Décision de la Commission des sanctions du 14 décembre 2018 à l'égard de la société SOFIRO, de Madame P, de MM. A, B, Q, O, N, R, V, S, W, T et U

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
AMF, 14 déc. 2018, n° SAN-2018-17
Numéro : SAN-2018-17
Identifiant AMF : SAN-2018-17

Texte intégral

La Commission

des sanctions

COMMISSION DES SANCTIONS

Décision n° 15 du 14 décembre 2018

Procédure n° 2017/10 Décision n° 15

Personnes mises en cause :

− M. Q Né le […] à […] Domicilié […]

− M. O Né le […] à […] Domicilié […]

− M. B Né le […] Ayant élu domicile au cabinet Moisand, Boutin & Associé, 4 avenue Van Dyck – 75008 Paris

− Mme P Née le […] à […] Domiciliée […]

− M. N Né le […] à […] Domicilié […]

− M. R Né le […] à […] Ayant élu domicile au cabinet de Maître Romuald Cohana, Fuchs Cohana Reboul & Associés, 22 rue du Général Foy – 75008 Paris

− M. V Né le […] à […] Ayant élu domicile au cabinet SCP Wenner, 70 boulevard de Courcelles – 75017 Paris

− M. S Né le […] à […] Ayant élu domicile au cabinet Carbonnier Lamaze Rasle & Associés (CARLARA société d’avocats), 8 rue Bayard – 75008 Paris

− M. W Né le […] à […] Ayant élu domicile au cabinet Dethomas Peltier Juvigny & Associés, 49 avenue de l’Opéra – 75002 Paris 17 place de la Bourse – 75082 Paris cedex 2 – tél. 01 53 45 60 00 – fax 01 53 45 63 20 www.amf-france.org

− M. T Né le […] à […] Ayant élu domicile au cabinet Bignon Lebray, 30 rue de la République – CS 60080, 69289 Lyon Cedex 02

− M. A Né le […] à […] Ayant élu domicile au cabinet de Maître Olivier de Boissieu, 35 avenue de l’Opéra – 75002 Paris

− M. U Né le […] à […] Ayant élu domicile au cabinet de Maître Olivier de Boissieu, 35 avenue de l’Opéra – 75002 Paris

− Sofiro SARL Numéro de RCS 414 368 449 (Arras) Dont le siège social est ZP Port Fluvial, rue Marcel Leblanc – 62223 Saint-Laurent-Blangy Prise en la personne de son représentant légal Ayant élu domicile au cabinet de Maître Nathalie Poulain, SCP THEMES, 16 rue Jeanne d’Arc – 62000 Arras

La 1ère section de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après « AMF ») :

Vu le règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché, notamment ses articles 7 et 8 ;

Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 621-10, L. 621-15 et R. 621-38 ;

Vu le règlement général de l’AMF, notamment ses articles 621-1, 622-1 et 622-2 ;

Après avoir entendu au cours de la séance publique du 28 septembre 2018 :

— M. Bruno Gizard, en son rapport ;

- Mme Virginie Adam, représentant le collège de l’AMF ;

- Mme Natalie Verne, représentant la directrice générale du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;

- M. N ;

- M. O, assisté par son conseil Me Marie Robert-Schmid ;

- Mme P, assistée par son conseil Me Olivier Poupat ;

- M. V, assisté par son conseil Me Alessandro Bianco ;

- M. Q, absent, représenté par son conseil Me Carole-Olivia Montenot en vertu d’un pouvoir ;

- M. R, absent, représenté par ses conseils Mes Romuald Cohana et Aurore Delforge en vertu d’un pouvoir ;

- M. S, assisté par son conseil Me Melissande de Villeblanche ;

- M. T assisté par son conseil Me Julie Daniel ;

- La société Sofiro, représentée par M. André Rosello, assistée de son conseil Me Olivier de Boissieu ;

- M. U, assisté par son conseil Me Olivier de Boissieu ;

- M. A, absent, représenté par son conseil Me Olivier de Boissieu en vertu d’un pouvoir ;

- M. W, assisté par son conseil, Me Arthur Dethomas ;

- M. B, assisté par ses conseils Mes Hélène Moisand-Florand et Charles Campbell ;

- Mmes Maria Carelli et Clelia Bassi et MM. Marc Fermin et Jean-Pierre Vogel, interprètes pour l’AMF.

Les mis en cause ou leurs représentants ayant eu la parole en dernier.

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FAITS LVL Médical Groupe (ci-après « LVL Médical ») est une société anonyme à conseil d’administration, dont le siège social est situé à Lyon. Créée en 1989, la société intervient dans le secteur des soins à domicile et fournit notamment des prestations en matière d’assistance respiratoire, de perfusions, de nutrition entérale et d’insulinothérapie par pompe. LVL Médical est également présente en Allemagne, à travers sa filiale Bonitas, sur le marché des soins infirmiers et intensifs à domicile ou en structures dédiées. L’action LVL Médical (FR0000054686) ainsi que les bons de souscription ou d’acquisition d’actions remboursables de cette société (BSAAR – FR0010617027) étaient, jusqu’au 18 octobre 2012, admis aux négociations sur le compartiment C du marché réglementé Euronext Paris. Le 6 février 2012, M. Jean-Claude Lavorel, président-directeur général de LVL Médical (agissant pour lui-même et en qualité de porte-fort pour MM. Benjamin Lavorel, Maxime Lavorel, Stanislas Lavorel, Mme Pénélope Lavorel et Supergab SARL, détenant ensemble 5,71% du capital de LVL Médical) ainsi que JCL Finances SAS (détenant 28,60% du capital de LVL Médical) et Final SA (détenant 12,27% du capital de LVL Médical), sociétés détenues par M. Jean-Claude Lavorel, ont signé un mandat avec Oddo Corporate Finance (ci-après « OCF ») afin d’être conseillés et assistés sur la cession de tout ou partie du capital ou des actifs de LVL Médical à un partenaire. La famille Lavorel a également mandaté un cabinet d’avocats et un cabinet d’audit pour l’assister dans cette opération. Dans le cadre de ce mandat, OCF a approché plusieurs acquéreurs potentiels, notamment Air Liquide Santé International (ci-après « ALSI »), laboratoire pharmaceutique spécialisé dans la fabrication et la distribution de gaz à usage médical, et filiale à 100% d’Air Liquide SA, ainsi que la société allemande Linde Group qui intervient dans le domaine de l’ingénierie et du gaz dont une partie de l’activité est consacrée aux soins à domicile. Les 3 et 5 avril 2012, Linde Group et ALSI ont, chacune, renvoyé à OCF, mandataire de la famille Lavorel, un accord de confidentialité signé. Ces accords de confidentialité faisaient référence à un projet, dont le nom de code était « King », qui concernait un acteur majeur dans le secteur des soins à domicile. Les 19 et 20 avril 2012, ALSI a réalisé à Lyon une présentation aux dirigeants et actionnaires de LVL Médical concernant son projet d’acquisition. Puis, les dirigeants de LVL Médical ont, à leur tour, présenté les activités de cette société aux dirigeants d’ALSI. Le 20 avril 2012, Linde Group a également assisté à une présentation réalisée par les dirigeants de LVL Médical à Lyon.

Le 25 avril 2012, ALSI a adressé à OCF une lettre d’offre non engageante, prévoyant notamment un prix par action LVL Médical compris entre 28,1 et 28,6 euros pour les titres détenus directement ou indirectement par la famille Lavorel, la famille Haby (actionnaire de LVL Médical à hauteur de 3,21%) et les sociétés Malakoff Médéric Assurances (actionnaire de LVL Médical à hauteur de 11,64%) et Malakoff Médéric Prévoyance (actionnaire de LVL Médical à hauteur de 2,91%). Elle mentionnait un projet d’offre publique obligatoire subséquent suivi, dans l’hypothèse où ALSI atteindrait le seuil de 95% du capital et des droits de vote de LVL Médical, de la mise en œuvre d’un retrait obligatoire. Le 27 avril 2012, ALSI a été informée par OCF que les actionnaires de LVL Médical souhaitaient l’« inviter en phase II afin de [lui] permettre de soumettre une offre engageante ». Un accès à une data-room électronique à partir du 2 mai 2012 lui a été accordé. Le 3 mai 2012, Linde Group a, à son tour, adressé une offre non engageante à OCF proposant un prix de 18 euros par action LVL Médical, à la suite de laquelle elle a été sélectionnée pour accéder à la phase II des négociations. Le 4 juin 2012, ALSI a transmis une offre ferme à OCF, dans laquelle LVL Médical était valorisée à 29,4 euros par action. Le même jour, Linde Group a envoyé une offre définitive proposant un prix de 24 euros par action. Le 8 juin 2012, ALSI, M. Jean-Claude Lavorel et sa famille, ainsi que le groupe Malakoff-Médéric et la famille Haby, ont annoncé, par voie de communiqué de presse, leur entrée en négociations exclusives en vue de la 3

cession de leurs participations cumulées de 70,49% dans le capital de LVL Médical à ALSI à un prix de 30,89 euros par action et de 13,20 euros par BSAAR, soit une prime de 90% par rapport au cours de clôture de l’action LVL Médical le 7 juin 2012, qui était de 16,26 euros. Le même jour, la cotation du titre LVL Médical a été suspendue. Ce communiqué de presse précisait que l’acquisition du contrôle de la cible conduirait au dépôt par l’acquéreur d’une offre publique d’achat simplifiée puis, le cas échéant, d’un retrait obligatoire des actions et BSAAR restant en circulation. Le 11 juin 2012, à la reprise de cotation du titre, le cours de LVL Médical a progressé de 86,3%. Le 4 septembre 2012, ALSI a déposé auprès de l’AMF un projet d’offre publique d’achat simplifiée visant les actions et BSAAR de LVL Médical. Le 18 septembre 2012, l’AMF a fait connaître qu’elle a déclaré l’offre conforme. L’offre a été ouverte du 21 septembre au 11 octobre 2012. Le 12 octobre 2012, ALSI a publié un communiqué de presse indiquant qu’au terme de l’offre publique, elle avait acquis (en tenant compte des actions autodétenues) plus de 95% du capital de LVL Médical. ALSI a ensuite sollicité le retrait obligatoire de la totalité des actions et des BSAAR LVL Médical qu’elle ne détenait pas encore, qui est intervenu le 18 octobre 2012.

PROCÉDURE Le 5 novembre 2012, le secrétaire général de l’AMF a décidé l’ouverture d’une enquête sur le marché du titre LVL Médical et sur tout instrument financier qui lui serait lié à compter du 1er janvier 2011. Le 24 mai 2016, la direction des enquêtes et des contrôles de l’AMF a adressé à la société Sofiro, ainsi qu’à Mme P, M. N, M. O, M. Q, M. R, M. S, M. T, M. A, M. U, M. V,

M. W et M. B des lettres les informant de manière circonstanciée des faits éventuellement susceptibles de leur être reprochés au regard des constats des enquêteurs, et de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations dans le délai d’un mois. Des observations en réponse ont été respectivement présentées par la société Sofiro le 13 juin 2016, M. A le 21 juin 2016, M. B le 22 juin 2016, Mme P le 22 juin 2016,

M. V le 23 juin 2016, M. O le 24 juin 2016, M. U le 24 juin 2016, M. W le 24 juin 2016, M. T le 24 juin 2016, M. R le 29 juin 2016 et M. S le 11 juillet 2016. L’enquête a donné lieu à un rapport daté du 15 septembre 2016. Le 30 septembre 2016, la commission spécialisée n°1 du collège de l’AMF a décidé de notifier des griefs à la société Sofiro, à Mme P, ainsi qu’à MM. N, O, Q, R, S, T, A, U, V,

W et B. Les notifications de griefs leur ont été adressées par lettres du 29 mai 2017. Il est reproché aux mis en cause d’avoir, en violation des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF, manqué à leurs obligations de s’abstenir d’utiliser ou de transmettre une information privilégiée et/ou de recommander à une autre personne de réaliser des opérations sur la base d’une information privilégiée. Il est spécifiquement reproché à :

- M. O d’avoir les 24 et 25 mai 2012, procédé à l’acquisition de 2 579 actions LVL Médical, représentant un investissement de 37 717 euros, en utilisant l’information privilégiée relative à la cession 4

d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical par la famille Lavorel et au projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent ;

- M. N d’avoir, les 30 mai et 1er juin 2012, acquis 800 actions LVL Médical, représentant un investissement de 12 880 euros, en utilisant l’information privilégiée en cause ;

- Mme P d’avoir, les 1er et 4 juin 2012, acquis 2 400 actions LVL Médical, représentant un investissement de 40 768 euros, par l’intermédiaire du compte-titres ouvert au nom de son fils, M. Franck Fanon, en utilisant l’information privilégiée en cause et d’avoir recommandé à sa belle-fille, Mme Gwendoline Becquart, d’acquérir des titres LVL Médical sur le fondement de cette information privilégiée ;

- M. V d’avoir, les 15, 16 et 23 mai 2012, acquis 1 800 actions LVL Médical, représentant un investissement de 24 497 euros, en utilisant l’information privilégiée en cause ;

- M. Q d’avoir, entre le 29 mai et le 7 juin 2012, acquis 24 250 actions LVL Médical, représentant un investissement de 404 434,30 euros, en utilisant l’information privilégiée en cause, et d’avoir transmis l’information privilégiée à M. S, son conseiller financier au sein de la succursale de la banque danoise Jyske Bank à Cannes ;

- M. R d’avoir, le 7 juin 2012, acquis 3 000 actions LVL Médical, représentant un investissement de 49 488 euros, en utilisant l’information privilégiée en cause ;

- M. S d’avoir, le 7 juin 2012, acquis 1 200 actions LVL Médical, représentant un investissement de 19 750 euros, en utilisant l’information privilégiée en cause ;

- M. T d’avoir, entre le 27 avril et le 5 juin 2012, acquis 1 924 actions LVL Médical, représentant un investissement de 25 688 euros, en utilisant l’information privilégiée en cause et d’avoir recommandé à son fils, M. TA, d’acquérir des titres LVL Médical sur le fondement de cette information privilégiée ;

- la société Sofiro d’avoir, le 7 juin 2012, acquis 1 269 actions LVL Médical en utilisant l’information privilégiée en cause ;

- M. A d’avoir transmis l’information privilégiée à M. André Rosello, Mme C, Mme D, Mme E, M. F, M. U et M. G ;

- M. U d’avoir, entre le 1er et le 4 juin 2012, acquis un total de 985 actions LVL Médical en utilisant l’information privilégiée en cause ;

- M. B d’avoir transmis l’information privilégiée en cause à M. W ;

- M. W d’avoir, entre le 7 mai et le 7 juin 2012, acquis 9 256 actions LVL Médical, représentant un investissement de 137 164 euros, en utilisant l’information privilégiée en cause, et d’avoir recommandé à son frère, M. WA, d’acquérir des titres LVL Médical sur le fondement de cette information privilégiée. Le 29 mai 2017, une copie des notifications de griefs a été transmise à la présidente de la commission des sanctions, conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier. Par décision du 1er juin 2017, la présidente de la commission des sanctions a désigné M. Bruno Gizard en qualité de rapporteur. Par lettres datées du 27 juin 2017, les mis en cause ont été informés qu’ils disposaient d’un délai d’un mois, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander la récusation du rapporteur dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code. Des observations en réponse à la notification de griefs ont été respectivement déposées le 12 juillet 2017 par M. T, le 25 juillet 2017 par la société Sofiro, le 25 juillet 2017 par M. A, les

25 juillet et 9 octobre 2017 par M. U, le 31 juillet 2017 par M. R, le

28 septembre 2017 par M. W, le 28 septembre 2017 par M. S, le 28 septembre 2017 par M. B et le 2 octobre 2017 par M. V. 5

Le rapporteur a entendu M. A puis M. U le 20 mars 2018, la société Sofiro le

21 mars 2018, Mme P puis M. N le 22 mars 2018, M. O le 23 mars 2018, M. S le 3 avril 2018, M. B le 4 avril 2018, M. W le 5 avril 2018,

M. T le 11 avril 2018 et M. V le 12 avril 2018. Dûment convoqués afin d’être entendus, MM. Q et R ne se sont pas présentés devant le rapporteur. Dans le prolongement de ces auditions, plusieurs mis en cause ont déposé des observations complémentaires respectivement les 27 mars 2018 (s’agissant de la société Sofiro, de M. A et de M. O), 4 avril 2018 (s’agissant de Mme P), 26 avril 2018 (s’agissant de M. S), 30 avril 2018 (s’agissant de M. V et de M. T) et 16 mai 2018 (s’agissant de M. W). Le rapporteur a déposé son rapport le 20 juin 2018. Par lettres du 22 juin 2018, auxquelles était joint le rapport du rapporteur, les mis en cause ont été convoqués à la séance de la commission des sanctions du 28 septembre 2018 et informés qu’ils disposaient d’un délai de quinze jours pour présenter des observations en réponse au rapport du rapporteur, conformément au III de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier. Par lettres du 3 juillet 2018, les mis en cause ont été informés de la composition de la formation de la commission des sanctions appelée à délibérer lors de la séance du 28 septembre 2018 ainsi que du délai de quinze jours dont ils disposaient, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander la récusation d’un ou de plusieurs de ses membres, conformément aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code. Des observations en réponse au rapport du rapporteur ont été déposées le 6 juillet 2018 par M. S, le 9 juillet 2018 par M. B, Mme P et la société Sofiro, le 10 juillet 2018 par M. T, le 11 juillet 2018 par M. V et M. R, le 19 juillet 2018 par M. N et le 4 septembre 2018 par M. Q. L’affaire est venue à la séance du 16 septembre 2018 mais a dû être renvoyée contradictoirement au 30 novembre 2018 en raison de l’empêchement du rapporteur. M. O a déposé des observations en réponse au rapport les 22 et 26 novembre 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION I. SUR LES MOYENS DE PROCEDURE 1. Sur le moyen tiré de l’absence d’accès au dossier pendant la phase d’enquête, soulevé par M. T M. T fait valoir que l’absence d’accès à l’entier dossier de la procédure pendant la phase d’enquête, en dépit des demandes qu’il a formulées lors de son audition par les enquêteurs puis dans sa réponse à la lettre circonstanciée, l’a privé de la possibilité de se défendre utilement en l’empêchant de « prendre pleinement conscience de l’ampleur des soupçons qui étaient portés sur lui » et partant, de formuler des observations exhaustives et pertinentes en réponse à la lettre circonstanciée – qui n’était accompagnée que de pièces sélectionnées arbitrairement et unilatéralement par les enquêteurs –, de répondre en toute connaissance de cause aux questions qui lui ont été posées par les enquêteurs lors de son audition et d’exercer son droit de se taire, de sorte que la procédure, qui a été menée en violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après « CSDH »), des principes de loyauté et d’égalité des armes et du droit à un procès équitable, est entachée de nullité.

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Aux termes de l’article 6 de la CSDH : « 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. […] / 3. Tout accusé a droit notamment à : (a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ; (b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ». Le principe des droits de la défense rappelé par ces stipulations, qui comprend notamment le principe du contradictoire, s’applique seulement à la procédure de sanction, ouverte par la notification de griefs par le collège et par la saisine de la commission des sanctions, et non à la phase préalable d’enquête, sous réserve que celle-ci soit conduite de manière loyale, dans le respect du principe de l’égalité des armes et, d’une manière générale, qu’elle se déroule dans des conditions garantissant qu’il ne soit pas porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense des personnes auxquelles des griefs sont ensuite notifiés. Les enquêteurs doivent en conséquence verser au dossier tous les éléments à charge et à décharge qui seront ensuite mis à la disposition des mis en cause dès l’ouverture de la phase contradictoire de la procédure, conformément au quatrième alinéa de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier, aux termes duquel « La notification des griefs […] précise que la personne mise en cause peut prendre connaissance et copie des autres pièces du dossier auprès de la commission des sanctions et se faire assister ou représenter par tout conseil de son choix », sans être tenus de leur donner accès à l’entier dossier au cours de la phase d’enquête. Dès la phase contradictoire, M. T a eu accès à l’entier dossier de procédure et a pu prendre connaissance de l’identité des autres personnes mises en cause. Il a présenté des observations en réponse à la notification de griefs et a été entendu par le rapporteur. Il a ensuite présenté des observations en réponse au rapport du rapporteur. Lors de la séance de la commission des sanctions, il a exposé sa cause à la commission des sanctions. Il a été ainsi mis en mesure de se défendre dans des conditions qui ne le désavantagent pas d’une manière significative par rapport à la poursuite. Il ne précise pas en quoi la sélection des pièces qui étaient annexées à la lettre circonstanciée était arbitraire ou déloyale, ni davantage en quoi le fait qu’il n’ait pas eu accès au dossier d’enquête avant la phase contradictoire de la procédure auraient présenté un caractère déloyal ou porté irrémédiablement atteinte à ses droits de se défendre. En conséquence, le moyen de nullité tiré de l’absence d’accès à certains éléments du dossier d’enquête avant la saisine de la commission sera écarté. 2 Sur le moyen tiré du défaut d’accès à l’intégralité des pièces recueillies par les enquêteurs, soulevé par M. B M. B affirme n’avoir reçu que les pièces de la procédure annexées au rapport d’enquête et non l’ensemble des pièces recueillies par les enquêteurs dans le cadre de leurs investigations, parmi lesquelles celles transmises par Linde Group. Il fait valoir que ni les modalités d’obtention, ni le nombre, ni la teneur de ces pièces ne sont précisés dans le rapport d’enquête ou dans la notification de griefs, ce qui est, selon lui, contraire à l’article 6 de la CSDH et entraîne la nullité de la procédure. Aux termes de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier, « la notification de griefs […] précise que la personne mise en cause peut prendre connaissance et copie des autres pièces du dossier auprès de la commission des sanctions […] ». Il en résulte que les pièces du dossier de procédure sont quérables et non portables. En l’espèce, le président de l’AMF a adressé le 29 mai 2017 à M. B une lettre de notification de griefs à laquelle étaient joints le rapport d’enquête et ses annexes, sur CD-Rom. Conformément à l’article R. 621-38 du code monétaire et financier précité, le courrier précisait que le mis en cause pouvait « prendre connaissance et copie des pièces du dossier tout au long de la procédure auprès de l’Autorité des marchés financiers ». Ce n’est que le 8 janvier 2018, soit après le dépôt des observations en réponse à la notification de griefs dans lesquelles le présent moyen était soulevé, que les conseils de M. B ont pris contact avec l’AMF et que la totalité du dossier de 7

la procédure, et notamment les procès-verbaux établis par les enquêteurs relatant leur visite au sein des locaux de Linde France SA ainsi que les documents remis par cette société, leur ont été transmis. Ainsi, c’est à tort que M. B affirme qu’il n’a pas eu accès à l’intégralité des pièces du dossier et notamment à celles reçues de Linde Group, qui ont bien été versées au dossier par les enquêteurs, et mis à disposition des mis en cause dès réception des notifications de griefs. Le moyen de nullité tiré du défaut d’accès à l’intégralité des pièces recueillies par les enquêteurs manque en fait et sera donc rejeté. 3. Sur le moyen tiré de l’obtention de preuves par des procédés illégaux, soulevé par MM. S et U MM. S et U demandent que les factures détaillées obtenues par les enquêteurs et invoquées par les notifications de griefs soient écartées des débats dès lors que les dispositions de l’article L. 621-10 du code monétaire et financier, sur le fondement desquelles ces factures détaillées ont été obtenues, ont été déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2017-646/647 QPC du 21 juillet 2017. L’article L. 621-10 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur depuis le 28 juillet 2013, dispose, en son premier alinéa, que « les enquêteurs peuvent également se faire communiquer les données conservées et traitées par les opérateurs de télécommunications dans le cadre de l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques et les prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique et en obtenir la copie ». Dans sa décision n° 2017-646/647 QPC du 21 juillet 2017, le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions de l’article L. 621-10 du code monétaire et financier précitées non conformes à la Constitution, en reportant cependant au 31 décembre 2018 la prise d’effet de cette déclaration. Les dispositions contestées demeurent donc en vigueur jusqu’à cette date, de sorte que le moyen doit être écarté. 4. Sur le moyen tiré de la durée excessive de la procédure, soulevé par M. B M. B soutient que la durée de cinq ans qui s’est écoulée entre la date des faits qui lui sont reprochés, qui remontent à 2012, et la date de la notification de griefs, qui lui a été adressée le 29 mai 2017, est excessive au regard de l’article 6 § 1 de la CSDH, et a eu pour conséquence de le priver de l’accès à certains éléments qui auraient pu servir sa défense, notamment sa messagerie électronique et des documents qui étaient détenus par la société Linde Group, au sein de laquelle il était employé au moment des faits, auxquels il n’a plus eu accès depuis sa cessation de fonctions en janvier 2015. Aux termes de l’article 6 § 1 de la CSDH « 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. […] ». La période à prendre en considération pour évaluer le délai de la procédure commence donc le jour où une personne se trouve accusée au sens de ce texte, la mise en accusation correspondant, dans le cadre d’une procédure diligentée devant la Commission des sanctions, à l’envoi d’une notification de griefs. En l’espèce, par courrier du 29 mai 2017, des griefs ont été notifiés à M. B. Le même jour, une copie de cette notification de griefs a été transmise par le président de l’AMF à la présidente de la commission des sanctions. Ce n’est qu’à compter de cette date que M. B s’est trouvé accusé, au sens de l’article 6 § 1 de la CSDH précité. Le délai de 16 mois s’étant écoulé entre cette date et celle de la séance de la commission des sanctions statuant sur les griefs notifiés ne constitue pas un délai déraisonnable au regard des stipulations de l’article 6 § 1 de la CSDH. Le fait que M. B ait quitté ses fonctions au sein de Linde Group et se soit trouvé dans l’impossibilité d’accéder à des pièces détenues par cette société constitue une circonstance étrangère à la durée de la procédure d’enquête. 8

Le moyen tiré de la durée excessive de la procédure sera donc écarté. 5. Sur le moyen tiré du défaut d’accès à un procès-verbal d’audition, soulevé par

M. A M. A fait valoir que M. […], frère de Mme […], amie de M. A, s’est présenté spontanément le 22 septembre 2014 dans les locaux de l’AMF pour faire une déclaration, sans qu’un procès-verbal n’ait été versé au dossier. M. A ne fournit aucun élément au soutien de son allégation. Aucun des éléments versés au dossier n’atteste de la réalité ou de la formalisation d’une quelconque déclaration de M. […], qui n’a pas été convoqué par les enquêteurs dans le cadre de la présente procédure. Le moyen sera donc écarté. 6. Sur le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire, soulevé par

M. Q M. Q fait valoir qu’à défaut de réception de plusieurs courriers lui ayant été adressés au cours de la procédure, il n’a pas pu assurer sa défense de manière effective, en violation du principe du contradictoire et de l’article 6 § 3 de la CSDH aux termes duquel « Tout accusé a droit notamment à : / a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ; / b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ». M. Q affirme d’abord ne pas avoir reçu la lettre circonstanciée qui lui a été adressée à l’issue de l’enquête, l’accusé de réception ayant été signé par un tiers. La lettre informant M. Q de manière circonstanciée des faits éventuellement susceptibles de lui être reprochés au regard des constats des enquêteurs et de la faculté de présenter des observations dans le délai d’un mois, lui a été envoyée le 24 mai 2016 à la même adresse que la convocation du 16 mai 2014 à l’audition par les enquêteurs à laquelle il s’était présenté. Cette lettre est revenue à l’AMF avec la mention « Destinataire inconnu à l’adresse ». Une seconde lettre circonstanciée, identique, lui a été adressée le 6 juin 2016 à sa nouvelle adresse et a été réceptionnée le 8 juin 2016. Si M. Q affirme que la signature figurant sur l’accusé de réception de la seconde lettre circonstanciée n’est pas la sienne, il ne justifie, ni même n’allègue qu’il ne résidait pas à l’adresse indiquée, ou que le pli aurait été remis à une personne n’ayant pas qualité pour le recevoir. De plus, il indique, par ailleurs, avoir reçu la « deuxième lettre circonstanciée ». La contestation de M. Q, tirée de l’absence de notification de la lettre circonstanciée, ne peut qu’être écartée. M. Q soutient encore n’avoir reçu ni la lettre par laquelle le rapporteur l’a invité à se présenter en audition, ni le rapport du rapporteur. Aux termes de l’alinéa 2 de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 28 juillet 2013 au 6 juillet 2018, non modifiée depuis dans un sens moins sévère : « La notification des griefs mentionne que sera réputée faite à la personne mise en cause toute notification ultérieure à elle destinée et faite à l’adresse à laquelle la notification de griefs lui est parvenue, ou, le cas échéant, à la dernière adresse qu’elle aura signalée au secrétariat de la commission par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. » Selon l’accusé réception de la notification de griefs adressée à M. Q, celle-ci a été délivrée le 1er août 2017. Le mis en cause n’allègue pas que la signature figurant sur l’accusé de réception n’est pas la sienne, ni qu’il n’a pu prendre connaissance du contenu de la lettre. 9

Les lettres du 18 septembre 2017 informant le mis en cause, d’une part, de la désignation de M. Bruno Gizard en qualité de rapporteur et de la faculté qui lui était offerte d’être entendu, à sa demande, et, d’autre part, de la faculté qui lui était offerte de demander la récusation du rapporteur dans un délai d’un mois, ont été adressées à M. Q à l’adresse à laquelle la notification de griefs lui était parvenue, et ont été distribuées le 26 septembre 2017. La lettre du rapporteur du 16 février 2018 invitant M. Q à se présenter en audition, celle du 22 juin 2018 le convoquant à la séance de la commission des sanctions du 28 septembre 2018 et à laquelle le rapport du rapporteur était joint, ainsi que celle du 3 juillet 2018 l’informant de la composition de la formation délibérante de cette commission et de la faculté de demander la récusation d’un ou plusieurs de ses membres, ont été adressées à l’adresse à laquelle la notification de griefs lui était parvenue. M. Q n’allègue pas qu’il aurait régulièrement signalé un changement d’adresse au secrétariat de la commission des sanctions ni que l’AMF n’a pas accompli les diligences requises. La circonstance que ces plis n’aient pas été retirés par M. Q est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie. La lettre par laquelle M. Q a été convoqué à la séance de la commission des sanctions, à laquelle était joint le rapport du rapporteur, ainsi que la lettre l’informant de la composition de la formation délibérante de cette commission lui ont été renvoyées au siège de la société dont M. Q est le gérant et ont été distribuées le 17 juillet 2018, de sorte que c’est à tort que M. Q affirme ne pas avoir reçu notification de ces courriers. Au surplus, M. Q n’a pas demandé à être entendu par le rapporteur, alors qu’il avait été avisé de la nomination de ce dernier et de la faculté d’être entendu. Enfin, M. Q a constitué avocat le 26 juillet 2018. Le lendemain, son conseil a pris contact avec l’AMF et l’entier dossier de la procédure, y compris les versions électroniques de l’ensemble des lettres adressées à M. Q, lui a été transmis par message électronique. Le 31 juillet 2018, le conseil de M. Q a sollicité du secrétariat de la commission des sanctions une copie de l’entier dossier de la procédure sur format CD-Rom, qui lui a été adressé le 3 août 2018. Le 2 août 2018, le conseil de M. Q a sollicité un délai pour présenter les observations en réponse au rapport du rapporteur. La présidente de la commission des sanctions, par lettre adressée au conseil de M. Q le 16 août 2018, lui a accordé un délai expirant le 5 septembre 2018. M. Q a fait parvenir ses observations en réponse au rapport du rapporteur le 4 septembre 2018. Il résulte de ces éléments que M. Q a pris connaissance des griefs qui lui ont été notifiés le 1er août 2017, qu’il n’a adressé à l’Autorité des marchés financiers aucun courrier l’avisant de son changement de domicile intervenu postérieurement, qu’il n’a pas demandé à être entendu par le rapporteur et qu’il a néanmoins constitué avocat et a été en mesure de déposer ses observations en temps utile, après avoir obtenu une prolongation du délai dont il disposait initialement. Le moyen ne peut qu’être écarté. 7. Sur la fin de non-recevoir du non-respect du principe de la contradiction, soulevée en séance par M. R

Le mis en cause soutient que l’article L. 621-15 du code monétaire et financier dispose que le principe du contradictoire s’applique à la procédure, et donc à la phase de l’instruction par le rapporteur. Il expose que ne pouvant se rendre à la convocation du rapporteur, il a demandé à être entendu par vidéoconférence ou bien que son conseil soit entendu.

Le rapporteur a refusé le principe d’une vidéoconférence et a estimé que l’audition du conseil n’était pas utile.

Il s’estime donc privé d’une chance sérieuse de convaincre le rapporteur et demande sa mise hors de cause sur ce seul fondement.

M. R a été convoqué pour audition par le rapporteur par lettre du 16 février 2018 reçue le 19 février 2018. Ses conseils ont répondu qu’il réside à l’étranger et ne peut se déplacer pour des raisons familiales, mais qu’ils se tenaient à la disposition du rapporteur pour le représenter lors de cet entretien. Dans l’hypothèse où le 10

rapporteur souhaiterait entendre les déclarations de leur client, ils ont demandé s’il était possible de le réaliser par vidéoconférence. Par lettre du 2 mars 2018, le rapporteur a rappelé que le but de l’audition est de recueillir les déclarations du mis en cause sur certains aspects factuels de l’affaire et ses observations complémentaires. Il a ajouté que si l’audition par audioconférence ou par vidéoconférence était prévue par les dispositions de l’article R.621-35 du code monétaire et financier pour les auditions par les enquêteurs, l’article R.621-39 du même code, applicable aux auditions par le rapporteur, ne l’est pas.

Or d’une part, M. R n’a produit aucune pièce justifiant l’impossibilité de se rendre à la convocation du rapporteur et ses conseils n’expliquent pas en quoi ils auraient pu apporter des éléments nouveaux à la suite de l’audition de leur client par les enquêteurs dans les locaux de l’autorité israélienne et ses observations en réponse à la notification de griefs. D’autre part, aucune disposition relative au rapporteur ne permet la vidéoconférence, qui plus est dans un pays tiers.

Il n’y a donc pas lieu de le mettre hors de cause. II. SUR LES GRIEFS DE TRANSMISSION ET/OU D’UTILISATION D’UNE INFORMATION PRIVILEGIEE ET/OU DE RECOMMANDATION D’ACQUERIR DES TITRES SUR LA BASE D’UNE INFORMATION PRIVILEGIEE Il est fait grief aux mis en cause d’avoir, alors qu’ils détenaient l’information privilégiée relative à la cession d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical par la famille Lavorel et au projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent, utilisé ou transmis cette information privilégiée, et/ou d’avoir recommandé à des tiers d’acquérir des titres sur son fondement, en violation des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF. 1. Sur le caractère privilégié de l’information relative à la cession d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical par la famille Lavorel et au projet d’offre publique d’achat simplifié subséquent Les faits reprochés, qui se sont déroulés aux mois de mai et de juin 2012, seront examinés à la lumière des textes alors applicables, sous réserve de l’application rétroactive d’éventuelles dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement. Aux termes de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 25 novembre 2004 au 15 juin 2014, non modifiée dans un sens moins sévère jusqu’à son abrogation par l’arrêté du

14 septembre 2016 : « Une information privilégiée est une information précise qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés […] / Une information est réputée précise si elle fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de se produire et s’il est possible d’en tirer une conclusion quant à l’effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés […] / Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés […] est une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement ». Le règlement européen n° 596/2014 du 16 avril 2014 sur les abus de marché (ci-après « règlement MAR »), entré en application le 3 juillet 2016, définit ainsi l’information privilégiée, en son article 7 : « 1. Aux fins du présent règlement, la notion d’« information privilégiée » couvre les types d’information suivants : / a) une information à caractère précis qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d’influencer de façon sensible le cours des instruments financiers concernés […] ; / 2. Aux fins de l’application du paragraphe 1, une information est réputée à caractère précis si elle fait mention d’un ensemble de circonstances qui existe ou dont on peut raisonnablement penser qu’il existera ou d’un événement qui s’est produit ou dont on peut raisonnablement penser qu’il se produira, si elle est suffisamment précise pour qu’on puisse en tirer une conclusion quant à l’effet possible de cet ensemble de circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers […] / 4. Aux fins du paragraphe 1, on entend par information qui, si elle était 11

rendue publique, serait susceptible d’influencer de façon sensible le cours des instruments financiers […], une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme faisant partie des fondements de ses décisions d’investissement. ». Ces dispositions, qui définissent l’information privilégiée en des termes équivalents à celles précitées de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, ne sont pas moins sévères et, partant, ne sont pas susceptibles de recevoir une application rétroactive. i. Sur le caractère précis de l’information privilégiée Les notifications de griefs retiennent que l’information relative à la cession d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical par la famille Lavorel et au projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent était, au 27 avril 2012, précise, car (i) des banques d’affaires et des cabinets d’avocats avaient été mandatés tant par la famille Lavorel pour la cession de leur participation dans le capital de LVL Médical que par ALSI et Linde Group ; (ii) un accord de confidentialité avait été signé entre OCF et ALSI le 5 avril 2012, et entre OCF et Linde Group le 3 avril 2012 ; (iii) des réunions (« management presentations ») avaient eu lieu entre les dirigeants de LVL Médical et ceux d’ALSl le 19 avril 2012, et de Linde Group le 20 avril 2012 ; (iv) une première proposition de prix non engageante, entre 28,1 et 28,6 euros par action LVL Médical, avait été présentée par ALSI le 25 avril 2012, cette première offre ayant permis à ALSI d’entrer, le 27 avril 2012, en phase Il des négociations et d’accéder à une data-room. De plus, l’opération présentait un caractère moins aléatoire qu’une offre publique d’achat ordinaire, dans la mesure où ce sont les actionnaires majoritaires et dirigeants de LVL Médical qui avaient souhaité mettre en vente leur participation dans le capital de l’émetteur. Elles en concluent que de cette information, il était possible de tirer une conclusion, en l’occurrence positive, sur l’évolution du cours du titre LVL Médical. M. U soutient que l’information en cause était dépourvue de précision car elle ne constituait qu’un « ragot ». M. R argue que l’information en cause n’avait pas un caractère précis, car elle ne mentionnait pas le potentiel acquéreur des titres de LVL Médical, n’était assortie d’aucune modalité concernant l’opération à venir, et ne permettait pas d’apprécier l’effet possible d’un tel événement sur le cours du titre LVL Médical. M. V soutient de même que l’information en cause n’était pas précise. Selon lui, le fait que des cabinets d’avocats et banques d’affaires aient été mandatés ne peut suffire à caractériser la précision de l’information liée au projet de cession. Il relève que deux acquéreurs potentiels étaient, au 27 avril 2012, encore en négociations avec la famille Lavorel, et que l’offre de prix d’ALSI de 28,1 à 28,6 euros, qui n’était pas engageante, n’a pas été retenue puisque le prix final a été de 30,89 euros par action. De plus, l’entrée d’ALSI en phase II des négociations et son accès à une data-room ne préjugeaient en rien, selon ce mis en cause, de la décision finale de la famille Lavorel. Enfin, le caractère moins aléatoire de cette offre par rapport à une offre publique d’achat ordinaire, relevé par la notification de griefs, serait inopérant car il s’agirait de la volonté de vendre de l’actionnaire majoritaire et non de son choix de l’acquéreur. Enfin, M. Q fait, lui aussi, valoir, que l’information en cause n’avait pas un caractère précis, car elle ne mentionnait ni les modalités de l’offre publique, à savoir si elle prendrait la forme d’une offre publique d’achat ou de retrait, ni le nom de l’acquéreur des titres LVL Médical, ni le prix d’achat des titres ou le nombre de titres cédés, ni même l’impact de la cession sur le cours des titres. Il résulte des pièces de la procédure que : Le 6 février 2012, OCF a été mandatée par la famille Lavorel afin de préparer la cession « directement ou indirectement, immédiatement ou à terme, de tout ou partie du capital ou des actifs de la Cible [LVL Médical] à un partenaire ». Le 8 février 2012, un cabinet d’avocats a également été mandaté par la famille Lavorel. Le principe même de la cession ayant été ainsi approuvé par la famille Lavorel, qui détenait, de concert avec la famille Haby et le groupe Malakoff-Médéric, 70,49% du capital de LVL Médical, l’opération présentait un caractère par nature moins aléatoire qu’une offre publique d’achat ordinaire. 12

Un accord de confidentialité a été signé entre OCF et ALSI le 5 avril 2012 et entre OCF et Linde Group le 3 avril 2012. Les 19 et 20 avril 2012, ALSI et Linde Group ont participé à des réunions organisées par et pour les dirigeants de LVL Médical. Le 25 avril 2012, ALSI a adressé à OCF une lettre d’offre non engageante, prévoyant un prix par action LVL Médical compris entre 28,1 et 28,6 euros. Cette offre, qui faisait ressortir une prime d’au moins 143% par rapport au cours du titre LVL Médical au 27 avril 2012, démontre le caractère avancé du projet et le fort intérêt que portait ALSI à l’acquisition de LVL Médical. Contrairement à ce que soutient M. Q, le critère de précision ne requiert pas, pour être établi, que le prix de l’opération en cause ait été fixé. Il est dès lors indifférent que la cession du bloc de contrôle représentant 70,49% du capital de LVL Médical ait été réalisée à un prix de 30,89 euros par action, soit un prix supérieur de 8% au prix maximum proposé dans le cadre de l’offre non engageante d’ALSI. La lettre d’offre d’ALSI indiquait : « l’acquisition d’actions [LVL Médical] représentant 74,43% du capital auprès de la famille Lavorel et des actionnaires agissant de concert, permettant à Air Liquide Santé International d’acquérir le contrôle des activités opérées par [LVL Médical] en France. L’acquisition de ce bloc de contrôle serait immédiatement suivie du dépôt, par Air Liquide Santé International, d’une offre publique obligatoire portant sur le solde des actions et des BSAAR émis par [LVL Médical] ». Elle ajoutait que le financement de l’opération « s’effectuerait au moyen de la trésorerie et des lignes de crédit dont dispose déjà le Groupe Air Liquide ». Il résulte de ce document d’offre, qui décrivait précisément le périmètre et les modalités de l’acquisition envisagée, que le projet n’était soumis à aucune condition suspensive relative à l’obtention d’un financement. Le 27 avril 2012, ALSI a été informée par OCF que les actionnaires de LVL Médical souhaitaient l’ « inviter en phase II afin de [lui] permettre de soumettre une offre engageante ». Un accès à une data room électronique du 2 mai 2012 jusqu’à la remise de son offre ferme, le 4 juin 2012 lui a été donné. Il résulte de l’ensemble des éléments précédents que, dès cette date, le projet de cession par la famille Lavorel de sa participation majoritaire dans LVL Médical, dont le principe avait été arrêté, avait des chances raisonnables d’aboutir au bénéfice d’un acquéreur, qu’il s’agisse de ALSI ou de Linde Group, peu important que la famille Lavorel ait été en négociations avec plusieurs acquéreurs potentiels ou que des aléas inhérents à toute opération de cette nature pèsent sur la réalisation effective de la cession. Cette opération constituait ainsi, au plus tard 27 avril 2012, un événement susceptible de se produire au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF. Il était possible de tirer de cette information une conclusion, en l’occurrence positive, sur le cours du titre LVL Médical qui, le 27 avril 2012, s’établissait à 11,53 euros, et était donc sensiblement inférieur à la fourchette basse du prix indicatif formulé par ALSI, soit 28,1 euros. L’information en cause a donc présenté, le 27 avril 2012, le caractère de précision requis par l’article 621-1 du règlement général de l’AMF. ii. Sur le caractère non public de l’information privilégiée Les notifications de griefs retiennent que l’information relative à la cession d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical par la famille Lavorel et au projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent était, au 27 avril 2012, non publique puisque l’information était restée confidentielle jusqu’au 8 juin 2012, date de la publication par les sociétés ALSI et LVL Médical d’un communiqué de presse annonçant leur entrée en négociation exclusive en vue de l’acquisition d’une part majoritaire du capital de LVL Médical. M. R fait valoir que l’offre d’ALSI avait été annoncée sur les forums de discussions avant la publication de ce communiqué, et avait également été pressentie par le journal Les Échos. Il soutient aussi que des analystes financiers, et notamment Oddo Securities, qui faisait partie du même groupe que OCF, avaient communiqué sur le prochain retrait des titres LVL Médical de la cote. 13

M. Q argue de même que l’offre d’ALSI avait été annoncée sur les forums de discussion et pressentie par les analystes financiers, et relève qu’un article de presse paru le 14 juin 2012 faisait état de fuites au vu de l’évolution du titre dans les semaines précédant l’annonce de l’opération. Le 8 juin 2012, M. Jean-Claude Lavorel et sa famille, ainsi que le groupe Malakoff-Médéric et la famille Haby, ont publié un communiqué de presse annonçant « leur entrée en négociations exclusives en vue de la cession de leurs participations cumulées de 70,49% dans le capital de LVL Médical Groupe SA (« LVL Médical ») à Air Liquide à un prix de 30,89 € par action ». Avant le 8 juin 2012, aucune communication émanant d’ALSI, de LVL Médical ou des cessionnaires de ces titres n’avait été publiée. Des messages relatifs à LVL Médical avaient été échangés sur le forum Boursorama avant le 8 juin 2012, et notamment les suivants : − le 3 avril 2012 à 13h10 par « Chrisver » : « la famille n’a pas amené tous les actions à l’opra à 20 / donc elle pense que l’action montera bcp plus haut. / donc patience le flottant se réduit » ; − le 13 avril 2012 à 9h24 par « amelilov » : « c bon signe pour une OPA » ; − le 24 mai 2012 à 9h31 de « Rudy.Sta » : « … CAC :+0,24% … LVL Médical: + 12,86% sur la semaine… ça n’interpelle personne. Méfiez vous, elle va se lasser de votre indifférence ! » ; − le 25 mai 2012 à 9h08 par « Rudy.Sta » : « Il se passe quelque chose ! » ; − le 28 mai 2012 à 13h14 par « angel001 » : « il se pase quelque chose. » ; − le 28 mai 2012 à 17h10 par « andreper » : « cela sent le retrait de la cote… » ; − le 29 mai 2012 à 11h37 par « M31814 » : « Les Lavorel vont vouloir être chez eux ! Dernière OPR 20€ !!

» ; − le 30 mai 2012 à 13h31 par « leroyedo » : « ça sent le retrait à 20 €. Lors de la dernière OPR en avril-mai 2011, engagement de ne pas lancer opr avant 1 an. On y est » ; − le 30 mai 2012 à 19h14 par « amelilov : « une OPR se dessine ici sur LVL Médical » ; − le 31 mai 2012 à 14h08 par « zzyyxx » : « A terme nous aurons une OPR entre 18 et 20 » ; − le 4 juin 2012 à 15h06 par « Chrisver » : « puisque le titre baisse pas quelqu’un achète entre 16.5 et 17.1 depuis plusieurs jours, donc j’attends le franchissement du K pour espérer une opr » ; − le 5 juin 2012 à 9h46 par « Sberhoum » : « + 180 000 titres échangés en 5 jours / Et si ct un programme de rachat d’actions est ce qu’ils en ont mis un en place ?? » ; − le 7 juin 2012 à 14h43 par « JRretour » : « comme pressenti ! direction 20 ! ». Ces messages proviennent de personnes non identifiées et reflètent les opinions de leurs auteurs, exprimées en des termes très vagues et sans qu’aucune source ne soit mentionnée. Ils sont dépourvus de toute indication utile permettant de prendre la mesure d’un hypothétique projet d’offre publique en 2012. Aucun d’entre eux ne présente l’information relative à la cession par la famille Lavorel d’une participation majoritaire dans LVL Médical et du projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent. En conséquence, ces messages ne constituent que des rumeurs qui ne sont pas de nature à ôter à l’information en cause son caractère non public. Le 30 mai 2012, le journal Les Echos a publié un article intitulé « LVL Médical Group veut poursuivre ses acquisitions en Allemagne », contenant les termes suivants : « quitter la bourse mais comment ? Les rumeurs de vente de la société sont récurrentes depuis des années ! ». Cet article, dépourvu de précision et qui évoque explicitement des rumeurs, ne fait aucune référence à l’information en cause, de sorte qu’il n’est également pas de nature à lui ôter son caractère non public. Le 14 juin 2012, le site internet Weeko a publié un article posant la question suivante : « Cette OPA a-t-elle fait l’objet de fuites ? On peut se poser la question au regard de l’évolution des volumes échangés sur le titre et, plus simplement, du cours de Bourse, qui est passé en quelques semaines de 12 euros environ à plus de 16 euros (16,26 euros le 7 juin). » Cet article, publié après l’annonce de l’opération, ne reflète que l’appréciation subjective 14

de son auteur. Il est donc inopérant pour apprécier le caractère confidentiel de l’information privilégiée au 8 juin 2012. Par ailleurs, la valeur LVL Médical était, au moment des faits, suivie par certains analystes financiers. M. R en a identifié plusieurs, publiés par Oddo Securities, comme ôtant à l’information son caractère confidentiel : « maintien de la cote ou retrait, position de Malakoff-Médéric/ position de la famille » (23 décembre 2011) ; « Résultats semestriels SI décevants. Forte composante spéculative du titre LVL, qui est candidat au retrait / achat. » (31 mai 2012) ; « LVL Médical classée parmi les valeurs potentiellement retirées de la cote prochainement. » (6 juin 2012). Cependant, les estimations des analystes financiers, qui sont des tiers par rapport à la société et dont les commentaires ne constituent au plus que des appréciations subjectives, ne peuvent être assimilées à l’information résultant du communiqué émanant de la société. En outre, les analyses précitées sont dépourvues de caractère précis et ne mentionnaient qu’un hypothétique retrait de la cote, de sorte qu’elles ne peuvent, en tout état de cause, ôter à l’information en cause son caractère confidentiel. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’information en cause était, au 27 avril 2012, non publique et l’est demeurée jusqu’au 8 juin 2012. iii. Sur l’influence sensible de l’information sur le cours du titre LVL Médical Les notifications de griefs retiennent que l’information relative à la cession d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical par la famille Lavorel et au projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent était, au 27 avril 2012, susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours du titre LVL Médical, dès lors que l’offre présentée par ALSI prévoyait un prix compris entre 28,1 et 28,6 euros, soit une prime d’au moins 140% par rapport au cours du titre LVL Médical au 27 avril 2012. Elles relèvent que le projet d’offre publique d’achat simplifiée, annoncé le 8 juin 2012, prévoyait une prime de 90% par rapport au cours de clôture du 7 juin 2012 et était de nature à provoquer un ajustement de cours sur le prix proposé pour l’offre. Elles observent d’ailleurs que, le 11 juin 2012, lors de la reprise de cotation du titre, après l’annonce du projet d’offre publique d’achat, le cours du titre LVL Médical a progressé de 86,3%, s’alignant quasiment sur le prix du projet d’offre établi à 30,89 euros.

Un projet d’offre publique d’achat est, par nature, susceptible d’avoir une influence sur le cours de la société cible.

Le projet d’offre indicatif formulé par ALSI le 25 avril 2012 envisageait une fourchette de prix pour l’acquisition du bloc de titres LVL Médical comprise entre 28,1 et 28,6 euros, ce qui représentait une prime d’au moins 143% par rapport au cours du titre au 27 avril 2012. Ainsi, l’information en cause était susceptible d’être utilisée par un investisseur raisonnable pour fonder sa décision d’investir dans ces titres et, ainsi, d’avoir une influence sensible sur le cours du titre LVL Médical au sens de l’alinéa 3 de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF. Il résulte de l’ensemble des éléments qui précèdent que l’information relative à la cession d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical par la famille Lavorel et au projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent a présenté, à compter du 27 avril 2012, les caractéristiques d’une information privilégiée au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF. 2. Sur la détention, l’utilisation, la transmission de l’information privilégiée et sur la recommandation d’acquérir des titres sur la base de cette information privilégiée Les faits reprochés, qui se sont déroulés aux mois de mai et de juin 2012, seront examinés à la lumière des textes alors applicables, sous réserve de l’application rétroactive d’éventuelles dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement. 15

i. Textes applicables (a) Sur la définition des opérations d’initiés et des recommandations d’effectuer des opérations sur la base d’une information privilégiée L’article 622-1 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 19 janvier 2006 au 12 juillet 2012, non modifiée dans un sens moins sévère jusqu’à son abrogation par l’arrêté du 14 septembre 2016, disposait : « Toute personne mentionnée à l’article 622-2 doit s’abstenir d’utiliser l’information privilégiée qu’elle détient en acquérant ou en cédant, ou en tentant d’acquérir ou de céder, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, soit directement soit indirectement, les instruments financiers ou les produits de base auxquels se rapporte cette information, au moyen de contrats commerciaux ou d’instruments financiers auxquels ces instruments ou ces contrats commerciaux sont liés. / Elle doit également s’abstenir de : / 1° Communiquer cette information à une autre personne en dehors du cadre normal de son travail, de sa profession ou de ses fonctions ou à des fins autres que celles à raison desquelles elle lui a été communiquée ; / 2° Recommander à une autre personne d’acquérir ou de céder, ou de faire acquérir ou céder par une autre personne, sur la base d’une information privilégiée, les instruments financiers ou les produits de base auxquels se rapporte cette information, au moyen de contrats commerciaux ou d’instruments financiers auxquels ces instruments ou ces contrats commerciaux sont liés […] ».

Aux termes de l’article 8 paragraphes 1 et 2 du règlement MAR, remplaçant à compter du 3 juillet 2016 l’article 622-1 du règlement général de l’AMF : « 1. Aux fins du présent règlement, une opération d’initié se produit lorsqu’une personne détient une information privilégiée et en fait usage en acquérant ou en cédant, pour son propre compte ou pour le compte d’un tiers, directement ou indirectement, des instruments financiers auxquels cette information se rapporte. […] 2. Aux fins du présent règlement, le fait de recommander à une autre personne d’effectuer une opération d’initié, ou le fait d’inciter une autre personne à effectuer une opération d’initié, survient lorsque la personne qui dispose d’une information privilégiée : / a) recommande, sur la base de cette information, qu’une autre personne acquière ou cède des instruments financiers auxquels cette information se rapporte, ou incite cette personne à procéder à une telle acquisition ou à une telle cession ; […] ». L’article 14 du même règlement dispose : « Une personne ne doit pas : / a) effectuer ou tenter d’effectuer des opérations d’initiés ; / b) recommander à une autre personne d’effectuer des opérations d’initiés ou inciter une autre personne à effectuer des opérations d’initiés […] ».

Ces dernières dispositions, qui définissent les opérations d’initié en des termes équivalents à celles précitées de l’article 622-1 du règlement général de l’AMF, ne sont pas moins sévères et, dès lors, ne sont pas susceptibles de recevoir une application rétroactive. (b) Sur les débiteurs des obligations d’abstention de réaliser des opérations d’initiés et de recommander d’effectuer des opérations sur le fondement d’une information privilégiée Aux termes de l’article 622-2 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 25 novembre 2004 jusqu’au 24 septembre 2016, date de son abrogation : « Les obligations d’abstention prévues à l’article 622-1 s’appliquent à toute personne qui détient une information privilégiée en raison de : / 1° Sa qualité de membre des organes d’administration, de direction, de gestion ou de surveillance de l’émetteur ; / 2° Sa participation dans le capital de l’émetteur ; / 3° Son accès à l’information du fait de son travail, de sa profession ou de ses fonctions, ainsi que de sa participation à la préparation et à l’exécution d’une opération financière ; / 4° Ses activités susceptibles d’être qualifiées de crimes ou de délits. / Ces obligations d’abstention s’appliquent également à toute autre personne détenant une information privilégiée et qui sait ou qui aurait dû savoir qu’il s’agit d’une information privilégiée. / Lorsque la personne mentionnée au présent article est une personne morale, ces obligations d’abstention s’appliquent également aux personnes physiques qui participent à la décision de procéder à l’opération pour le compte de la personne morale en question. ». L’article 8 paragraphe 4 du règlement MAR, qui a remplacé l’article 622-2 du règlement général de l’AMF, dispose : 4. Le présent article s’applique à toute personne qui possède une information privilégiée en raison du fait que cette personne : / a) est membre des organes d’administration, de gestion ou de surveillance de l’émetteur ou du participant au marché des quotas d’émission ; / b) détient une participation dans le capital de l’émetteur ou du participant au marché des quotas d’émission ; / c) a accès aux informations en raison de l’exercice de tâches résultant d’un emploi, d’une profession ou de fonctions; ou / d) participe à des activités 16

criminelles. / Le présent article s’applique également à toute personne qui possède une information privilégiée dans des circonstances autres que celles visées au premier alinéa lorsque cette personne sait ou devrait savoir qu’il s’agit d’une information privilégiée. ». Ces dernières dispositions, équivalentes à celles de l’article 622-2 du règlement général de l’AMF, ne sont pas moins sévères, et, dès lors, ne sont pas susceptibles de recevoir une application rétroactive. ii. Sur l’examen de la détention, l’utilisation, la recommandation et la transmission de l’information par les mis en cause Chacune des notifications de griefs, à l’exception de celle adressée à M. A pour ce qui concerne la détention de l’information privilégiée, se fonde, pour caractériser la détention, l’utilisation ou la transmission de l’information privilégiée ou la recommandation d’acquérir des titres sur la base de cette information, sur le rapprochement d’un ensemble d’éléments. MM. V, W et B soutiennent que le recours à la méthode du faisceau d’indices utilisée par la poursuite équivaut à un renversement de la charge de la preuve et à une violation de la présomption d’innocence. Avant d’examiner le cas de chaque mis en cause, il convient de rappeler que la transmission, l’utilisation d’une information privilégiée ou encore la recommandation d’acquérir des titres formulée fondée sur une information privilégiée peuvent être démontrées par tout moyen, dont le faisceau d’indices précis et concordants. Par ailleurs, la poursuite n’est pas tenue d’établir précisément les circonstances dans lesquelles l’information est parvenue à la personne qui l’a utilisée, transmise ou qui a formulé une recommandation sur son fondement, à condition que le rapprochement de ces indices établisse sans équivoque qu’elle la détenait et que les justifications avancées par les personnes poursuivies ne permettent pas d’écarter les indices motivant les poursuites. Dès lors que les mis en cause ont été en mesure, que ce soit en réponse aux notifications de griefs, lors des auditions organisées par le rapporteur, en réponse au rapport du rapporteur ou lors de la séance de la commission des sanctions, d’apporter tous les éléments justificatifs de nature à neutraliser les indices relevés, il n’y a ni inversion de la charge de la preuve ni violation de la présomption d’innocence. (a) Sur la détention et l’utilisation de l’information privilégiée par M. O Il est reproché à M. O d’avoir, les 24 et 25 mai 2012, procédé à l’acquisition d’un total de 2 579 actions LVL Médical, représentant un investissement de 37 717 euros, en utilisant l’information privilégiée en cause. Sur la détention de l’information privilégiée par M. O La notification de griefs adressée à M. O retient que ce dernier détenait l’information privilégiée en cause au moment de ses interventions et relève à cet égard :

- un indice temporel tenant au moment opportun de ses interventions subites sur le titre LVL Médical, quelques jours seulement avant l’annonce de l’opération ;

- le caractère atypique de son investissement sur le titre LVL Médical, qui constituait le plus gros investissement sur titre vif réalisé par ce mis en cause entre janvier 2011 et septembre 2012 ;

- l’absence de raisons convaincantes pour justifier de ses interventions sur le titre LVL Médical, les explications avancées par M. O, selon lesquelles il anticipait une offre publique de rachat, présentant plusieurs incohérences tenant au fait que : (i) LVL Médical n’avait jamais émis d’annonce concernant un rachat d’actions à cette période et que son dirigeant avait démenti, le 25 février 2011, les informations faisant état d’un retrait potentiel de la cote ; (ii) les rumeurs concernant une éventuelle offre publique de retrait (et non de rachat) sur LVL Médical ont débuté le 28 mai 2012 soit trois jours après la fin de ses acquisitions et se sont intensifiées à compter du 30 mai 2012, seul un message positif sur ce titre ayant été publié le jour des premières interventions de M. O. L’explication de son 17

investissement supplémentaire le 25 mai 2012 fondée sur l’évolution du titre de 5% dans la journée est par ailleurs inopérante dans la mesure où ces titres ont été achetés dès l’ouverture du marché, alors que l’évolution du cours était inconnue ;

- l’existence d’un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée, M. O étant, à l’époque des faits, directeur financier au sein de la société Dinno Santé, filiale d’ALSI ayant une activité de prestation de pompes à insuline et de distribution de dispositifs médicaux, alors que l’information relative à l’acquisition par ALSI d’une société dans le domaine de la santé semblait avoir été divulguée en interne au sein du groupe Air Liquide, avant l’annonce officielle au marché du 8 juin 2012, cette information ayant pu être transmise par M. Bruno Le Pape, directeur général de Dinno Santé à l’époque des faits, à l’un ou plusieurs des trois salariés de Dinno Santé qui sont intervenus sur le titre LVL Médical en mai-juin 2012, M. O, Mme P ou M. N, qui ont pu ensuite se transmettre entre eux cette information. M. O conteste avoir détenu l’information privilégiée en cause au moment de ses interventions sur le titre LVL Médical et, en particulier, avoir obtenu une telle information de M. Bruno Le Pape. Les pièces du dossier établissent les faits suivants : M. O a acquis des titres LVL Médical les 24 et 25 mai 2012, soit quelques jours avant l’annonce de la cession par la famille Lavorel d’une participation majoritaire dans LVL Médical. Il indique avoir déduit de rumeurs au sujet d’un projet d’opération d’Air Liquide en France, ainsi que des messages postés sur les forums boursiers, que cette opération pourrait concerner LVL Médical, et avoir procédé en conséquence à un investissement. Il qualifie cet investissement de raisonnable au regard de son patrimoine disponible et le justifie en particulier par l’augmentation du cours entre le 24 et le 25 mai 2012. Lors de son audition par les enquêteurs, il a de plus nié avoir obtenu l’information privilégiée, sans qu’il soit démontré qu’il avait déjà acquis des titres de cette société auparavant, ce qui constitue un moment opportun, indice de détention de l’information privilégiée. Les relevés de compte-titres de M. O portant sur les années 2011 et 2012 montrent que, avant ses acquisitions de titres LVL Médical, ce dernier avait investi dans de nombreuses sociétés, y compris dans une autre société cotée sur le compartiment C d’Euronext Paris dont l’activité réside dans la fourniture de matériel médical destiné aux soins à domicile. Ces relevés montrent également que son investissement de plus de 37 000 euros en titres LVL Médical était supérieur de 55% à l’investissement le plus important réalisé jusqu’alors, qui avait porté sur des actions Vinci pour un montant de 19 802 euros. Ainsi, l’investissement de M. O sur la valeur LVL Médical était, de par son montant, atypique par rapport aux habitudes de ce dernier, ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée. M. O explique être intervenu sur le titre LVL Médical en raison de son anticipation d’une offre publique de rachat qui était évoquée sur des forums financiers. Cependant, il n’a produit aucun extrait desdits forums. Aucune des informations publiquement disponibles ne permettait d’anticiper l’imminence d’une telle opération. En outre, si certaines rumeurs relatives à un projet d’offre publique de retrait circulaient sur le forum boursier Boursorama, celles-ci n’ont débuté que le 28 mai 2012, soit après le début des interventions de M. O sur le titre LVL Médical. Enfin, M. O indique avoir acquis des titres LVL Médical supplémentaires le 25 mai 2012 en raison de l’augmentation du cours de ce titre entre les 24 et 25 mai 2012. Cet achat supplémentaire ne suffit toutefois pas à expliquer la raison de son intérêt soudain pour cette valeur dès le 24 mai 2012. Ainsi, M. O n’a apporté aucune explication convaincante justifiant de ses investissements sur le titre LVL Médical en mai 2012, ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée. Au moment des faits, et dès le 5 avril 2012, M. H, vice-président de l’activité Healthcare (santé) d’ALSI pour l’Europe et M. I, directeur administratif et financier d’ALSI, tous deux administrateurs de Dinno Santé, société au sein de laquelle M. O exerçait les fonctions de directeur administratif et financier, étaient, selon la liste d’initiés établie par ALSI à la demande des enquêteurs de l’AMF, au fait du projet de cession par la famille Lavorel d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical. Par ailleurs,

M. Bruno Le Pape, directeur général de Dinno Santé et supérieur hiérarchique direct de M. O à l’époque des faits, a assisté le 3 mai 2012 au conseil d’administration de Dinno Santé qui s’est tenu au siège 18

d’ALSI auquel ont également participé M. H et M. I. Le même jour, en fin de journée,

M. Bruno Le Pape a reçu un courriel de M. I évoquant une possible mobilité de M. O chez « King », nom de code utilisé pour désigner LVL Médical. Il résulte de ces éléments que M. Bruno Le Pape a pu détenir l’information privilégiée en cause dès le 3 mai 2012. En outre, il résulte des déclarations de M. O qu’il avait des contacts au moins hebdomadaires avec M. Bruno Le Pape et au moins mensuels avec

M. H. Enfin, M. O a déclaré se rendre régulièrement à Gentilly au siège d’ALSI où, selon ses déclarations, « il y a eu un bruit de couloirs qu’il y aurait une annonce sur un rachat d’entreprise par Air Liquide » et « ces bruits de couloirs émanaient de mes homologues de Gentilly. Parfois j’y allais, et personne n’était là, on me disait qu’ils devaient être en data room ou à l’extérieur ; or je connais les processus d’acquisition d’entreprise » et, résumant ces propos : « mon environnement m’a fait savoir très vite qu’il se passait quelque chose avec LVL ». Il a également indiqué, à propos de ces rumeurs : « il y avait des rumeurs dans le groupe Air Liquide selon lesquelles ils allaient acheter un gros prestataire de santé en France […], mais je n’avais aucune information précise. J’en ai déduit très vite que ce serait LVL ». Il résulte de ces éléments qu’il existait bien un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée à M. O dès lors que ce dernier était, à l’époque des faits, en contact régulier avec plusieurs personnes qui détenaient cette information ou qui étaient impliquées dans le projet de rachat de LVL Médical. Le rapprochement de l’ensemble des indices précis et concordants recensés ci-dessus montre que seule la détention par M. O de l’information relative à la cession d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical par la famille Lavorel et au projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent permet d’expliquer ses acquisitions de 2 579 actions LVL Médical les 24 et 25 mai 2012. Sur l’utilisation de l’information privilégiée par M. O La notification de griefs relève, au vu de l’ensemble des éléments retenus pour montrer la détention de l’information privilégiée par M. O, qu’il savait ou aurait dû savoir que l’information qu’il détenait revêtait un caractère privilégié. M. O fait valoir que n’étant pas impliqué dans le processus de rapprochement entre Air Liquide et LVL Médical, il n’avait pas eu conscience de détenir une information privilégiée. Il résulte des relevés de comptes-titres de M. O que celui-ci intervenait régulièrement sur les marchés financiers. Ce mis en cause a par ailleurs indiqué, lors de son audition par le rapporteur : « je sais que je n’aurais pas dû acheter ces actions du fait de mon environnement. […] du fait de ma position, de mon environnement, même si je n’ai pas eu d’information privilégiée, notamment de M. Le Pape, je sais que si je n’avais pas été à ce poste, c’est-à-dire hors de cet environnement, je n’aurais pas acheté d’actions LVL Médical ». Il résulte de ces éléments que c’est en connaissance du caractère privilégié de l’information relative à la cession d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical par la famille Lavorel et au projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent que M. O a acquis 2 579 titres LVL Médical les 24 et 25 mai 2012. Ainsi, le manquement à l’obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée notifié à

M. O est caractérisé. (b) Sur la détention et l’utilisation de l’information privilégiée par M. N Il est reproché à M. N d’avoir, les 30 mai et 1er juin 2012, acquis un total de 800 actions LVL Médical, représentant un investissement de 12 880 euros, en utilisant l’information privilégiée en cause. M. N conteste avoir commis un manquement. Sur la détention de l’information privilégiée par M. N La notification de griefs adressée à M. N retient que ce dernier détenait l’information privilégiée en cause au moment de ses interventions sur le titre LVL Médical et relève à cet égard : 19


- un indice temporel tenant au moment opportun de ses interventions subites sur LVL Médical, société dans laquelle il n’avait jamais investi auparavant, et alors qu’il n’était pas intervenu sur les marchés financiers depuis le 13 octobre 2011 ;

- le fait qu’il ait, le 28 mai 2012, vendu les titres de trois sociétés qu’il détenait dans son portefeuille, en réalisant une moins-value sur chacune de ces cessions, afin de financer son investissement sur LVL Médical et que, après avoir cédé ses titres LVL Médical, il ait racheté des titres de plusieurs de ces sociétés ;

- le caractère atypique de son investissement en titres LVL Médical, dont le montant était supérieur aux sommes qu’il avait l’habitude d’investir ;

- l’absence de raisons convaincantes pour justifier de ses interventions sur le titre LVL Médical, M. N ayant indiqué anticiper un rachat de LVL Médical par Linde Group, ce dernier ayant notamment déclaré « j’attendais une OPA sur LVL Médical comme je l’attendais aussi pour Bastide », cette anticipation étant fondée sur les volumes d’échanges de titres LVL Médical ainsi que sur les commentaires postés sur les forums boursiers, alors qu’aucun rachat de société cotée dans le domaine des soins à domicile n’était intervenu auparavant, que M. N avait vendu sa position en titres de Bastide Le Confort Médical pour se concentrer uniquement sur LVL Médical et que les forums boursiers évoquaient seulement un possible retrait de la cote de LVL Médical et non une offre publique d’achat de Linde Group ou d’Air Liquide sur cette société ; et
- l’existence d’un circuit plausible de transmission, M. N étant, à l’époque des faits, directeur des opérations au sein de Dinno Santé, filiale d’ALSI, alors que l’information relative à l’acquisition par ALSI d’une société dans le domaine de la santé semblait avoir été divulguée en interne, au sein du groupe Air Liquide, avant l’annonce officielle au marché du 8 juin 2012, cette information ayant pu être transmise par M. Bruno Le Pape, directeur général de Dinno Santé à l’époque des faits, à l’un ou plusieurs des trois salariés de Dinno Santé qui sont intervenus sur le titre LVL Médical en mai-juin 2012, M. O, Mme P ou M. N, qui ont pu ensuite se transmettre entre eux cette information. M. N a acquis des titres LVL Médical les 30 mai et 1er juin 2012, soit quelques jours avant l’annonce de la cession par la famille Lavorel d’une participation majoritaire dans LVL Médical et du projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent, alors qu’il n’était jamais intervenu sur ce titre auparavant, ce qui constitue un moment opportun, indice de détention de l’information privilégiée. Par ailleurs, les relevés de comptes-titres de M. N versés au dossier montrent qu’il a, le 28 mai 2012, soit deux jours avant le début de ses acquisitions de titres LVL Médical, cédé trois des cinq lignes de participation détenues depuis 2011 (Bastide Le Confort Médical, Natixis et AXA), représentant 12 306 euros, soit plus de 40% du montant de son portefeuille. Puis, après avoir, le 11 juin 2012, revendu l’intégralité des titres LVL Médical acquis quelques jours plus tôt, M. N a racheté deux des trois valeurs dont il avait disposé. Ainsi, M. N a financé ses acquisitions de titres LVL Médical par la cession d’autres titres qu’il détenait, en réalisant une moins-value sur chacune de ces cessions, et dont certains ont été rachetés ensuite. Lors de son audition par le rapporteur, M. N a déclaré n’avoir jamais employé une telle stratégie de financement auparavant, ce dont il résulte que le mode de financement de ses acquisitions de titres LVL Médical était atypique par rapport à ses habitudes d’investissement, ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée. Jusqu’au 28 mai 2012, M. N détenait dans son portefeuille de titres des actions de cinq sociétés. Deux de ces cinq valeurs représentaient des investissements de, respectivement, 13 627 et 15 225 euros, supérieurs à l’investissement en titres LVL Médical de 12 880 euros. Ainsi, contrairement à ce que soutient la poursuite, l’investissement de M. N en titres LVL Médical n’était pas, par son montant, atypique par rapport aux habitudes de ce mis en cause, peu important que les montants investis sur le titre LVL Médical fussent supérieurs à la moyenne des sommes investies sur les autres titres pendant la période considérée. M. N a expliqué ses acquisitions de titres LVL Médical par son anticipation d’une offre publique d’achat de Linde Group sur cette société. Il a indiqué : « je regardais toutes les actions sur la santé. J’avais vu que LVL Médical avait bougé. J’ai commencé à m’intéresser à LVL Médical parce qu’il y avait beaucoup de volume ; […] Air Liquide rachète une boîte tous les deux ans en France. Linde essaie de se renforcer en France.

[…] Quand j’ai investi sur LVL Médical, je me suis dit que j’allais faire un aller-retour parce que je pensais que 20

LVL Médical allait être rachetée. J’attendais une OPA sur LVL Médical comme je l’attendais aussi sur Bastide » et « sur les forums, les gens commençaient à s’exciter un peu sur la valeur LVL Médical. J’ai donc fait le pari d’investir ». Les informations publiées sur les forums et supports de presse boursiers à cette époque ne mentionnaient nullement un éventuel rachat par Linde Group de LVL Médical mais évoquaient simplement un possible retrait de la cote de cette société. Notamment, la volonté de Linde Group de diversifier ses activités en France n’est sous-tendue par aucun élément, et ce d’autant moins que cette société avait annoncé, en janvier 2012, l’acquisition d’une branche d’activité de soins à domicile qui comprenait une activité en France et possédait donc déjà une activité comparable à celle de LVL Médical sur ce territoire. L’anticipation alléguée d’une offre publique d’achat sur LVL Médical par Linde Group n’était donc fondée que sur les volumes d’échanges de titres LVL Médical dans les jours ayant précédé ses acquisitions ainsi que sur la croyance, non étayée, d’un intérêt de Linde Group pour cette société. En outre, les explications de M. N, selon lesquelles il anticipait une offre publique d’achat sur LVL Médical comme il l’anticipait pour Bastide Le Confort Médical, sont démenties par le fait que ce mis en cause avait au contraire cédé les titres qu’il détenait dans Bastide Le Confort Médical pour financer son investissement en titres LVL Médical. Ainsi, M. N n’a apporté aucune explication convaincante justifiant de ses investissements sur le titre LVL Médical les 30 mai et 1er juin 2012, ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée. Enfin, M. N était, au moment des faits, responsable de l’approvisionnement, de la logistique et de l’administration des ventes au sein de Dinno Santé, et se trouvait sous l’autorité directe de M. O, qui détenait l’information privilégiée en cause dès le 24 mai 2012, et avec lequel il a reconnu avoir des discussions régulières sur des sujets boursiers et notamment à propos du titre LVL Médical, ce dernier ayant en effet déclaré : « je crois qu’on a discuté 5-10 minutes avec Mme P et M. O sur LVL Médical » et « quand M. O m’a dit que LVL bougeait, qu’il avait investi, que ça lui semblait être un bon placement, j’ai moi-même investi, mais sans pouvoir suspecter un relais d’information privilégiée ». Ces propos ont été confirmés par M. O qui a déclaré : « j’ai souvent échangé à propos de la bourse avec N. Je lui avais dit que j’avais investi sur LVL Médical ». Les discussions de M. N et de M. O au sujet du titre LVL Médical sont corroborées par l’envoi par ce dernier à M. N et Mme P d’un courriel daté du 8 juin 2012 indiquant qu’un analyste recommandait aux investisseurs d’apporter leurs titres à l’offre d’ALSI sur LVL Médical. Il résulte de ces éléments qu’il existait un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée détenue par M. O à M. N. Le rapprochement de l’ensemble des indices précis et concordants recensés ci-dessus montre que seule la détention par M. N de l’information relative à la cession d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical par la famille Lavorel et au projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent permet d’expliquer ses acquisitions de 800 actions LVL Médical les 30 mai et 1er juin 2012. Sur l’utilisation de l’information privilégiée par M. N La notification de griefs relève, au vu de l’ensemble des éléments retenus pour montrer la détention de l’information privilégiée par M. N, qu’il savait ou aurait dû savoir que l’information qu’il détenait revêtait un caractère privilégié. M. N savait que M. O était, par sa position hiérarchique au sein de Dinno Santé, en contact régulier avec le directeur général et des administrateurs de cette société qui, en tant que tels, étaient susceptibles de détenir des informations privilégiées. En outre, il ne pouvait ignorer que M. O se rendait de façon régulière au siège d’ALSI dans le cadre de ses fonctions et qu’il pouvait donc également obtenir des informations des personnes y travaillant. Enfin, le mode de financement de ses acquisitions, consistant à revendre certains de ces titres à perte pour les racheter une fois l’aller-retour sur le titre LVL Médical réalisé, révèle l’empressement dont M. N a fait preuve dans le cadre de ses acquisitions. Il résulte de ces éléments que c’est en connaissance du caractère privilégié de l’information relative à la cession d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical par la famille Lavorel et au projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent que M. N a acquis 880 actions LVL Médical les 30 mai et 1er juin 2012. 21

Ainsi, le manquement à l’obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée notifié à

M. N est caractérisé. (c) Sur la détention et l’utilisation de l’information privilégiée et la recommandation d’une opération sur le fondement de cette information par Mme P Il est reproché à Mme P d’avoir, les 1er et 4 juin 2012, acquis un total de 2 400 actions LVL Médical, représentant un investissement de 40 768 euros par l’intermédiaire du compte-titres ouvert au nom de son fils, M. Franck Fanon, en utilisant l’information privilégiée en cause. Il lui est également reproché d’avoir recommandé à sa belle-fille, Mme Gwendoline Becquart, d’acquérir des titres LVL Médical sur le fondement de cette information privilégiée. Sur la détention de l’information privilégiée par Mme P La notification de griefs adressée à Mme P retient que celle-ci détenait l’information privilégiée en cause au moment de ses interventions sur le titre LVL Médical et relève à cet égard :

- que ses acquisitions de titres LVL Médical ont constitué ses premières acquisitions de titres vifs, que ce soit pour son compte ou pour celui de son fils, M. Franck Fanon ;

- un indice temporel tenant au moment opportun de ses interventions subites sur le titre LVL Médical, quelques jours seulement avant l’annonce de l’opération ;

- le fait que Mme P et M. Franck Fanon ont tous deux ouvert un compte-titres le 30 mai 2012, soit l’avant-veille des premières acquisitions de cette mise en cause ;

- le caractère précipité de ses interventions, Mme P n’ayant pas souhaité attendre la réinitialisation de son mot de passe pour accéder à son propre compte-titres sur Internet, préférant procéder au virement d’une somme de 32 500 euros, créditée le 1er juin 2012, sur le compte de son fils afin de passer ses ordres d’achat de titres LVL Médical depuis son compte le jour même ;

- le mode de financement de cet investissement, consistant à investir toute l’épargne familiale disponible ;

- le fait que son acquisition de titres LVL Médical était conçue comme une opération boursière ponctuelle dès lors que les sommes utilisées pour la financer ont été restituées aux différents membres de sa famille dès la revente de ces titres ;

- le fait que les ordres de Mme P ait été passés sans aucune limite de prix, ce qui démontre qu’elle anticipait une forte hausse du cours du titre LVL Médical ; et
- l’existence d’un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée, Mme P étant, au moment des faits, responsable des ressources humaines au sein de Dinno Santé, filiale d’ALSI, alors que l’information relative à l’acquisition par ALSI d’une société dans le domaine de la santé semblait avoir été divulguée en interne, au sein du groupe Air Liquide, avant l’annonce officielle au marché du 8 juin 2012, cette information ayant pu être transmise par M. Bruno Le Pape, directeur général de Dinno Santé à l’époque des faits, à l’un ou plusieurs des trois salariés de Dinno Santé qui sont intervenus sur le titre LVL Médical en mai-juin 2012, M. O, Mme P ou M. N, qui ont pu ensuite se transmettre entre eux cette information, Mme P ayant déclaré : « j’ai surpris une conversation de M. Bruno Le Pape. Il parlait d’un achat qu’Air Liquide voulait faire et il disait qu’il allait se retrouver en face, sur l’opération, des gens qu’il avait virés. J’ai sondé M. Le Pape mais il ne m’a rien dit sur le nom de la société. Toutefois, en recoupant les informations, j’ai compris que M. Le Pape, lorsqu’il était chez Orkyn, a viré une personne qui est désormais dans le groupe LVL Médical ». Mme P conteste avoir détenu l’information privilégiée en cause et soutient avoir acquis ses titres LVL Médical « sur le fondement d’informations publiques, reprises par M. O, directeur financier de la société, et non sur le fondement d’une quelconque référence à une OPA devant intervenir ». Elle soutient en outre que le rapprochement des indices retenus par la poursuite n’est pas de nature à prouver qu’elle détenait l’information privilégiée. Mme P a acquis des titres LVL Médical les 1er et 4 juin 2012, soit quelques jours avant l’annonce de la cession par la famille Lavorel d’une participation majoritaire dans LVL Médical et du projet d’offre publique 22

d’achat simplifiée subséquent, alors qu’elle n’était jamais intervenue sur ce titre auparavant, ce qui constitue un moment opportun, indice de détention de l’information privilégiée. Les interventions de Mme P sur le titre LVL Médical sont ses premières acquisitions de titres vifs, de sorte que ces interventions étaient atypiques par rapport à ses habitudes, indice de détention de l’information privilégiée. Elle a réalisé les acquisitions de titres LVL Médical à partir du compte-titres de son fils, M. Franck Fanon, crédité à cette fin d’un montant de 32 500 euros, Mme P ayant déclaré ne pas avoir souhaité attendre d’avoir accès à son propre compte-titres, ouvert – selon ses déclarations – dans le seul but de pouvoir réaliser les acquisitions litigieuses, car « les actions LVL augmentant tous les jours je préférais les acheter au plus tôt ». Ces circonstances témoignent de l’empressement dont Mme P a fait preuve pour réaliser ses acquisitions, ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée. Les relevés de comptes bancaires de plusieurs membres de la famille de Mme P, versés au dossier, montrent que ses acquisitions de titres LVL Médical ont été réalisées à l’aide des sommes disponibles sur ses comptes courants, sur ses différents comptes d’épargne (livret de développement durable et livret A), ainsi que sur ceux de son époux et de son fils aîné Franck et sur le livret jeune de son fils cadet, Cédric. Mme P a indiqué avoir « immobilisé toute l’épargne qui était disponible » et précisé : « je n’aurais pas investi l’argent de la famille si je n’étais pas sûre qu’il y aurait quelque chose de sûr derrière ». En outre, après avoir cédé l’intégralité des titres LVL Médical, le 11 juin 2012, chacun des comptes sur lesquels des fonds avaient été prélevés ont été crédités du montant de leurs soldes initiaux. Ces circonstances révèlent que l’investissement de Mme P a consommé l’intégralité de son patrimoine disponible, ainsi que celui de sa famille, et était envisagé dès l’origine comme une opération boursière ponctuelle dépourvue de risque, ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée. Le relevé de compte-titres de M. Franck Fanon, utilisé par Mme P, montre que ses ordres passés sur le titre LVL Médical l’ont été « à tout prix », c’est à dire sans aucune limite de prix. Ce libellé est suffisamment clair pour en saisir la signification sans qu’il soit besoin de connaissance approfondie en matière financière, de sorte que l’ignorance, alléguée par Mme P, de la signification de cette mention est peu convaincante. Ainsi, les modalités de passation de ses ordres montrent que cette mise en cause anticipait une forte hausse du cours de ce titre, ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée. Dans le cadre de ses fonctions de responsable des ressources humaines au sein de Dinno Santé,

Mme P se trouvait sous la supervision directe de M. O, avec qui elle partageait son bureau et était en contact permanent, et qui détenait l’information privilégiée en cause au moment de ses propres acquisitions de titres LVL Médical réalisées les 24 et 25 mai 2012. Mme P a déclaré avoir discuté avec M. O et M. N de leurs investissements et notamment du titre LVL Médical en indiquant, en particulier, que « MM. O et N étaient très sereins sur cet achat d’actions LVL Médical. Je me suis dit qu’ils savaient peut-être qu’il y aurait une acquisition de LVL Médical par Air Liquide », que « M. O m’a donné envie d’investir sur LVL après m’avoir expliqué son analyse et m’avoir montré des articles sur Internet », que « M. O m’a dit que dans la bourse il y a toujours un risque, mais que là [pour LVL Médical], il n’y avait aucun risque » et que « deux-trois jours après avoir investi, je voyais le cours de l’action LVL baisser et je suis allé voir M. O qui m’a dit : « ne t’inquiète pas, il ne faut pas regarder tous les jours, l’opération se fera peut-être dans un mois, deux mois, six mois,… les actions il faut prendre du recul ». L’existence de telles discussions est également corroborée par l’envoi par M. O à M. N et

Mme P du courriel daté du 8 juin 2012 indiquant qu’un analyste recommandait aux investisseurs d’apporter leurs titres à l’offre d’ALSI sur LVL Médical mentionné ci-dessus. Il résulte de ces éléments qu’il existait un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée en cause de M. O à Mme P. En revanche, la conversation de M. Bruno Le Pape relative à un futur achat d’Air Liquide mentionnée par la poursuite a été surprise par Mme P, d’après ses propres déclarations, après ses acquisitions de titres LVL. Cette seule circonstance ne saurait dès lors établir un circuit plausible de transmission de M. Bruno Le Pape à Mme P. Enfin, si Mme P indique avoir investi sur le fondement d’un article de presse faisant état de l’intention d’Air Liquide d’acquérir LVL Médical, elle n’a pas été en mesure de le produire, de sorte qu’elle 23

n’avance aucune explication permettant de justifier ses interventions sur le titre LVL Médical en juin 2012, ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée. Le rapprochement de l’ensemble des indices précis et concordants recensés ci-dessus montre que seule la détention par Mme P de l’information relative à la cession d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical par la famille Lavorel et au projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent permet d’expliquer ses acquisitions de 2 400 actions LVL Médical les 1er et 4 juin 2012. Sur l’utilisation de l’information privilégiée par Mme P La notification de griefs relève, au vu de l’ensemble des éléments retenus pour montrer la détention de l’information privilégiée par Mme P, que cette mise en cause savait ou aurait dû savoir que l’information qu’elle détenait revêtait un caractère privilégié. Mme P fait valoir qu’elle ignorait le caractère privilégié de l’information en cause et que, au vu de son expérience professionnelle étrangère au domaine financier, de son niveau d’instruction modeste et de son absence de culture boursière, elle n’aurait pas non plus dû savoir que l’information en cause était privilégiée, au sens de l’article 622-2 du règlement général de l’AMF. Cependant, elle savait que M. O était, par sa position hiérarchique au sein de Dinno Santé, en contact régulier avec le directeur général et des administrateurs de cette société qui, en tant que tels, étaient susceptibles de détenir des informations privilégiées. Elle ne pouvait en outre ignorer que M. O se rendait, dans le cadre de ses fonctions, de façon régulière au siège d’ALSI, et qu’il pouvait donc également obtenir des informations des personnes y travaillant. De plus, l’empressement dont elle a fait preuve pour réaliser les investissements litigieux, l’importance des montants investis par rapport à son patrimoine et sa certitude de l’absence de risque de ces investissements montrent que c’est en connaissance du caractère privilégié de l’information relative à la cession d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical par la famille Lavorel et au projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent que Mme P a acquis 2 400 actions LVL Médical les 1er et 4 juin 2012. Ainsi, le manquement à l’obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée notifié à

Mme P est caractérisé. Sur la recommandation d’acquérir des titres LVL Médical formulée par Mme P La notification de griefs adressée à Mme P retient un ensemble d’éléments susceptibles de prouver que cette mise en cause a recommandé à Mme Gwendoline Becquart, la compagne de son fils M. Franck Fanon, d’acquérir des titres LVL Médical sur le fondement de l’information privilégiée qu’elle détenait et relève à cet égard :

- que Mme Gwendoline Becquart a, le 4 juin 2012, acquis 236 actions LVL Médical pour un montant de plus de 4 000 euros ;

- que cet investissement présentait un caractère atypique dans la mesure où Mme Gwendoline Becquart a ouvert un compte-titres quelques jours seulement avant la réalisation de cet investissement ; et
- que Mme Gwendoline Becquart n’est pas intervenue sur les marchés postérieurement à cette acquisition. Il résulte du relevé du compte-titres de Mme Gwendoline Becquart que celui-ci a été ouvert le 31 mai 2012, soit quelques jours avant la réalisation de son investissement en titres LVL Médical, et n’a servi qu’à cette seule acquisition. L’investissement de Mme Gwendoline Becquart, intervenu le 4 juin 2012, a par ailleurs été réalisé quelques jours après la première intervention de Mme P sur cette valeur, réalisée en connaissance de l’information privilégiée en cause, ce qui constitue un moment opportun, indice de réception d’une recommandation d’effectuer une opération sur le fondement d’une information privilégiée. Par ailleurs, la Société Générale, banque auprès de laquelle était ouvert le compte-titres de

Mme Gwendoline Becquart, a indiqué aux enquêteurs, en avril 2014, que l’investissement en titres LVL Médical de Mme Gwendoline Becquart était le seul investissement réalisé depuis ce compte. Cet investissement était donc, de ce point de vue, atypique par rapport aux habitudes de Mme Gwendoline Becquart, ce qui constitue un indice de réception d’une recommandation d’effectuer une opération sur le fondement d’une information privilégiée. 24

Mme P a par ailleurs déclaré s’être entretenue avec Mme Gwendoline Becquart au sujet du titre LVL Médical, et lui avoir confié que son directeur financier lui avait parlé de cette valeur dans laquelle il avait lui-même investi. Elle a déclaré que son fils lui a confirmé que sa compagne avait investi dans les titres LVL Médical car elle s’était montrée « battante pour LVL Médical ». Le rapprochement de l’ensemble des éléments précis et concordants recensés ci-dessus montre que les acquisitions de titres LVL Médical réalisées par Mme Gwendoline Becquart ne peuvent s’expliquer que par la recommandation reçue de Mme P. Ainsi, le manquement à l’obligation d’abstention de recommandation d’une opération sur le fondement d’une information privilégiée notifié à Mme P est caractérisé. (d) Sur la détention et l’utilisation de l’information privilégiée par M. V Il est reproché à M. V d’avoir, les 15, 16 et 23 mai 2012, acquis un total de 1 800 actions LVL Médical, représentant un investissement de 24 497 euros, en utilisant l’information privilégiée en cause. Sur la détention de l’information privilégiée par M. V La notification de griefs adressée à M. V retient que ce dernier détenait l’information privilégiée en cause au moment de ses interventions et relève à cet égard :

- un indice temporel tenant au moment opportun de ses interventions subites, quelques jours seulement avant l’annonce de l’opération ;

- le caractère atypique de son investissement, qui a représenté la quasi-totalité des titres détenus auprès des banques UniCredit et HSBC France ;

- le caractère atypique de son investissement au regard du choix de la valeur LVL Médical, seule société opérant dans le secteur médical sur laquelle il est intervenu (à l’exception d’actions Air Liquide acquises dans le cadre d’une augmentation de capital réservée aux salariés du groupe) et seule valeur non-italienne acquise avant août 2012 ;

- le caractère atypique du mode de financement de ces acquisitions, réalisé en investissant 53% d’une prime perçue en avril 2012 alors même qu’il avait indiqué aux enquêteurs qu’ayant acheté un bien immobilier en 2009 il ne disposait pas de liquidités pour investir sur les marchés financiers ;

- l’absence de raisons convaincantes pour justifier de ses interventions sur le titre LVL Médical, les explications avancées tenant (i) à la disposition de liquidités en raison de son bonus ; (ii) au très bas niveau des indices CAC 40 et MIB (bourse de Milan) ; (iii) à la croissance du secteur de la santé à domicile de 6-8% dont faisait état la presse ; (iv) au fait qu’en janvier 2012, Linde Group avait acquis les activités de santé à domicile du groupe américain Air Products ; et (v) au fait que le secteur médical était fragmenté entre les marchés allemand, français, américain et britannique ; et
- l’existence d’un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée, M. V étant, à l’époque des faits, administrateur de Dinno Santé et directeur général de la société italienne VitalAire Italia SPA, filiale à plus de 99% du groupe Air Liquide, alors que l’information relative à l’acquisition par ALSI d’une société dans le domaine de la santé semblait avoir été divulguée en interne, au sein du groupe Air Liquide, avant l’annonce officielle au marché du 8 juin 2012. L’information privilégiée a pu être transmise par M. H, qui, en tant que directeur des soins à domicile pour l’Europe au sein d’ALSI était son supérieur hiérarchique et avec lequel il était en contact régulièrement. M. V a également pu se voir transmettre l’information privilégiée en cause par d’autres administrateurs de Dinno Santé ou par M. J, directeur d’une équipe d’ALSI qui travaillait sur certains projets sur lesquels M. V intervenait également, avec qui il était régulièrement en contact et qui était informé de l’opération en préparation sur LVL Médical depuis le 6 avril 2012. M. V réfute l’ensemble des indices avancés par la poursuite et conteste avoir détenu l’information privilégiée en cause. Il soutient également qu’une telle détention ne peut lui être imputée dès lors que les notifications de griefs n’identifient pas précisément la personne qui lui aurait transmis l’information privilégiée. 25

M. V a, pour la première fois, les 15 et 16 mai 2012, acquis 1 500 titres LVL Médical depuis un compte-titres ouvert chez UniCredit en Italie puis, les 16 et 23 mai 2012, acquis 300 titres LVL Médical supplémentaires depuis un compte-titres détenu chez HSBC. Ces acquisitions sont intervenues quelques jours avant l’annonce de la cession par la famille Lavorel d’une participation majoritaire dans LVL Médical et du projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent, ce qui constitue un moment opportun, indice de détention de l’information privilégiée. Au 30 mai 2012, le portefeuille UniCredit de M. V était composé à hauteur de 89,4% de titres LVL Médical et son portefeuille HSBC ne contenait que des titres LVL Médical. Les relevés de son compte-titres détenu auprès d’UniCredit de 2009 à 2012 montrent que, avant les acquisitions litigieuses, ce compte a pu à certains moments être composé à 100% des titres d’une même société, de sorte que la proportion importante de ce portefeuille que représentaient les titres LVL Médical au 30 mai 2012 n’est pas atypique par rapport aux habitudes d’investissement de M. V. En outre, le relevé du compte-titres de M. V détenu auprès de HSBC versé au dossier ne permet pas de retracer l’historique des investissements réalisés depuis ce compte ce dont il résulte que le fait qu’au 30 mai 2012 ce portefeuille ait été composé exclusivement de titres LVL Médical ne peut être confronté aux habitudes d’investissement de ce mis en cause depuis ce compte. Néanmoins, les relevés de comptes-titres de M. V versés au dossier montrent que, avant les acquisitions litigieuses, l’investissement le plus important qu’il a réalisé depuis 2009 s’est élevé, en janvier 2010, à 15 390 euros, ce qui représente seulement 63% de son investissement de 24 497 euros en titres LVL Médical. Un tel niveau d’investissement n’a pas non plus été atteint par la suite, la liste des valeurs acquises et cédées entre mai 2009 et janvier 2016 montrant que, postérieurement à ses acquisitions de titres LVL Médical, l’investissement le plus important réalisé par ce dernier s’est élevé à 8 779 euros, et demeure donc bien inférieur à l’investissement litigieux. Ainsi, l’investissement de ce mis en cause sur la valeur LVL Médical était, par son montant, atypique par rapport aux habitudes de ce dernier, ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée. La liste des valeurs acquises et cédées par M. V de mai 2009 à janvier 2016 qu’il produit montre également que LVL Médical était la première valeur non-italienne et la première société exerçant dans le domaine des soins à domicile ou de la santé dans laquelle M. V a investi, peu important qu’après les acquisitions litigieuses il se soit orienté vers d’autres valeurs non-italiennes ou du domaine des soins à domicile comme il le relève. M. V indique qu’à cette époque il avait constaté une baisse générale du marché alors que le secteur des soins à domicile était en forte croissance et propice à des acquisitions de sociétés et que son choix s’est porté sur LVL Médical, société dont il avait eu à connaître en 2008, dans le cadre de ses fonctions de contrôleur de gestion de la zone santé à domicile du groupe Air Liquide, puisqu’à cet époque il avait reçu par courriel une analyse portant sur LVL Médical intitulée « Confidential Acquisition executive summary » (points clefs de l’acquisition confidentielle). Il n’est cependant pas établi que les informations dont M. V avait disposé en 2008 étaient toujours exactes en 2012. Ainsi les raisons avancées par ce mis en cause ne permettent pas d’expliquer le choix d’investir sur LVL Médical au moment de ses interventions, ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée. Les 1 800 titres LVL Médical acquis par M. V ont été, selon lui, financés par une partie d’une prime de 45 915 euros versée par Air Liquide en avril 2012. Un tel mode de financement, consistant à investir la majeure partie de sa rémunération variable annuelle sur une seule valeur, n’avait jamais été adopté par l’intéressé avant les acquisitions litigieuses qui étaient donc, de ce point de vue, atypiques. M. V justifie ce mode de financement en indiquant que l’intégralité de sa rémunération variable était consacrée au remboursement du prêt ayant financé une acquisition immobilière effectuée en 2009. Ce prêt ayant été remboursé en totalité en juillet 2011, il a pu disposer de sa prime annuelle versée en avril 2012 pour investir sur les marchés financiers. Il résulte de cette explication que le caractère atypique du mode de financement des acquisitions litigieuses ne constitue pas en l’espèce un indice de détention de l’information privilégiée. Cependant, cette justification ne permet pas d’expliquer que la partie de sa rémunération variable investie sur les marchés financiers l’ait exclusivement été, en mai 2012, sur le titre LVL Médical. M. V explique encore être intervenu sur le titre LVL Médical en mai 2012 en raison du constat selon lequel les indices du CAC40 et du MIB (bourse de Milan) étaient très bas, ce qui révélait selon lui que le marché était sous-évalué par rapport notamment au secteur des soins à domicile dont le potentiel de croissance était, selon la presse spécialisée, compris entre 6 et 8%. Cette explication, qui ne permet toutefois pas de justifier la sélection de la valeur LVL Médical précisément en mai 2012, est dès lors dépourvue de caractère pertinent. 26

M. V fait aussi valoir qu’en 2012, tous les grands groupes exerçant dans le secteur des soins à domicile avaient des plans de croissance externe, ce dont témoigne notamment l’acquisition par Linde Group des activités de santé du groupe Air Products, en janvier 2012. Cependant, aucune information publiquement disponible ne permettait de généraliser cet exemple isolé à d’autres opérateurs et notamment ALSI, ce qui prive cette explication de caractère convaincant. M. V fait enfin état du souhait qu’il avait de diversifier son portefeuille et d’investir dans des valeurs autres qu’italiennes, ainsi que du caractère extrêmement fragmenté du secteur des soins à domicile et du potentiel que représentaient à ses yeux les sociétés américaines et françaises. Parmi ces dernières, il indique avoir identifié Bastide Le Confort Médical et LVL Médical, et pensé que cette dernière avait un potentiel de croissance plus élevé que la première. Cette explication ne permet toutefois pas de justifier sa volonté soudaine de diversification, ni les raisons lui ayant permis d’identifier les États-Unis et la France comme les marchés les plus porteurs et se trouve dès lors dépourvue de caractère convaincant. La commission relève que dans le cadre de ses fonctions d’administrateur au sein de Dinno Santé et de directeur général de VitalAire Italia SPA, M. V se trouvait sous la supervision de M. H avec lequel il a déclaré être en contact régulier. Par ailleurs, M. V travaillait, au moment des faits, avec l’équipe Alehos (Air Liquide European Homecare Operations Services) d’ALSI qui était dirigée par

M. J avec lequel il était en contact régulièrement et qui était, selon la liste d’initiés établie par ALSI à la demande des enquêteurs, au courant de la préparation de l’opération sur LVL Médical depuis le

6 avril 2012. En outre, le 3 mai 2012, M. V a assisté par téléphone à une réunion à laquelle participaient également M. H, M. I (directeur administratif et financier d’ALSI et administrateur de Dinno Santé) et M. K (administrateur de Dinno Santé), tous trois informés avant cette date de l’opération en cause selon cette même liste d’initiés. Enfin, le 10 mai 2012, M. H, accompagné de 5 autres personnes qui avaient connaissance, selon cette même liste, de l’opération en préparation (MM. I, […], K et J), se sont rendus à Milan pour une réunion à laquelle M. V a également assisté. Il est dès lors établi que ce mis en cause a bien été en contact, avant les acquisitions litigieuses, avec des personnes informées du projet d’acquisition de LVL Médical par ALSI. Ces éléments démontrent l’existence d’un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée à M. V. La circonstance qu’aucun transmetteur de l’information privilégiée n’ait été précisément identifié n’est pas de nature, en soi, à relativiser la portée de l’indice tenant à l’existence d’un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée. Le fait, relevé par M. V, que les personnes ci-dessus nommées n’aient, à l’exception de M. H, pas été entendues dans le cadre de l’enquête est donc indifférent. Le rapprochement de l’ensemble des indices précis et concordants recensés ci-dessus fait apparaître que seule la détention par M. V de l’information relative à la cession d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical par la famille Lavorel et au projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent permet d’expliquer ses acquisitions de 1 800 actions LVL Médical les 15, 16 et 23 mai 2012. Sur l’utilisation de l’information privilégiée par M. V La notification de griefs relève, au vu de l’ensemble des éléments retenus pour montrer la détention de l’information privilégiée par M. V, que ce mis en cause savait ou aurait dû savoir que l’information qu’il détenait revêtait un caractère privilégié. M. V a déclaré intervenir régulièrement sur des plans d’acquisition de sociétés dans le cadre de ses fonctions au sein de Dinno Santé et de VitalAire Italia SPA. Il résulte par ailleurs des relevés de son compte-titres détenu auprès d’UniCredit qu’il intervenait régulièrement sur les marchés financiers. C’est donc en connaissance du caractère privilégié de l’information relative à la cession d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical par la famille Lavorel et au projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent que M. V a acquis 1 800 actions LVL Médical les 15,16 et 23 mai 2012. Ainsi, le manquement à l’obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée notifié à

M. V est caractérisé. 27

(e) Sur la détention et l’utilisation de l’information privilégiée par M. Q Il est reproché à M. Q d’avoir, les 29, 30 et 31 mai et les 4, 6 et 7 juin 2012, acquis un total de 24 250 actions LVL Médical représentant un investissement de plus de 404 000 euros, en utilisant l’information privilégiée en cause. Sur la détention de l’information privilégiée par M. Q La notification de griefs adressée à M. Q retient qu’il détenait l’information privilégiée en cause au moment de ses interventions et relève à cet égard :

- un indice temporel tenant au moment opportun de ses interventions subites, quelques jours seulement avant l’annonce de l’opération, et ce alors qu’il n’était jamais intervenu sur ce titre auparavant ;

- le caractère atypique de son investissement, M. Q n’ayant pas l’habitude d’investir régulièrement sur les marchés financiers et investissant généralement sur des valeurs très liquides ;

- le mode de financement de ces acquisitions, M. Q ayant vendu ses actions PPR le 29 mai 2012, pour un montant de 775 954 euros, réalisant une moins-value de 25 526 euros, afin d’être en mesure d’acquérir les titres LVL Médical ;

- les modalités de passation de ses ordres d’achat qui démontrent que M. Q anticipait une annonce qui aurait une influence à la hausse sur le cours du titre LVL Médical dans la mesure où plus la date de l’annonce de l’opération approchait, plus la durée de validité de ses ordres se réduisait ;

- le fait que ce mis en cause a poursuivi ses acquisitions de titres LVL Médical les 31 mai et 7 juin 2012, à un prix élevé, alors que, le 30 mai 2012, cet émetteur avait annoncé des résultats décevants pour le premier semestre de l’exercice 2011/2012 ;

- l’absence de raisons convaincantes pour justifier de ses interventions sur le titre LVL Médical, M. Q ayant expliqué investir « à l’instinct », ne pas aimer « la petite rentabilité de 7/8% », rechercher les « valeurs qui vont beaucoup bouger », sans apporter davantage de précisions sur ces attentes, et ayant en outre indiqué privilégier « les valeurs du secteur biotechnologie et les banques » alors que LVL Médical n’est ni une valeur du secteur des biotechnologies ni une valeur bancaire, viser « 20 ou 30 points de hausse » et n’avoir pas « prévu de garder l’action LVL Médical plus de trois semaines », sans expliquer comment une valeur telle que LVL Médical pouvait encore progresser de 20 à 30 points sur une période particulièrement courte de 2 à 3 semaines. Enfin, la notification de griefs relève que M. Q ne connaissait ni la signification du sigle LVL, ni le chiffre d’affaires, ni l’activité de cette société, cette méconnaissance de la valeur pouvant sembler étrange, au regard du montant de son investissement ;

- le fait que plusieurs personnes de l’entourage de M. Q ont également acquis opportunément des titres LVL Médical peu avant l’annonce de l’opération ; et
- l’existence d’un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée, plusieurs contacts de M. Q étant amis avec Mme Sarah Fater, amie de longue date de M. Benjamin Lavorel, informé de l’opération depuis mars 2012. M. Q réfute l’ensemble des indices avancés par la poursuite et conteste avoir détenu l’information privilégiée en cause. Il soutient avoir investi sur le titre LVL Médical fin mai 2012 après avoir consulté les forums boursiers car il bénéficiait alors de plus de temps libre pour réaliser des investissements. Il affirme que ni son investissement ni les modalités de passation de ses ordres ne présentaient un caractère atypique, puisqu’il a un caractère impulsif et s’adonnait à cette époque très régulièrement aux jeux d’argent et de hasard. Il fait également valoir qu’il n’a pas réinvesti l’intégralité du produit de la cession de ses titres PPR en actions LVL Médical et que l’investissement ne présentait aucun caractère massif au regard de sa fortune personnelle. Enfin, le mis en cause conteste l’existence d’un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée. M. Q a, les 29, 30 et 31 mai et les 4, 6 et 7 juin 2012, acquis un total de 24 250 actions LVL Médical sur un compte-titres ouvert dans les livres de la Jyske Bank à Cannes, alors qu’il n’était jamais intervenu sur ce titre auparavant. Il a déclaré aux enquêteurs avoir découvert la valeur LVL Médical « sur les Echos, sur Bloomberg », de sorte qu’il se contredit en expliquant la date de ses interventions par les messages postés sur les forums de discussion. Ses acquisitions sont intervenues quelques jours avant l’annonce de la 28

cession par la famille Lavorel d’une participation majoritaire dans LVL Médical et du projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquente, moment opportun qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée. Au 21 mai 2012, le portefeuille de titres de M. Q au sein de la Jyske Bank était composé de 6 550 actions PPR. Le mis en cause a par ailleurs déclaré aux enquêteurs, lors de son audition par ces derniers, qu’avant cet investissement, cela faisait deux ou trois ans qu’il n’était pas intervenu sur les marchés financiers. Il a précisé qu’il « préfèr[ait] les actifs immobiliers car c’est plus sûr ». S’il fait valoir, dans ses observations en réponse au rapport du rapporteur, qu’il avait déjà réalisé des investissements sur ses comptes-titres domiciliés au sein d’un autre établissement de crédit, cette affirmation n’est pas étayée. Un document établi par la Jyske Bank le 3 mai 2012 indique de plus que le « profil de risque » de M. Q était « stable », avec un horizon d’investissement de « 5-6 années », et une « attitude face au risque […] prudente ». Le 27 juin 2012, M. Pontus Reutersward, conseiller financier de M. Q à la Jyske Bank, lui a proposé d’investir l’intégralité de son portefeuille en titres de dette, afin de correspondre à son profil de risque décrit comme stable. Il résulte de ces éléments que M. Q était un investisseur occasionnel, au profil de risque modéré. Au vu de ces éléments, l’investissement en titres LVL Médical est atypique par rapport aux habitudes d’investissement de M. Q, ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée. Le 29 mai 2012 à 12h38, M. Q a adressé un courriel à son conseiller en gestion de fortune de la Jyske Bank à Cannes, M. S, demandant : « peux tu faire vendre 50k de ppr et acheter pour 50k de l action lvl », tout en précisant : « attention tout doucement pas beaucoup de volume faut pas la faire trop monter ». Le même jour, à 13h49, M. Q a envoyé un second courriel donnant instruction à M. S de vendre la totalité de ses actions PPR. La cession des actions PPR détenues par M. Q, intervenue le 29 mai 2012 pour un montant de 775 954 euros, a entraîné une moins-value de 25 526 euros et le produit de cette cession a, en partie, été utilisé pour acquérir les titres LVL Médical. Ce mode de financement, consistant à céder l’ensemble des titres détenus en portefeuille, quitte à réaliser une moins-value importante, témoigne de l’empressement dont M. Q a fait preuve pour l’acquisition de ses titres LVL Médical, ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée. En outre, le 29 mai 2012, à 15 heures, M. Q a adressé un courriel à M. Pontus Reutersward et a demandé que soit placé un ordre à un cours limite de 17 euros pour l’acquisition d’actions LVL Médical, pour un montant de 200 000 euros. Cet ordre avait une durée de validité jusqu’au vendredi 1er juin 2012. Avant que cet ordre ne soit placé, le cours de l’action LVL Médical se situait entre 14,90 et 15,20 euros. Le lundi 4 juin 2012, à 13h02, M. Q a demandé que soit placé un deuxième ordre d’achat à un cours limite de 17 euros pour un montant de 50 000 euros, qui a été exécuté le même jour à 13h20. Le même jour, à 19h16, M. Q a demandé que soit placé un troisième ordre d’achat à un cours limite de 17 euros pour un montant de 100 000 euros, la validité de l’ordre étant limitée au 6 juin 2012. Le 6 juin 2012, à 9h02, M. Pontus Reutersward a informé M. Q que cet ordre d’achat n’avait pas pu être placé, dans la mesure où le 5 juin était un jour férié au Danemark. Le même jour, à 9h34, M. Q a demandé à M. Pontus Reutersward que soit placé un ordre portant sur 50 000 euros « jusqu’à demain », c’est-à-dire au jeudi 7 juin 2012, veille de l’annonce du projet d’offre publique. Le 7 juin 2012, à 14h20, M. Q a adressé le courriel suivant à M. Pontus Reutersward : « Bonjour Pontus impossible de vous joindre merci d’acheter entre 50 et 100k d’actions ce jour ». M. Pontus Reutersward a alors téléphoné à M. Q, la retranscription de cette conversation réalisée par la Jyske Bank indiquant que ce dernier a demandé à son conseiller d’acquérir 6 000 titres LVL Médical au prix maximum de 18 euros, le jour même uniquement, la durée de validité de cet ordre étant donc limitée à un après-midi. Ces 6 000 titres ont été acquis à 14h31. Avant que cet ordre ne soit placé, le cours de l’action se situait entre 15,50 et 16,13 euros. Ainsi, l’ensemble des ordres passés par M. Q l’ont été à des cours limites supérieurs aux fourchettes de cotation du cours LVL Médical. Ils constituaient des ordres agressifs, dont la durée de validité diminuait à mesure que l’opération se rapprochait. Ces circonstances montrent que M. Q anticipait une forte hausse du cours du titre LVL Médical, ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée. Lors de son audition par les enquêteurs, M. Q a indiqué : « Comme j’ai fait pour toutes les actions que j’ai achetées auparavant : je le fais à l’instinct. J’ai été surpris quand il y a eu l’annonce. J’aime bien le secteur médical, c’est pour ça que j’achète dans ce secteur car il y a les plus grosses hausses et les plus grosses baisses ». Il a précisé privilégier « les valeurs du secteur biotechnologie et les banques ». Cependant, l’activité principale de LVL Médical est l’assistance médicale à domicile. Ce titre n’est donc pas une valeur du secteur des biotechnologies ou bancaire. Le mis en cause a également indiqué aux enquêteurs avoir trouvé la valeur LVL Médical « sur les Echos, sur Bloomberg ». Interrogé par les enquêteurs sur la signification du sigle 29

« LVL », il a répondu : « Je ne sais pas » et « Je ne suis pas capable de vous dire son chiffre d’affaires ou son activité. Je regarde juste les actions qui montent. J’investis à l’instinct. Je joue beaucoup au casino. J’ai assez de biens immobiliers, pour être heureux. Avec le reste, je m’amuse avec mon argent. J’ai le droit de le faire, à ma connaissance ». Ces affirmations, opposées au profil de risque du mis en cause, ne peuvent être tenues pour plausibles. Ainsi, aucune des explications apportées par M. Q ne permet de justifier de son investissement en titres LVL Médical, ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée. Enfin, les notifications de griefs relèvent que MM. […], R et M, contacts de M. Q, sont des amis de Mme Sarah Fater, elle-même amie de longue date de M. Benjamin Lavorel qui détenait une participation dans LVL Médical, objet des négociations en cause. Cependant, la simple identification de liens d’amitié indirects et non étayés, ne permet pas d’établir l’existence d’un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée en l’espèce. Toutefois, un manquement d’initié peut être sanctionné sans qu’il soit besoin d’établir la source qui se trouve être à l’origine de la détention de l’information privilégiée ni d’établir avec précision les circonstances dans lesquelles l’information est parvenue à la personne qui l’a utilisée. Le rapprochement de l’ensemble des éléments précis et concordants recensés ci-dessus montre que seule la détention par M. Q de l’information relative à la cession d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical par la famille Lavorel et au projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent permet d’expliquer ses acquisitions de 24 250 actions LVL Médical les 29, 30 et 31 mai et les 4, 6 et 7 juin 2012, soit un total de 24 250 actions LVL Médical. Sur l’utilisation de l’information privilégiée par M. Q La notification de griefs relève, au vu de l’ensemble des éléments retenus pour montrer la détention de l’information privilégiée par M. Q, que ce mis en cause savait ou aurait dû savoir que l’information qu’il détenait revêtait un caractère privilégié. M. Q fait valoir qu’il n’était pas un professionnel du monde des affaires et ne pouvait savoir qu’il était en possession d’une information privilégiée. M. Pontus Reutersward, conseiller financier de M. Q au sein de la Jyske Banke, a indiqué aux enquêteurs, au sujet de ce dernier : « Dès le début, il a dit qu’il souhaitait faire ses opérations lui-même. Il n’avait pas besoin de mes conseils. […] Il soumettait lui-même ses ordres, lesquels n’étaient pas nombreux, mais assez gros. Il s’agissait donc d’« execution only ». Je pense ne lui avoir jamais donné de conseils. Il ne le souhaitait pas

». De même, M. S, conseiller en gestion de fortune de M. Q au sein de la Jyske Banke, a indiqué aux enquêteurs que ce dernier « n’avait pas besoin de [lui] ». Ainsi, M. Q qui, de l’opinion de ses conseillers financiers, connaissait le fonctionnement des marchés financiers, aurait dû savoir que l’information en cause était privilégiée, au sens de l’article 622-2 du règlement général de l’AMF. Le manquement à l’obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée notifié à

M. Q est donc caractérisé. (f) Sur la détention et l’utilisation de l’information privilégiée par M. R Il est reproché à M. R d’avoir, le 7 juin 2012, acquis 3 000 actions LVL Médical représentant un investissement de 49 488 euros, en utilisant l’information privilégiée en cause. Sur la détention de l’information privilégiée par M. R La notification de griefs adressée à M. R retient que ce dernier détenait l’information privilégiée en cause au moment de ses interventions et relève à cet égard :

- un indice temporel tenant au moment opportun de son intervention subite, la veille de l’annonce de l’opération, et ce alors qu’il n’était jamais intervenu sur ce titre auparavant ; 30


- le caractère atypique de son investissement, M. R investissant généralement dans de grandes capitalisations telles que Société Générale, BNP Paribas, Bouygues et Google, et ayant indiqué n’être jamais intervenu sur des actions relevant du secteur médical ;

- que l’investissement a représenté 99% de son patrimoine financier de l’époque ;

- les modalités de passation de l’ordre d’achat, démontrant que M. R anticipait une annonce qui aurait une influence à la hausse sur le cours du titre LVL Médical. En effet, le 7 juin 2012, une fois l’ordre d’achat portant sur 3 000 actions LVL Médical exécuté, M. R a placé immédiatement, au cours de la même discussion téléphonique avec son courtier, un ordre de vente d’une validité d’un mois portant sur 3 000 actions LVL Médical à un cours limite de 27 euros, cours qui n’avait jamais été atteint depuis le 1er septembre 2003, et qui était proche de la première estimation retenue par ALSI (27,3 euros), du prix proposé (29,4 euros) par ALSI dans sa lettre d’offre ferme du 4 juin 2012 ainsi que du prix d’achat (30,89 euros) finalement proposé par ALSI dans le cadre de l’offre ;

- l’absence de raisons convaincantes pour justifier son choix d’investir sur le titre LVL Médical, M. R ayant indiqué aux enquêteurs être intervenu après avoir surpris des discussions relatives à LVL Médical dans un restaurant à Monaco et avoir ensuite consulté les forums boursiers relatifs à cette société. Ce mis en cause a également justifié son ordre de vente du 7 juin 2012 à un prix de 27 euros en expliquant avoir placé cet ordre, à un prix qu’il a qualifié d’ « invraisemblable », en raison de son manque de disponibilité pour vérifier l’évolution du cours du titre LVL Médical en continu, alors que la logique aurait voulu que le mis en cause se protège contre une baisse du cours de l’action LVL Médical, non contre une hausse de celui-ci ; et
- l’existence d’un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée, M. Q, avec lequel il avait été en contact téléphonique le 15 juin 2012 et qui est la personne à laquelle le père de M. R a vendu son appartement parisien en décembre 2007, ayant également acquis opportunément des titres LVL Médical peu avant l’annonce de l’opération, ce mis en cause étant par ailleurs en contact avec Mme Sarah Fater, amie de longue date de M. Benjamin Lavorel, informé de l’opération depuis mars 2012. M. R expose que son ordre d’achat n’a pas été passé de façon subite au regard des circonstances, dans la mesure où c’est le lendemain d’une soirée au restaurant à Monaco, au cours de laquelle il a entendu le nom de « LVL », qu’il s’est renseigné sur cette société, dont il pensait, à la suite de ses recherches, qu’elle avait découvert un remède contre une maladie grave comme « le cancer ou le SIDA ». Il fait valoir que son investissement en titres LVL Médical n’a pas représenté 99% de son patrimoine financier, qu’il disposait de 350 000 euros pour effectuer des investissements boursiers, et qu’il avait déjà investi des sommes supérieures dans des sociétés appartenant à différents secteurs d’activités. Il en conclut que cet investissement était en ligne avec ses habitudes d’investissement et n’était donc pas atypique. Il indique qu’il a passé son ordre de vente au prix de 27 euros simultanément à son ordre d’achat pour ne pas avoir à s’en occuper personnellement au cours des semaines suivantes, et qu’en tout état de cause ce prix était éloigné du prix d’achat des actions proposé par ALSI le 8 juin 2012 (30,89 euros). Il soutient enfin que, contrairement à ce qui est indiqué dans la notification de griefs, il n’existe pas de liens d’amitié entre les différentes personnes mentionnées par la poursuite au titre du circuit plausible de transmission. M. R a acquis, le 7 juin 2012, 3 000 actions LVL Médical sur un compte-titres ouvert dans les livres de la First International Bank of Israël située à Tel-Aviv, ce alors qu’il n’était jamais intervenu sur ce titre auparavant. Cette acquisition est intervenue la veille de l’annonce de la cession par la famille Lavorel d’une participation majoritaire dans LVL Médical et du projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquente, ce qui constitue un moment opportun, et donc un indice de détention de l’information privilégiée, qui n’est pas remis en cause par les explications du mis en cause, selon lesquelles il aurait surpris des inconnus parler de LVL Médical dans un restaurant à Monaco, qui ne sont corroborées par aucun élément. Par ailleurs, il résulte des relevés du compte-titres de M. R ouvert dans les livres de la First International Bank of Israel pour la période janvier-décembre 2011 et pour la période janvier-décembre 2012 qu’il avait réalisé plusieurs opérations sur les titres de la société allemande Puma AG, dont la capitalisation s’élevait à 3,4 milliards d’euros au 31 décembre 2011, en particulier l’acquisition de 1 180 titres, le 8 septembre 2011, pour un montant de 292 816,35 euros, un investissement de 199 800 dollars des États-Unis (soit 154 417 euros environ), en date du 4 novembre 2011, dans la société américaine Power One, Inc., et un investissement de 887 035,50 couronnes suédoises (soit 100 000 euros environ), en date du 9 décembre 2011, dans la société 31

suédoise Meda AB, dont la capitalisation s’élevait à 2,25 milliards d’euros au 28 février 2012, ces titres ayant été vendus le lendemain, soit le 10 décembre 2011, occasionnant une moins-value de 3 035,50 couronnes suédoises (soit 342 euros environ). Ces investissements démontrent que l’investissement en titres LVL Médical n’était pas, par son montant, atypique par rapport aux habitudes du mis en cause. Aucun élément ne permettant par ailleurs d’établir le montant du patrimoine financier de M. R, le pourcentage que représente son investissement en titres LVL Médical par rapport à son patrimoine ne peut être déterminé, contrairement à ce qu’indique la notification de griefs. Toutefois, il ressort des relevés du compte-titres de M. R, ainsi que de ses déclarations, selon lesquelles il avait investi, en 2011, sur « BNP Paribas, Société Générale, Bouygues Télécom […] Baidu et puis Google », que ses investissements portaient exclusivement sur des titres de sociétés dont la capitalisation était supérieure à 1 milliard d’euros, alors que celle de LVL Médical s’élevait à 172 millions d’euros au 7 juin 2012 et que ses actions étaient admises aux négociations sur le compartiment C d’Euronext Paris. De plus, si M. R avait réalisé un investissement dans la société pharmaceutique suédoise Meda AB, ce secteur est distinct du secteur dans lequel opérait LVL Médical. Ainsi, si l’investissement dans la valeur LVL Médical n’était pas atypique au regard du montant investi, il était en revanche inhabituel au regard du secteur d’activité et de la capitalisation boursière de cette société, ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée. Le 7 juin 2012, une fois son ordre d’achat portant sur 3 000 actions LVL Médical exécuté au prix de 16,496 euros, M. R a passé, au cours de la même discussion téléphonique avec son courtier, un ordre de vente à un cours limite de 27 euros, dont la durée de validité était limitée à un mois, portant sur les 3 000 actions LVL Médical qui venaient d’être acquises. M. R a indiqué aux enquêteurs : « j’étais très pressé parce que c’était l’anniversaire de mon ami. Ensuite, c’était la veille d’un week-end et je ne peux pas être toujours à vérifier avec un ordinateur lorsqu’on est en vacances. Donc, je me suis dit, au moins, on sait jamais, on pourrait peut-être toucher ce montant semblable sans même que je le sache ça se vendrait automatiquement […] Pour moi c’était comme je vous ai dit, j’ai mis un prix invraisemblable parce que si j’avais mis un prix invraisemblable ça se vendrait automatiquement. Mais si jamais par exemple ça pouvait monter de 3% ou 4%, quelque chose comme ça, j’aurais pu le vendre moi-même en appelant la banque pour pouvoir vendre. Donc, par peur de disponibilité, en fait ». La justification avancée est peu cohérente dès lors que l’ordre de vente placé par le mis en cause, à un cours très supérieur au cours auquel il avait acquis ses actions LVL Médical, n’aurait pas conduit à le protéger contre une baisse du cours. Les explications apportées par M. R pour justifier de son ordre de vente ne sont ainsi pas convaincantes et démontrent qu’il anticipait une forte hausse du cours du titre LVL Médical à bref délai, ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée. Lors de son audition par les enquêteurs, M. R a déclaré : « j’étais sur la Côte d’Azur et en particulier à Monaco, avec des amis […] puis dans ce restaurant, là où j’étais sur la terrasse, il y avait un groupe de personnes, donc qui avaient l’air assez sûrs d’eux, bien habillés et puis successful […] Je sais qu’ils parlaient un petit peu de trading et de bourse […] Je sais que je les entendais parler donc de pas mal de choses et en particulier de ce mot « LVL » […] Ils ont commandé une bouteille de champagne. et ils ont trinqué en disant : « A LVL ! ». Moi je retiens un petit peu ce nom-là. […] Le soir en rentrant, je vais donc sur Google et je marque juste LVL. Ça m’emmène en fait sur la première page Google : y’a écrit LVL Médical […] en les voyant aussi sûrs d’eux, j’ouvre une deuxième page et je vais voir une page LVL Médical forum. Voilà. Et dans tous ces forums, là, ils parlent : « Que va-t-il se passer ? », « certains vont s’enrichir», « plus de volume que d’habitude» […] Je retourne pour voir un peu plus ce que c’est LVL Médical sur le site LVL Médical […] Je pensais qu’ils ont peut-être découvert un remède contre le cancer ou contre le SIDA […] ou […] qu’ils ont des résultats meilleurs que prévu. Donc, moi tous ces éléments (la soirée + les forums + mon intuition) ça a fait que j’ai acheté cette action. » Les explications fournies par M. R ne sont corroborées par aucun élément. Elles le sont d’autant moins que LVL Médical n’était pas une société pharmaceutique et, en conséquence, ne pouvait avoir développé une spécialité pharmaceutique comme l’avance le mis en cause. Ainsi, les explications apportées par M. R pour justifier de son investissement en titres LVL Médical ne sont pas convaincantes, ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée. Enfin, si la poursuite relève que, le 15 juin 2012 soit après ses interventions sur le titre LVL Médical, M. R a été en contact téléphonique avec M. Q, à qui son père avait vendu son appartement parisien en décembre 2007 et qui a lui-même investi sur le titre LVL Médical le 7 juin 2012 et qu’il était par ailleurs en contact avec Mme Sarah Fater, amie de longue date de M. Benjamin Lavorel, informé de l’opération depuis mars 2012, ces seuls éléments ne permettent pas d’établir que M. R a pu être en 32

contact, de façon directe ou indirecte, avec des personnes initiées au moment de ses interventions sur le titre LVL Médical. Ils ne peuvent, en conséquence, établir l’existence d’un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée. Toutefois, un manquement d’initié peut être sanctionné sans qu’il soit besoin d’établir la source qui se trouve être à l’origine de la détention de l’information privilégiée ni d’établir avec précision les circonstances dans lesquelles l’information est parvenue à la personne qui l’a utilisée. Le rapprochement de l’ensemble des éléments précis et concordants recensés ci-dessus établit que seule la détention par M. R de l’information relative à la cession d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical par la famille Lavorel et au projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent permet d’expliquer son acquisitions 3 000 actions LVL Médical le 7 juin 2012. Sur l’utilisation de l’information privilégiée par M. R La notification de griefs relève, au vu des déclarations de M. R, que ce mis en cause savait qu’il s’agissait d’une information privilégiée. M. R fait valoir qu’il ne pouvait pas savoir que le terme « LVL » prononcé par ses voisins de table à Monaco puisse être considéré une information privilégiée. Il soutient également que l’absence de poursuite de M. M, entendu par les enquêteurs, impose sa propre mise hors de cause. L’absence de poursuite de M. M est toutefois sans incidence sur la caractérisation du grief notifié. M. R a déclaré aux enquêteurs : « j’ai été à l’ESG, École Supérieure de Gestion, en section Commerce International » et qu’il investissait sur les marchés financiers avec la fréquence suivante : « Ça dépendait. Y avait des mois aussi où il y avait rien du tout et y avait, on va dire, sur un mois où j’ai eu plusieurs positions ouvertes ». Au vu de ces éléments, M. R aurait dû savoir que l’information en cause était privilégiée, au sens de l’article 622-2 du règlement général de l’AMF. Le manquement à l’obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée notifié à M. R est donc caractérisé. (g) Sur la détention et l’utilisation de l’information privilégiée par M. S Il est reproché à M. S d’avoir, le 7 juin 2012, acquis un total de 1 200 actions LVL Médical représentant un investissement de 19 750 euros, en utilisant l’information privilégiée en cause. Sur la détention de l’information privilégiée par M. S La notification de griefs adressée à ce mis en cause retient que M. S détenait l’information privilégiée en cause au moment de ses interventions et relève à cet égard :

- un indice temporel tenant au moment opportun de ses interventions subites, la veille de l’annonce de l’opération, et ce alors qu’il n’était jamais intervenu sur ce titre auparavant ;

- le caractère atypique de son investissement, M. S étant un investisseur occasionnel sur les marchés financiers et investissant généralement sur des valeurs du compartiment A ou du compartiment B d’Euronext Paris ;

- l’utilisation, pour l’acquisition des titres LVL Médical, du service de règlement différé en profitant du levier maximum dont il disposait ; et
- l’existence d’un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée, M. S étant le conseiller financier (« wealth management advisor ») de M. Q au sein de la succursale de la Jyske Bank, à Cannes. M. S fait valoir que s’il a bien eu connaissance de la valeur LVL Médical du fait des ordres passés par M. Q par l’intermédiaire de la Jyske Bank, c’est sur le fondement des analyses techniques démontrant une augmentation des volumes traités sans augmentation corrélative de la valeur qu’il a lui-même réalisées qu’il a décidé d’acquérir ces titres. Il précise investir très régulièrement sur les marchés financiers et avoir réalisé, dès 2005, plusieurs centaines d’opérations par an. Il ajoute avoir toujours investi en « day trading », 33

avec un effet de levier. Ce mis en cause fait valoir que les factures détaillées du téléphone portable de M. Q, invoquées par les notifications de griefs et dont il conteste le caractère constitutionnel, sont dépourvues de caractère probant car ce dernier entretenait, tant avec ses proches qu’avec ses relations professionnelles, des échanges téléphoniques extrêmement nombreux, de sorte qu’il n’est pas possible de tirer de conclusion des nombreux échanges qu’il a eus avec ce mis en cause. Selon lui, en outre, l’information transmise par M. Q relative à une possible appréciation du titre de « 20-30% » avait un caractère subjectif et ne constituait qu’un souhait de M. Q quant à son investissement. Concernant ses opérations postérieures à l’achat du titre LVL Médical, il précise qu’il n’avait pas pour habitude de discuter avec M. Q de ses choix d’investissements financiers. M. S a acquis le 7 juin 2012 un total de 1 200 actions LVL Médical sur un compte-titres ouvert dans les livres de la société Bourse Direct. Ces acquisitions sont intervenues la veille de l’annonce de la cession par la famille Lavorel d’une participation majoritaire dans LVL Médical et du projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquente, ce qui constitue un moment opportun, indice de détention de l’information privilégiée. Le relevé du compte-titres Bourse Direct de ce mis en cause entre 2011 et 2012 met en évidence des investissements généralement compris entre 5 000 et 10 000 euros sur des sociétés des compartiments A et B d’Euronext Paris (Société Générale, Soitec, Alcatel Lucent, Vallourec, Theolia, Eiffage), à l’exception d’une société du compartiment C (CGG-Veritas) et d’une société de biotechnologie américaine cotée sur le NASDAQ (Alexion Pharmaceuticals). Son investissement le plus important était l’acquisition de titres Soitec, le 4 avril 2011, pour un montant total de 17 082,30 euros. Ce document montre que M. S était, entre 2011 et 2012, un investisseur régulier sur les marchés financiers, qui privilégiait les valeurs très liquides. Le relevé du compte- titres Fortuneo du mis en cause entre mars 2005 et mars 2007 montre également la réalisation de plusieurs centaines d’opérations par an sur des instruments financiers. L’ancienneté de ces investissements ne permet toutefois pas d’établir qu’ils correspondaient aux habitudes de ce mis en cause au moment des faits. Il ressort de plus de ces documents que M. S n’était jamais, avant son acquisition de titres LVL Médical, intervenu sur des actions relevant du secteur médical. Si l’investissement dans la valeur LVL Médical n’était pas atypique au regard du montant investi, il était en revanche atypique au regard du secteur d’activité et de la capitalisation boursière de cette société par rapport aux habitudes d’investissement de M. S, ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée. L’acquisition de titres LVL Médical par M. S l’a été par le biais du service de règlement différé (ci-après « SRD ») et a utilisé le levier maximum dont il disposait. Le relevé du compte-titres Fortuneo du mis en cause entre mars 2005 et mars 2007 fait ressortir la réalisation de plusieurs centaines d’opérations avec recours au SRD au cours de cette période. Le relevé du compte-titres Bourse Direct de ce mis en cause entre 2011 et 2012 ne mentionne pas si les investissements réalisés au cours de cette période ont été réalisés avec recours au SRD. Au vu de ces éléments, il n’est pas possible de déterminer si, au moment des faits, M. S avait pour habitude de recourir au SRD, de sorte qu’un tel indice de détention de l’information privilégiée ne peut être retenu. Enfin, M. S était le conseiller en gestion de fortune (« wealth management advisor ») de M. Q, au sein de la succursale de la banque danoise Jyske Bank, à Cannes. Le 29 mai 2012 à 12h38, M. Q a adressé un courriel à M. S lui demandant de vendre pour 50 000 euros d’actions PPR et d’acheter 50 000 euros d’actions LVL Médical. Le même jour, à 13h49, M. Q a adressé un second courriel à M. S lui demandant de vendre la totalité de ses actions PPR. M. S a déclaré aux enquêteurs : « Ça faisait plusieurs semaines que j’entendais parler de ce titre avec M. Q. » M. Q a, lui, déclaré aux enquêteurs : « Je lui ai passé des ordres sur le titre. J’en ai parlé. Il m’a dit : « pourquoi t’achètes cette action ? ». Je lui ai dit que je pensais qu’elle allait peut-être prendre 20-30%. Cet investissement ne regarde que M. S ». Il a été établi précédemment que M. Q détenait l’information privilégiée au moment de ses propres interventions sur le titre LVL Médical, soit dès le 29 mai 2012. Il résulte de ces éléments que M. S était en contact, dans la période précédant les acquisitions litigieuses, avec une personne qui détenait l’information privilégiée. Ainsi, il existait un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée détenue par M. Q à M. S. Enfin, si ce mis en cause fait valoir que ses analyses techniques lui ont permis de déceler une augmentation des volumes traités, et qu’il est exact qu’au cours du mois de mai 2012, 11 330 titres étaient échangés en moyenne, contre 3 770 titres au cours de la période du 7 juin 2011 au 5 avril 2012, cette circonstance ne permet pas 34

d’expliquer le choix de la valeur LVL Médical ni le moment des interventions de M. S, qui ne font l’objet d’aucune explication convaincante, ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée. Le rapprochement de l’ensemble des éléments précis et concordants recensés ci-dessus montre que l’acquisition par M. S de 1 200 actions LVL Médical le 7 juin 2012 ne peut s’expliquer que par l’assurance que la communication de l’information privilégiée en cause lui donnait que le cours du titre allait bientôt connaître une forte hausse. Sur l’utilisation de l’information privilégiée par M. S La notification de griefs relève, au vu de l’ensemble des éléments retenus pour montrer la détention de l’information privilégiée par M. S, que ce mis en cause savait ou aurait dû savoir que l’information qu’il détenait revêtait un caractère privilégié. M. S est diplômé d’une école de commerce et exerçait, à l’époque des faits, les fonctions de gestionnaire de fortune (« wealth management advisor ») au sein de la Jyske Bank. Il a par ailleurs déclaré aux enquêteurs : « J’ai toujours fait beaucoup de bourse […] J’ai fait beaucoup de day trading ». Au vu de ces éléments, M. S aurait dû savoir que l’information en cause était privilégiée, au sens de l’article 622-2 du règlement général de l’AMF. Le manquement à l’obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée notifié à M. S est donc caractérisé. (h) Sur la transmission de l’information privilégiée par M. Q à M. S Il est reproché à M. Q d’avoir transmis l’information privilégiée en cause à M. S. La notification de griefs relève que M. S a acquis le 7 juin 2012 un total de 1 200 actions LVL Médical, et que ces acquisitions de titres LVL Médical semblent ne pouvoir s’expliquer que par la détention d’une information privilégiée que M. Q lui aurait transmise. M. Q fait valoir qu’il n’a pu transmettre une information privilégiée à M. S, car ce dernier s’était borné à répliquer les investissements de son client. Il résulte sans équivoque des indices précis et concordants examinés plus haut que les acquisitions de titres LVL Médical de M. S ne peuvent s’expliquer autrement que par la détention de l’information privilégiée. Par ailleurs, les relations professionnelles de M. S, les courriels susmentionnés, selon lesquels M. Q s’est adressé à M. S pour vendre ses actions PPR et acheter ses actions LVL Médical, ainsi que les déclarations reproduites plus haut, établissent que ces deux mis en cause ont été en contact et ont évoqué le titre LVL Médical, et notamment le fait que M. Q pensait que ce titre « allait peut-être prendre 20-30% », quelques jours avant les interventions litigieuses de M. S. Il résulte de ces indices, précis et concordants, que M. Q a transmis l’information privilégiée à M. S. Enfin, il a été établi, pour les raisons exposées ci-dessus, que M. Q aurait dû savoir, au sens de l’article 622-2 du règlement général de l’AMF, que l’information qu’il a transmise à M. S était privilégiée. Le manquement à l’obligation d’abstention de transmission d’une information privilégiée notifié à

M. Q est donc caractérisé. (i) Sur la détention et l’utilisation de l’information privilégiée et la recommandation de la réalisation d’une opération sur le fondement de cette information par M. T Il est reproché à M. T d’avoir, entre le 27 avril et le 5 juin 2012, acquis un total de 1 924 actions LVL Médical représentant un investissement de 25 688 euros, en utilisant l’information privilégiée en cause. Il lui 35

est également reproché d’avoir recommandé à son fils, M. TA, d’acquérir des titres LVL Médical sur le fondement de cette information privilégiée. Sur la détention de l’information privilégiée par M. T La notification de griefs adressée à M. T retient que celui-ci détenait l’information privilégiée au moment de ses interventions sur le titre LVL Médical, en relevant à cet égard :

- l’importance des montants investis par M. T sur le titre LVL Médical, qui ont représenté 90% des sommes disponibles sur son portefeuille de titres au 5 juin 2012, alors qu’il avait jusqu’alors pour habitude d’investir sur plusieurs titres en petite quantité et en mobilisant à chaque fois des sommes faibles, d’en moyenne 350 euros par titre, et alors qu’après ses acquisitions de titres LVL Médical, et au moins jusqu’à son audition de 2015, M. T n’a plus jamais investi un montant aussi important sur un seul titre, cette reprise de ses habitudes montrant que les opérations litigieuses étaient envisagées dès l’origine comme une opération boursière ponctuelle ;

- le financement de ses acquisitions LVL Médical, réalisé grâce au produit de la cession de 27 des 33 valeurs qui composaient son portefeuille avant les opérations litigieuses, ainsi qu’au produit de la cession de ses obligations, SICAV et parts sociales détenues auprès du Crédit Agricole ;

- un indice temporel tenant au moment opportun de ses interventions quelques semaines seulement avant l’annonce de l’opération ;

- le fait que ce mis en cause a poursuivi ses acquisitions de titres LVL Médical les 1er et 5 juin 2012, à un prix élevé, alors que le 30 mai 2012 cet émetteur avait annoncé des résultats décevants pour le premier semestre de l’exercice 2011/2012 et qu’au 31 mai 2012 il avait réalisé une plus-value latente importante ; et
- l’existence d’un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée, Mme Caroline Lardin, la fille de M. T, et M. Olivier Lardin, l’époux de cette dernière, étant, selon le réseau social Facebook, amis de Benjamin, Stanislas, Maxime et Elodie Lavorel et, selon des éléments issus de sa messagerie électronique, proches de Jean-Claude Lavorel, qui étaient tous informés de l’opération en cause. M. T conteste avoir détenu l’information privilégiée en cause, et indique n’avoir agi que sur le fondement d’informations publiquement disponibles et du consensus qui existait à l’époque des faits sur l’intérêt d’acquérir des titres LVL Médical. Il relève à cet égard qu’il a débuté ses acquisitions de titres LVL Médical le 23 avril 2012, date à laquelle l’information n’était pas encore privilégiée. Il expose qu’il avait pour habitude d’intervenir sur les marchés financiers bien avant le printemps 2012 et que s’il avait effectivement détenu l’information privilégiée en cause, il n’aurait pas manqué d’investir davantage, ce que les liquidités dont il disposait à l’époque lui permettaient. En outre, il explique ses acquisitions répétées par un effet d’entraînement dû à l’augmentation du cours de ce titre, cette constante progression expliquant par ailleurs qu’il n’ait pas souhaité retirer ses positions alors que la société avait annoncé des résultats décevants pour le premier semestre de l’exercice 2011/2012. Enfin, M. T soutient que les éléments sur lesquels se fondent la poursuite pour établir un circuit plausible de transmission sont issus d’un réseau social, qui est une source à très faible valeur probatoire ou, pour certains, de la messagerie personnelle de M. Jean-Claude Lavorel, et ont été obtenus sans autorisation spéciale. Il fait valoir que les enquêteurs n’ont pas auditionné les membres de la famille Lavorel, à l’exception de M. Benjamin Lavorel, et n’ont pas démontré la communication initiale de l’information privilégiée par un mandataire de LVL Médical et relève que ni Caroline, ni Olivier Lardin ne sont intervenus sur le titre LVL Médical pendant la période litigieuse. La première acquisition de titres LVL Médical réalisée par M. T remonte au 23 avril 2012, soit quelques semaines seulement avant l’annonce de la cession par la famille Lavorel d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical et le projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent, ce qui constitue un moment opportun. Cependant, il est établi que ce n’est qu’à compter du 27 avril 2012 que cette information a revêtu les caractéristiques d’une information privilégiée. Il en résulte que le moment auquel M. T a procédé à ses acquisitions de titres LVL Médical ne peut s’expliquer par la détention d’une information privilégiée. Ainsi, contrairement à ce que soutient la poursuite, il n’existe pas d’indice temporel de détention d’une telle information. 36

Il résulte des relevés de compte-titres de M. T pour les années 2011 et 2012 que ce mis en cause a investi 25 688 euros en titres LVL Médical entre le 27 avril et le 5 juin 2012. Ces relevés établissent également que l’investissement le plus important réalisé par M. T au cours de ces deux années s’était élevé à 3 160 euros, sur le titre Total, et était donc inférieur de plus de 8 fois au montant susmentionné.

M. T indique également avoir, entre 2007 et 2008, investi 7 000 euros sur la valeur Exonhit Therapeutics ce qui démontre selon lui qu’il avait déjà mobilisé une somme importante sur un seul titre. Outre l’ancienneté de cet investissement, qui ne permet pas d’établir qu’il correspondait à une habitude de ce mis en cause au moment des faits, celui-ci représentait à peine plus du quart de l’investissement réalisé sur le titre LVL Médical. Il en résulte que le montant investi en titres LVL Médical entre le 27 avril et le 5 juin 2012 était atypique par rapport aux habitudes de M. T, ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée. Pour financer ses acquisitions de titres LVL Médical, M. T a, entre le 27 avril et le 4 mai 2012, cédé 4 des 10 participations qui composaient son portefeuille. Puis, les 23 et 24 mai 2012, il a vendu les obligations, les SICAV ainsi que les parts sociales qu’il détenait sur un autre compte afin de compléter son investissement en titres LVL Médical. Pour expliquer ce mode de financement, M. T a indiqué avoir souhaité rationaliser la stratégie d’investissement adoptée jusqu’alors, consistant à répartir ses investissements sur une multitude de titres, ayant pris conscience que seul un investissement important permettait de réaliser des plus-values satisfaisantes. Cependant, selon les déclarations de ce mis en cause, il n’avait jamais adopté un tel mode de financement auparavant, qui était donc, de ce point de vue, atypique, ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée. Parmi les acquisitions litigieuses, certaines ont été réalisées les 1er et 5 juin 2012, aux prix respectifs de 16,52 et 16,21 euros par titre alors que LVL Médical avait, le 30 mai 2012, annoncé des résultats décevants pour le premier semestre 2011/2012 et que M. T avait, au 31 mai 2012, réalisé une plus-value latente de 9 984 euros. Il a déclaré, lors de son audition par les enquêteurs, s’être fixé la fin de l’année 2012 comme horizon d’investissement et espérer un gain autour de 10 000 – 15 000 euros, sans que cette déclaration ne puisse s’appréhender comme un véritable objectif d’investissement qui une fois atteint, ce qui n’était pas le cas, aurait supposé la liquidation de sa participation dans LVL Médical. Ainsi, contrairement à ce que soutient la poursuite, l’absence de cession de ses titres LVL Médical au 31 mai 2012 malgré la réalisation d’une plus-value latente importante ne constitue pas un indice de détention de l’information privilégiée par M. T. En outre, à la suite de l’annonce de ces résultats, le cours du titre LVL Médical a continué à augmenter dans les jours suivants, de sorte que la poursuite par M. T de ses interventions de titres LVL Médical après l’annonce des résultats semestriels de cette société ne constitue pas un indice de détention de l’information privilégiée. Il résulte des copies des comptes du réseau social Facebook de Mme Caroline Lardin, la fille de

M. T, et de son mari, M. Olivier Lardin, que ces derniers sont des connaissances de

MM. Stanislas, Benjamin et Maxime Lavorel, qui détenaient des participations dans LVL Médical qui faisaient l’objet des négociations en cours. Par ailleurs, M. Jean-Claude Lavorel, qui connaissait aussi Mme Caroline Lardin, lui a, en juillet 2012, prêté 20 000 euros en vue de l’ouverture de sa boutique de vente de fleurs. Ces éléments, qui montrent que M. Jean-Claude Lavorel était proche de Mme Caroline Lardin, ne sont pas, contrairement à ce que soutient M. T, issus de la messagerie personnelle de

M. Jean-Claude Lavorel, mais bien de sa messagerie professionnelle, qui a été remise aux enquêteurs par M. Stanislas Lavorel, lors de la visite des enquêteurs au siège social de la société LVL Médical le 26 novembre 2012 et ont bien été versées au dossier, comme en atteste le procès-verbal de constatation dressé le 27 septembre 2016. M. T a par ailleurs confirmé que ses enfants étaient « en relation amicale occasionnelle avec quelques membres de la famille Lavorel » et déclaré que sa petite-fille était dans la même classe que la fille de M. Jean-Claude Lavorel, ce qui avait « resserré les liens » entre les deux familles. Il résulte de ces éléments que M. T était en contact, directement ou indirectement par l’intermédiaire de sa fille et de son gendre, avec des membres de la famille Lavorel qui contrôlaient LVL Médical et étaient associés aux négociations en cours depuis mars 2012. Il résulte de ces éléments qu’il existait un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée à M. T. Le fait que certains membres de la famille Lavorel n’aient pas été entendus dans le cadre de la procédure ni que la preuve d’une communication initiale par un initié primaire à M. T ou à sa fille ou son gendre ne soit pas rapportée ne fait dès lors pas obstacle à la caractérisation du manquement. 37

Enfin, pour expliquer les investissements litigieux, M. T indique avoir conduit une analyse technique comparative et technique très poussée et suivi les analyses financières selon lesquelles il apparaissait opportun de se positionner à l’achat sur le titre LVL Médical. Parmi les analyses financières auxquelles M. T fait référence, plusieurs remontent à 2011 et février 2012, et sont donc trop anciennes pour justifier des investissements réalisés entre fin avril et juin 2012. M. T fait également état de communiqués de presse de LVL Médical dont un seul, relatif à l’annonce d’une hausse de 5% du chiffre d’affaire du premier semestre de l’exercice 2011/2012 par rapport aux résultats du premier semestre de l’exercice précédent, a été publié avant le début de ses interventions litigieuses. Cette seule information n’est pas de nature à expliquer le choix de cette valeur ni l’importance des montants investis. Dès lors, M. T n’a apporté aucune explication convaincante justifiant de ses investissements sur le titre LVL Médical entre le 27 avril et le 5 juin 2012, ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée.

L’ensemble des éléments précis et concordants recensés ci-dessus montre que M. T détenait l’information relative à la cession d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical par la famille Lavorel et au projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent au moment de ses acquisitions de titres LVL Médical entre le 27 avril et le 5 juin 2012. Sur l’utilisation de l’information privilégiée par M. T La notification de griefs relève, au vu de l’ensemble des éléments retenus pour montrer la détention de l’information privilégiée par M. T, que ce mis en cause savait ou aurait dû savoir que l’information qu’il détenait revêtait un caractère privilégié. Les relevés du compte-titres de M. T établissent qu’il disposait, avant ses premières interventions sur le titre LVL Médical, d’un portefeuille composé de 33 titres valorisé à plus de 11 000 euros. Il a indiqué avoir pour habitude d’effectuer de manière régulière des placements sur des titres cotés en s’informant quotidiennement de l’activité boursière à cette fin. Il résulte de ces éléments que c’est en connaissance du caractère privilégié de l’information relative à la cession d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical par la famille Lavorel et au projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent que M. T a acquis 1 924 actions LVL Médical le 27 avril et le 5 juin 2012. Ainsi, le manquement à l’obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée notifié à

M. T est caractérisé. Sur la recommandation d’acquérir des titres LVL Médical formulée par M. T La notification de griefs adressée à ce mis en cause retient un ensemble d’éléments susceptibles de prouver qu’il a recommandé à son fils, M. TA, d’acquérir des titres LVL Médical sur le fondement de l’information privilégiée qu’il détenait et relève à cet égard :

- que M. TA a, le 16 mai 2012, acquis 445 titres LVL Médical pour un montant total de 5 843 euros ;

- que cet investissement présentait un caractère atypique dans la mesure où il a constitué la seule opération financière réalisée par M. TA en 2012 ;

- la déclaration de M. T selon laquelle : « [mon fils Loïc] avait un prêt étudiant à rembourser donc je lui ai fait un virement en lui conseillant d’investir sur LVL Médical pour qu’il puisse rembourser son prêt » ;

- que M. TA a confirmé être intervenu sur le titre LVL Médical suite aux recommandations de M. T et grâce à des fonds que ce dernier lui avait donnés ; et
- le fait que le montant du prêt étudiant restant dû par M. TA fin mai 2012 était de l’ordre de 17 000 euros, or M. T lui a fait un virement de 6 000 euros en lui conseillant d’investir sur LVL Médical, ce qui lui a permis de dégager un produit brut de plus de 13 000 euros afin de rembourser 38

son prêt, ce qui révèle que M. T anticipait une hausse importante du cours du titre LVL Médical. M. T conteste avoir recommandé à son fils, M. TA, d’acquérir des titres LVL Médical sur le fondement de l’information privilégiée en cause. Il ne conteste pas lui avoir prêté de l’argent en lui conseillant d’investir sur le titre LVL Médical, mais en considérant uniquement les positions qu’il avait lui-même prises sur le fondement de son analyse rationnelle du marché et de l’existence d’un consensus sur cette valeur à ce moment. Il ajoute que son fils est titulaire d’un BTS Banque et que, compte tenu de cette formation, il connaissait les risques associés à l’utilisation d’une information privilégiée et n’aurait dès lors pas suivi son conseil s’il avait soupçonné qu’il fût fondé sur une telle information. Il indique enfin que s’il avait détenu une telle information, il ne se serait pas contenté de la communiquer à son fils Loïc, mais en aurait également fait profiter sa fille Caroline Lardin, qui était à la recherche de financement pour lancer son entreprise de vente de fleurs à cette époque. Il a été établi que M. T détenait l’information privilégiée dès le 27 avril 2012, date des premières acquisitions de titres LVL Médical qui lui sont reprochées. Il a reconnu avoir conseillé à son fils d’investir sur cette valeur, ce qui est corroboré par les déclarations de ce dernier. Par ailleurs, la seule formation de M. TA ne lui aurait pas permis de déceler si son père agissait sur le fondement d’une information privilégiée. L’argument tiré de ce que M. TA n’aurait pas suivi le conseil de son père si ce dernier avait détenu une telle information est inopérant. De même, le fait que M. T n’ait pas recommandé à sa fille d’acquérir des titres LVL Médical à un moment où elle était en recherche d’un financement est indifférent à la caractérisation du présent grief, qui concerne uniquement la recommandation formulée à son fils M. TA. Le rapprochement de l’ensemble des éléments précis et concordants recensés ci-dessus montre que l’acquisition de titres LVL Médical réalisée par M. TA en mai 2012 ne peut s’expliquer que par la recommandation reçue de M. T. Ainsi, le manquement à l’obligation d’abstention de recommandation d’une opération sur le fondement d’une information privilégiée notifié à M. T est caractérisé. (j) Sur la détention et l’utilisation de l’information privilégiée par la société Sofiro Il est reproché à la société Sofiro d’avoir, le 7 juin 2012, acquis 1 269 actions LVL Médical, en utilisant l’information privilégiée en cause. Sur la détention de l’information privilégiée par le gérant de la société Sofiro, M. André Rosello La notification de griefs adressée à la société Sofiro retient que M. André Rosello, son gérant, détenait l’information privilégiée au moment des acquisitions de titres LVL Médical au nom de cette société, en relevant à cet égard :

- le moment opportun des interventions sur le titre LVL Médical, l’ordre d’achat ayant été passé de façon subite le 7 juin 2012, soit la veille de l’annonce de l’opération, le compte-titres de la société Sofiro ayant d’ailleurs été ouvert le jour même dans les comptes de CM-CIC ;

- le caractère atypique des opérations, ni la société Sofiro, ni M. André Rosello n’ayant l’habitude d’investir sur les marchés financiers. Ainsi, entre le 3 janvier 2011 et le 3 septembre 2012, la société n’a réalisé aucun investissement sur les marchés financiers à l’exception de celui concernant LVL Médical. M. André Rosello a également confirmé ne pas avoir acheté d’actions depuis une trentaine d’années ;

- les modalités de passation de l’ordre d’achat, qui démontrent que M. André Rosello anticipait une forte hausse du cours du titre LVL Médical dans la mesure où l’ordre a été passé « au marché », sans aucune limite de prix ;

- que lorsque le conseiller financier du CM-CIC a prévenu M. André Rosello des risques présentés par un investissement en actions, ce dernier a indiqué avoir« un tuyau sur LVL Médical » ; 39


- le fait que plusieurs personnes de l’entourage de M. A, auquel Sofiro a rétrocédé 10% de la plus-value réalisée, sont également intervenues sur le titre LVL Médical, vraisemblablement sur la recommandation de celui-ci ; et
- que M. André Rosello a déclaré aux enquêteurs avoir été témoin d’une indiscrétion relative à LVL Médical en gare d’Arras. La société Sofiro fait valoir qu’elle n’a pas utilisé l’information privilégiée au bénéfice de M. A. Elle précise que son conseiller au sein de CM-CIC n’a pas demandé à son gérant de fixer une limite de prix à ses ordres. Le 7 juin 2012, soit la veille de l’opération, M. André Rosello a acquis, pour le compte de la société Sofiro dont il était le gérant, 1 269 actions LVL Médical, titre sur lequel il n’était jamais intervenu auparavant, ce qui constitue un moment opportun et un indice de détention de l’information privilégiée. Il résulte d’un courriel du 7 juin 2012 adressé par M. André Rosello à son conseiller financier au sein de la banque CM-CIC que le compte-titres de la société Sofiro a été ouvert le jour même, le collaborateur de CM-CIC, en charge de la relation avec la société Sofiro, ayant par ailleurs indiqué aux enquêteurs : « L’ordre de bourse du 7 juin 2012 ne correspondait pas aux placements habituels de Sofiro (la trésorerie était investie sur des placements sans risque) ». M. André Rosello a, pour sa part, déclaré aux enquêteurs : « Je ne suis pas intervenu sur d’autres valeurs financières. Je n’ai pas d’autre compte-titres, à part celui détenu par la SARL Sofiro. […] Je n’avais pas fait d’opérations boursières depuis longtemps. […] Je confirme avoir ouvert un compte-titres le 7 juin 2012. En revanche, je suis déjà intervenu sur le marché des actions, il y a plus de trente ans ». Ainsi, ni M. André Rosello ni la société Sofiro n’avaient, au moment des faits, l’habitude d’investir sur les marchés financiers, ce dont il résulte que les acquisitions de titres LVL Médical sont atypiques par rapport à leurs habitudes, ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée. L’ordre passé sur le titre LVL Médical était assorti de la mention « à tout prix », c’est à dire sans aucune limite de prix, témoignant du fait que cette mise en cause anticipait une forte hausse du cours de ce titre, ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée. Le collaborateur de CM-CIC, en charge de la relation avec la société Sofiro, a indiqué aux enquêteurs : « J’ai fait remarquer à M ROSELLO qu’il passait de placements « en bon père de famille » à des placements risqués. […]

M ROSELLO m’a alors indiqué qu’il avait un « tuyau » sur LVL Medical. » M. André Rosello a déclaré aux enquêteurs : « J’ai été témoin d’une indiscrétion dans le bar de la gare d’Arras. J’ai entendu une discussion car j’accompagnais un ami en gare. J’ai entendu qu’il y aurait des mouvements entre LVL Médical et Air Liquide alors que je raccompagnais un ami en gare à Calais. Cette indiscrétion, je l’ai entendue dans une gare quelques semaines avant de passer l’ordre. Ensuite, je suis allé sur le site internet d’Air Liquide et de LVL Médical pour voir si rien n’était sorti. […] Une information que l’on détient à partir d’une indiscrétion en gare ou dans un aéroport ne suffit pas : il faut creuser un peu, pour essayer d’analyser. […] J’ai fait un calcul simple : j’investis 20 000 euros sur trois semaines sur LVL Médical pour voir ce qui se passait sur cette valeur. Pour moi, c’était un investissement de bon père de famille, le risque était limité ». Il résulte de ces déclarations que M. André Rosello a, de façon fortuite, été informé de l’opération de cession portant sur le capital de LVL Médical. Il est donc établi, au regard de cet élément et de l’ensemble des éléments précis et concordants recensés ci-dessus, que M. André Rosello, gérant de la société Sofiro, détenait l’information privilégiée en cause. Sur l’utilisation de l’information privilégiée par la société Sofiro La notification de griefs indique, au vu des déclarations de M. André Rosello, que ce dernier savait ou aurait dû savoir que l’information qu’il détenait revêtait un caractère privilégié. M. André Rosello fait valoir qu’il n’avait pas eu conscience de détenir une information privilégiée. M. André Rosello a déclaré aux enquêteurs qu’après avoir été témoin de l’indiscrétion en gare d’Arras, il s’est rendu sur les sites Internet d’Air Liquide et s’est renseigné auprès de personnes susceptibles de connaître les mécanismes boursiers pour comprendre « comment cela fonctionnait ». Il a également indiqué à son contact auprès du CM-CIC avoir « un « tuyau » sur LVL Medical ». 40

Il résulte de ces éléments que c’est en connaissance du caractère privilégié de l’information relative à la cession d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical par la famille Lavorel et au projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent que M. André Rosello a acquis, pour le compte de la société Sofiro dont il était le gérant, 1 269 actions LVL Médical le 7 juin 2012. Ainsi, le manquement à l’obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée notifié à la société Sofiro est caractérisé. (k) Sur la détention et la transmission de l’information privilégiée par M. A Il est reproché à M. A d’avoir transmis l’information privilégiée à M. André Rosello, gérant de la société Sofiro, ainsi qu’à six autres personnes de son entourage.

Sur la détention de l’information privilégiée par M. A La notification de griefs adressée à ce mis en cause relève qu’il résulte de ses déclarations selon lesquelles il a entendu, en gare d’Arras, une discussion relative à une opération en préparation entre les sociétés ALSI et LVL Médical, qu’il détenait l’information privilégiée en cause. M. A fait valoir qu’il n’a surpris qu’une conversation entre deux inconnus, qu’il qualifie de « ragot ». M. A a déclaré aux enquêteurs : « Une fois, M. Rosello m’a raccompagné à la gare d’Arras. Au buffet de la gare d’Arras, on a entendu qu’il y avait un projet de rachat d’Air Liquide sur LVL Médical. On s’est dit : c’est énorme ce truc-là. (…) Il est possible que le soir quand je suis rentré après avoir entendu l’indiscrétion, j’ai pu aller dîner chez eux, chez mon frère Luc. Je vais dîner assez souvent chez eux. Je leur ai sans doute dit : « j’en ai entendu une bonne ». Je leur ai peut-être dit que j’avais entendu cette indiscrétion en gare d’Arras. J’ai regardé sur internet pour voir l’évolution de LVL Médical. (…) J’ai vu que le cours de l’action était plat et tel un tremblement de terre, le cours a commencé à monter et le volume commencé à monter ». Il a également déclaré au rapporteur : « On trouvait surprenant que des gens comme ça puissent échanger de tels propos dans un lieu public. Mais faut-il être surpris ? Quand on prend le train, comme ce matin, de Lille à Paris, il y a tous les ordinateurs d’ouverts avec les « camemberts ». Avec du recul, plus rien ne m’étonne, mais dans ce cas c’était tout de même assez surprenant ». Il résulte de ces déclarations que M. A a, de façon fortuite, été informé de l’opération de cession portant sur le capital de LVL Médical. Il est donc établi que M. A détenait l’information privilégiée en cause. Sur la transmission de l’information privilégiée par M. A à M. André Rosello Il est reproché à M. A d’avoir transmis l’information privilégiée à M. André Rosello, gérant de la société Sofiro, qui aurait investi sur le titre LVL Médical indirectement pour son bénéfice, la notification de griefs relevant à cet égard que :

- les acquisitions de titres LVL Médical effectuées par la société Sofiro semblent ne pouvoir s’expliquer que par la détention d’une telle information, en raison (i) du moment opportun auquel son ordre a été passé ; (ii) du caractère atypique de cet investissement par rapport aux habitudes de la société Sofiro et de son gérant ; (iii) des modalités de passation de l’ordre litigieux ; (iv) de l’indication de

M. André Rosello à son conseiller financier selon laquelle il détenait « un tuyau sur LVL Médical » ; et (v) du fait que plusieurs personnes de l’entourage de M. A sont également intervenues sur le titre LVL Médical.

- l’analyse des factures détaillées des téléphones portable et fixe de M. André Rosello a permis d’identifier plusieurs échanges téléphoniques avec M. A avant et après le passage de l’ordre d’achat du 7 juin 2012. M. A a également indiqué avoir effectué des recherches sur le titre LVL Médical.

- il est apparu que M. André Rosello a organisé la rétrocession, au bénéfice de M. A, de 10% de la plus- value réalisée par la société Sofiro lors de la revente des titres LVL Médical. En effet, le 3 septembre 2012, M. André Rosello a adressé les consignes suivantes à sa sœur, Mme […], co-gérante de la société Sofiro : « Concernant les gains de LVL Médical sur SOFIRO me donner le montant exact, et l’envoyer à A sur son mail […] les 10% que je lui ai promis ». Puis, le 6 41

septembre 2012, Mme […] répondait : « j’ai vu le problème avec Monsieur […] [Expert-comptable de la société Sofiro]. en fait il faut que A effectue une facture pour « conseil en financement » à hauteur de 1800€ ». La société A a alors émis une facture à l’attention de la société Sofiro en date du 5 octobre 2012 dont l’objet était : « Prospection- Recherche et mise en relation avec industriels Agro alimentaires ». Le paiement de cette facture a été effectué par chèque de la société Sofiro, encaissé sur le compte de Mme […], ex-épouse de M. A. M. A fait valoir qu’il ne peut y avoir de transmission de l’information privilégiée dès lors que

M. André Rosello étant présent à ses côtés lorsqu’il a surpris la conversation relative à LVL Médical en gare d’Arras. Il soutient ne pas avoir été informé des modalités de la transaction effectuée par la société Sofiro, et que la somme de 1 800 euros payée par cette société ne peut constituer une rémunération reçue pour la transmission d’une information que André Rosello possédait déjà. M. André Rosello a déclaré aux enquêteurs : « J’ai été témoin d’une indiscrétion dans le bar de la gare d’Arras. J’ai entendu une discussion car j’accompagnais un ami en gare. J’ai entendu qu’il y aurait des mouvements entre LVL Médical et Air Liquide alors que je raccompagnais un ami en gare à Calais. Cette indiscrétion, je l’ai entendue dans une gare quelques semaines avant de passer l’ordre. […] J’ai raccompagné cette personne à la gare d’Arras vers le 16 mai 2012, de mémoire. Il s’agit de M. A. C’est une connaissance professionnelle depuis 25 ans ». Aucun élément ne permet de remettre en cause la véracité de ces déclarations, dont il résulte que ces mis en cause ont été témoins, au même moment, d’une conversation en gare d’Arras au cours de laquelle ils auraient pris connaissance de l’information privilégiée. Ainsi, le grief de transmission de l’information privilégiée à M. André Rosello, qui a été notifié à M. A, n’est pas caractérisé. Sur la transmission de l’information privilégiée par M. A à Mme C, Mme D, Mme E, M. F, M. U et M. G Il est reproché à M. A d’avoir transmis l’information privilégiée à Mme C, Mme D, Mme E, M. F, M. U et M. G, la notification de griefs relevant que : − toutes ces personnes sont intervenues sur le titre LVL Médical entre le 1er et le 6 juin 2012, peu avant l’annonce de l’opération sur LVL Médical, alors qu’aucune d’entre elles n’avait l’habitude d’investir sur les marchés financiers ; et − M. A a indiqué lors de son audition par les enquêteurs avoir dîné chez son frère,

M. U, le jour où il a entendu parler de l’opération sur LVL Médical en gare d’Arras et lui avoir parlé de cette opération, l’enquête ayant permis de confirmer ce repas chez M. U ainsi que la présence de M. G. M. A fait valoir qu’il n’a eu qu’une brève discussion avec son frère, au cours de laquelle il a rapporté les propos entendus en gare d’Arras. Il soutient ne pas avoir transmis l’information privilégiée aux autres personnes mentionnées dans la notification de griefs, que Mme C et Mme D ont d’ailleurs déclaré aux enquêteurs ne pas avoir investi sur ses conseils, que Mme E aurait pu entendre parler de l’opération en cours sur LVL Médical en d’autres occasions, et qu’enfin M. F est un investisseur occasionnel. Mme C et son fils M. […] ont acquis 920 actions LVL Médical le 5 juin 2012 et 200 actions LVL Médical le 6 juin 2012. Mme D a acquis 149 actions LVL Médical le 30 mai 2012. Mme E a acquis 585 actions LVL Médical le 1er juin 2012. M. F a acquis 250 actions LVL Médical le 1er juin 2012. M. U a acquis pour son compte et celui de son épouse et de ses enfants un total de 985 actions LVL Médical entre le 1er et le 4 juin 2012. M. G a acquis 174 actions LVL Médical le 1er juin 2012. M. A a déclaré aux enquêteurs : « Il est possible que le soir quand je suis rentré après avoir entendu l’indiscrétion, j’ai pu aller diner chez eux, chez mon frère Luc. Je vais diner assez souvent chez eux. Je leur ai sans doute dit : « j’en ai entendu une bonne ». Je leur ai peut-être dit que j’avais entendu cette indiscrétion en gare d’Arras. J’ai regardé sur internet pour voir l’évolution de LVL Médical. Mon frère Luc a peut-être vu que je regardais le site internet de la société. J’ai vu que le cours de l’action était plat et tel un tremblement de terre, le cours a commencé à monter et le volume commencé à monter ». Pour sa part, M. U a indiqué, en 42

réponse à la question « Comment avez-vous su qu’une opération était en cours sur le titre LVL Médical ? » posée par les enquêteurs : « Je l’ai su par mon frère, […] C’était en fin de repas. Je l’avais invité à déjeuner. Il m’a fait part d’un écho : mon frère […] m’a dit qu’il y avait une opération en cours sur le titre LVL Médical. Il a dit cela en présence de mon beau-frère, M. G qui était venu réparer la chaudière ». L’ensemble de ces déclarations permet d’établir que M. A a transmis l’information en cause à MM. U et M. G. Les interventions de Mme C, Mme D, Mme E et de M. F sur le titre LVL Médical ont eu lieu entre le 1er et le 6 juin 2012, soit à un moment opportun juste avant l’annonce de l’opération, ce qui constitue, pour chacune de ces personnes, un indice de détention de l’information privilégiée. Ces personnes sont toutes des amies de M. A.

Au regard de la capitalisation de LVL Médical et des habitudes d’investissement de

Mme C, Mme D, Mme E et de M. F, leurs achats de titres LVL Médical présentent un caractère atypique, ce qui constitue, pour chacun d’eux, un indice de détention de l’information privilégiée. Il résulte sans équivoque de ces indices précis et concordants que : − seule la communication de l’information privilégiée par M. A à Mme C permet d’expliquer l’acquisition par cette dernière et son fils, M. […], de 920 actions LVL Médical le 5 juin 2012 et de 200 actions LVL Médical le 6 juin 2012 ; − seule la communication de l’information privilégiée par M. A à Mme D permet d’expliquer l’acquisition par cette dernière de 149 actions LVL Médical le 30 mai 2012 ; − seule la communication de l’information privilégiée par M. A à Mme E permet d’expliquer l’acquisition par cette dernière de 585 actions LVL Médical le 1er juin 2012 ; et − seule la communication de l’information privilégiée par M. A à M. F permet d’expliquer l’acquisition par ce dernier de 250 actions LVL Médical le 1er juin 2012. Sur la connaissance par M. A du caractère privilégié de l’information La notification de griefs indique que M. A savait ou aurait dû savoir que l’information dont il était détenteur revêtait un caractère privilégié. M. A fait valoir que n’étant pas un acteur assidu des marchés financiers, il ignorait que des propos échangés entre deux inconnus, dans un lieu public, pouvaient constituer une information privilégiée. M. A n’a procédé à aucune acquisition de titres LVL Médical. Il ne peut être déduit de la seule circonstance qu’il a indiqué avoir été surpris lorsqu’il a été témoin de la conversation en gare d’Arras, qu’il savait être en possession une information privilégiée. Par ailleurs, M. A a déclaré aux enquêteurs : « J’ai un Bac +2. J’ai un BAC D et un BTS gestion agricole. J’étais responsable de l’activité commerciale dans l’agroalimentaire ». Il a également déclaré : « je n’ai pas de compte- titres. Avec les rémunérations que j’ai, je n’ai aucun compte-titres ». Au regard de sa formation, de ses qualifications et de son expérience, il n’est pas établi que ce mis en cause aurait dû savoir que l’information qu’il détenait était privilégiée. En conséquence, le grief reproché à M. A n’est pas caractérisé. (l) Sur la détention et la transmission de l’information privilégiée par M. U Il est reproché à M. U d’avoir, entre le 1er et le 4 juin 2012, acquis un total de 985 actions LVL Médical, en utilisant l’information privilégiée en cause. Sur la détention de l’information privilégiée par M. U La notification de griefs adressée à M. U retient que celui-ci détenait l’information privilégiée au moment de ses interventions sur le titre LVL Médical, en relevant à cet égard : 43


- le moment opportun des interventions sur le titre LVL Médical, ses ordres d’achat ayant été passés de façon subite les 1er et 4 juin 2012, soit quelques jours avant l’annonce de l’opération.

M. U a d’ailleurs ouvert un compte-titres dans les livres du Crédit Agricole pour pouvoir acquérir des titres LVL Médical pour le compte de ses enfants, MM. UA et UB, le 1er juin 2012, soit le jour de ses premières acquisitions ;

- le caractère atypique des opérations par rapport aux habitudes de M. U ;

- les modalités de passation de l’ordre d’achat, qui démontrent que M. U anticipait une forte hausse du cours du titre LVL Médical dans la mesure où les ordres d’achat sur la valeur LVL Médical ont été passés « au marché », sans aucune limite de prix ; et
- l’existence d’un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée, M. A ayant indiqué lors de son audition par les enquêteurs avoir entendu une discussion en gare d’Arras relative à une opération en préparation entre les sociétés ALSI et LVL Médical et avoir dîné chez son frère, M. U, le soir même, ce que ce dernier a confirmé. M. U conteste avoir détenu l’information privilégiée en cause, faisant valoir qu’il n’avait connaissance ni des modalités, ni de la date ou de l’imminence de l’opération en préparation. Il indique avoir pris la décision d’investir après avoir observé l’évolution du cours de LVL Médical et remarqué un accroissement soudain du volume des transactions accompagné d’une hausse du cours qui révélaient, selon lui, une possible opération imminente. Le 1er juin 2012, alors qu’il n’était jamais intervenu sur le titre LVL Médical auparavant, M. U a acquis (i) 270 actions LVL Médical pour son compte et pour celui de son épouse Mme UC ; (ii) 270 actions LVL Médical pour le compte de son fils UA ; (iii) 270 actions LVL Médical pour le compte de son fils UD. En outre, les 1er et 4 juin 2012,

M. U a acquis un total de 175 actions LVL Médical pour le compte de son fils UD. Ces acquisitions ont été réalisées à quelques jours de l’annonce de l’opération sur LVL Médical, ce qui constitue un moment opportun et un indice de détention de l’information privilégiée. Les relevés de compte-titres de M. U montrent qu’il n’avait réalisé aucun investissement sur les marchés financiers entre le 1er janvier et le 30 juin 2012, à l’exception des opérations sur le titre LVL Médical. M. U a déclaré aux enquêteurs : « En 2008, […] j’avais un PEA chez HSBC, mon épouse en avait un chez Crédit Agricole. Avant j’intervenais en bourse une ou deux fois par an, toujours avec l’aide de ma conseillère. […]. Il avait dégringolé avec la crise de 2008 et j’ai donc décidé de vendre les titres qui étaient dessus. Maintenant, il doit y avoir environ 400 euros sur ce PEA. Je n’avais jamais vraiment boursicoté. Je faisais partie d’un club d’investissement – YSER 1985 – mais je n’étais pas un membre très actif. […] Aujourd’hui, je ne suis plus très actif sur les marchés financiers ». Ces investissements étaient les premiers réalisés par M. U sur les marchés financiers depuis plusieurs années. Ils étaient donc, de ce point de vue, atypique par rapport à ses habitudes, ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée. Les relevés de compte-titres de M. U et de ses enfants établissent aussi que les ordres passés sur le titre LVL Médical l’ont été « à tout prix », c’est à dire sans aucune limite de prix, ce qui témoigne du fait que ce mis en cause anticipait une forte hausse du cours de ce titre, et constitue ainsi un indice de détention de l’information privilégiée. Il vient d’être constaté que M. A détenait l’information privilégiée en cause. Par ailleurs, il résulte de ses déclarations reproduites ci-dessus qu’il avait été informé par son frère, M. A et qu’une opération était en cours sur le titre LVL Médical, ce que M. A a confirmé. M. U a également indiqué : « Suite à ce que m’avait dit mon frère, j’avais souhaité vérifier cette rumeur. Je me suis rendu compte que depuis la mi-mai, cette action s’était comportée de manière anormale, compte tenu de son profil. J’en ai déduit qu’il se passait quelque chose, que des gens bien avisés travaillaient sur cette action, que quelque chose se tramait. […] Lorsqu’on cliquait sur un site boursier, on voyait une brusque augmentation du cours. Je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire. La rumeur dont mon frère m’a fait part paraissait ainsi fondée ». Ces déclarations prouvent l’existence d’un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée de M. A à M. U, ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée. 44

Le rapprochement de l’ensemble des indices précis et concordants recensés ci-dessus montre que seule la détention par M. U de l’information relative à la cession d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical par la famille Lavorel et au projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent permet d’expliquer les acquisitions réalisées par ce mis en cause entre les 1er et 4 juin 2012. Sur l’utilisation de l’information privilégiée par M. U La notification de griefs relève, au vu de l’ensemble des éléments retenus pour montrer la détention de l’information privilégiée par M. U, qu’il savait ou aurait dû savoir que l’information qu’il détenait était privilégiée. M. U a déclaré aux enquêteurs avoir, jusqu’en 2008, disposé d’un PEA actif et avoir, par le passé, appartenu à un club d’investissement. Il a également indiqué avoir analysé l’évolution du cours du titre LVL Médical dans les mois précédant son intervention afin de prendre sa décision d’investissement. Il résulte de ces éléments que M. U ne pouvait ignorer le caractère privilégié de l’information relative à la cession d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical par la famille Lavorel et au projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent lorsqu’il a, entre le 1er et le 4 juin 2012, acquis 985 actions LVL Médical. Ainsi, le manquement à l’obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée notifié à

M. U est caractérisé. (m) Sur la détention, l’utilisation de l’information privilégiée et la recommandation de la réalisation d’une opération sur le fondement de cette information par M. W Il est reproché à M. W d’avoir, entre le 7 mai et le 7 juin 2012, acquis un total de 9 256 actions LVL Médical pour un montant de 137 164 euros, en utilisant l’information privilégiée en cause. Il lui est également reproché d’avoir recommandé à son frère, M. WA, d’acquérir des titres LVL Médical sur le fondement de cette information privilégiée. Sur la détention de l’information privilégiée par M. W La notification de griefs adressée à M. W retient que celui-ci détenait l’information privilégiée au moment de ses interventions sur le titre LVL Médical, en relevant à cet égard :

- le caractère atypique du choix du titre LVL Médical, coté sur le compartiment C d’Euronext Paris, alors que le portefeuille de M. W était exclusivement composé de valeurs scandinaves cotées sur OMX Nasdaq, le caractère surprenant de ce choix étant renforcé par le fait que la majorité des publications de LVL Médical ainsi que l’ensemble des analyses financières, articles de presse et messages de forums relatifs à cette valeur étaient rédigés en français, langue que ce mis en cause maîtrisait mal ;

- l’importance des montants investis sur LVL Médical, qui ont représenté 21,7% de la valeur de son portefeuille au 14 juin 2012, alors qu’à cette date seule une autre valeur détenue par M. W représentait un investissement plus important ;

- les modalités de passation des ordres qui démontrent que ce mis en cause anticipait une forte hausse du cours du titre LVL Médical, celui-ci ayant commencé à acquérir des titres LVL Médical à un prix inférieur à 12 euros par action le 8 mai 2012 et passé ses derniers ordres à des cours limites de 16 euros par action le 7 juin 2012 soit la veille de l’annonce de l’opération de cession de LVL Médical, alors même qu’il avait constaté, à cette date, une plus-value latente supérieure à 35% sur ses premières acquisitions. Cette anticipation d’une forte hausse du cours ressort également du caractère « agressif » des ordres passés, qui l’ont tous été au marché ou à des cours limites élevés, la poursuite ayant en outre relevé un changement de comportement de M. W, ce dernier ayant passé son ordre d’achat le plus important le 7 juin 2012, alors que le cours avait atteint son plus haut niveau depuis le début de l’année 2012 et que le 30 mai 2012 LVL Médical avait annoncé des résultats décevants pour le premier semestre de l’exercice 2011/2012 ;

- un indice temporel tenant au moment opportun des interventions de M. W, qui a commencé à acquérir des titres LVL Médical de façon subite entre le 7 mai et le 18 mai 2012 et a passé un dernier ordre le 7 juin 2012, soit la veille de l’opération en cause, alors que ce mis en cause n’était jamais intervenu sur ce 45

titre auparavant et que les dates de ses interventions coïncident avec le calendrier des négociations qui se sont déroulées entre Linde Group et LVL Médical ;

- l’absence de raisons convaincantes évoquées pour justifier de ses interventions sur le titre LVL Médical, M. W ayant indiqué, d’une part, souhaiter diversifier son portefeuille alors que cette diversification s’est limitée aux seules acquisitions de titres LVL Médical litigieuses et, d’autre part, s’être fondé sur sa propre analyse, alors que celle-ci consistait en une simple collecte de données disponibles sur les forums boursiers ; et
- l’existence d’un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée, M. W étant ami depuis l’enfance avec M. B, qui était à l’époque des faits head of healthcare (directeur du service de santé) de Linde Group et l’un des principaux collaborateurs de Linde Group impliqués dans le processus de rachat de la participation de la famille Lavorel dans LVL Médical et était, à ce titre, au fait de l’opération depuis le 13 avril 2012. M. B était en outre responsable de la société AGA AB, filiale suédoise de Linde Group, dont le siège social est situé à Solna, dans la banlieue de Stockholm, à quelques centaines de mètres de la résidence principale de M. W. M. W conteste avoir détenu une information privilégiée et remet en cause chacun des indices retenus par la poursuite. Il indique notamment que les investissements qu’il a réalisés entre le 7 et le 18 mai 2012 résultaient d’une volonté de diversifier son portefeuille et de réduire les risques financiers et monétaires liés à la situation incertaine de la bourse de Stockholm en mai 2012, qui a justifié le moment de ses interventions sur LVL Médical, société qui constituait selon lui une valeur défensive unique qui remplissait l’ensemble des critères d’investissement qu’il s’était fixés. Il affirme que la situation de la bourse de Stockholm s’étant améliorée par la suite, il n’avait plus de raison de poursuivre ses objectifs de diversification, ce qui explique qu’il ne se soit orienté vers aucune autre valeur cotée sur un autre marché que l’OMX Nasdaq après ses investissements en titres LVL Médical. M. W explique en outre que ses acquisitions réalisées le 7 juin 2012 ont constitué une réaction rationnelle à la hausse inhabituelle du cours et du volume des échanges d’actions LVL Médical entre le 18 mai et le 6 juin 2012, les rumeurs entourant un possible rachat de LVL Médical étant, entre mai et juin 2012, persistantes. Ce mis en cause conteste également le caractère atypique du choix de la valeur LVL Médical, en relevant que la poursuite a uniquement pris en compte ses investissements en titres cotés alors qu’il détenait de nombreuses valeurs non-scandinaves non-cotées, ce qui remet en cause, selon lui, la pertinence des indices retenus. Il conteste également les conclusions du rapporteur selon lequel ses investissements auraient revêtu un caractère massif par rapport au volume de titres échangés sur le marché alors que ces investissements n’ont représenté que 16% de l’ensemble des échanges de titres LVL sur la période allant du 7 mai au 7 juin 2012. M. W soutient encore que les modalités de passation de ses ordres ne révèlent aucune certitude de forte hausse du cours de sa part mais sont justifiées par le souhait qu’il avait d’éviter des frais de négociation trop élevés, dès lors que chaque ordre exécuté était soumis à une commission composée d’un montant fixe et d’un pourcentage du montant négocié et qu’il essayait donc, en fonction des deux ou trois meilleures limites qui étaient visibles dans le carnet d’ordres, de faire exécuter ses ordres en totalité au cours d’une seule journée. Enfin, M. W remet en cause l’existence d’un circuit plausible de transmission et indique que les liens qui l’unissent à M. B ont été largement exagérés par la poursuite. La première intervention de M. W sur le titre LVL Médical remonte au 7 mai 2012, soit quelques semaines avant l’annonce de la cession par la famille Lavorel d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical et le projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent, et sa dernière intervention a eu lieu le 7 juin 2012, la veille de cette opération, soit à des moments opportuns qui constituent un indice de détention de l’information privilégiée. Les acquisitions de titres LVL Médical par M. W ont été réalisées les 7, 8, 9, 10 et 18 mai 2012 ainsi que le 7 juin 2012. La poursuite relève que le 7 mai 2012 correspond également à la date à laquelle la seconde phase des négociations entre LVL Médical et Linde Group a débuté. Cependant, cet acquéreur potentiel a été invité dès le 3 mai 2012 à entrer en phase II des négociations, la date du 7 mai 2012 ne correspondant pas, contrairement à ce que soutient la poursuite, à un tournant dans l’avancée des négociations, ni au moment auquel M. B, transmetteur potentiel de l’information privilégiée selon la poursuite, a été informé de l’opération, ce dernier ayant déjà assisté à une réunion intitulée internal kick off Linde (lancement interne Linde) le 18 avril 2012 ainsi qu’à une présentation de LVL Médical par la famille Lavorel le 20 avril 2012. La notification de griefs indique en outre qu’après s’être interrompu quelques jours, M. W a repris ses acquisitions les

15 et 18 mai 2012 alors que le 16 mai 2012 M. B, transmetteur potentiel de l’information privilégiée, avait assisté à une autre présentation de LVL Médical organisée par la famille Lavorel. Cependant, aucune acquisition n’a été 46

réalisée par M. W le 15 mai 2012, et la date du 16 mai ne correspond à aucun moment clé des investissements de ce dernier. Ainsi, contrairement à ce que soutient la poursuite, les dates d’intervention de M. W ne coïncident pas avec le calendrier des négociations entre Linde Group et LVL Médical, sans que cette circonstance soit de nature à remettre en cause l’indice temporel tiré du moment opportun de ses interventions. Les relevés de compte-titres de M. W versés au dossier montrent que, au moment de ses interventions sur le titre LVL Médical, il détenait uniquement des valeurs scandinaves cotées sur OMX Nasdaq, de sorte que le choix de LVL Médical, société cotée sur Euronext Paris, était atypique. Les investissements réalisés par M. W dans des valeurs non cotées ne peuvent contribuer à déterminer ses habitudes d’investissement sur les marchés financiers résultant de l’étude de son compte-titres qui porte exclusivement sur les titres cotés. Au demeurant, il résulte des relevés qu’il produit qu’entre 1995 et 2000, il a acquis certains titres de sociétés non cotées sur OMX Nasdaq alors qu’aucune d’entre elles n’était cotée sur Euronext Paris, à la différence de LVL Médical. En outre, l’ancienneté de ces investissements les prive de pertinence dans l’appréciation des habitudes de M. W au moment des faits, ce dont il résulte que le caractère atypique du choix de la valeur LVL Médical constitue un indice de détention de l’information privilégiée par M. W. Les relevés de compte-titres produits par M. W montrent aussi que le 7 juin 2012, alors qu’il avait terminé ses acquisitions de titres LVL Médical et avant qu’il ne les cède, cession qui est intervenue le 11 juin 2012, la valeur de son portefeuille s’élevait à 833 770 euros, les investissements les plus importants en représentant respectivement 22,04% (Africa Oil), 15,23% (LVL Médical) et 14,62% (Öriga). La date du 14 juin 2012, retenue par la poursuite, postérieure à cette cession, n’est pas pertinente pour évaluer le caractère massif de l’investissement litigieux, les titres en cause ne faisant plus partie du portefeuille de M. W. Ainsi, les titres LVL Médical représentaient une part importante de son portefeuille au 7 juin 2012 sans que, par sa taille, cet investissement ne soit atypique par rapport à ses autres investissements. Il résulte des données relevées dans le rapport d’enquête que les investissements réalisés par M. W ont, les 7, 8, 9, 10, 18 mai 2012 et le 7 juin 2012, respectivement représenté 14%, 30%, 50%, 20%, 11% et 11% du nombre de titres LVL Médical échangés sur le marché à ces dates. M. W fait observer que la somme de tous les titres acquis à ces six dates ne représentait que 16% de l’ensemble des titres échangés à ces mêmes dates. Il n’en demeure pas moins que les ordres passés les 8, 9 et 10 mai 2012 ont représenté au moins 20% des titres échangés. Ces investissements massifs étaient donc atypiques par rapport aux opérations des autres intervenants ce qui constitue un indice de détention de l’information privilégiée.

L’ordre passé le 7 mai 2012 par M. W l’a été au marché et les ordres suivants ont été placés à des limites supérieures à celles des fourchettes de cotation nonobstant de fortes augmentations du cours (+6,8% entre le 8 et le 18 mai 2012 et +33,1% entre le 8 mai et le 7 juin 2012). Le niveau de prix auquel ces ordres étaient passés impliquait donc une exécution certaine de ces ordres, eu égard à la liquidité du titre LVL Médical, et donc l’anticipation d’une hausse du cours du titre LVL Médical. L’explication apportée par M. W tenant à son souci d’éviter des commissions élevées n’est pas pertinente et ne remet pas en cause la certitude de l’exécution de ces ordres, dès lors que ceux-ci étaient passés à des limites supérieures aux meilleures limites connues, même lorsque le cours du titre LVL Médical augmentait sensiblement, et qu’en l’absence d’exécution de ces ordres il n’était pas tenu de s’acquitter des frais de négociation y afférents. M. W justifie plus spécifiquement son dernier ordre exécuté le 7 juin 2012, qui a également été le plus important, comme une réaction à l’augmentation des volumes d’échange et du cours de ce titre. Cependant, des cours supérieurs à celui du 7 juin 2012 avaient été enregistrés dans les jours précédents et le compte-rendu de l’échange téléphonique qui s’est déroulé le 7 juin 2012 entre ce mis en cause et son courtier révèle qu’il était prêt à placer cet ordre à une limite supérieure de plus de 16% à la meilleure limite à la vente au moment auquel il a passé ces ordres, ce dont il résulte que M. W anticipait une forte hausse du cours du titre LVL Médical pour cet ordre également. Il résulte de ces éléments que les modalités de passation des ordres de M. W constituent un indice de détention de l’information privilégiée.

M. W a fait état de son souhait de diversifier son portefeuille de titres, cette diversification s’étant limitée à l’acquisition de titres LVL Médical, en raison des risques financiers qui pesaient sur ses placements en valeurs scandinaves cotées sur OMX Nasdaq dus à l’instabilité de la bourse de Stockholm en mai 2012. Cependant, il n’est pas établi qu’il ait cédé des participations dans de telles valeurs afin de procéder aux acquisitions litigieuses, de sorte que la réalisation d’un investissement supplémentaire ne lui permettait pas de se prémunir des risques qui pesaient sur ses investissements préexistants. La justification apportée n’est donc pas convaincante. M. W indique également que ses interventions sur le titre LVL Médical ont été réalisées suite à la 47

consultation de données publiquement disponibles. Cependant, les rumeurs circulant sur cette société dans la presse ou sur les forums boursiers n’étaient pas assez précises pour justifier de tels investissements, ce qui prive de caractère convaincant la justification apportée. L’absence d’explications convaincantes justifiant de ses interventions sur le titre LVL Médical constitue un indice de détention de l’information privilégiée. Enfin, il résulte des déclarations de M. W et de M. B que ces deux mis en cause étaient amis de longue date. Les documents produits par Linde Group, et notamment le calendrier de ses négociations avec LVL Médical et la liste des parties impliquées dans ce processus révèlent que M. B était, du fait de ses fonctions, informé des négociations relatives à l’acquisition par Linde Group de la participation de la famille Lavorel dans LVL Médical depuis le 13 avril 2012. En revanche, si M. B était également responsable de la filiale suédoise de Linde Group, le siège de cette société est situé à Lindigö, et non à Solna où réside

M. W, comme l’indique de manière inexacte la notification de griefs. Par ailleurs, au cours de l’année 2012 et antérieurement aux interventions litigieuses, M. B et M. W ont échangé plusieurs emails, entre le 21 février et le 9 mars 2012, relatifs à la visite de M. W à Munich où résidait alors

M. B, sans que cette rencontre n’ait eu lieu. Ils se sont vus une fois à Stockholm au cours de l’été. Ces seuls contacts sont insuffisants à caractériser l’existence d’un circuit plausible de transmission entre eux. Cependant, un manquement d’initié peut être sanctionné sans qu’il soit besoin d’établir la source qui se trouve être à l’origine de la détention de l’information privilégiée ni d’établir avec précision les circonstances dans lesquelles l’information est parvenue à la personne qui l’a utilisée. Nonobstant l’absence de circuit plausible de transmission, l’ensemble des indices précis et concordants recensés ci-dessus montre que M. W détenait l’information relative à la cession d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical par la famille Lavorel et au projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent au moment de ses acquisitions de titres LVL Médical, entre le 7 mai et le 7 juin 2012. Sur l’utilisation de l’information privilégiée par M. W La notification de griefs relève, au vu de l’ensemble des éléments retenus pour montrer la détention de l’information privilégiée par M. W, que ce mis en cause savait ou aurait dû savoir que l’information qu’il détenait revêtait un caractère privilégié. Il résulte des déclarations de M. W ainsi que de ses relevés de compte-titres qu’il était un investisseur régulier et disposait d’un portefeuille évalué en 2012 à plus de 700 000 euros de sorte qu’il ne pouvait ignorer le caractère privilégié de l’information relative à la cession d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical par la famille Lavorel et au projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent au moment de ses acquisitions de titres LVL Médical, entre le 7 mai et le 7 juin 2012. Ainsi, le manquement à l’obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée notifié à M. W est caractérisé. Sur la recommandation d’acquérir des titres LVL Médical formulée par M. W La notification de griefs adressée à ce mis en cause retient un ensemble d’éléments susceptibles de prouver que M. W a recommandé à son frère, M. WA, d’acquérir des titres LVL Médical sur le fondement de l’information privilégiée qu’il détenait et relève à cet égard :

- que M. WA a, entre le 8 mai et le 7 juin 2012, acquis 3 300 titres LVL Médical pour un montant total de 44 930 euros ;

- que M. W a indiqué, lors de son audition par les enquêteurs, avoir conseillé à son frère d’investir sur LVL Médical ;

- que M. WA a indiqué, lors de son audition par les enquêteurs, que M. W gérait son compte-titres et avait l’habitude de réaliser des opérations pour son compte ;

- le caractère atypique des investissements de M. WA tenant au choix de la valeur LVL, première valeur française sur laquelle ce dernier investissait, et à l’importance de cet investissement qui a représenté 31,02% de la valeur de son portefeuille au 14 juin 2012 ; 48


- les modalités de passation des ordres, placés au marché ou à des prix supérieurs aux meilleures limites en constante augmentation, qui démontraient l’anticipation d’une forte hausse du cours du titre LVL Médical ;

- la poursuite de ses acquisitions à un prix élevé le 7 juin 2012 alors que le 30 mai 2012 LVL Médical avait annoncé des résultats décevants pour le premier semestre de l’exercice 2011/2012 ;

- le moment opportun de ses interventions qui ont débuté de manière subite le 8 mai 2012 pour s’interrompre le 7 juin 2012 soit la veille de l’opération ;

- la qualification de « tuyau » puis de « conseil » donnée en réponse à son courtier qui l’interrogeait afin de savoir comment il avait connu le titre LVL Médical ;

- le fait que M. WA ait eu du mal à trouver le titre LVL Médical sur Internet à la demande de son courtier et qu’il ait précisé à ce dernier que M. W y était parvenu en passant par la page Internet d’Euronext alors que ce dernier affirmait avoir effectué une analyse approfondie de cette valeur et collecté des informations sur plusieurs médias financiers ; et
- le volume important représenté par les ordres conjoints de MM. Anders et W par rapport aux échanges de titres LVL Médical, notamment les 8 et 10 mai 2012. M. W conteste ce grief et relève notamment que la poursuite se fonde sur une mauvaise interprétation des discussions qui ont eu lieu entre son frère, M. WA, et son courtier au sujet du titre LVL Médical, son frère n’ayant nullement indiqué qu’il détenait une information privilégiée mais simplement qu’il agissait sur ses instructions et n’était donc pas à même d’identifier précisément la valeur recherchée. M. W soutient également que ses ordres, combinés à ceux de son frère, n’ont représenté que 3,31% de la totalité des échanges de titres LVL Médical réalisés entre le 7 mai et le 7 juin 2012, ce qui ne peut être considéré comme suspect ou anormal, ce d’autant plus que le volume d’échanges quotidiens moyen des actions LVL Médical était historiquement limité. Il a été établi que M. W détenait l’information privilégiée en cause dès le 7 mai 2012, date de ses premières acquisitions de titres LVL Médical. Il résulte des déclarations de MM. Anders et W que ce dernier gérait le compte-titres de son frère, et passait directement des ordres pour son compte, en reproduisant souvent dans une moindre mesure ses propres investissements, à l’exception des ordres portant sur LVL Médical qui, en tant que valeur cotée sur Euronext, nécessitait l’intermédiation téléphonique d’un courtier. Lors de sa première passation d’ordres portant sur des titres LVL Médical, le courtier de M. WA l’a interrogé afin de savoir comment il avait identifié cette société. M. WA lui a répondu, en anglais, être intervenu sur un « tip » de son frère, terme qui a été traduit par « tuyau » dans la notification de griefs et par « conseil » et « instruction » par M. W. Cette divergence de traduction est sans incidence sur la caractérisation des échanges entre les deux frères au sujet de LVL Médical, qui ont tous deux indiqué que M. WA avait agi sur une instruction, synonyme de recommandation, de son frère Lars. En outre, il résulte de l’enregistrement des conversations de M. WA avec son courtier que ce dernier est intervenu à plusieurs reprises sur le titre LVL Médical à compter du 8 mai 2012, soit quelques semaines avant l’annonce de l’opération, alors qu’il n’avait jamais acquis d’action de cette société auparavant. Cette date correspond au lendemain du jour auquel M. W a débuté ses propres acquisitions de titres LVL Médical. M. WA s’est interrompu le 7 juin 2012, veille de l’annonce de l’opération en cause et date des dernières acquisitions de M. W sur ce titre, ce qui constitue un indice temporel de réception d’une recommandation fondée sur une information privilégiée à cette date. Le relevé du compte-titres de M. WA au 14 juin 2012 révèle que son portefeuille était exclusivement composé de valeurs scandinaves, de sorte que l’investissement en titres LVL Médical était, de ce point de vue, atypique, ce qui constitue un indice de réception d’une recommandation fondée sur une information privilégiée. Ce relevé de compte-titres montre également qu’au 14 juin 2012 le portefeuille de M. WA s’élevait à environ 145 000 euros. Afin de mesurer l’importance des investissements en titres LVL Médical par rapport à la valeur de son portefeuille, il convient de se placer non pas au 14 juin 2012, date postérieure à la cession par ce 49

mis en cause de l’intégralité des titres LVL Médical retenue par la poursuite, mais au 7 juin 2012, date à laquelle M. WA avait réalisé la totalité de ses acquisitions de titres LVL Médical sans les avoir encore cédés. En l’absence d’autres mouvements réalisés sur ce compte, la valeur du portefeuille de M. WA s’élevait, au 7 juin 2012, à 190 000 euros. L’investissement en titres LVL a donc représenté 23,6% de la valeur de ce portefeuille, alors qu’à cette même date le deuxième investissement le plus important réalisé par

M. W en représentait à peine plus de 10%. L’investissement en titres LVL Médical était donc, par son importance, atypique par rapport aux habitudes de M. WA, ce qui constitue un indice de réception d’une recommandation fondée sur une information privilégiée. Il résulte par ailleurs de la retranscription de l’enregistrement des conversations de M. WA avec son courtier que tous ses ordres ont été placés à des prix limites qui ont augmenté à chaque nouvel ordre, ce qui démontre qu’il anticipait une hausse du cours du titre LVL Médical et constitue un indice de réception d’une recommandation fondée sur une information privilégiée. Enfin, les données recensées par les enquêteurs montrent que le nombre d’actions acquises par

M. WA les 8, 10, 15 mai et 7 juin 2012 ont respectivement représenté 17%, 9,5%, 4% et 4,5% de la totalité des actions LVL Médical échangées à ces dates. Les interventions de M. WA étaient donc, au moins pour celles du 8 mai 2012, atypiques par rapport au comportement des autres intervenants, ce qui constitue un indice de réception d’une recommandation fondée sur une information privilégiée, étant précisé que contrairement à ce que retient la poursuite, seules les acquisitions de titres de M. WA, à l’exclusion de celles de son frère M. W, peuvent être prises en compte pour déterminer le caractère habituel ou atypique de son investissement. Le rapprochement de l’ensemble des éléments précis et concordants recensés ci-dessus montre que les acquisitions de titres LVL Médical réalisées par M. WA entre le 8 mai et le 7 juin 2012 ne peuvent s’expliquer que par la recommandation reçue de M. W. Ainsi, le manquement à l’obligation d’abstention de recommander d’effectuer une opération sur le fondement d’une information privilégiée notifié à M. W est caractérisé. (n) Sur la détention et la transmission de l’information privilégiée par M. B Il est reproché à M. B d’avoir, en 2012, transmis à M. W l’information relative à la cession d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical par la famille Lavorel et au projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent. Sur la détention de l’information privilégiée par M. B

La notification de griefs adressée à M. B retient que ce dernier était, du fait de ses fonctions, au courant des négociations relatives à la cession d’une participation majoritaire dans le capital de LVL Médical par la famille Lavorel et au projet d’offre publique d’achat simplifiée subséquent depuis le 13 avril 2012. M. B ne conteste pas avoir détenu l’information en cause à cette date. Les documents produits par Linde Group, et notamment le calendrier de ses négociations avec LVL Médical et de la liste des parties impliquées dans ce processus, confirment que M. B était, du fait de ses fonctions, informé des négociations relatives à l’acquisition éventuelle par Linde Group de la participation de la famille Lavorel dans LVL Médical depuis le 13 avril 2012. Sur la transmission de l’information privilégiée par M. B à M. W La notification de griefs adressée à M. B reprend, au soutien de la démonstration de la transmission de l’information privilégiée par M. B à M. W, les éléments suivants :

- le fait que M. B était responsable de la filiale suédoise de Linde Group, dont le siège social est situé à Solna, à proximité de la résidence principale de M. W ;

- les contacts qui ont eu lieu entre M. B et M. W en 2012 ; 50


- le caractère atypique de l’investissement de M. W ; et
- la concomitance entre les dates des interventions de M. W sur le titre LVL Médical et le calendrier des négociations entre Linde Group et LVL Médical. M. B conteste l’ensemble de ces indices et relève notamment que le siège de la filiale suédoise de Linde Group n’est pas situé à Solna mais à Lidingö, ville éloignée de la résidence principale de M. W et conteste les conclusions que la notification de griefs tire des contacts qu’il a eus en 2012 avec M. W. Il a été établi que la filiale suédoise de Linde Group n’était pas située à proximité de la résidence principale de M. W, de sorte qu’il n’existait pas de proximité géographique entre ces deux mis en cause, contrairement à ce qu’affirme la poursuite. Il a encore été constaté qu’il n’existait pas de corrélation entre les dates des interventions de M. W sur le titre LVL Médical et le calendrier des négociations entre Linde Group et LVL Médical, de sorte qu’aucune communication entre ces deux mis en cause ne peut en être déduite. La commission a retenu ci-dessus que les contacts entre M. B et M. W en 2012, avant les interventions reprochées à ce dernier, ne permettent pas d’établir qu’ils ont communiqué au moment des acquisitions litigieuses ni que ces deux mis en cause aient pu évoquer les activités professionnelles de

M. B. S’il a été retenu que les acquisitions de M. W présentaient un caractère atypique eu égard au choix de la valeur LVL Médical, au nombre de titres échangés sur le marché le jour de ses interventions, ainsi qu’aux modalités de passation des ordres et qu’elles ont été réalisées de façon subite à un moment opportun sans qu’aucune explication convaincante n’ait été apportée pour expliquer la sélection du titre LVL Médical et le moment de son investissement, ces seules circonstances, propres à M. W, ne permettent pas d’établir la transmission de l’information privilégiée de M. B à ce dernier, ce dont il résulte que le manquement à l’obligation d’abstention de transmission d’une information privilégiée reproché à M. B n’est pas caractérisé. SANCTIONS ET PUBLICATION L’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 24 octobre au 28 juillet 2013, non modifiée depuis dans un sens moins sévère, dispose : « II.-La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l’encontre des personnes suivantes : […] / c) Toute personne qui, sur le territoire français ou à l’étranger, s’est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d’initié ou s’est livrée à une manipulation de cours, à la diffusion d’une fausse information ou à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du I de l’article L. 621-14, dès lors que ces actes concernent : -un instrument financier […] admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations, […] ». Le III de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 24 octobre 2010 au 28 juillet 2013, non modifiée depuis dans un sens moins sévère, dispose : « III. -Les sanctions applicables sont : […] / c) Pour les personnes autres que l’une des personnes mentionnées au II de l’article L. 621-9, auteurs des faits mentionnés aux c et d du II, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au Trésor public. ». Il en résulte que la société Sofiro, Mme P, M. N, M. O,

M. Q, M. R, M. S, M. T, M. U, M. V et M. W encourent chacun une sanction au plus égale à 100 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés. Aux termes du III ter de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur depuis le 11 décembre 2016 : « Dans la mise en œuvre des sanctions mentionnées aux III et III bis, il est tenu compte notamment : – de la gravité et de la durée du manquement ; – de la qualité et du degré d’implication de la personne en cause ; / – de la situation et de la capacité financières de la personne en cause, au vu notamment de son patrimoine et, s’agissant d’une personne physique de ses revenus annuels, s’agissant d’une personne 51

morale de son chiffre d’affaires total ; / – de l’importance soit des gains ou avantages obtenus, soit des pertes ou coûts évités par la personne en cause, dans la mesure où ils peuvent être déterminés ; – des pertes subies par des tiers du fait du manquement, dans la mesure où elles peuvent être déterminées ; / – du degré de coopération avec l’Autorité des marchés financiers dont a fait preuve la personne en cause, sans préjudice de la nécessité de veiller à la restitution de l’avantage retiré par cette personne ; / – des manquements commis précédemment par la personne en cause ; / – de toute circonstance propre à la personne en cause, notamment des mesures prises par elle pour remédier aux dysfonctionnements constatés, provoqués par le manquement qui lui est imputable et le cas échéant pour réparer les préjudices causés aux tiers, ainsi que pour éviter toute réitération du manquement. ». S’agissant de M. O Le manquement à son obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée commis les 24 et 25 mai 2012 en acquérant 2 579 titres LVL Médical a permis à M. O de réaliser une plus-value de 40 250 euros lors de la revente de ces titres intervenue le 11 juin 2012. Ce manquement revêt une particulière gravité non seulement du fait des fonctions de directeur administratif et financier d’un groupe coté qu’il occupait au moment des faits, une telle position impliquant, d’une façon générale, une exposition fréquente à des informations privilégiées, mais encore, en particulier, du fait qu’il exerçait ces fonctions au sein de la société Dinno Santé, filiale du groupe ALDI, qui se trouvait au cœur des négociations en cours. M. O n’a produit aucune justification de ses ressources ou de son patrimoine. Lors de son audition par le rapporteur, il a indiqué être désormais responsable financier auprès de […] et percevoir à ce titre un salaire de […] euros nets par mois. Il a par ailleurs déclaré être propriétaire d’une maison dans l’[…] d’une valeur de […] euros et d’une maison en […] d’une valeur de […] à […] euros. Il a également déclaré détenir une assurance vie d’un montant d’environ […] euros. Au vu de l’ensemble de ces éléments, il lui sera infligé une sanction pécuniaire de 80 000 euros (quatre-vingt mille euros). S’agissant de M. N Le manquement à son obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée commis les 30 mai et 1er juin 2012 en acquérant 800 titres LVL Médical a permis à M. N de réaliser une plus-value de 11 360 euros lors de la revente de ces titres intervenue le 11 juin 2012. Ce mis en cause a produit son avis d’imposition 2017 qui révèle qu’il a, au cours de l’année 2016, perçu des salaires représentant […] euros, au titre de ses fonctions de chef de projet au sein d’un laboratoire. Il n’a produit aucun autre justificatif de son patrimoine mais a déclaré lors de son audition par le rapporteur être propriétaire d’un pavillon estimé à […] euros. Au vu de l’ensemble de ces éléments, il lui sera infligé une sanction pécuniaire de 20 000 euros (vingt mille euros). S’agissant de Mme P Le manquement à son obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée commis les 1er et 4 juin 2012 en acquérant 2 400 titres LVL Médical a permis à Mme P de réaliser une plus-value de 31 940 euros lors de la revente de ces titres intervenue le 11 juin 2012. Mme P a également manqué, en juin 2012, à son obligation d’abstention de recommander à une autre personne d’acquérir des titres sur le fondement d’une information privilégiée au profit de sa belle-fille, Mme Gwendoline Becquart qui, grâce à ses propres acquisitions de titres LVL, a réalisé une plus-value de 3 076 euros. Mme P a déclaré, lors de son audition par le rapporteur, avoir été licenciée en 2014 au moment de l’enquête et n’avoir pas retrouvé d’emploi depuis. Elle a justifié bénéficier d’une assurance vie d’une valeur de […] euros au 1er janvier 2018 et être titulaire de […] actions Air Liquide acquises lors d’augmentations de capital réservées aux salariés et valorisées […] euros au 29 décembre 2017. L’avis d’imposition de 2017 de Mme P montre que celle-ci a perçu, 52

en 2016, […] euros de salaires et assimilés. Elle a indiqué, lors de son audition par le rapporteur, devoir s’inscrire à Pôle Emploi courant 2018 et percevoir à ce titre une indemnité moyenne de […] euros par mois. Elle a également déclaré être propriétaire à […]% d’une maison évaluée à […] euros. Au vu de l’ensemble de ces éléments, il lui sera infligé une sanction pécuniaire de 40 000 euros (quarante mille euros). S’agissant de M. V Le manquement à son obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée commis les 15, 16 et 23 mai 2012 en acquérant 1 800 titres LVL Médical a permis à M. V de réaliser une plus-value de 30 118 euros lors de la revente de ces titres intervenue le 11 juin 2012. Ce manquement revêt une particulière gravité du fait non seulement des fonctions d’administrateur et de directeur général de filiales de groupes cotés qu’il occupait au moment des faits, une telle position impliquant, d’une façon générale, une exposition fréquente à des informations privilégiées, mais encore, en particulier, du fait qu’il occupait ces fonctions au sein respectivement de Dinno Santé et Vitalaire Italia SPA, filiales d’ALSI et d’Air Liquide, qui se trouvaient au cœur des négociations en cours. M. V souligne sa coopération avec l’AMF au cours de l’enquête, son absence de condamnation précédente pour des abus de marché ainsi que son absence d’intention de commettre le manquement reproché et l’absence de préjudice causé à quiconque. L’avis d’imposition de 2017 de M. V montre qu’en 2016, il a perçu des salaires pour un montant de […] euros. Il a également indiqué être propriétaire d’un bien immobilier situé en […] estimé entre

[…] euros et […] euros. Enfin, son compte-titres détenu chez […] s’élevait, au 31 mars 2018, à […] euros, et son compte-titres détenu chez […], au 5 avril 2018, à […] euros. Au vu de l’ensemble de ces éléments, il lui sera infligé une sanction pécuniaire de 60 000 euros (soixante mille euros). S’agissant de M. Q Le manquement à son obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée commis les 29, 30 et 31 mai et les 4, 6 et 7 juin 2012 en acquérant 24 250 titres LVL Médical a permis à M. Q de réaliser une plus-value de 330 753 euros lors de la revente de ces titres intervenue le 11 juin 2012. Il a également manqué, en 2012, à son obligation d’abstention de transmettre une information privilégiée à M. S qui, grâce à ses propres acquisitions de titres LVL, a réalisé une plus-value de 16 626 euros. Le mis en cause n’a produit aucun justificatif de ses ressources ou de son patrimoine. Il ressort des documents fournis par la Jyske Bank qu’à l’époque des faits reprochés, il était propriétaire avec son épouse d’une villa à […] acquise […] euros en 2003 et d’une quote-part de […]% d’un appartement situé à […] évalué à […] d’euros, et que ses revenus annuels s’élevaient en 2010 à

[…] euros. M. Q indique avoir cédé ces biens, sans produire aucune justification de ces cessions ni de leur prix. Au vu de l’ensemble de ces éléments, il lui sera infligé une sanction pécuniaire de 800 000 euros (huit cent mille euros). S’agissant de M. S Le manquement à son obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée commis le 7 juin 2012 en acquérant 1 200 titres LVL Médical a permis à M. S de réaliser une plus-value de 16 626 euros lors de la revente de ces titres intervenue le 11 juin 2012. M. S a indiqué, lors de son audition par le rapporteur, occuper la fonction de gestionnaire de fortune au sein d’un « family office » à Genève. Il a déclaré, sans en justifier, que son salaire annuel s’élevait à […] euros environ, et être à la tête d’un patrimoine de […] euros environ. 53

Il ressort de son avis d’imposition français pour 2017 que le total de ses salaires pour l’année 2016 s’élève à […] euros. Au vu de l’ensemble de ces éléments, il lui sera infligé une sanction pécuniaire de 35 000 euros (trente-cinq mille euros). S’agissant de M. R Le manquement à son obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée commis le 7 juin 2012 en acquérant 3 000 titres LVL Médical a permis à M. R de réaliser une plus-value de 41 331 euros lors de la revente de ces titres intervenue le 11 juin 2012. Ce mis en cause n’a produit aucun justificatif de ses ressources ou de son patrimoine. Il a indiqué, dans ses observations en réponse au rapport du rapporteur, avoir disposé en 2011/2012 de plus de […] euros pour effectuer des investissements sur les marchés financiers. Au vu de l’ensemble de ces éléments, il lui sera infligé une sanction pécuniaire de 100 000 euros (cent mille euros). S’agissant de M. T Le manquement à son obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée commis les 27 et 30 avril, 7, 10, 11, 16 et 21 mai et 1er et 5 juin 2012 en acquérant 2 481 titres LVL Médical a permis à M. T de réaliser une plus-value de 44 556 euros lors de la revente de ces titres intervenue les 27 juin, 29 juin et 3 octobre 2012. Il a également manqué, en 2012, à son obligation d’abstention de recommander à une autre personne d’acquérir des titres sur le fondement d’une information privilégiée au profit de son fils M. TA qui, grâce à ses propres acquisitions de titres LVL, a réalisé une plus-value de 7 746 euros. M. T, âgé de 69 ans, est à la retraite et a perçu […] euros à ce titre en 2016. Il insiste sur sa coopération avec le service des enquêtes et souligne n’avoir jamais fait l’objet de poursuite pour des faits d’abus de marché auparavant. Il indique en outre n’avoir repris aucune position sur un titre en bourse depuis le début de l’enquête. Il a par ailleurs déclaré, lors de son audition par le rapporteur, être propriétaire d’une maison achetée […] euros et a justifié détenir une assurance vie évaluée à […] euros au 27 décembre 2017. Il est aussi titulaire d’un portefeuille de titres valorisé à […] euros au 12 avril 2018. Au vu de l’ensemble de ces éléments, il lui sera infligé une sanction pécuniaire de 70 000 euros (soixante-dix mille euros). S’agissant de la société Sofiro Le manquement par la société Sofiro à son obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée commis le 7 juin 2012 en acquérant 1 269 titres LVL Médical lui a permis de réaliser une plus-value de 18 952 euros lors de la revente de ces titres intervenue le 4 juillet 2012. Les comptes sociaux de la société Sofiro pour l’exercice 2017 montrent un résultat net de 15 627 euros. Au vu de l’ensemble de ces éléments, il lui sera infligé une sanction pécuniaire de 35 000 euros (trente-cinq mille euros). S’agissant de M. U Le manquement à son obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée commis les 1er et 7 juin 2012 en acquérant 985 titres LVL Médical a permis à M. U de réaliser une plus-value de 13 052 euros lors de la revente de ces titres intervenue le 12 juin 2012. 54

Le mis en cause n’a produit aucun justificatif de ses ressources ou de son patrimoine. Il a indiqué au rapporteur être retraité, percevoir une pension de retraite de […] euros par mois, et être propriétaire d’une résidence principale qu’il évalue à […] euros, de […]%, avec son épouse, des parts d’une SCI propriétaire d’un appartement qu’il évalue à […] euros, et de l’usufruit de […] studios qu’il évalue à […] euros chacun. Au vu de l’ensemble de ces éléments, il lui sera infligé une sanction pécuniaire de 26 000 euros (vingt-six mille euros). S’agissant de M. W Le manquement à son obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée commis les 7, 8, 9, 10, 18 mai et 7 juin 2012 en acquérant 9 256 titres LVL Médical a permis à M. W de réaliser une plus-value de 153 209 euros lors de la revente de ces titres intervenue le 11 juin 2012. M. W a également manqué, en 2012, à son obligation d’abstention de recommander à une autre personne d’acquérir des titres sur le fondement d’une information privilégiée au profit de son frère, M. WA, qui, grâce à ses propres acquisitions de titres LVL, a réalisé une plus-value de 54 982 euros. M. W n’exerce plus d’activité professionnelle et a, en 2017, perçu des pensions de retraite s’élevant à […] euros. Au 8 avril 2018, son portefeuille de titres détenu chez […] s’élevait à […] euros. Au vu de l’ensemble de ces éléments, il lui sera infligé une sanction pécuniaire de 400 000 euros (quatre cent mille euros). La publication de la présente décision n’est ni susceptible de causer aux personnes ayant commis les manquements retenus un préjudice grave et disproportionné, ni de nature à perturber gravement la stabilité du système financier ou encore le déroulement d’une enquête ou d’un contrôle en cours. Elle sera donc ordonnée, sans anonymisation. En revanche, elle risque de causer un préjudice disproportionné aux personnes qui sont mises hors de cause et sera donc faite sous une forme préservant leur anonymat.

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PAR CES MOTIFS, Et ainsi qu’il en a été délibéré par Mme Marie-Hélène Tric, présidente de la commission des sanctions, par Mme Edwige Belliard, M. Bernard Field et M. Miriasi Thouch, membres de la 1ère section de la commission des sanctions, en présence de la secrétaire de séance, la commission des sanctions :
- met hors de cause MM. A et B ;

— prononce à l’encontre de : o M. O une sanction pécuniaire de 80 000 € (quatre-vingt mille euros) ; o M. N une sanction pécuniaire de 20 000 € (vingt mille euros) ; o Mme P une sanction pécuniaire de 40 000 € (quarante mille euros) ; o M. V une sanction pécuniaire de 60 000 € (soixante mille euros) ; o M. Q une sanction pécuniaire de 800 000 € (huit cent mille euros) ; o M. R une sanction pécuniaire de 100 000 € (cent mille euros) ; o M. S une sanction pécuniaire de 35 000 € (trente-cinq mille euros) ; o M. T une sanction pécuniaire de 70 000 € (soixante-dix mille euros) ; o la société Sofiro une sanction pécuniaire de 35 000 € (trente-cinq mille euros) ; o M. U une sanction pécuniaire de 26 000 € (vingt-six mille euros) ; o M. W une sanction pécuniaire de 400 000 € (quatre cent mille euros) ;

- ordonne la publication de la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers et fixe à cinq ans à compter de la date de la présente décision la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme, sauf en ce qui concerne les personnes mises hors de cause pour lesquelles la publication interviendra sous forme anonymisée.

Paris, le 14 décembre 2018,

La Secrétaire de séance,

La Présidente,

Anne Vauthier

Marie-Hélène Tric Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans les conditions prévues à l’article R. 621-44 du code monétaire et financier.

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Décision de la Commission des sanctions du 14 décembre 2018 à l'égard de la société SOFIRO, de Madame P, de MM. A, B, Q, O, N, R, V, S, W, T et U