Décision de la commission des sanctions du 24 octobre 2018 à l'égard de MM. C, A, D, E, F, B, G

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Sur la décision

Référence :
AMF, 24 oct. 2018, n° SAN-2018-13
Numéro : SAN-2018-13
Identifiant AMF : SAN-2018-13

Texte intégral

La Commission

des sanctions

COMMISSION DES SANCTIONS Décision n° 11 du 24 octobre 2018

Procédure n° 16-17 Décision n° 11

Personne(s) mise(s) en cause :

− M. Eaitisham Ahmed Né […] Demeurant […]

− M. B Né le […] Demeurant […]

− M. Scott Davis Né le […] Ayant élu domicile au cabinet d’avocats Lussan, 282 boulevard Saint-Germain, 75007 Paris

− M. Geoff Foster Né le […] Ayant élu domicile au cabinet d’avocats Ernst & Young, Tour First – 1 place des saisons, TSA 14444, 92037 Paris La Défense Cedex

− M. Mark Penna Né le […] Ayant élu domicile au cabinet d’avocats Monod Amar Boudrant, 21 rue Monsieur, 75007 Paris

− M. A Né le […] Demeurant […]

− M. Leslie Stafford

Né le […] Ayant élu domicile au cabinet d’avocats Boken, 222 rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris

17 place de la Bourse – 75082 Paris cedex 2 – tél. 01 53 45 60 00 – fax 01 53 45 63 20 www.amf-france.org

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La 1ère section de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après, « AMF ») :

Vu la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 6 et 10 ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, notamment son article 10 ;

Vu le règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché, notamment ses articles 7, 8, 10 et 21 ;

Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 211-1, L. 621-15, D. 211-1 A et R. 621-34 ;

Vu le règlement général de l’AMF, notamment ses articles 621-1, 622-1 et 622-2 ;

Après avoir entendu au cours de la séance publique du 14 septembre 2018 :

— Mme Edwige Belliard, en son rapport ;

- Mme Audrey Micouleau, représentant le collège de l’AMF ;

- Mme Nathalie Verne, représentant la directrice générale du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;

- M. Eaitisham Ahmed ;

- M. Scott Davis assisté par ses conseils, Maîtres Boubou Keita et Etienne Gastebled ;

- M. Geoff Foster assisté par son conseil, Maître Géraldine Roch ;

- M. Mark Penna assisté par son conseil, Maître Stephen Monod ;

- M. Leslie Stafford, non présent, représenté par Maître Félix de Belloy ;

- MM. Jean-Pierre Vogel et Marc Fermin, interprètes.

Les mis en cause ayant eu la parole en dernier ; MM. A et B, régulièrement convoqués, ne s’étant pas présentés.

1.1.1.1. FAITS

Hermès International (ci-après, « Hermès »), Etablissements Maurel & Prom (ci-après, « Maurel & Prom ») et Arkema sont trois sociétés françaises respectivement spécialisées dans la conception, la fabrication et la commercialisation de produits de luxe, dans la production d’hydrocarbures et dans le développement, la fabrication ainsi que la commercialisation de produits chimiques. À l’époque des faits, leurs actions étaient admises à la négociation sur le compartiment A d’Euronext.

Le 8 juin 2011, à 21h41 (heure de Londres), le site Internet du quotidien britannique le [journal K], dénommé le [journal K1], a publié sous la signature de M. Geoff Foster un article intitulé « Market Report : Hermès Shares back in fashion » (« Rapport de marché : les actions Hermès reviennent à la mode ») évoquant une possible offre de la part du groupe LVMH sur les titres Hermès à un prix de 350 euros par action, soit une prime d’environ 86 % par rapport au cours de clôture de la journée, qui s’était établi à 187,80 euros.

Le 12 juin 2012, à 23h18 (heure de Londres), le [journal K1] a publié, toujours sous la signature de M. Geoff Foster, un article intitulé « Market Report : Petrol rumors fuel oil trading » (« Rapport de marché : les rumeurs sur le pétrole attisent le marché ») relatant notamment que le titre Maurel & Prom pourrait prochainement faire l’objet d’une offre aux alentours de 19 euros par action, soit une prime d’environ 80 % par rapport au dernier cours coté qui se situait à 10,50 euros.

Le 6 juillet 2012 à 11h12 (heure de Londres), le blog [journal L1], adossé au site Internet du quotidien britannique le [journal L], a publié un article de M. I, son chef éditorialiste, intitulé « Bidders said to line up for Arkema » (« Les acquéreurs se bousculeraient pour Arkema ») indiquant qu’Arkema aurait reçu

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plusieurs offres de reprise valorisant ses activités à environ 5,5 milliards d’euros.

PROCÉDURE

Le 1er juin 2012, le secrétaire général de l’AMF a décidé l’ouverture d’une enquête sur le marché du titre Arkema à compter du 1er janvier 2010. Par décisions des 18 janvier 2013, 15 novembre 2013 et 21 janvier 2014, l’enquête a été étendue, d’abord à l’information financière d’Arkema, puis au marché du titre et à l’information financière de Maurel & Prom à compter du 1er janvier 2011 et, enfin, au marché des titres Christian Dior et Hermès à compter du 1er janvier 2011.

Les investigations ont mis en évidence que MM. Eaitisham Ahmed, B, Scott Davis, Mark Penna et A avaient réalisé des opérations à l’achat sur spreadbets (paris sur l’évolution du cours) et/ou contracts for difference (contrats sur la différence ; ci-après, « CFD ») avant la publication d’un ou plusieurs des articles de presse précités puis dénoué leurs positions peu après celle-ci.

Le 23 février 2016, la direction des enquêtes et des contrôles de l’AMF a adressé à MM. Eaitisham Ahmed, B, Scott Davis, Geoff Foster, Mark Penna, A et Leslie Stafford des lettres les informant de manière circonstanciée des faits éventuellement susceptibles de leur être reprochés au regard des constats des enquêteurs ainsi que de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations dans le délai d’un mois.

Tous les intéressés ont adressé des observations entre le 31 mars et le 26 mai 2016.

L’enquête a donné lieu à un rapport daté du 5 juillet 2016.

La commission spécialisée du collège de l’AMF a décidé, le 19 juillet 2016, de notifier des griefs à MM. Eaitisham Ahmed, B, Scott Davis, Geoff Foster, Mark Penna, A et Leslie Stafford.

Les notifications de griefs leur ont été adressées par lettres du 7 décembre 2016.

Il est reproché à :

− M. Geoff Foster, d’avoir communiqué à MM. Eaitisham Ahmed et Leslie Stafford deux informations privilégiées relatives à la publication, les 8 juin 2011 et 12 juin 2012, d’articles relayant des rumeurs de dépôt d’offres, respectivement, sur le titre Hermès et sur le titre Maurel & Prom ;

− M. Leslie Stafford, d’avoir communiqué à M. Mark Penna les deux informations privilégiées précitées transmises par M. Geoff Foster ;

− M. Mark Penna, d’avoir utilisé ces informations pour réaliser des opérations sur des contrats financiers liés aux titres Hermès et Maurel & Prom ;

− M. Eaitisham Ahmed, d’avoir :

• utilisé les deux informations privilégiées précitées ainsi que celle relative à la publication d’un article évoquant des contacts pris par une société concurrente d’Arkema en vue de prendre le contrôle de cette dernière, en effectuant des opérations sur des contrats financiers liés aux titres Hermès, Maurel & Prom et Arkema pour son compte personnel et également, concernant les titres Maurel & Prom et Arkema, pour le compte de la société […] détenue par son épouse ;

• communiqué l’information portant sur la publication de l’article intéressant Hermès à

M. Scott Davis et celle relative à la publication de l’article concernant Arkema à ce dernier ainsi qu’à MM. A et B ;

— M. Scott Davis d’avoir utilisé les deux informations transmises par M. Eaitisham Ahmed pour réaliser

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des opérations sur des contrats financiers liés aux titres Hermès et Arkema à partir de son compte personnel, du compte qu’il détenait conjointement avec M. […] et de différents comptes sur lesquels il détenait des procurations ;

— M. B, d’avoir utilisé l’information relative à la publication de l’article sur Arkema, transmise par M. Eaitisham Ahmed, pour procéder à des opérations sur des contrats financiers liés à ce titre ;

— M. A, d’avoir utilisé la même information, transmise par M. Eaitisham Ahmed, pour réaliser des opérations sur des contrats financiers liés au titre Arkema pour son compte personnel et celui de sa société […],

et ce, en violation des obligations d’abstention d’utilisation et/ou de communication d’une information privilégiée prévues par les articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF.

Conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier, une copie des notifications de griefs a été transmise, le 7 décembre 2016, à la présidente de la commission des sanctions qui a désigné, par décision du 13 décembre 2016, Mme Edwige Belliard en qualité de rapporteur.

Par lettres du 6 janvier 2017, MM. Eaitisham Ahmed, B, Scott Davis, Geoff Foster, Mark Penna, A et Leslie Stafford ont été informés qu’ils disposaient d’un délai d’un mois, en application de l’article R. 621- 39-2 du code monétaire et financier, pour demander la récusation du rapporteur dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code.

Par courriel du 10 janvier 2017 complété le 10 février suivant et par lettres du 21 février 2017, MM. A, Eaitisham Ahmed et Scott Davis ont demandé la récusation de Mme Belliard en tant que rapporteur.

La commission des sanctions a rejeté la demande de M. A par décision du 24 février 2017 et déclaré irrecevables celles de M. Eaitisham Ahmed et M. Scott Davis par décisions du 30 mars 2017.

M. Leslie Stafford a transmis des observations en réponse aux notifications de griefs le 21 juin 2017, M. Mark Penna le 30 juin suivant et M. Geoff Foster le 3 juillet 2017.

Le 3 juillet 2017, M. Scott Davis a adressé des observations soulevant des moyens de procédure.

M. A et M. Scott Davis ont transmis des observations au rapporteur les 15 février et

23 avril 2018 respectivement.

Le 16 janvier 2018, les mis en cause ont été convoqués par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en vue de leur audition par le rapporteur.

Le rapporteur a entendu M. Mark Penna le 15 février 2018, M. Leslie Stafford le 20 février 2018, M. Geoff Foster le 23 février 2018 et M. Scott Davis le 26 février 2018.

Le rapport du rapporteur a été déposé le 21 juin 2018.

Par lettres du 22 juin 2018 auxquelles était joint le rapport du rapporteur, MM. Eaitisham Ahmed, B, Scott Davis, Geoff Foster, Mark Penna, A et Leslie Stafford ont été convoqués à la séance de la commission des sanctions du 14 septembre 2018 et informés qu’ils disposaient d’un délai de quinze jours pour présenter des observations en réponse à ce rapport, conformément au

III de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Le 2 juillet 2018, M. Eaitisham Ahmed a sollicité une prorogation du délai imparti pour répondre au rapport du rapporteur ainsi qu’une traduction de ce document.

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Par lettres du 5 juillet 2018, MM. Eaitisham Ahmed, B, Scott Davis, Geoff Foster, Mark Penna, A et Leslie Stafford ont été informés de la composition de la formation de la commission des sanctions appelée à délibérer lors de la séance du 14 septembre 2018 ainsi que du délai de quinze jours dont ils disposaient, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander la récusation d’un ou de plusieurs de ses membres, conformément aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code.

Les 6 et 9 juillet 2018, MM. Mark Penna et Scott Davis ont respectivement déposé des observations en réponse au rapport du rapporteur.

Par lettres des 6 et 10 juillet 2018, la présidente de la commission des sanctions a accordé à M. Eaitisham Ahmed jusqu’au 25 juillet 2018 pour déposer des observations en réponse mais a refusé de faire droit à sa demande de traduction du rapport du rapporteur.

Par lettre du 16 juillet 2018, M. A a demandé la transmission systématique des correspondances qui lui étaient adressées à son conseil, M. Michael Hartman, ainsi que, le cas échéant, la communication d’une traduction des documents qui seraient utilisés lors de la séance du 14 septembre 2018.

M. Eaitisham Ahmed a réitéré, les 16 et 19 juillet 2018, sa demande de traduction du rapport du rapporteur, à laquelle la présidente de la commission des sanctions a refusé de faire droit par lettre du 27 juillet 2018. Le mis en cause a adressé trois nouvelles correspondances les 30 juillet, 7 et 23 août 2018, auxquelles la présidente de la commission des sanctions a répondu par une lettre du 30 août 2018 apportant des précisions sur le déroulement de la séance à venir.

Par lettre du 5 septembre 2018, M. Geoff Foster a sollicité l’absence de publicité des débats devant la commission, demande à laquelle la présidente de la commission des sanctions a refusé de faire droit, ce dont elle l’a informé par lettre du 12 septembre 2018.

Par courriels des 12 et 13 septembre 2018, M. Eaitisham Ahmed a repris le contenu de ses précédentes correspondances et formulé des observations sur le fond des manquements qui lui sont reprochés.

Lors de la séance, il a réitéré ses moyens de défense, demandes et observations.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur la compétence de la commission des sanctions

MM. Eaitisham Ahmed, Scott Davis et A contestent la compétence de l’AMF pour connaître de leurs opérations sur spreadbets et/ou CFD se rapportant aux titres Hermès, Maurel & Prom et Arkema aux motifs que si ces titres étaient admis à la négociation sur le marché français, les opérations concernées n’impliquaient ni leur achat ni leur vente et ont été réalisées au Royaume-Uni.

Au soutien de cette exception, M. A ajoute qu’il est de nationalité écossaise.

Aux termes de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier : « II.- La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l’encontre des personnes suivantes : […] c) Toute personne qui, sur le territoire français ou à l’étranger, s’est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d’initié […], dès lors que ces actes concernent : – un instrument financier ou un actif mentionné au II de l’article L. 421-1 admis aux négociations sur un marché réglementé […] ; – un instrument financier lié à un ou plusieurs instruments mentionnés à l’alinéa précédent ».

Il importe donc peu que les mis en cause ne soient pas de nationalité française ou que les opérations aient été réalisées au Royaume-Uni.

Il résulte de l’article L. 211-1 du code monétaire et financier que les instruments financiers comprennent les contrats financiers dont la liste est fixée par l’article D. 211-1 A du même code.

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Les CFD sont des instruments dotés d’un effet de levier ayant pour objet le règlement de la différence entre le prix du sous-jacent à la date de conclusion du contrat et son prix à la date d’exercice, conférant ainsi à l’investisseur une exposition à l’évolution du cours du sous-jacent sans qu’il n’ait à débourser la somme correspondant à leur prix d’acquisition. Ils entrent dès lors dans la catégorie des « contrats financiers avec paiement d’un différentiel » prévue au 6 de l’article D. 211-1 A du code monétaire et financier.

Le spreadbet est un instrument similaire aux CFD permettant à l’investisseur de « miser » un montant pour chaque mouvement d’un point du cours de l’action sous-jacente (généralement un centime).

Par ce mécanisme, l’investisseur peut bénéficier d’une exposition équivalente à la détention d’un nombre important d’actions en s’acquittant uniquement d’une marge représentant une fraction de la somme correspondant à leur prix d’acquisition, de l’ordre généralement de 10 %. Le gain ou la perte constatés lors du dénouement de cette opération correspondent à la somme affectée à chaque point d’évolution du cours multipliée par la différence entre le cours de l’action à cette date et celui du jour de la souscription des spreadbets. À ce titre, les spreadbets s’analysent également en des « contrats financiers avec paiement d’un différentiel » au sens du 6 de l’article D. 211-1 A du code monétaire et financier.

Les plus-values ou moins-values générées par les CFD ou les spreadbets étant intrinsèquement liées aux fluctuations de l’action sous-jacente, ces instruments constituent des instruments financiers liés aux titres de l’émetteur concerné.

Il s’ensuit que les opérations d’initié reprochées aux mis en cause portent sur des instruments financiers liés aux actions Hermès, Maurel & Prom et/ou Arkema et, partant, relèvent de la compétence de la commission des sanctions en application de l’article L. 621-15 précité du code monétaire et financier.

L’exception d’incompétence soulevée par MM. Eaitisham Ahmed, Scott Davis et A doit donc être écartée.

II. Sur la nullité de la procédure ou de certains actes d’enquête invoquée par les mis en cause

II. 1. Sur la réalisation d’actes d’enquête en violation du secret des sources des journalistes

M. Geoff Foster prétend que les actes d’enquête diligentés au Royaume-Uni sous l’égide de la Financial Conduct Authority (ci-après : la « FCA ») l’ont été en violation des droits garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après, « CSDH »), la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et en conclut que la procédure est nulle.

Il fait valoir qu’afin d’établir ses liens potentiels avec d’autres « mis en cause » qui étaient ses sources habituelles, l’AMF s’est d’abord fait remettre par la FCA, le 12 septembre 2014, son relevé téléphonique complet, ce qui lui a permis d’accéder à l’intégralité de ses communications et à l’identité de l’ensemble de ses sources, puis a demandé à la FCA, le 23 juin 2015, de lui adresser une liste de questions dont l’une portait sur ses relations avec MM. Stafford et Ahmed, sans établir en quoi ces actes d’enquête, qui n’ont fait l’objet d’aucun contrôle a priori de la part d’une autorité judiciaire ou d’un organe indépendant, étaient conformes aux textes susmentionnés.

Il ajoute que c’est sur « l’unique base de ces relevés téléphoniques », obtenus par l’AMF en violation des dispositions protégeant la liberté de la presse et alors qu’elle enquêtait sur lui pour des faits sans rapport avec ceux soumis à la commission, qu’a « germé » l’hypothèse d’une transmission d’information à MM. Stafford et Ahmed.

Aux termes de l’article 10 de la CSDH : « 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées

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sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. […]

/ 2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire ».

L’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dans sa rédaction modifiée par le V de l’article 1 de la loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010 dispose : « Le secret des sources des journalistes est protégé dans l’exercice de leur mission d’information du public. / […] Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi […] ».

Il résulte des pièces du dossier que les enquêteurs de l’AMF ont, en application de l’accord multilatéral de l’Organisation Internationale des Commissions de Valeurs mobilières (OICV), dont l’AMF et la FCA sont toutes deux signataires, et de celui de l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF ou en anglais ESMA), sollicité, le 14 août 2014, l’assistance de la FCA à l’effet d’obtenir la communication de « tout élément détenu par la FCA, portant sur les cinq dernières années, qui révèlerait l’existence de liens (sociaux, financiers, etc.) » entre M. Geoff Foster et une personne tierce à la présente procédure, ou l’un des clients de cette dernière.

En réponse, la FCA a transmis à l’AMF, le 22 septembre 2014, deux cd-rom rassemblant l’ensemble des données en sa possession, dont l’un contenait un fichier excel intitulé « AMF – FOSTER comms data 20140904 » détaillant les communications téléphoniques passées et reçues par M. Geoff Foster entre le 4 juillet 2007 et le 14 juin 2013 et précisant le numéro de téléphone ainsi que l’identité de ses correspondants.

Ainsi, l’AMF n’est à l’origine ni de la collecte des données litigieuses, recueillies et compilées par la FCA antérieurement à sa requête, ni de leur transmission par la FCA, à qui elle n’en avait pas spécifiquement formulé la demande. Elle ne s’est donc pas « fai[t] remettre », c’est-à-dire n’a pas demandé, les relevés de communication de M. Geoff Foster.

M. Geoff Foster ne peut donc utilement faire grief à l’AMF de ne pas démontrer en quoi le recueil des données en cause et leur communication par la FCA étaient justifiés par un impératif prépondérant d’intérêt public et proportionnés au but légitime poursuivi.

En tout état de cause, figurent également au dossier les données de connexion de MM. Leslie Stafford et Eaitisham Ahmed, qui font notamment apparaître les échanges entre ces derniers et M. Geoff Foster, de sorte que l’exploitation des documents critiqués n’est pas utile pour apprécier la caractérisation des manquements reprochés à M. Geoff Foster.

En conséquence, la procédure n’est pas nulle pour violation du secret des sources des journalistes.

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II. 2. Sur le non-respect des conditions préalables à l’engagement de poursuites à l’encontre d’un journaliste

M. Geoff Foster soulève la nullité de la procédure au motif que la notification de griefs qui lui a été adressée ne mentionnait pas l’ensemble des éléments nécessaires à la caractérisation des manquements reprochés, à défaut d’évoquer les conditions supplémentaires dont la réunion est désormais exigée par l’article 21 du règlement du Parlement Européen et du Conseil n° 596/2014 du 16 avril 2014 sur les abus de marché (ci-après, « règlement MAR ») relatif à la divulgation ou diffusion d’informations dans les médias, entré en vigueur le 3 juillet 2016.

Il résulte de l’article 6 § 3 a) de la CSDH que tout accusé a droit à « être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ».

Le respect de ce droit, qui suppose que l’accusé soit informé tant des faits qui fondent les charges portées contre lui que de la qualification envisagée afin qu’il puisse utilement présenter sa défense, n’implique pas qu‘il soit fait état dans la notification de griefs des dispositions entrées en vigueur après les faits qui sont susceptibles de recevoir une application rétroactive.

C’est donc en vain que M, Geoff Foster soutient que la notification dont il a été destinataire, qui détaille les faits relatifs à la communication à MM. Eaitisham Ahmed et Leslie Stafford des informations privilégiées relatives aux titres Hermès et Maurel & Prom, qui fondent les griefs, leur qualification et les textes d’incrimination, à savoir les articles 621-1, 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF, n’est pas conforme aux dispositions de l’article 6 § 3 a) précité.

La procédure n’est donc pas nulle pour non-respect des conditions préalables à la poursuite à l’encontre d’un journaliste.

II. 3. Sur le contournement, au préjudice de M. Geoff Foster, des règles relatives aux auditions

M. Geoff Foster soutient que la procédure est entachée de nullité en raison des modalités de son audition par les enquêteurs qui, alors qu’ils avaient entendu tous les autres mis en cause, lui ont fait remettre par l’intermédiaire de la FCA un questionnaire ne rappelant pas les droits accordés par le code monétaire et financier en cas d’audition, en particulier celui d’être assisté par un conseil de son choix, portant ainsi atteinte aux dispositions de ce code, aux droits de la défense et au principe de loyauté de l’enquête.

Comme il a été dit, les enquêteurs ont sollicité, le 23 juin 2015, l’assistance de la FCA à l’effet de transmettre une liste de questions à M. Geoff Foster, accompagnée d’un résumé des principaux constats résultant de l’enquête (Background information). Le 16 juillet 2015, la FCA a adressé cette liste de questions à M. Geoff Foster, qui y a répondu par courriel du 21 juillet 2015 adressé à la FCA.

D’une part, aux termes de l’article 9 d) de l’accord multilatéral de l’OICV précité, « À moins que les Autorités n’en aient décidé autrement, les informations et documents demandés dans le cadre du présent Accord seront rassemblés conformément aux procédures en vigueur dans la juridiction de l’Autorité requise, par les personnes qu’elle aura désignées ». En l’absence de décision contraire des Autorités, la régularité des actes accomplis par la FCA dans le cadre des demandes d’assistance de l’AMF s’apprécie au regard des règles de procédure applicables au Royaume-Uni et non au regard de celles du code monétaire et financier.

D’autre part, l’article 6§1 de la CSDH, qui prévoit que toute personne dispose du droit d’être entendu par la juridiction appelée à statuer sur le bien-fondé de toute accusation portée contre elle, ne s’applique pas à la phase d’enquête préalable devant l’AMF, lors de laquelle les services d’enquête déterminent librement la nature et l’étendue de leurs investigations, notamment les auditions auxquelles il convient de procéder.

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Ensuite, M. Geoff Foster qui se borne à invoquer des dispositions du code monétaire et financier relatives aux auditions par les enquêteurs, inapplicables en l’espèce, ne démontre ni la déloyauté des enquêteurs ni la violation des droits de la défense alléguées.

Enfin, M. Geoff Foster a été entendu par le rapporteur et mis en mesure de présenter oralement ses observations lors de la séance de la commission des sanctions.

La procédure n’est donc pas entachée de nullité pour détournement des règles relatives aux auditions.

II. 4. Sur les irrégularités liées aux auditions de MM. Leslie Stafford,

Eaitisham Ahmed, Mark Penna et H

M. Geoff Foster fait valoir que la procédure est nulle en ce qu’elle repose sur les auditions de MM. Stafford, Ahmed, Mark Penna et H alors, d’une part, que celles-ci sont irrégulières pour avoir été réalisées en méconnaissance de la liberté fondamentale de se taire garantie par l’article 6 de la CSDH, d’autre part, que l’engagement pris, lors de ces auditions, de ne pas initier, sur leur fondement, de poursuites pour abus de marché à l’encontre des personnes ainsi entendues n’a pas été respecté.

Le mis en cause, non concerné par les violations alléguées, qui ont trait aux droits d’autres personnes lors de leur audition, dont un tiers à la procédure, n’a pas qualité pour s’en prévaloir.

Sa demande est donc irrecevable.

II. 5. Sur la qualification erronée retenue dans les notifications de griefs et le caractère parcellaire des poursuites engagées

MM. Geoff Foster et Leslie Stafford soutiennent que les faits reprochés, à les supposer établis, relèvent davantage d’une manipulation de cours.

M. Geoff Foster fait en outre valoir qu’aucune notification de griefs n’a été adressée aux autres journalistes visés par l’enquête, qui se sont pourtant montrés moins coopératifs que lui, et qu’aucune poursuite n’a été exercée dans les cas où les rumeurs relayées par les articles de presse examinés par les enquêteurs se sont révélées exactes.

Cependant, le collège de l’AMF, qui dispose du pouvoir d’apprécier l’opportunité des poursuites, détermine tant les personnes mises en cause que l’étendue des griefs qu’il notifie.

D’ailleurs, la qualification des faits retenue dans l’acte de poursuite, qui relève de l’examen des griefs au fond, n’est pas susceptible, à la supposer erronée, d’entraîner la nullité de la procédure.

Les observations des mis en cause sont donc sans effet sur la procédure qui n’est pas nulle.

II. 6. Sur l’absence de traduction du rapport d’enquête et/ou de ses annexes

MM. Eaitisham Ahmed, A et B et Scott Davis excipent de la nullité de la procédure au motif que l’absence de traduction du rapport d’enquête et de ses annexes porte atteinte à leurs droits de la défense.

Aux termes de l’article 6§3 de la CSDH : « a) Tout accusé a droit notamment à […] être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui […] e) Tout accusé a droit notamment à : […] se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience ».

Le respect de ces dispositions n’impose pas de traduire l’intégralité des pièces versées au dossier. Il importe en revanche que soit traduit, oralement ou par écrit, tout acte de la procédure dont la personne poursuivie doit saisir le sens pour bénéficier d’un procès équitable.

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En l’espèce, les notifications de griefs adressées à MM. Eaitisham Ahmed, A et B étaient assorties d’une traduction en langue anglaise. À l’instar du rapport d’enquête, elles se fondent pour l’essentiel sur les trois articles de presse à l’origine des informations privilégiées en cause (annexes 5.6, 5.19 et 5.24 au rapport d’enquête), qui sont rédigés en anglais, ainsi que sur les documents transmis par la FCA ou d’autres homologues étrangers de l’AMF (annexes 4.1 et 4.4 au rapport d’enquête), à savoir :

− les relevés de communications téléphoniques de M. Eaitisham Ahmed, qui sont présentés sous forme de fichiers excel dont les colonnes comportent des intitulés en anglais ;

− les déclarations effectuées en anglais par d’autres personnes auprès des enquêteurs ;

− les documents et relevés de transactions afférents aux comptes détenus directement et indirectement par MM. Eaitisham Ahmed, A et B, également présentés en anglais.

En outre, une grande partie des pièces annexées au rapport d’enquête est rédigée en anglais.

Dès lors, MM. Eaitisham Ahmed, A et B ont pu prendre connaissance dans une langue qu’ils comprenaient de la nature et de la cause de l’accusation portée contre eux ainsi que des pièces nécessaires à leur défense.

La procédure n’est donc pas nulle pour absence de traduction du rapport d’enquête et/ou de ses annexes.

II. 7. Sur l’absence de traduction du rapport du rapporteur

Dans de nombreux courriels adressés tout au long de la procédure qui a suivi l’envoi du rapport du rapporteur comme lors de la séance de la commission des sanctions, M. Eaitisham Ahmed a souligné l’absence de traduction de ce document en langue anglaise en indiquant se trouver dans l’incapacité d’y répondre dans le délai imparti à défaut de comprendre son contenu et de pouvoir, pour des raisons financières, recourir aux services d’un conseil juridique ou d’un traducteur.

Il résulte cependant des éléments du dossier qu’il a été assisté, dès le début de la procédure, par un conseil britannique, auteur d’un nombre important de correspondances adressées durant la phase d’instruction (courriels et lettres des 8 et 21 février 2017, 3 juillet 2017, 8 janvier 2018, 6 et 19 février 2018).

De même, il a bénéficié, pendant toute la durée de la séance de la commission des sanctions, de l’assistance gratuite d’un interprète, qui a traduit l’ensemble des propos tenus à cette occasion, notamment l’exposé par le rapporteur des principaux éléments relevés dans son rapport et l’exposé par le représentant du collège des arguments de la poursuite Il a ensuite pu présenter les moyens qu’il jugeait utiles à sa défense et a disposé à cet effet de la parole en dernier, conformément aux dispositions de l’article R. 621-40 du code monétaire et financier.

L’argumentation articulée par M. Eaitisham Ahmed sera donc écartée.

Il résulte de tout ce qui précède qu’il n’y a lieu ni de déclarer nulle la procédure ni d’écarter certaines pièces des débats.

III. Sur l’examen des griefs

Il est reproché à MM. Eaitisham Ahmed, B, Scott Davis, Geoff Foster, Mark Penna, A et Leslie Stafford d’avoir, selon les cas, transmis et/ou utilisé une ou plusieurs informations privilégiées, en violation des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF.

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III. 1. Sur les textes applicables

Les faits reprochés, qui se sont déroulés entre juin 2011 et juillet 2012, seront examinés à la lumière des textes alors applicables, sous réserve de l’application rétroactive d’éventuelles dispositions plus douces entrées en vigueur postérieurement.

Définition de l’information privilégiée

Aux termes de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur à compter du 24 novembre 2004, non modifiée depuis sur ces points dans un sens moins sévère jusqu’à son abrogation le 24 septembre 2016 : « Une information privilégiée est une information précise qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés […]. / Une information est réputée précise si elle fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de se produire et s’il est possible d’en tirer une conclusion quant à l’effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés […]. / Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés […] est une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement ».

L’article 7 du règlement MAR, entré en application le 3 juillet 2016, dispose : « 1. Aux fins du présent règlement, la notion d’« information privilégiée » couvre les types d’information suivants : / a) une information à caractère précis qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d’influencer de façon sensible le cours des instruments financiers concernés […] ; / 2. Aux fins de l’application du paragraphe 1, une information est réputée à caractère précis si elle fait mention d’un ensemble de circonstances qui existe ou dont on peut raisonnablement penser qu’il existera ou d’un événement qui s’est produit ou dont on peut raisonnablement penser qu’il se produira, si elle est suffisamment précise pour qu’on puisse en tirer une conclusion quant à l’effet possible de cet ensemble de circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers […]. / 4. Aux fins du paragraphe 1, on entend par information qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d’influencer de façon sensible le cours des instruments financiers […], une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme faisant partie des fondements de ses décisions d’investissement ».

Ces dernières dispositions, qui définissent l’information privilégiée en des termes équivalents à ceux précités de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, ne sont pas moins sévères et, partant, ne sont pas susceptibles de recevoir une application rétroactive.

Les opérations d’initiés et la divulgation illicite d’informations privilégiées

Selon l’article 622-1 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur à compter du 19 janvier 2006, non modifiée depuis sur ces points dans un sens moins sévère jusqu’à son abrogation par l’arrêté du 14 septembre 2016 : « Toute personne mentionnée à l’article 622-2 doit s’abstenir d’utiliser l’information privilégiée qu’elle détient en acquérant ou en cédant, ou en tentant d’acquérir ou de céder, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, soit directement soit indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information […]. / Elle doit également s’abstenir de :

1° Communiquer cette information à une autre personne en dehors du cadre normal de son travail, de sa profession ou de ses fonctions ou à des fins autres que celles à raison desquelles elle lui a été communiquée […] ».

L’article 622-2 du même règlement, dans sa version en vigueur à compter du 24 novembre 2004, non modifiée depuis dans un sens moins sévère jusqu’à son abrogation le 24 septembre 2016, énonce quant à lui : « Les obligations d’abstention prévues à l’article 622-1 s’appliquent à toute personne qui détient une

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information privilégiée en raison de : […] / 3° Son accès à l’information du fait de son travail, de sa profession ou de ses fonctions […]. / Ces obligations d’abstention s’appliquent également à toute autre personne détenant une information privilégiée et qui sait ou qui aurait dû savoir qu’il s’agit d’une information privilégiée ».

Le règlement MAR dispose, en son article 8 : « 1. Aux fins du présent règlement, une opération d’initié se produit lorsqu’une personne détient une information privilégiée et en fait usage en acquérant ou en cédant, pour son propre compte ou pour le compte d’un tiers, directement ou indirectement, des instruments financiers auxquels cette information se rapporte […] / 4. Le présent article s’applique à toute personne qui possède une information privilégiée en raison du fait que cette personne : […] / c) a accès aux informations en raison de l’exercice de tâches résultant d’un emploi, d’une profession ou de fonctions ;

[…]. / Le présent article s’applique également à toute personne qui possède une information privilégiée dans des circonstances autres que celles visées au premier alinéa lorsque cette personne sait ou devrait savoir qu’il s’agit d’une information privilégiée […] ».

L’article 10 du même règlement prévoit quant à lui : « 1. Aux fins du présent règlement, une divulgation illicite d’informations privilégiées se produit lorsqu’une personne est en possession d’une information privilégiée et divulgue cette information à une autre personne, sauf lorsque cette divulgation a lieu dans le cadre normal de l’exercice d’un travail, d’une profession ou de fonctions. / Le présent paragraphe s’applique à toute personne physique ou morale dans les situations ou les circonstances visées à l’article 8, paragraphe 4 ».

Ces dispositions des articles 8 et 10 du règlement MAR sont équivalentes à celles précitées des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF et, partant, ne sont pas susceptibles de recevoir une application rétroactive.

Dispositions spécifiques aux journalistes

Le règlement MAR

L’article 21 du règlement MAR énonce : « Aux fins de l’article 10 [divulgation illicite d’informations privilégiées], de l’article 12 [manipulations de marché], paragraphe 1, point c), et de l’article 20 [Recommandations d’investissement et statistiques], lorsque des informations sont divulguées ou diffusées et lorsque des recommandations sont produites ou diffusées à des fins journalistiques ou aux fins d’autres formes d’expression dans les médias, cette divulgation ou cette diffusion d’informations est appréciée en tenant compte des règles régissant la liberté de la presse et la liberté d’expression dans les autres médias et des règles ou codes régissant la profession de journaliste, à moins que : / a) les personnes concernées ou les personnes étroitement liées à celles-ci ne tirent, directement ou indirectement, un avantage ou des bénéfices de la divulgation ou de la diffusion des informations en question ; ou / b) la divulgation ou la diffusion n’ait lieu dans l’intention d’induire le marché en erreur quant à l’offre, à la demande ou au cours d’instruments financiers ».

Si l’article 632-1 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur à compter du 24 novembre 2004, non modifiée depuis dans un sens moins sévère, prévoyait que le manquement de diffusion d’une fausse information, lorsqu’il était reproché à « des journalistes agissant dans le cadre de leur profession », devait « être apprécié en tenant compte de la réglementation applicable à cette profession », aucun régime spécial n’existait, en matière de manquement d’initié, antérieurement à l’entrée en vigueur du règlement MAR.

L’article 21 de ce règlement, en ce qu’il restreint désormais le champ d’application du manquement de divulgation illicite d’informations privilégiées lorsque cette divulgation intervient à des fins journalistiques, s’analyse en une disposition moins sévère qu’il convient d’appliquer de manière rétroactive à

M. Geoff Foster, en raison de sa qualité de journaliste à l’époque des faits.

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Les principes régissant l’exercice de l’activité de journaliste

L’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, intitulé « Liberté d’expression et d’information » énonce : « 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières. / 2. La liberté des médias et leur pluralisme sont respectés ».

Selon l’article 10 de la CSDH, déjà cité, le droit à la liberté d’expression « comprend […] la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière […] ».

Cependant, « l’exercice de ces libertés comport[e] des devoirs et des responsabilités » et « peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, […] à la prévention du crime, […] à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles […] ».

À cet égard, l’article 13 du code de conduite de l’Independant Press Standards Organization (l’IPSO), régulateur indépendant de la presse au Royaume-Uni auquel était affilié le [journal K], mentionnait, dans sa version en vigueur en 2011 et 2012 : « 13 Financial journalism / i) Even where the law does not prohibit it, journalists must not use for their own profit financial information they receive in advance of its general publication, nor should they pass such information to others » (« 13 Journalisme financier / i) Même lorsque la loi ne l’interdit pas, les journalistes ne doivent pas utiliser à leur profit les informations financières qu’ils reçoivent avant leur diffusion au public, ni transmettre ces informations à d’autres »).

III. 2. Les griefs notifiés à MM. Geoff Foster, Eaitisham Ahmed, Leslie Stafford, Scott Davis et Mark Penna relatifs au titre Hermès

Il est reproché à M. Geoff Foster d’avoir communiqué le 8 juin 2011 à M. Leslie Stafford et à M. Eaitisham Ahmed l’information privilégiée relative à la publication, par le [journal K1], d’un article rapportant une rumeur de dépôt d’une offre de LVMH sur le titre Hermès, à hauteur de 350 euros par action. M. Leslie Stafford aurait à son tour communiqué cette information à M. Mark Penna qui l’aurait utilisée tandis que M. Eaitisham Ahmed l’aurait utilisée puis transmise à M. Scott Davis.

III.2.1. Sur le caractère privilégié de l’information

Les notifications de griefs exposent que l’information précitée a revêtu, à compter du 8 juin 2011, les caractéristiques d’une information privilégiée en ce qu’elle était, à cette date :

— précise dès lors que la publication prochaine de l’article était susceptible de se produire, les rapports de marché de M. Geoff Foster étant publiés de manière quasi-systématique par le [journal K] ; la rumeur relayée par l’article, qui faisait mention de l’initiateur de l’offre (LVMH), de la cible (Hermès) et du prix (350 euros) et apparaissait crédible compte tenu de la participation de 20% déjà prise par LVMH au capital d’Hermès et de la notoriété du journaliste, était elle aussi susceptible de se produire. Il était ainsi possible d’en tirer une conclusion, en l’occurrence positive, sur le cours du titre Hermès ;

— non publique jusqu’à la publication de l’article en cause, le 8 juin 2011 à 21h41, dans la mesure où cette publication n’avait pas été annoncée à l’avance ou anticipée et où la rumeur relayée par l’article se distinguait de celles ayant circulé jusque-là, qui n’indiquaient pas le prix de l’offre ;

— susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours du titre Hermès en raison tant de l’autorité du journaliste, de sa crédibilité, de sa notoriété, de son influence dans les milieux économiques et de la diffusion très large du [journal K1], que de la teneur de l’article qui faisait état d’un prix de l’offre bien supérieur au cours de bourse ; le marché a d’ailleurs réagi positivement à cette publication puisque le lendemain, 9 juin 2011, le cours du titre Hermès a augmenté de 0,64 %

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dès l’ouverture puis de 4,55 % en cours de séance alors que l’opération n’a jamais eu lieu.

MM. Geoff Foster, Mark Penna et Scott Davis contestent le caractère privilégié de l’information.

Les deux premiers soutiennent qu’une information qui se rapporte à la publication prochaine d’un article de presse relayant une rumeur est par nature insusceptible de recevoir la qualification d’information privilégiée à défaut d’émaner d’un émetteur et d’être précise au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF.

M. Geoff Foster ajoute que l’information en cause n’était précise ni à raison de son contenu, en l’absence d’élément permettant de considérer que l’opération objet de la rumeur avait des chances raisonnables de se produire, ni en ce qui concerne la publication de l’article par le [journal K1], qui ne pouvait être tenue pour acquise avant la parution effective de l’article en raison du nombre important d’échelons de validation au sein de la rédaction. Il observe en outre, à l’instar de M. Scott Davis, que les nombreux articles évoquant une possible prise de contrôle d’Hermès par LVMH parus consécutivement à l’annonce, par cette dernière, de l’acquisition d’une participation de l’ordre de 20 % du capital d’Hermès à la fin de l’année 2010 ont conféré un caractère public à l’information.

MM. Geoff Foster, Mark Penna et Scott Davis font enfin valoir que le critère de l’influence sensible n’est pas satisfait en l’espèce aux motifs, selon le premier, qu’il s’agit d’un article de presse publié sur le site Internet d’un journal non spécialisé et consulté par un nombre restreint de personnes, selon le deuxième, que la portée potentielle de l’information en cause doit être fortement relativisée au regard de l’analyse des mouvements intervenus sur le cours du titre Hermès au cours de la journée précédant la publication de l’article de M. Geoff Foster, et, selon le dernier, qu’un investisseur raisonnable pouvait, étant donné les informations alors connues du marché, s’attendre à une montée de LVMH au capital d’Hermès.

Sur la qualification d’information privilégiée de la publication prochaine d’un article de presse relayant une rumeur

L’article 621-1 du règlement général de l’AMF ne prévoit aucune restriction quant à la nature, au contenu ou à l’origine des informations pouvant être qualifiées de privilégiées, dont il n’exige pas qu’elles émanent d’un émetteur, mais seulement qu’elles le concernent, directement ou indirectement, et soient précises, non publiques et susceptibles d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés.

La publication prochaine d’un article de presse relayant une rumeur est donc susceptible de constituer une information privilégiée.

Il convient de rechercher si elle remplissait les conditions de précision, de non-publicité et d’influence sensible sur le cours du titre Hermès.

Sur la précision de l’information

Le 8 juin 2011 à 21h41, le [journal K1] a publié, sous la signature de M. Geoff Foster un « rapport de marché » intitulé « Hermès shares back in fashion » (« Les actions Hermès reviennent à la mode ») indiquant notamment : « LVMH, the French group run by billionnaire Bernard Arnault, is said to be lining up a knock out € 350 a share cash bid for HERMES, which has long been famous for persuading celebrity shoppers such as Victoria Beckam and Sharon Stone to fork out more than GPB 3000 for its Birkin bag » (« LVMH, le groupe français dirigé par le milliardaire Bernard Arnault, serait en train de préparer une opération de rachat à un prix choc de 350 € par action HERMES, qui est depuis longtemps célèbre pour avoir convaincu les célébrités amoureuses de shopping comme Victoria Beckham et Sharon Stone de payer plus de 3000 livres pour acquérir ses sacs Birkin »).

Il résulte des déclarations de M. Geoff Foster devant le rapporteur qu’il était le « spécialiste de la Bourse de Londres » au sein de l’équipe chargée de la rédaction des pages financières du [journal K] et qu’il lui incombait à ce titre d’écrire le rapport de marché destiné à paraître quotidiennement les jours d’ouverture

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des marchés financiers londoniens. Les extraits du site Internet du [journal K1] annexés par le rapporteur à son rapport confirment à cet égard que les rapports de marché de M. Geoff Foster étaient systématiquement publiés dans l’édition papier du [journal K] et sur le site Internet du [journal K1].

Il ressort encore des déclarations de M. Geoff Foster, non contredites par les pièces figurant au dossier, que ce dernier consacrait son après-midi à la recherche et au recueil d’informations auprès de ses différents contacts, à la lumière desquelles il prenait une décision sur le contenu définitif de son article du jour, vers 16h30, au moment de la clôture des marchés.

La probabilité que les supérieurs hiérarchiques de M. Geoff Foster, dont l’un venait régulièrement le consulter à raison de son expertise sur les questions boursières, décident de modifier tout ou partie du contenu de son rapport de marché du 8 juin 2011, a fortiori en supprimant la nouvelle qui y occupait une place centrale – ce rapport était intitulé « Hermès shares back in fashion » (« Les actions Hermès reviennent à la mode ») – était faible.

Ainsi, il est établi que la publication le 8 juin 2011, dans le [journal K1], de la rumeur en cause était susceptible de se produire dans l’après-midi du même jour.

Le prix évoqué par l’article, de 350 euros par action, représentait une prime de 86 % par rapport au cours de clôture de la séance du 8 juin 2011, qui s’était établi à 187,50 euros, de sorte qu’il était possible d’en tirer une conclusion, en l’occurrence positive, quant à l’effet possible de sa publication sur le cours du titre Hermès.

Il s’ensuit que l’information relative à la publication, par le [journal K1], d’un article rapportant une rumeur de dépôt d’une offre de LVMH sur le titre Hermès au prix de 350 euros a revêtu un caractère précis dans l’après-midi du 8 juin 2011.

Sur le caractère non public de l’information

Le marché n’a eu connaissance du contenu de l’article de M. Geoff Foster qu’au moment de sa publication effective, qui n’avait pas été annoncée.

Contrairement aux allégations de MM. Geoff Foster et Scott Davis, la publication de plusieurs articles évoquant une possible montée de LVMH au capital d’Hermès dans les jours précédant le 8 juin 2011 n’a pas conféré un caractère public à l’information selon laquelle le [journal K1] allait publier, à cette date, un rapport de marché de M. Geoff Foster relatant l’existence d’une rumeur d’offre de LVMH sur les titres Hermès au prix de 350 euros.

Ainsi, l’information en cause a conservé un caractère confidentiel jusqu’au 8 juin 2011 à 21h41.

Sur l’influence sensible de l’information sur le cours du titre Hermès

En premier lieu, le critère de l’influence sensible ne doit pas être apprécié au regard du nombre de lecteurs potentiels du rapport de marché considéré mais du comportement attendu d’un investisseur raisonnable quelconque à l’annonce de la mise en ligne à venir d’un rapport de marché de M. Geoff Foster relayant la rumeur de dépôt d’une offre au prix de 350 euros. C’est donc de manière inopérante que M. Geoff Foster fait valoir que les pages financières du [journal K1] sont très peu consultées.

Au demeurant, les données de « trafic » du [journal K1] produites par M. Geoff Foster, qui concernent quatre articles publiés entre le 9 juin et le 28 juin 2017, soit environ six ans après les faits, de surcroît par un autre journaliste, sont dépourvues de force probante et ne suffisent pas à rendre compte du nombre de lecteurs des rapports de marché, également publiés dans l’édition papier du [journal K].

En deuxième lieu, il est établi par les déclarations de M. Geoff Foster devant le rapporteur qu’il était, à l’époque des faits, fort d’une carrière de journaliste financier d’une quarantaine d’années au cours de laquelle il avait travaillé pour plusieurs publications de grande renommée, telles que le [journal L] et le

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Times, et qui lui avait valu d’obtenir à deux reprises le prix du Rapport boursier de l’année.

En troisième lieu, il résulte notamment des articles communiqués par les mis en cause que, depuis la déclaration de franchissement de seuil publiée par la société LVMH le 21 décembre 2010, le marché anticipait que cette dernière chercherait à court ou moyen terme à augmenter sa participation au capital d’Hermès. Ces spéculations, à l’origine d’une augmentation constante des volumes échangés et du cours du titre Hermès depuis le début de l’année 2011, ont été alimentées au cours de la période précédant les faits par plusieurs articles publiés entre le 11 mai et le 7 juin 2011 qui faisaient état des bons résultats d’Hermès et de l’éventuelle poursuite par le groupe LVMH de ses acquisitions de titres, allant jusqu’à évoquer une possible « prise de contrôle lente de [Hermès] par LVMH ».

Ainsi, en dépit de l’absence de spécialisation du [journal K1] comme du [journal K] en matière financière et de la présentation habituelle des rapports de marché, qui s’apparentent davantage à une succession de rumeurs de marché possiblement infondées qu’à des articles de fond documentés, la notoriété de Geoff Foster, le contexte de marché de l’époque tel qu’il vient d’être décrit et la précision de la rumeur relayée – la préparation par LVMH du dépôt d’une offre sur les titres Hermès au prix de 350 euros – étaient de nature à rendre celle-ci crédible.

À la différence des articles susvisés, la rumeur véhiculée par le rapport de marché de M. Geoff Foster mentionnait la nature de l’opération projetée et le prix auquel celle-ci était envisagée, à savoir 350 euros par action Hermès, soit 86 % de plus que le cours de clôture de la veille (187,50 euros). Contrairement aux allégations de M. Scott Davis, ce contexte était donc loin de la priver d’intérêt.

Ainsi, l’information relative à la publication à venir, par le [journal K1], d’un rapport de marché de M. Geoff Foster faisant état d’une rumeur de dépôt d’une offre au prix de 350 euros était susceptible d’être utilisée par un investisseur raisonnable comme l’un des fondements d’une décision d’investissement et, partant, si elle avait été rendue publique, d’avoir une influence sensible sur le cours du titre Hermès.

Il en résulte que cette information a été privilégiée, au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, à compter du 8 juin 2011 dans l’après-midi, et jusqu’à la publication de l’article en cause, le même jour à 21h41.

III.2.2. Sur les manquements à l’obligation d’abstention de communication et/ou d’utilisation de l’information privilégiée reprochés à MM. Geoff Foster, Leslie Stafford, Eaitisham Ahmed, Mark Penna et Scott Davis

Selon la poursuite, M. Geoff Foster aurait communiqué l’information privilégiée, d’une part, à

M. Leslie Stafford, qui l’aurait ensuite communiquée à M. Mark Penna qui l’aurait utilisée, d’autre part, à M. Eaitisham Ahmed, qui l’aurait utilisée et transmise à M. Scott Davis.

Il conviendra d’examiner successivement deux circuits distincts qui se dégagent ainsi, le premier composé de MM. Geoff Foster, Leslie Stafford et Mark Penna et le second de MM. Geoff Foster, Eaitisham Ahmed et Scott Davis.

A. Sur la communication de l’information privilégiée par M. Geoff Foster à M. Leslie Stafford puis par M. Leslie Stafford à M. Mark Penna, et l’utilisation de cette information par ce dernier

Les notifications de griefs adressées à MM. Geoff Foster, Leslie Stafford et Mark Penna relèvent, dans des termes proches, que seule la connaissance par ce dernier de l’information privilégiée qu’il tenait de M. Leslie Stafford, à qui M. Geoff Foster l’avait transmise, peut expliquer ses interventions du 8 juin 2011 sur des instruments financiers liés au titre Hermès.

Elles invoquent à cet égard l’existence de liens étroits et de contacts entre les mis en cause juste avant les interventions de M. Mark Penna ainsi que la constatation « d’un mode opératoire commun (i) aux quatre valeurs françaises sous enquête, et à d’autres valeurs – notamment européennes et américaines et (ii) suivi par les donneurs d’ordres identifiés dans l’enquête », comportant cinq étapes. Celle adressée à

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M. Mark Penna souligne en outre que ses interventions sur les contrats financiers liés au titre Hermès ont eu lieu quelques heures avant la publication de l’article de M. Geoff Foster par le [journal K1].

MM. Geoff Foster, Leslie Stafford et Mark Penna concluent à leur mise hors de cause.

À titre principal, M. Geoff Foster soutient qu’aucun manquement ne peut être retenu à son encontre, faute pour la poursuite de démontrer, comme le prescrit désormais l’article 21 du règlement MAR, qu’il a tiré avantage de la divulgation qui lui est reprochée ou que celle-ci a eu lieu dans l’intention d’induire le marché en erreur et, à défaut, qu’il a « méconnu les règles régissant sa profession ».

Subsidiairement, il conteste la transmission de l’information privilégiée à M. Leslie Stafford et, en particulier, la force probante des indices mentionnés par les notifications de griefs. En ce sens, il fait valoir que, dans la mesure où M. Leslie Stafford est, à l’instar de M. Eaitisham Ahmed, l’une de ses sources habituelles, les liens existants entre eux ne peuvent être utilement invoqués pour établir la transmission de l’information. Il ajoute que c’est M. Leslie Stafford qui a pris l’initiative du contact qu’ils ont eu au cours de l’après-midi du 8 juin 2011, à un moment où le contenu définitif de son rapport de marché n’avait pas encore été définitivement arrêté. Il soutient également que la poursuite ne peut déduire la teneur de sa communication avec M. Leslie Stafford d’échanges subséquents entre ce dernier et M. H, tiers à la procédure, et que le mode opératoire en cinq étapes allégué par la poursuite ne peut constituer un indice à son égard puisqu’il y est extérieur. Il relève enfin qu’à défaut d’être atypiques, les interventions de M. Mark Penna ne peuvent être invoquées au soutien de la transmission de l’information privilégiée alléguée.

M. Leslie Stafford explique pour sa part n’avoir pas eu « l’impression » de recevoir ou de transmettre des informations privilégiées.

Enfin, M. Mark Penna conteste avoir reçu une information privilégiée et indique que ses opérations sur des contrats financiers liés au titre Hermès du 8 juin 2011 ont été motivées par un article publié par Reuters UK le 7 juin 2011, qu’il a imprimé et lu le lendemain, et par l’augmentation des volumes de transactions contemporaine de la réalisation de ses opérations. Il ajoute que le dénouement rapide de ces opérations est conforme à sa pratique habituelle.

Sur la communication par M. Geoff Foster de l’information privilégiée à M. Leslie Stafford

Il convient d’abord de retenir que M. Geoff Foster était nécessairement détenteur de l’information privilégiée consistant en la publication prochaine, par le [journal K1], d’un rapport de marché dont il était l’auteur.

Il résulte, d’un côté, des déclarations concordantes de MM. Geoff Foster et Leslie Stafford devant le rapporteur ainsi que des relevés téléphoniques du second que les intéressés se connaissaient depuis plusieurs années et ont entretenu des contacts réguliers marqués, entre le début du mois de janvier 2011 et la fin du mois de juin 2011, par près de 200 appels et messages.

D’un autre côté, MM. Leslie Stafford et Mark Penna ont tous deux déclaré devant le rapporteur qu’ils s’étaient rencontrés en 2002 sur leur lieu de travail et étaient restés en relation à la suite du départ à la retraite du premier en 2010, s’appelant « deux à trois fois par semaine, parfois quotidiennement » entre le début de l’année 2011 et la fin de l’année 2012.

Il ressort ensuite des observations écrites de M. Leslie Stafford et de ses déclarations devant le rapporteur que M. Mark Penna l’appelait généralement durant la matinée pour l’informer des rumeurs de marché qu’il avait entendues, qu’il contactait ensuite M. Geoff Foster pour recueillir son avis sur les informations obtenues de M. Mark Penna et, enfin, rappelait ce dernier « pour lui faire part de ce que M. Geoff Foster venait de [lui] dire ».

Ces déclarations sont corroborées par les enregistrements de quatre conversations téléphoniques postérieures intervenues entre MM. H et Leslie Stafford les : 16 février 2012 : « il a deux infos…, je ne sais

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pas laquelle il va mettre en premier », 10 avril : « mon type vient de me dire qu’il pourrait bientôt avoir une info…. ‘De toute façon, il va titrer sur BLINKK, ça va être négatif, il a une info sur BskyB mais ça sera dans le corps de l’article. », 16 avril : « L’autre info sur laquelle travaille le scribouillard c’est moneysupermarket.com… » et 2 mai 2012 : « Bon, il travaille sur deux infos… il va parler de ça en premier… », qui montrent que M. Leslie Stafford répercutait auprès de son interlocuteur des informations sur des rumeurs obtenues d’une personne qu’il désignait, selon le cas, comme étant « my man » (« mon type »), « the scribbler » (« le scribouillard ») ou « he » (« il »). Il ressort des propos tenus par

M. Leslie Stafford relatifs au titre ou à la place qu’auraient ces rumeurs, que la personne ainsi désignée travaillait à la rédaction d’un article et donnait les détails de son travail à M. Leslie Stafford.

De même, les conversations du 11 mai 2012 : « Je vais appeler le scribouillard dans une minute et te rappeler s’il a quelque chose d’intéressant sur quoi parler » et du 6 juin 2012 : « Il n’est pas chez lui aujourd’hui. Donc je ne peux te dire ce qu’il va y avoir dans les journaux », montrent qu’au-delà des échanges sur les rumeurs, le « scribouillard » faisait savoir à M. Leslie Stafford qu’il allait rédiger un article et lui en indiquait le sens.

Lors de son audition par les enquêteurs dans les locaux de la FCA, M. Leslie Stafford a précisé que c’était lui qui avait donné le surnom de « scribouillard » à Geoff Foster.

Il s’avère encore que tout ou partie des rumeurs évoquées dans ces messages figurait dans le rapport de marché du jour de M. Geoff Foster.

Ainsi, il est établi qu’il arrivait à M. Geoff Foster d’informer M. Leslie Stafford de la teneur de son rapport de marché du jour en cours de préparation et, partant, qu’il existe pour le moins un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée en cause du premier au second.

Enfin, les relevés téléphoniques de M. Leslie Stafford révèlent que ce dernier a appelé M. Geoff Foster à 15h43, pendant 2mn53s durant l’après-midi du 8 juin 2011.

Devant le rapporteur, M. Leslie Stafford a confirmé qu’à cette occasion, M. Geoff Foster lui avait parlé du contenu de son rapport de marché du jour.

Sur interpellation de son conseil, il a ensuite indiqué qu’il n’en avait finalement pas le souvenir compte tenu de l’ancienneté des faits. Toutefois, cette deuxième déclaration, non spontanée mais suivie d’une troisième par laquelle il a admis qu’il était « possible » qu’il ait fait part à M. Mark Penna ou M. H (l’un de ses proches) des informations obtenues de M. Geoff Foster, confirmant ainsi implicitement sa déclaration initiale, est dépourvue de portée. La commission regrette d’ailleurs que le conseil de

M. Leslie Stafford ait déclaré en séance qu’il avait demandé à son client, fragile, de ne pas se présenter devant elle. Il a ainsi empêché qu’elle l’interroge sur ce point.

Le sens de l’appel – de M. Leslie Stafford vers M. Geoff Foster – et le fait que le premier compte parmi les sources habituelles du second n’excluent pas que M. Geoff Foster ait communiqué l’information privilégiée à M. Leslie Stafford lors de leur échange téléphonique.

Le circuit plausible de transmission de l’information privilégiée de M. Geoff Foster à M. Leslie Stafford, le moment de leur communication du 8 juin 2011 et les déclarations de M. Leslie Stafford sur le contenu de celle-ci établissent au contraire de manière non équivoque la transmission de l’information privilégiée par M. Geoff Foster à M. Leslie Stafford.

L’article 21 du règlement MAR prévoit que le caractère illicite de la divulgation d’informations privilégiées effectuée « à des fins journalistiques […] est appréci[é] en tenant compte des règles régissant la liberté de la presse et la liberté d’expression dans les autres médias et des règles ou codes régissant la profession de journaliste », à moins que les personnes concernées ou celles qui leur sont étroitement liées n’aient retiré, directement ou indirectement, un avantage ou des bénéfices de cette divulgation ou que la divulgation n’ait eu lieu dans l’intention d’induire le marché en erreur quant à l’offre, à la demande ou au cours d’instruments financiers.

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La discussion entre M. Geoff Foster et sa source M. Leslie Stafford sur la rumeur de dépôt d’une offre au prix de 350 euros avait pour seule finalité la diffusion au public de cette rumeur. Elle avait ainsi des fins journalistiques. Il n’en est pas de même de la transmission, destinée à la source seule et non au public, de l’information privilégiée de la publication à venir, par le [journal K1], d’un rapport de marché faisant état de cette rumeur.

Dans ces conditions, M. Geoff Foster ne peut bénéficier de l’exception prévue par les dispositions de l’article 21 du Règlement MAR. La transmission de l’information privilégiée caractérise un manquement à l’obligation d’abstention telle que définie par les articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF.

Sur la communication par M. Leslie Stafford de l’information privilégiée à M. Mark Penna et l’utilisation de l’information par ce dernier

Il résulte de ce qui précède que M. Leslie Stafford détenait l’information privilégiée, communiquée par M. Geoff Foster.

MM. Stafford et Penna, qui se connaissaient de longue date, s’appelaient régulièrement à l’effet, notamment, d’évoquer les rumeurs de marché. Il y a ainsi eu 2 700 échanges téléphoniques entre eux entre août 2011 et août 2012. En outre, M. Leslie Stafford a déclaré devant le rapporteur qu’il était « possible » qu’il ait évoqué avec M. Mark Penna le contenu du rapport de marché de M. Geoff Foster du 8 juin 2011.

Cependant, l’utilisateur de la ligne téléphonique correspondant au numéro 07796075827, qui a contacté M. Leslie Stafford à 8h02, 8h03, 14h57, 15h50 et 15h51 le 8 juin 2011, n’a pu être identifié. Ni les relevés téléphoniques de M. Leslie Stafford et M. Mark Penna, sur lesquels figure ce numéro, ni aucune autre pièce de la procédure, n’établissent que ces derniers ont eu des échanges au cours de la journée du 8 juin 2011.

La poursuite invoque également l’existence d’un mode opératoire commun « aux quatre valeurs françaises sous enquête, et à d’autres valeurs – notamment européennes et américaines », suivi par « les donneurs d’ordre identifiés dans l’enquête » et qui comprend les cinq étapes ainsi décrites :

« (1) L’identification d’une valeur suffisamment liquide, qui puisse faire l’objet de la publication par un journaliste d’un article relatant une rumeur assez crédible concernant une prochaine opération financière. (2) Les liens/contacts pris avec d’autres personnes intervenant sur les instruments financiers, afin de préparer des transactions significatives en termes de volumes. (3) Les liens/contacts pris avec un journaliste appartenant à un organe de presse respectable, influent et de grande diffusion, de préférence sur Internet, afin de prendre connaissance et s’assurer qu’un article relatant une rumeur allait être publié sur le titre. (4) La réalisation d’opérations à l’achat sur le titre, en prenant des positions, via des instruments dérivés (CFD, spreadbets), sur le sous-jacent en question, et juste avant la publication de l’article rapportant la rumeur. (5) Une fois l’article relatant la rumeur publié et suffisamment relayé, entrainant une hausse du cours, la clôture des positions ouvertes sur les instruments financiers, ce qui génère une plus-value, souvent importante, pour les donneurs d’ordres ».

La lecture du rapport d’enquête permet de comprendre que l’expression « donneur d’ordre » renvoie aux 11 personnes qui, selon ce document, ont effectué des transactions sur des contrats financiers liés aux quatre valeurs françaises objet de l’enquête (Arkema, Hermès, Maurel & Prom et Christian Dior), parmi lesquelles cinq des mis en cause dont M. Mark Penna.

La transmission de l’information privilégiée à M. Mark Penna et son utilisation par ce dernier ne peuvent toutefois être déduites de l’existence de similitudes concernant des opérations réalisées sur quatre valeurs françaises (Arkema, Hermès, Maurel & Prom et Christian Dior), dont l’une n’est pas concernée par la

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procédure, ainsi que « d’autres valeurs – notamment européennes et américaines », qui ne sont pas davantage concernées, par quatre autres utilisateurs supposés d’informations privilégiées qualifiés de « donneurs d’ordres » qu’il n’est pas établi que M. Mark Penna connaissait.

M. Mark Penna produit, pour sa part, la copie d’un article de presse daté du 7 juin 2011, dont le pied de page révèle qu’il a été imprimé le lendemain, expliquant l’augmentation significative du cours du titre Hermès et des volumes échangés par les fortes spéculations sur la possible poursuite par LVMH de sa montée au capital et suggérant qu’une éventuelle offre publique sur les titres d’Hermès serait probablement assortie d’une prime très significative, possiblement supérieure à celle de 60 % offerte par le groupe trois mois plus tôt pour l’acquisition de l’un de ses concurrents.

Un tel article était susceptible d’inciter un investisseur à se positionner à l’achat sur le titre Hermès ou sur des instruments liés à ce titre et l’augmentation des volumes échangés constatée le 8 juin 2011 à partir de 17h, heure de Paris, ou 16h, heure de Londres, dont M. Mark Penna soutient qu’elle l’a décidé à intervenir une demi-heure plus tard, aux alentours de 17h30, est corroborée par les données de marché rassemblées par les enquêteurs.

Dans ces conditions, l’existence d’un circuit plausible de transmission de l’information et les déclarations de M. Leslie Stafford, qui se bornent à ne pas exclure une telle transmission, sont insuffisantes à établir celle-ci.

Par suite, les manquements pris de la communication de l’information par M. Leslie Stafford à M. Mark Penna et de son utilisation par ce dernier seront écartés.

B. Sur la communication de l’information privilégiée par M. Geoff Foster à M. Eaitisham Ahmed et l’utilisation de cette information par ce dernier ainsi que sur la transmission de l’information par M. Eaitisham Ahmed à M. Scott Davis et son utilisation par celui-ci

Pour retenir que seule la détention, par M. Eaitisham Ahmed, de l’information privilégiée communiquée par M. Geoff Foster peut expliquer les interventions du premier, le 8 juin 2011, sur les contrats financiers liés au titre Hermès, les notifications de griefs adressées à MM. Geoff Foster et Eaitisham Ahmed se fondent sur les liens étroits entretenus par ces derniers, sur les contacts intervenus entre eux le 8 juin 2011, au moment des opérations réalisées par M. Eaitisham Ahmed, et sur le mode opératoire commun en cinq étapes évoqué précédemment.

La notification de griefs adressée à M. Eaitisham Ahmed mentionne également le fait que ce dernier était en contact avec des personnes intervenues « sur l’un ou l’autre des titres faisant l’objet de l’enquête », ainsi qu’avec des journalistes britanniques.

Au soutien de la transmission de l’information privilégiée par M. Eaitisham Ahmed à M. Scott Davis et de son utilisation par ce dernier, la même notification de griefs et celle adressée à M. Scott Davis invoquent les liens amicaux et financiers existant entre les intéressés et les similitudes constatées à l’occasion de leurs investissements respectifs tant sur les titres objet de l’enquête que sur d’autres valeurs.

La poursuite souligne enfin le caractère atypique des interventions de M. Scott Davis au regard de ses habitudes d’investissement.

Les mis en cause contestent les manquements qui leur sont reprochés.

M. Geoff Foster réitère en substance les observations formulées en ce qui concerne la transmission de l’information à M. Leslie Stafford et ajoute que le dernier indice retenu par la notification de griefs adressée à M. Eaitisham Ahmed, tenant à ses relations avec des journalistes, est impropre à établir la transmission alléguée.

M. Eaitisham Ahmed conteste la détention de l’information privilégiée et, par suite, sa transmission à M. Scott Davis, en faisant valoir qu’aucune conclusion ne peut être tirée de ses contacts téléphoniques

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avec M. Geoff Foster à défaut de preuve de la teneur de leurs échanges, et que ses opérations sur des instruments financiers liés au titre Hermès étaient fondées sur l’analyse des informations alors connues du marché.

M. Scott Davis développe une argumentation similaire à celle de M. Eaitisham Ahmed en ce qui concerne le faisceau d’indices invoqué par la notification de griefs à l’égard de ce dernier. Il souligne en outre que les opérations qui lui sont reprochées ne sont pas atypiques au regard de ses habitudes d’investissement et qu’en l’absence de rencontres ou de contacts entre lui et M. Eaitisham Ahmed, leurs liens amicaux, financiers ou professionnels sont insuffisants pour établir sa détention de l’information privilégiée.

Sur la communication par M. Geoff Foster de l’information privilégiée à M. Eaitisham Ahmed et l’utilisation de l’information par ce dernier

Il a été dit que M. Geoff Foster était détenteur de l’information privilégiée.

Il résulte des déclarations de M. Geoff Foster devant le rapporteur et des relevés téléphoniques de M. Eaitisham Ahmed que tous deux se connaissaient depuis 25 ans et ont été régulièrement en contact au cours de l’année 2011, durant laquelle ils ont échangé par téléphone à 795 reprises.

Les mêmes relevés établissent plus particulièrement que M. Eaitisham Ahmed a appelé M. Geoff Foster à trois reprises le 8 juin 2011, à 15h06, 15h38 et 16h26, et qu’il a contacté son courtier, la société Spreadex à 15h16, 15h29 et 15h54 en vue de se positionner à l’achat sur des contrats financiers liés au titre Hermès.

Les ordres d’achat sur des contrats financiers liés au titre Hermès ont été exécutés par la société Spreadex pour le compte de M. Eaitisham Ahmed le 8 juin 2011 à 15h31 et 15h54 à hauteur de, respectivement, 439 et 1 339 équivalent titres, position qui a été dénouée le 9 juin 2011.

Compte tenu de la célérité avec laquelle M. Eaitisham Ahmed a pris attache avec son courtier à l’effet d’initier les opérations litigieuses, la circonstance que ce dernier soit l’une des sources habituelles de M. Geoff Foster et ait été à l’initiative des appels téléphoniques précités ne suffit pas à rendre équivoque l’indice pris des contacts intervenus entre les deux intéressés le 8 juin 2011.

De surcroît, M. Eaitisham Ahmed a contacté deux autres personnes, l’une à 15h42 et l’autre à 16h10 qui, elles aussi, ont réalisé des opérations sur des instruments financiers liés au titre Hermès dans la foulée de ces conversations (à 16h25 et 16h10).

Enfin, M. Eaitisham Ahmed fait valoir que ses opérations procédaient de l’analyse d’informations publiques et qu’il avait l’habitude d’investir sur des valeurs françaises, parfois à perte. Cependant, aucun des éléments produits par M. Eaitisham Ahmed n’est de nature à démontrer la première circonstance et la seconde, en raison de son caractère général, n’apparaît pas de nature à remettre en cause la force probante des indices détaillés ci-avant.

Ainsi, les liens existant entre MM. Geoff Foster et Eaitisham Ahmed, qui établissent un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée du premier au second, les échanges qu’ils ont eus au moment des opérations litigieuses et les autres événements survenus dans un temps proche de ceux-ci – contacts pris par M. Eaitisham Ahmed avec deux de ses connaissances et opérations réalisées par elles immédiatement ou peu après se rapportant au titre Hermès – démontrent de manière non équivoque la transmission de l’information privilégiée par M. Geoff Foster à M. Eaitisham Ahmed et son utilisation par ce dernier.

Il n’y a donc pas lieu d’examiner l’indice, surabondant, pris de l’existence d’un mode opératoire commun aux donneurs d’ordres identifiés dans le cadre de l’enquête.

Transmise dans un contexte identique à celle communiquée à M. Leslie Stafford, l’information privilégiée n’a pas été divulguée « à des fins journalistiques », ce qui exclut, pour les raisons déjà exposées,

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l’application de l’article 21 du règlement MAR.

En conséquence, la transmission de l’information privilégiée par M. Geoff Foster à M. Eaitisham Ahmed caractérise un manquement à l’obligation d’abstention telle que définie par les articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF.

M. Eaitisham Ahmed, initié secondaire, a indiqué dans ses observations en réponse à la lettre circonstanciée intervenir régulièrement sur les marchés financiers, en particulier sur des instruments dérivés, de sorte qu’il savait ou aurait dû savoir que l’information relative à la publication à venir par le D d’un article rapportant une rumeur de dépôt d’une offre de LVMH sur les titres Hermès à hauteur de 350 euros par action revêtait un caractère privilégié.

En conséquence, M. Eaitisham Ahmed a contrevenu à son obligation de s’abstenir d’utiliser une information privilégiée, en violation des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF.

Sur la communication par M. Eaitisham Ahmed de l’information privilégiée à M. Scott Davis et l’utilisation de l’information par ce dernier

Il résulte des constats des enquêteurs et des déclarations de M. Scott Davis devant le rapporteur qu’à compter de 2003, il a rencontré M. Eaitisham Ahmed en général « toutes les deux ou trois semaines » afin de discuter des marchés financiers, qu’il a obtenu un prêt de celui-ci d’un montant de 100 000 livres en 2008, non remboursé en dépit du non-aboutissement de l’opération l’ayant motivé, et qu’à l’époque des faits, il échangeait régulièrement par téléphone avec M. Eaitisham Ahmed, de l’ordre de « deux à trois fois par semaine ».

L’associé de M. Scott Davis et cotitulaire du compte à partir duquel ce dernier a réalisé une partie des opérations litigieuses, a indiqué aux enquêteurs qu’il entretenait lui aussi des relations avec

M. Eaitisham Ahmed.

Comme il a été dit, M. Eaitisham Ahmed a obtenu l’information de M. Geoff Foster le 8 juin 2011 un peu après 15 heures et a contacté son courtier à plusieurs reprises entre 15h16 et 15h54 en vue de réaliser des opérations sur des contrats financiers liés au titre Hermès. Or, M. Scott Davis a également effectué de telles opérations à 16h45, à partir de son compte personnel et du compte qu’il détenait conjointement avec son associé, à hauteur, à chaque fois, de 1 000 équivalent titres, ainsi que dans l’intérêt de cinq autres personnes sur les comptes desquelles il détenait des procurations.

M. Scott Davis a indiqué, dans ses observations en réponse à la lettre circonstanciée, pour expliquer ses opérations qu’il ne se rappelait plus si-celles-ci avaient été « été encouragé[e]s par des conversations avec M. Ahmed » mais qu’il était « possible que cela ait été le cas ».

Certes, les relevés de compte produits par M. Scott Davis permettent de constater, contrairement à ce que retient la poursuite, que ses opérations du 8 juin 2011 étaient conformes à ses habitudes d’investissement, tant à raison de la valeur concernée, dès lors qu’il intervenait régulièrement à la fois sur des titres français et sur des valeurs du secteur du luxe, que de l’exposition prise, qui était en ligne avec le montant engagé à l’occasion de plusieurs autres opérations.

Toutefois, les relations existant entre M. Eaitisham Ahmed et M. Scott Davis, dont il résulte un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée, conjuguées aux déclarations du second sur les raisons de ses interventions et à la chronologie des opérations réalisées par les intéressés le 8 juin 2011, alors que M. Eaitisham Ahmed détenait l’information privilégiée, établissent de manière non équivoque la transmission de l’information privilégiée par M. Eaitisham Ahmed à M. Scott Davis.

Il n’y a dès lors pas lieu d’examiner l’indice, surabondant, tiré de l’existence d’un mode opératoire commun aux donneurs d’ordres identifiés dans le cadre de l’enquête.

Comme il a été dit, M. Eaitisham Ahmed, initié secondaire, savait ou aurait dû savoir que l’information en

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cause présentait un caractère privilégié et il en est de même de M. Scott Davis qui a effectué toute sa carrière dans la finance chez différents courtiers.

Les deux manquements pris de la communication ou de l’utilisation d’une information privilégiée, en violation des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF, sont donc caractérisés, le premier à l’encontre de M. Eaitisham Ahmed et le second de M. Scott Davis.

III. 3. Les griefs notifiés à MM. Geoff Foster, Eaitisham Ahmed, Leslie Stafford et Mark Penna relativement au titre Maurel & Prom

Il est reproché à MM. Geoff Foster d’avoir transmis à M. Leslie Stafford et M. Eaitisham Ahmed l’information privilégiée relative à la publication prochaine, par le [journal K1], d’un article rapportant une rumeur relative au fait que Maurel & Prom pourrait faire l’objet d’une offre aux alentours de 19 euros par titre. M. Leslie Stafford aurait à son tour transmis cette information à M. Mark Penna, qui l’aurait utilisée, et M. Eaitisham Ahmed l’aurait utilisée.

III.3.1. Sur le caractère privilégié de l’information

Les notifications de griefs retiennent que l’information précitée a revêtu, au plus tard le 12 juin 2012, un caractère privilégié, car elle était, à cette date :

— précise dès lors, d’une part, que la publication prochaine de l’article de M. Geoff Foster avait des chances raisonnables d’aboutir malgré les aléas inhérents à toute publication d’un article, d’autre part, que la rumeur relayée par cet article, qui mentionnait à la fois l’initiateur de l’offre (Shell), la cible (Maurel & Prom) et le prix (19 euros) alors que le cours du titre se situait aux alentours de 10,50 euros, apparaissait crédible, et donc susceptible de se produire, en raison du souhait, exprimé à plusieurs reprises par le président de Maurel & Prom, que sa société s’adosse à un autre acteur du domaine pétrolier, et de la notoriété du journaliste ;

— non publique jusqu’à la publication de l’article en cause, le 13 juin 2012 à 00h18, dans la mesure où cette publication n’avait pas été annoncée à l’avance ou anticipée et où la rumeur relayée par l’article se distinguait de celles ayant circulé jusque-là, qui n’indiquaient pas le prix de l’offre ;

— susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours du titre Maurel & Prom à raison tant de l’autorité du journaliste, de sa crédibilité, de sa notoriété, de son influence dans les milieux économiques et de la diffusion très large du [journal K1], que de la teneur de l’article qui faisait état d’un prix de l’offre bien supérieur au cours de bourse ; dans les faits, l’impact a été très important sur le cours du titre, qui a clôturé le 13 juin en hausse de 17,69%. Le lendemain, 14 juin 2012, Maurel & Prom a démenti la rumeur.

MM. Geoff Foster et Mark Penna contestent le caractère privilégié de l’information en faisant valoir une argumentation semblable à celle développée concernant l’information se rapportant au titre Hermès.

Sur la précision de l’information

Le 12 juin 2012 à 23h19 (heure de Londres) – ou le 13 juin 2012 à 00h19 à l’heure de Paris -, le [journal K1] a publié un rapport de marché de M. Geoff Foster intitulé « Petrol rumours fuel oil trading » (« Des rumeurs sur le pétrole attisent le marché ») dans lequel il était écrit : « Shares of French oil and gas group Maurel et Prom traded around €10.48 but industry sources suggest it could soon be on the receiving end of a bid north of €19 a share. The company, which is involved in the exploration and production of oil in Africa and the Caribbean, is rumoured to already have rejected a ‘friendly’ approach from Anadarko Petroleum, one of the world’s largest independent oil and gas groups, and is now also attracting the attention of Royal Dutch Shell A, 21.5p better at 2,060p. Back in 2004, Maurel et Prom broke off talks with several bidders although its shares rocketed once a licence it acquired for next to nothing in the Congo turned out to include M’Boundi, one of the biggest onshore oil discoveries in West Africa for 25 years […] » (« Les titres de la société pétrolière et gazière française Maurel et Prom se sont négociés à environ

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€10.48, mais des sources industrielles ont laissé entendre qu’elle pourrait faire l’objet d’une offre aux alentours de €19 l’action. La société, dont l’activité est l’exploration et la production pétrolière en Afrique et dans les Caraïbes, aurait déjà rejeté une offre amicale d’Anadarko Petroleum, l’un des plus grands groupes pétroliers et gaziers indépendants, et ferait maintenant l’objet de marques d’intérêts de la part de Royal Dutch Shell. En 2004, Maurel et Prom a rompu des discussions avec plusieurs acquéreurs potentiels, malgré le fait que ses actions se soient envolées après qu’elle eût acquis pour trois fois rien une licence de forage au Congo qui comprenait la zone de M’Boundi, qui s’est révélée être une des plus grosses découvertes onshore en Afrique de l’Ouest ces 25 dernières années »).

Lors de l’examen du caractère privilégié de l’information se rapportant au titre Hermès, il a été dit que M. Geoff Foster arrêtait le contenu de son article vers 16h30, au moment de la clôture des marchés, après avoir échangé au cours de l’après-midi avec ses contacts en vue d’obtenir des informations sur les rumeurs de marché.

À cette occasion, il a également été expliqué pourquoi la publication dans le rapport de marché du jour de l’une des rumeurs retenues par M. Geoff Foster – en particulier lorsque, comme en l’espèce, celle-ci était appelée à en constituer la nouvelle phare – avait des chances raisonnables d’aboutir.

Partant, la mention de la rumeur en cause dans le rapport de marché de M. Geoff Foster publié le 12 juin 2012 a constitué un événement susceptible de se produire le même jour dans l’après-midi.

Le prix de 19 euros évoqué par le rapport de marché représentait une prime de plus de 80 % par rapport au cours de clôture de la séance, de l’ordre de 10,50 euros. Il était donc possible d’en tirer une conclusion, en l’occurrence positive, quant à l’effet possible de sa publication sur le cours du titre Maurel & Prom.

Il s’ensuit que l’information relative à la publication prochaine, par le [journal K1], d’un article rapportant une rumeur relative au fait que Maurel & Prom pourrait faire l’objet d’une offre aux alentours de 19 euros par action a revêtu un caractère précis dans l’après-midi du 12 juin 2012.

Sur le caractère non public de l’information

Le marché n’a eu connaissance du contenu de l’article de M. Geoff Foster qu’au moment de sa publication, qui n’avait pas été annoncée, de sorte que la publication antérieure d’articles attribuant la progression du cours du titre de Shell constatée lors de la séance du 12 juin 2012 à la possible préparation d’une opération de rachat de Maurel & Prom est sans incidence sur le caractère non public de l’information, qu’elle a conservé jusqu’au 12 juin 2012 à 23h19.

Sur l’influence sensible des informations sur le cours des titres concernés

Il sera recherché si, à la supposer rendue publique, l’information relative à la publication à intervenir, par le [journal K1], d’un rapport de marché de M. Geoff Foster faisant état d’une possible offre sur le titre Maurel & Prom aux alentours de 19 euros par action était susceptible de fonder la décision d’un investisseur raisonnable de se positionner à l’achat sur le titre correspondant.

Le rapport de marché du 12 juin 2012 rappelait à juste titre que Maurel & Prom avait déjà été approchée à plusieurs reprises par différents acteurs de l’industrie gazière et pétrolière, sans que les protagonistes ne parviennent à un accord. Il s’inscrivait en outre dans le prolongement de deux autres articles de presse publiés plus tôt dans la journée par le Guardian et le [journal L] évoquant dans des termes proches un possible intérêt de Royal Dutch Shell pour Maurel & Prom, en insistant sur le fait que l’action du groupe anglo-néerlandais avait clôturé en hausse et que la réussite d’une opération de rapprochement supposerait le paiement par ce dernier d’une prime importante par rapport au cours de bourse de Maurel & Prom.

L’article de M. Geoff Foster apparaissait donc crédible et, contrairement aux articles publiés auparavant, précisait que l’offre concernant Maurel & Prom pourrait intervenir au prix de 19 euros par action, alors que le cours du titre de cette société s’était établi, le 12 juin 2012 à la clôture, à 10,50 euros.

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Dans ce contexte, et compte tenu de la notoriété de M. Geoff Foster, l’information relative à la publication prochaine par ce dernier d’un rapport de marché ayant le contenu susmentionné pouvait décider un investisseur à se positionner à l’achat et, partant, si elle avait été rendue publique, était susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours du titre Maurel & Prom.

Il en résulte que cette information a revêtu les caractéristiques d’une information privilégiée au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF à compter du 12 juin 2012, dans l’après-midi, et jusqu’à la publication de l’article en cause, le même jour à 23h19.

III.3.2. Sur les manquements à l’obligation d’abstention de communication et d’utilisation de l’information privilégiée reprochés à MM. Geoff Foster, Leslie Stafford, Eaitisham Ahmed et Mark Penna

M. Geoff Foster aurait communiqué l’information privilégiée, d’une part, à M. Leslie Stafford, qui l’aurait lui- même communiquée à M. Mark Penna qui l’aurait utilisée, d’autre part, à M. Eaitisham Ahmed, qui l’aurait utilisée.

Ces deux circuits, le premier composé de MM. Geoff Foster, Leslie Stafford et Mark Penna et le second de MM. Geoff Foster et Eaitisham Ahmed, seront examinés successivement.

A. Sur la communication de l’information privilégiée par M. Geoff Foster à M. Leslie Stafford puis par M. Leslie Stafford à M. Mark Penna, et l’utilisation de cette information par ce dernier

Les notifications de griefs adressées à MM. Geoff Foster, Leslie Stafford et Mark Penna exposent, dans des termes proches, que seule la connaissance par ce dernier de l’information privilégiée transmise par M. Leslie Stafford, qui la tenait lui-même de M. Geoff Foster, peut expliquer ses opérations du 12 juin 2012 sur des instruments financiers liés au titre Maurel & Prom, en se fondant sur les liens étroits entre les mis en cause, leurs contacts juste avant les interventions de M. Mark Penna et le mode opératoire commun en cinq étapes décrit précédemment. Les mis en cause contestent les manquements qui leur sont reprochés.

M. Geoff Foster réitère ses précédentes observations en excipant à titre principal des dispositions de l’article 21 du règlement MAR, dont l’application devrait selon lui conduire à sa mise hors de cause, et, subsidiairement, en invoquant l’absence de force probante du faisceau d’indices relevé par les notifications de griefs.

M. Leslie Stafford argue pour sa part ne pas avoir eu connaissance du caractère privilégié de l’information en cause.

M. Mark Penna soutient quant à lui que ses opérations du 12 juin 2012 sur des contrats financiers liés au titre Maurel & Prom ne s’expliquent pas par la détention de l’information privilégiée, qu’il conteste, mais par un intérêt nourri pour les valeurs pétrolières depuis plusieurs mois, et notamment pour Maurel & Prom, qu’il savait susceptible de faire l’objet d’une offre publique.

Sur la communication par M. Geoff Foster de l’information privilégiée à M. Leslie Stafford

Il a été dit que M. Geoff Foster et M. Leslie Stafford se connaissaient depuis plusieurs années et qu’ils s’étaient souvent contactés par téléphone ou messagerie au cours de la période allant de janvier à juin 2011, contacts dont les relevés téléphoniques du second établissent qu’ils se sont poursuivis entre juillet 2011 et août 2012.

Il a également été relevé que MM. Leslie Stafford et Mark Penna entretenaient eux aussi des liens étroits et discutaient plusieurs fois par semaine, en général le matin, des rumeurs de marché entendues par ce dernier, que M. Leslie Stafford cherchait ensuite à confirmer auprès de M. Geoff Foster avant de rappeler M. Mark Penna pour lui rendre compte de sa conversation avec le journaliste.

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M. Geoff Foster, en tant que rédacteur du rapport de marché du jour à paraître le 12 juin 2012, était nécessairement détenteur de l’information privilégiée en cause.

Les relevés téléphoniques de MM. Leslie Stafford et Mark Penna révèlent qu’à cette date, à 12h46, le second a pris contact avec le premier qui a ensuite appelé M. Geoff Foster à 15h36 pour une durée de 1mn45s. La circonstance que M. Leslie Stafford ait appelé M. Geoff Foster, et non l’inverse, et qu’il soit l’une de ses sources n’est pas plus pertinente que précédemment.

Quelques minutes après avoir terminé sa conversation avec M. Geoff Foster, à 15h45, M. Leslie Stafford a contacté M. H par téléphone puis, à 15h46, a été appelé par M. Mark Penna pendant 2mn29. Dans les minutes suivant cet échange, entre 15h49 et 15h56, ce dernier a contacté les sociétés Spreadex et IG Markets à l’effet d’initier des opérations sur des contrats financiers liés au titre Maurel & Prom pour son compte personnel et celui de son père, sur le compte duquel il a indiqué détenir une procuration. Ces positions ont été dénouées le lendemain.

Interrogé par le rapporteur sur le point de savoir si M. Geoff Foster avait évoqué avec lui le contenu de l’article litigieux en amont de sa publication et si, le cas échéant, il en avait fait état auprès de M. Mark Penna et/ou M. H, M. Leslie Stafford a d’abord répondu : « Oui M. Geoff Foster m’en avait parlé », avant de revenir sur ses propos à la suite de l’intervention de son conseil en invoquant son absence de souvenir des faits en raison de leur ancienneté, pour finalement indiquer, en réponse à la seconde question, qu’il était possible qu’il en ait à son tour parlé à M. Mark Penna et/ou M. H, confirmant ainsi ses déclarations initiales.

La retranscription de la conversation intervenue entre MM. Leslie Stafford et H le 12 juin 2012 à 15h45 confirme d’ailleurs que le premier a alors mentionné au second que le journaliste travaillait sur Maurel & Prom (« He’s doing some French stock called MAUREL. I’m trying to find the code. They’re about 10,50 » ; « II travaille sur une valeur française qui s’appelle MAUREL, j’essaie de trouver son code. Ça cote environ 10,50 € »).

Ainsi, les liens entre MM. Geoff Foster et Leslie Stafford, qui établissent l’existence d’un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée, conjugués à la chronologie tant des échanges intervenus le 12 juin 2012 entre MM. Geoff Foster, Leslie Stafford, H et Mark Penna que des opérations réalisées par ce dernier sur des contrats financiers liés au titre Maurel & Prom, démontrent de manière non équivoque la transmission de l’information privilégiée par M. Geoff Foster à M. Leslie Stafford, sans qu’il y ait lieu d’examiner l’indice, surabondant, pris de l’existence d’un mode opératoire commun aux donneurs d’ordres identifiés dans le cadre de l’enquête.

La divulgation par M. Geoff Foster de l’information privilégiée à M. Leslie Stafford s’inscrit dans un contexte identique à celui de la précédente transmission entre les intéressés, de sorte qu’il y a également lieu de retenir qu’elle n’est pas intervenue « à des fins journalistiques » et que M. Geoff Foster ne bénéficie pas des dispositions de l’article 21 du règlement MAR.

Dans ces conditions, la transmission de l’information privilégiée par M. Geoff Foster à M. Leslie Stafford caractérise un manquement à l’obligation d’abstention prévue par les articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF et l’article 21 du règlement MAR.

Sur la communication de l’information privilégiée par M. Leslie Stafford à M. Mark Penna et l’utilisation de celle-ci par ce dernier

Il résulte de ce qui précède que M. Leslie Stafford détenait l’information privilégiée – communiquée par M. Geoff Foster – et qu’il existait, entre lui et M. Mark Penna, un circuit plausible de transmission de cette information.

La transmission incriminée résulte de manière non équivoque de la conjugaison de ce circuit plausible, de l’appel passé par M. Leslie Stafford à M. Mark Penna 2 minutes après sa conversation avec

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M. Geoff Foster, au cours de laquelle l’information privilégiée lui a été communiquée par le journaliste, des déclarations de M. Leslie Stafford aux termes desquelles « il est possible » qu’il en ait « à son tour parlé à M. Mark Penna » et de la célérité avec laquelle ce dernier a contacté ses courtiers en vue de procéder aux opérations litigieuses après son échange avec M. Leslie Stafford.

Il s’ensuit que M. Leslie Stafford a communiqué l’information privilégiée à M. Mark Penna.

Si M. Mark Penna conteste avoir réalisé les opérations du 12 juin 2012 en considération de cette information, il résulte de ses observations en réponse à la lettre circonstanciée selon lesquelles, s’il était « amené à entendre une rumeur crédible concernant M&P, il était forcément tenté d’acheter l’action », que l’information précitée a bien constitué l’un des fondements de sa décision d’investissement.

Pour les raisons exposées lors de l’examen de l’information se rapportant au titre Hermès,

M. Leslie Stafford, initié secondaire, savait ou aurait dû savoir que l’information relative à la publication prochaine, par le [journal K1], d’un article rapportant une rumeur relative au fait que Maurel & Prom pourrait faire l’objet d’une offre aux alentours de 19 euros par titre revêtait un caractère privilégié.

Il en est de même pour M. Mark Penna, également initié secondaire, qui intervient très régulièrement sur les marchés financiers depuis de nombreuses années.

Il en résulte que MM. Leslie Stafford et Mark Penna ont méconnu, le premier l’obligation d’abstention de communication d’une information privilégiée et le second l’obligation d’abstention de l’utilisation d’une telle information, en violation des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF.

B. Sur la communication de l’information privilégiée par M. Geoff Foster à M. Eaitisham Ahmed et son utilisation par ce dernier

Pour retenir que seule la détention par M. Eaitisham Ahmed de l’information privilégiée en cause transmise par M. Geoff Foster peut expliquer ses opérations du 12 juin 2012 sur des contrats financiers liés au titre Maurel & Prom, les notifications de griefs adressées à ces derniers relèvent, dans des termes proches, les liens étroits entre eux, les contacts intervenus entre M. Geoff Foster et M. Leslie Stafford puis entre ce dernier et MM. Mark Penna et H, établissant que « ces personnes étaient informées qu’il était en train de travailler sur un article relatif à Maurel & Prom », la réalisation de plusieurs opérations par M. Eaitisham Ahmed en amont de la publication d’articles de M. Geoff Foster sur « des valeurs françaises et étrangères », le mode opératoire commun en cinq étapes évoqué précédemment et, enfin, le caractère atypique des interventions de M. Eaitisham Ahmed.

MM. Geoff Foster et Eaitisham Ahmed contestent les manquements reprochés.

Outre son argumentation sur l’application de l’article 21 du règlement MAR, M. Geoff Foster fait valoir que les pièces de la procédure n’ont mis en évidence aucune communication entre lui-même et

M. Eaitisham Ahmed préalablement à la réalisation des opérations litigieuses et souligne qu’il était dans l’habitude de ce dernier de spéculer sur la publication d’articles de presse, de sorte qu’aucun enseignement ne pourrait être tiré de l’antériorité des interventions de M. Eaitisham Ahmed du 12 juin 2012 par rapport à la publication de son rapport de marché.

M. Eaitisham Ahmed soutient que ses opérations étaient fondées sur les informations publiques alors disponibles.

S’il résulte des déclarations de M. Geoff Foster devant le rapporteur que ce dernier connaissait depuis 25 ans M. Eaitisham Ahmed, qui faisait partie de ses sources habituelles, force est de constater que les relevés téléphoniques de M. Eaitisham Ahmed ne font apparaître aucun contact entre eux au cours de la journée du 12 juin 2012 et a fortiori avant la réalisation des opérations litigieuses.

Par ailleurs, à l’exception de celle se rapportant au titre Hermès, il n’est pas établi que l’existence d’autres opérations réalisées par M. Eaitisham Ahmed sur « des valeurs françaises et étrangères » avant la

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publication, par M. Geoff Foster et d’autres journalistes, d’articles relayant des rumeurs sur ces valeurs, procède de l’utilisation d’informations privilégiées, et non de coïncidences, de sorte que cette circonstance est dépourvue de portée.

L’indice pris de la transmission de l’information par M. Geoff Foster à M. Leslie Stafford puis par ce dernier à M. Mark Penna et/ou M. H, n’est pas de nature à établir la communication de la même information par M. Geoff Foster à M. Eaitisham Ahmed ou encore, à défaut d’élément démontrant que ce dernier connaissait MM. Stafford, Penna ou H, sa détention de l’information.

De même, la transmission de l’information privilégiée en cause ne peut être déduite de la similitude du mode opératoire en cinq étapes commun avec d’autres opérations sur trois autres titres français.

Le caractère atypique des interventions de M. Eaitisham Ahmed allégué par la poursuite n’est pas établi par les pièces de la procédure, les relevés de transactions de l’intéressé révélant au contraire qu’il a réalisé d’autres opérations sur le titre Maurel & Prom les 20 novembre 2012 et 14 et 15 février 2013 et qu’il avait l’habitude d’intervenir tant sur des titres français que sur des valeurs du secteur énergétique, notamment pétrolier.

Il en résulte que la communication de l’information privilégiée par M. Geoff Foster à M. Eaitisham Ahmed et l’utilisation de celle-ci par ce dernier ne sont pas établies.

Les manquements reprochés à MM. Geoff Foster et Eaitisham Ahmed doivent donc être écartés.

III. 4. Les griefs notifiés à MM. Eaitisham Ahmed, A, Scott Davis et B relativement au titre Arkema

Il est reproché à M. Eaitisham Ahmed d’avoir utilisé l’information privilégiée relative à la publication à venir, sur le blog Internet [journal L1] du [journal L], d’un article rapportant des contacts pris par une société concurrente d’Arkema en vue d’une prise de contrôle de cette dernière et de l’avoir transmise à MM. A, Scott Davis et B qui l’auraient à leur tour utilisée.

Sur le caractère privilégié de l’information

Pour considérer que l’information précitée revêtait, dès le 5 juillet 2012, un caractère privilégié, les notifications de griefs relèvent qu’elle était à cette date :

— précise dès lors, d’une part, que la publication prochaine était susceptible de se produire, le signataire de l’article, M. I, étant fondateur et responsable du blog [journal L1] du [journal L], d’autre part, que la rumeur relayée par l’article était rendue crédible par la notoriété du journaliste et la précision de son contenu, les noms de plusieurs sociétés candidates à l’acquisition de la société Arkema – BASF, Saudi Basic Industries et DuPont -, acteurs importants du secteur, étant mentionnés ainsi qu’un prix de rachat de l’action Arkema, de 88 euros ; il était donc possible d’en tirer une conclusion, en l’occurrence positive, sur le cours du titre Arkema ;

— non publique jusqu’à la publication de l’article en cause, le 6 juillet 2012 à 11h12, cette publication n’ayant pas été annoncée à l’avance ou anticipée et la rumeur relayée par l’article se distinguant de celles ayant circulé jusque-là, qui n’indiquaient pas le prix de l’offre ;

— susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours du titre Arkema en raison tant de la notoriété et de la stature du [journal L] dans les milieux de la finance, de la notoriété et de la diffusion du blog [journal L1], que de la teneur de l’article, qui mentionnait un prix de rachat de l’action Arkema de 88 euros – alors que le cours était alors à 53 euros – et faisait état d’une opération à la fois crédible, Arkema étant redevenue une cible attractive après avoir concrétisé la cession de son pôle vinylique, et assortie de conséquences positives au regard des synergies existant avec les candidats à l’acquisition. Le marché a d’ailleurs réagi positivement puisque la publication de cette information, rapidement reprise par de nombreux médias, notamment français, a immédiatement entraîné une hausse du cours

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de 9,95 % par rapport au cours de clôture de la veille, qui a atteint 15,59 % à 14 heures (64 euros) et s’est maintenue à 10,76 % à la clôture (59,28 euros).

Les mis en cause contestent le caractère privilégié de l’information.

M. A fait valoir que celle-ci ne peut être regardée comme précise dès lors qu’elle ne consistait qu’en une simple opinion, fondée sur des données publiques et non confirmée par Arkema.

MM. Eaitisham Ahmed, B et Scott Davis soutiennent qu’elle présentait un caractère public dans la mesure où la possibilité d’un rachat d’Arkema était connue du marché depuis plusieurs mois, les deux premiers produisant à cet égard un article de presse du 20 décembre 2011 et les deux derniers une dépêche du 6 juillet 2012 à 6h16.

Sur la précision de l’information

Le 6 juillet 2012 à 11h12, M. I a publié, sur le blog [journal L1], rattaché au [journal L], un article intitulé « Bidders said to line up for Arkema » (« Les acquéreurs se bousculeraient pour Arkema ») ainsi rédigé : « French speciality chemicals group Arkema is understood to have received multiple takeover approaches, valuing the business at €5.5bn or more, according to [journal L1] usually knowledgeable sources. Attention from other sector heavyweights, thought to include DuPont and also BASF, comes in the wake of Arkema’s recent success in off-loading its troublesome vinyls unit to Gary Klesch’s Swiss-based Klesch group. Arkema announced its decision to dispose of the loss-making division last November, but only finalised the plans with Klesch earlier this month. Arkema has long been considered a likely takeover target, but the vinyls business was seen as an impediment. Last December, Bloomberg named Saudi Basic Industries, along with DuPont, as a possible buyer, although it is not known whether the Saudis have revived their interest in recent weeks » (« Le groupe chimique Arkema aurait reçu plusieurs offres de reprise valorisant ses activités à 5,5 milliards d’euros ou plus, selon les sources habituellement bien informées du site Internet [journal L1] du [journal L]. Cet intérêt de la part d’autres poids lourds du secteur, qui incluraient DuPont et BASF, fait suite au récent succès de la société qui a réussi à se décharger du poids de son unité à problème fabriquant des produits vinyliques, cédée au groupe suisse Klesch, appartenant à Gary Klesch. Arkema a annoncé en novembre dernier sa décision de se débarrasser de cette division, qui était en perte, mais n’a finalisé son accord avec Klesch qu’au début de ce mois. Cela fait longtemps qu’Arkema est considérée comme une cible potentielle, mais sa division fabriquant des produits vinyliques était considérée comme un obstacle. En décembre dernier, Bloomberg a cité le nom de Saudi Basic Industries, ainsi que de DuPont, en tant qu’acheteurs potentiels, bien que l’on ne sache pas si les saoudiens ont renouvelé leur intérêt récemment »).

Compte tenu de la position de M. I, fort d’une carrière de près de quinze ans au sein du Guardian puis du [journal L] et fondateur du blog [journal L1], l’aléa quant à publication de ses articles est négligeable.

Il reste à déterminer à quel moment M. I a rédigé son article du 6 juillet 2012 ou, à tout le moins, en a arrêté le contenu.

Les pièces de la procédure n’ont pas permis de reconstituer le processus éditorial au sein du blog [journal L1] mais il convient de relever qu’un avertissement inséré en en-tête de l’article de M. I mentionne que l’information relayée n’a pas pu être vérifiée selon les canaux traditionnels, suggérant ainsi qu’elle venait d’être obtenue (« Raw is a market chatter – information that has not been formally tested through traditional journalistic channels (PRs etc). The story might be complete rubbish, but if we believe there is some substance in it we will say so. Either way, readers beware » ; Traduction : « "infos brutes"correspond à des rumeurs de marché, des informations qui n’ont pas été strictement vérifiées selon les canaux journalistiques habituels (RP etc…). Ces informations sont susceptibles d’être inexactes, mais si nous pensons qu’il peut y avoir quelque chose d’intéressant, nous le signalerons. En toute hypothèse, que le lecteur soit méfiant »).

À la lumière de ces éléments, l’information portant sur la publication prochaine, par le blog [journal L1] du [journal L], d’un article rapportant des contacts pris par une société concurrente d’Arkema, en vue d’une

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prise de contrôle de cette dernière, avait des chances raisonnables de se produire, non le

5 juillet 2012 comme le soutient la poursuite, mais dans la matinée du 6 juillet 2012, au plus tard un instant de raison avant cette publication, intervenue à 11h12.

De cette information il s’évinçait qu’un concurrent d’Arkema pourrait déposer une offre sur les titres de cette dernière à un prix possiblement supérieur au cours du titre de l’époque, qui s’était établi à 54 euros à la clôture de la séance de bourse du 5 juillet 2012. Il pouvait donc être tiré une conclusion quant à son effet possible sur le cours du titre Arkema.

Elle a donc revêtu un caractère précis le 6 juillet 2012, au moment précité.

Sur le caractère non public de l’information

La publication à intervenir de l’article de M. I faisant état de la rumeur précitée n’avait pas été annoncée avant la parution effective de celui-ci. Dès lors, la diffusion antérieure de plusieurs articles évoquant un possible rachat d’Arkema, invoquée par les mis en cause, n’était pas de nature à faire perdre son caractère confidentiel à l’information, qui l’a conservé jusqu’au 6 juillet 2012 à 11h12.

Sur l’influence sensible de l’information

Il y a lieu de déterminer si, à la supposer rendue publique, l’information relative à la publication à venir, sur le blog [journal L1] du [journal L], d’un article rapportant des contacts pris par des sociétés concurrentes d’Arkema en vue d’une prise de contrôle de cette dernière était susceptible d’être utilisée par un investisseur raisonnable comme l’un des fondements d’une décision d’investissement.

Il résulte d’un article publié le 20 décembre 2011 sur le site Internet de Bloomberg que la décision d’Arkema de céder son pôle vinylique, annoncée en novembre 2011, avait dès l’origine reçu un accueil favorable de la presse spécialisée, qui estimait qu’à l’issue de cette cession, « Arkema SA, déjà moins cher que tous ses concurrents au sein du secteur de la fabrication de produits chimiques industriels, pourrait désormais être une cible d’OPA pour Saudi Basic Industries Corp. et DuPont Co ».

Le 5 juillet 2012, deux jours seulement après l’annonce par Arkema de la finalisation de la cession, Cheuvreux avait publié une note d’analyse faisant figurer cette société parmi les « candidats potentiels à un rachat », appréciation qui avait été relayée par le site Bloomberg dans une dépêche publiée le 6 juillet 2012 à 6h16.

Dans un contexte où le marché était déjà au fait de l’attractivité nouvelle d’Arkema pour plusieurs groupes du secteur pétrolier à la suite de la cession de son pôle vinylique récemment achevée, la seule connaissance de la publication prochaine, par le blog [journal L1], d’un article qui, aux termes des notifications de griefs, « rapporta[i]t des contacts pris par une société concurrente avec Arkema, en vue d’une prise de contrôle de cette dernière », c’est-à-dire qui ne donnait aucune précision quant à la nature de l’opération, à l’identité du repreneur et au prix offert, n’aurait pas été susceptible, si elle avait été rendue publique, d’être prise en compte par un investisseur raisonnable comme l’un des fondements d’une décision d’investissement en lien avec le titre Arkema.

Ainsi, à défaut d’être susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours du titre Arkema, l’information en cause n’était pas privilégiée au sens de 621-1 du règlement général de l’AMF.

Il s’ensuit que les manquements pris de la violation, par MM. Eaitisham Ahmed, A, Scott Davis et B, de l’obligation de s’abstenir de communiquer et/ou d’utiliser une information privilégiée ne sont pas caractérisés.

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SANCTIONS ET PUBLICATION

Sur les sanctions

Le II c) de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier dispose, dans sa version en vigueur du 24 octobre 2010 au 28 juillet 2013, non modifiée depuis dans un sens plus favorable : « II. – La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l’encontre des personnes suivantes : […] ; c ) Toute personne qui, sur le territoire français ou à l’étranger, s’est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d’initié ou s’est livrée à une manipulation de cours, à la diffusion d’une fausse information ou à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du I de l’article L. 621-14, dès lors que ces actes concernent : – un instrument financier […] admis aux négociations sur un marché réglementé […] - un instrument financier lié à un ou plusieurs instruments mentionnés à l’alinéa précédent ».

Le III de l’article L. 621-15 prévoit, dans sa version en vigueur du 24 octobre 2010 au 28 juillet 2013, non modifiée depuis dans un sens plus favorable, que les sanctions applicables sont : « […] c) Pour les personnes autres que l’une des personnes mentionnées au II de l’article L. 621-9, auteurs des faits mentionnés aux c et d du II, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés […] ».

MM. Eaitisham Ahmed, Leslie Stafford, Mark Penna et Scott Davis peuvent donc être sanctionnés sur le fondement du II c) de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier au titre, pour le premier, de la transmission et de l’utilisation d’une information privilégiée, pour le deuxième, de la transmission d’une information privilégiée, et pour les deux derniers, de l’utilisation d’une telle information. Ils encourent, en application du III c) du même article, une sanction d’un montant maximum égal à 100 millions d’euros ou au décuple des profits éventuellement réalisés.

Aux termes du III ter de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, en vigueur depuis le 11 décembre 2016 : « Dans la mise en œuvre des sanctions mentionnées aux III et III bis, il est tenu compte notamment : – de la gravité et de la durée du manquement ; – de la qualité et du degré d’implication de la personne en cause ; / – de la situation et de la capacité financières de la personne en cause, au vu notamment de son patrimoine et, s’agissant d’une personne physique de ses revenus annuels, s’agissant d’une personne morale de son chiffre d’affaires total ; / – de l’importance soit des gains ou avantages obtenus, soit des pertes ou coûts évités par la personne en cause, dans la mesure où ils peuvent être déterminés ; – des pertes subies par des tiers du fait du manquement, dans la mesure où elles peuvent être déterminées ; / – du degré de coopération avec l’Autorité des marchés financiers dont a fait preuve la personne en cause, sans préjudice de la nécessité de veiller à la restitution de l’avantage retiré par cette personne ; / – des manquements commis précédemment par la personne en cause ; / – de toute circonstance propre à la personne en cause, notamment des mesures prises par elle pour remédier aux dysfonctionnements constatés, provoqués par le manquement qui lui est imputable et le cas échéant pour réparer les préjudices causés aux tiers, ainsi que pour éviter toute réitération du manquement ».

Les trois manquements de M. Geoff Foster à son obligation d’abstention de communication d’une information privilégiée (titres Hermès et Maurel & Prom), commis à l’occasion de l’exercice de son activité de journaliste, revêtent une gravité certaine. Il résulte, par ailleurs, de ses déclarations au rapporteur qu’il est propriétaire d’une maison d’une valeur de […] et perçoit une pension de retraite mensuelle d’un montant de […].

Il lui sera infligé une sanction pécuniaire de 40 000 euros.

Le manquement commis par M. Eaitisham Ahmed à son obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée (titre Hermès) lui a permis de retirer un avantage économique de 37 500 euros. Il a, en outre, méconnu son obligation d’abstention de communication de la même information privilégiée, qu’il a transmise à M. Scott Davis et dont il a également fait profiter deux de ses connaissances. De tels faits, commis par un habitué des marchés financiers, revêtent une particulière gravité.

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Si M. Eaitisham Ahmed a écrit à de nombreuses reprises au secrétariat de la commission des sanctions pour se plaindre de son absence de moyens financiers et a demandé à bénéficier de l’aide juridique, il n’a produit aucune pièce justifiant de sa situation patrimoniale.

Il lui sera infligé une sanction pécuniaire de 150 000 euros.

Le manquement commis par M. Scott Davis à son obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée (titre Hermès) lui a permis de bénéficier d’un avantage économique de 9 446 euros, grâce aux deux opérations réalisées à partir de son compte personnel et du compte détenu conjointement avec son associé. Il revêt, en raison de sa qualité de professionnel des marchés financiers, une gravité certaine.

Les opérations réalisées par M. Scott Davis à partir des cinq comptes sur lesquels il détenait des procurations ont, par ailleurs, permis aux intéressés de bénéficier d’un avantage économique cumulé de 15 348 euros.

Selon les déclarations faites par M. Scott Davis au rapporteur, les plus-values générées par ses opérations de spreadbetting, qui constituent sa seule source de revenus, peuvent être évaluées à […]. Il est par ailleurs propriétaire d’une maison financée au moyen d’un emprunt restant à rembourser à hauteur de […] et détient un portefeuille de valeurs mobilières d’une valeur approximative de […].

Il lui sera infligé une sanction pécuniaire de 80 000 euros.

M. Leslie Stafford a manqué à son obligation d’abstention de communication d’une information privilégiée (titre Maurel & Prom), faits qui revêtent, en raison de sa qualité de professionnel des marchés financiers, une gravité certaine.

Il a déclaré, lors de son audition par le rapporteur, percevoir une rente mensuelle de retraite comprise entre […] et être propriétaire de deux maisons, d’une valeur respective de […] et […].

Il lui sera infligé une sanction pécuniaire de 20 000 euros.

M. Mark Penna a manqué à son obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée (titre Maurel & Prom) et a ainsi bénéficié d’un avantage économique évalué à 11 640 euros, déduction faite de la plus-value générée à l’occasion de l’opération effectuée pour le compte de son père. Ce manquement revêt, en raison de sa qualité de professionnel des marchés financiers, une gravité certaine.

Selon ses déclarations au rapporteur, M. Mark Penna détient un portefeuille financier d’une valeur approximative de […] et deux participations dans des biens immobiliers, d’une valeur totale de […]. Il a en outre indiqué au rapporteur que ses revenus annuels, quasi-exclusivement tirés du spreadbetting, pouvaient être évalués à […], auxquels s’ajoutent […] au titre d’une activité de consultation sur des opérations immobilières […].

Il sera prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 55 000 euros.

Sur la publication

La publication de la présente décision n’est ni susceptible de causer un préjudice disproportionné aux personnes sanctionnées, ni de nature à perturber gravement la stabilité du système financier ou encore le déroulement d’une enquête ou d’un contrôle en cours. Elle sera ordonnée sans anonymisation, sauf en ce qui concerne les personnes mises hors de cause.

—  33 -

PAR CES MOTIFS,

Et ainsi qu’il en a été délibéré par M. Marie-Hélène Tric, présidente de la 1èresection de la commission des sanctions, par M. Bernard Field, Mme Sophie Schiller et M. Miriasi Thouch, membres de la 1ère section de la commission des sanctions, et par Mme Patricia Lazard-Kodyra, membre de la 2ème section, suppléant M. Bruno Gizard en application du I de l’article R. 621-7 du code monétaire et financier, en présence du secrétaire de séance, la commission des sanctions :

— met hors de cause M. A et M. B ;

- prononce à l’encontre de Geoff Foster une sanction pécuniaire de 40 000 € (quarante mille euros) ;

- prononce à l’encontre de M. Eaitisham Ahmed une sanction pécuniaire de 150 000 € (cent cinquante mille euros) ;

- prononce à l’encontre de M. Scott Davis une sanction pécuniaire de 80 000 € (quatre-vingt mille euros) ;

- prononce à l’encontre de M. Leslie Stafford une sanction pécuniaire de 20 000 € (vingt mille euros) ;

- prononce à l’encontre de M. Mark Penna une sanction pécuniaire de 55 000 € (cinquante-cinq mille euros) ;

- dit que la présente décision sera publiée sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers, sous une forme non anonymisée, sauf en ce qui concerne les personnes mises hors de cause et les tiers à la procédure, et fixe à 5 ans à compter de la date de la présente décision la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme ;

Fait à Paris, le 24 octobre 2018,

Le Secrétaire de séance,

La Présidente,

Marc-Pierre Janicot

Marie-Hélène Tric

Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans les conditions prévues à l’article R. 621-44 du code monétaire et financier.

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  • 1.1.1.1. FAITS
  • Lors de la séance, il a réitéré ses moyens de défense, demandes et observations.
  • MOTIFS DE LA DÉCISION
  • A. Sur la communication de l’information privilégiée par M. Geoff Foster à M. Leslie Stafford puis par M. Leslie Stafford à M. Mark Penna, et l’utilisation de cette information par ce dernier
  • Sur la communication par M. Geoff Foster de l’information privilégiée à M. Leslie Stafford
  • Sur la communication par M. Leslie Stafford de l’information privilégiée à M. Mark Penna et l’utilisation de l’information par ce dernier
    • B. Sur la communication de l’information privilégiée par M. Geoff Foster à M. Eaitisham Ahmed et l’utilisation de cette information par ce dernier ainsi que sur la transmission de l’information par M. Eaitisham Ahmed à M. Scott Davis et son utilisation par celui-ci
  • Sur la communication par M. Geoff Foster de l’information privilégiée à M. Eaitisham Ahmed et l’utilisation de l’information par ce dernier
  • Sur la communication par M. Eaitisham Ahmed de l’information privilégiée à M. Scott Davis et l’utilisation de l’information par ce dernier
    • A. Sur la communication de l’information privilégiée par M. Geoff Foster à M. Leslie Stafford puis par M. Leslie Stafford à M. Mark Penna, et l’utilisation de cette information par ce dernier
  • Sur la communication par M. Geoff Foster de l’information privilégiée à M. Leslie Stafford
  • Sur la communication de l’information privilégiée par M. Leslie Stafford à M. Mark Penna et l’utilisation de celle-ci par ce dernier
    • B. Sur la communication de l’information privilégiée par M. Geoff Foster à M. Eaitisham Ahmed et son utilisation par ce dernier
    • SANCTIONS ET PUBLICATION
    • Le manquement commis par M. Scott Davis à son obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée (titre Hermès) lui a permis de bénéficier d’un avantage économique de 9 446 euros, grâce aux deux opérations réalisées à partir de son compte personnel et du compte détenu conjointement avec son associé. Il revêt, en raison de sa qualité de professionnel des marchés financiers, une gravité certaine.
    • Les opérations réalisées par M. Scott Davis à partir des cinq comptes sur lesquels il détenait des procurations ont, par ailleurs, permis aux intéressés de bénéficier d’un avantage économique cumulé de 15 348 euros.
    • Selon les déclarations faites par M. Scott Davis au rapporteur, les plus-values générées par ses opérations de spreadbetting, qui constituent sa seule source de revenus, peuvent être évaluées à […]. Il est par ailleurs propriétaire d’une maison financée au moyen d’un emprunt restant à rembourser à hauteur de […] et détient un portefeuille de valeurs mobilières d’une valeur approximative de […].
    • Il lui sera infligé une sanction pécuniaire de 80 000 euros.
    • La publication de la présente décision n’est ni susceptible de causer un préjudice disproportionné aux personnes sanctionnées, ni de nature à perturber gravement la stabilité du système financier ou encore le déroulement d’une enquête ou d’un contrôle en cours. Elle sera ordonnée sans anonymisation, sauf en ce qui concerne les personnes mises hors de cause.
    • PAR CES MOTIFS,

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Décision de la commission des sanctions du 24 octobre 2018 à l'égard de MM. C, A, D, E, F, B, G