainsi qu’il en a été délibéré par Mme Marie-Hélène Tric, présidente de la Commission des sanctions, par Mmes Edwige Belliard et Sophie Schiller, par MM. Bruno Gizard et Bernard Field membres de la 1ère section de la Commission des sanctions, en présence de la secrétaire de séance, la Commission des sanctions :

— prononce à l’encontre de la société Cibox Inter@ctive une sanction pécuniaire de deux cent mille (200 000) euros ;

— prononce à l’encontre de M. Ming Lun Sung une sanction pécuniaire de cent mille (100 000) euros ;

— prononce à l’encontre de M. Pierre Fournier une sanction pécuniaire de vingt mille (20 000) euros ;

— prononce à l’encontre de la société AI Investment une sanction pécuniaire de soixante mille (60 000) euros ;

— ordonne la publication de la présente décision sur le site internet de l’Autorité des marchés financiers et fixe à 5 ans à compter de la date de la présente décision la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme.

Paris, le 5 juillet 2018

Le Secrétaire de séance,

La Présidente,

Anne Vauthier

Marie-Hélène Tric

Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans les conditions prévues à l’article R. 621-44 du code monétaire et financier.

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Décision de la Commission des sanctions du 5 juillet 2018 à l'égard des sociétés CIBOX INTERACTIVE et AI INVESTMENT ainsi que MM. A et B