Décision de la Commission des sanctions du 17 avril 2019 à l'égard des sociétés Montaigne Fashion Group, Jekiti Mar Capital, Financière du Phoenix, SCI Plainville et de MM. Edouard Hubsch et Philippe Gellman

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Chronologie de l’affaire

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Cyrille Chatail · Actualités du Droit · 7 juin 2019

Cyrille Chatail · Actualités du Droit · 16 mai 2019
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Sur la décision

Référence :
AMF, 17 avr. 2019, n° SAN-2019-04
Numéro : SAN-2019-04
Identifiant AMF : SAN-2019-04

Texte intégral

 ;

La Commission des sanctions

COMMISSION DES SANCTIONS Décision n° 4 du 17 avril 2019

Procédure n° 17-17

Décision n° 4

Personnes mises en cause :

— MONTAIGNE FASHION GROUP Société anonyme RCS Paris numéro 397 883 075 Dont le siège social est situé 3 place des Vosges, 75004 Paris Prise en la personne de son représentant légal à la date d’ouverture de la liquidation judiciaire Ayant élu domicile chez Me Frank Martin Laprade du cabinet Jeantet AARPI, 87 avenue Kléber, 75016 Paris

— JEKITI MAR CAPITAL Société à responsabilité limitée (société à associé unique) RCS Paris numéro 524 875 143 Dont le siège social est situé 91 rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris Prise en la personne de son représentant légal, M. Edouard Hubsch Ayant élu domicile chez Me Frank Martin Laprade du cabinet Jeantet AARPI, 87 avenue Kléber, 75016 Paris

— M. EDOUARD HUBSCH Né le […] à […] Domicilié […] Ayant élu domicile chez Me Frank Martin Laprade du cabinet Jeantet AARPI, 87 avenue Kléber, 75016 Paris

— FINANCIERE DU PHOENIX Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée RCS Basse Terre numéro 482 467 966 Dont le siège social est situé Lieudit Anse des Cayes à Saint Barthélémy, 97133 Prise en la personne de son représentant légal, M. Philippe Gellman Ayant élu domicile chez Me Muriel Goldberg-Darmon du cabinet Cohen Gresser AARPI, 30 rue de la Boétie, 75008 Paris

— SCI PLAINVILLE Société civile immobilière RCS Lisieux numéro 453 433 153 Dont le siège social est situé Manoir de Plainville les Vachons à Quetteville (14130) Prise en la personne de son représentant légal, M. Philippe Gellman Ayant élu domicile chez Me Muriel Goldberg-Darmon du cabinet Cohen Gresser AARPI, 30 rue de la Boétie, 75008 Paris

17 place de la Bourse – 75082 Paris cedex 2 – tél. 01 53 45 60 00 – fax 01 53 45 63 20 www.amf-france.org

—  2 -

— M. PHILIPPE GELLMAN Né le […] à […] Domicilié […] Ayant élu domicile chez Me Muriel Goldberg-Darmon du cabinet Cohen Gresser AARPI, 30 rue de la Boétie, 75008 Paris

La 2ème section de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après : « AMF ») :

Vu le règlement (UE) n°596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 et notamment ses articles 7, 8, 12, 15, 17, 19, 23 et 30 ;

Vu le code monétaire et financier et notamment ses articles L. 621-14, L. 621-15, L. 621-18-2, R. 621-38 à 621-40 et R. 621-43-1 ;

Vu le règlement général de l’AMF et notamment ses articles 221-1, 223-1, 223-2, 223-22, 622-1, 622-2 et 632-1 ;

Après avoir entendu au cours de la séance publique du 22 mars 2019 :

— M. Christophe Lepitre, en son rapport ;

- Mme Virginie Adam, représentant le collège de l’AMF ;

- Mme Natalie Verne, représentant la directrice générale du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;

- M. Edouard Hubsch, tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentant de la société Montaigne Fashion Group, dont il était le président-directeur général à la date d’ouverture de la liquidation judiciaire, et de la société Jekiti Mar Capital, dont il est le gérant, assisté par son conseil Me Frank Martin Laprade ;

- M. Philippe Gellman, tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentant de la société Financière du Phœnix, dont il est le gérant, et de la société SCI Plainville, dont il est le liquidateur amiable, assisté par ses conseils Mes Muriel Goldberg Darmon et Guillaume Guérin.

Et en présence de Me Bernard Corre, mandataire judiciaire, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Montaigne Fashion Group.

MM. Edouard Hubsch et Philippe Gellman, es nom et es qualité, ayant eu la parole en dernier.

FAITS

Montaigne Fashion Group (ci-après « MFG »), société anonyme à conseil d’administration, était à la tête d’un groupe spécialisé dans la création et la distribution de vêtements haut de gamme pour femmes. Ses actions étaient cotées sur le compartiment C d’Euronext Paris depuis 1998 et sa capitalisation boursière atteignait 7,18 millions d’euros au 26 février 2015 (date de la suspension de la cotation des actions).

M. Edouard Hubsch était le président-directeur général de MFG depuis septembre 2010.

Jekiti Mar Capital, société elle-même gérée et contrôlée indirectement par M. Edouard Hubsch et sa famille, était l’actionnaire majoritaire de MFG depuis la même époque. Jekiti Mar Capital détenait 62,27% du capital de MFG au 26 février 2014.

M. Philippe Gellman était directeur général délégué de MFG, en charge notamment de la communication financière, du 1er mars 2014 au 9 juin 2015. La société Financière du Phœnix, dirigée et contrôlée par M. Philippe Gellman, détenait 5% du capital de MFG. La SCI Plainville est également une société personnellement détenue par M. Philippe Gellman.

—  3 -

À la suite de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de MFG le 25 août 2009, le tribunal de commerce de Paris adoptait, le 14 octobre 2010, un plan de redressement par voie de continuation (ci-après le « plan de continuation »). Celui-ci prévoyait notamment un apurement du passif de la société, s’élevant à 3,5 millions d’euros, sur une durée de 10 ans, à raison du paiement par MFG d’une échéance annuelle (ci-après le « dividende »).

Le 19 juin 2014, le tribunal de commerce de Paris acceptait la demande de MFG de rééchelonner les échéances dudit plan, en réduisant significativement le montant du 3ème dividende tout en augmentant celui des dividendes 4 à 10, l’échéance du 4ème dividende étant fixée au 13 octobre 2014.

Le 13 octobre 2014, MFG ne payait pas le 4ème dividende du plan, d’un montant de 322 832 euros.

Le 24 février 2015, une requête aux fins de résolution du plan de continuation était déposée au tribunal de commerce de Paris par le commissaire à l’exécution du plan. Celui-ci y soulignait qu’« aucun élément tangible ne m’a été adressé permettant de s’assurer que le paiement du [4ème] dividende serait régularisé » et indiquait que MFG « se trouve à ce jour en état de cessation de paiements ».

Le 26 février 2015, la cotation des actions MFG était suspendue par Euronext, à la demande de la société.

Le 27 avril 2015, MFG informait le public de l’absence de paiement du 4ème dividende, de la suspension de la cotation des titres et de la procédure en cours devant le tribunal de commerce de Paris.

Le 1er juillet 2015, le tribunal de commerce de Paris prononçait la résolution du plan de continuation et, en conséquence, la liquidation judiciaire de MFG, la date de cessation des paiements étant fixée au 14 octobre 2014.

PROCÉDURE

C’est dans ce contexte que le secrétaire général de l’AMF a décidé, le 21 octobre 2015, de procéder à l’ouverture d’une enquête portant sur « l’information financière et le marché du titre

MONTAIGNE FASHION GROUP, à compter du 31 décembre 2012 ».

Le 3 février 2017, la direction des enquêtes et des contrôles de l’AMF a adressé à MFG, Jekiti Mar Capital, M. Edouard Hubsch, Financière du Phœnix, SCI Plainville et M. Philippe Gellman des lettres les informant de manière circonstanciée des faits éventuellement susceptibles de leur être reprochés au regard des constats des enquêteurs et de la faculté de présenter des observations dans le délai d’un mois.

M. Edouard Hubsch, tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentant de MFG et de Jekiti Mar Capital, a présenté des observations en réponse le 8 mars 2017, tandis que

M. Philippe Gellman, la société Financière du Phœnix et la SCI Plainville, ayant bénéficié d’un prolongement du délai qui leur était initialement imparti, ont déposé leurs observations en réponse le

24 mars 2017.

L’enquête a donné lieu à un rapport daté du 13 juin 2017.

La commission spécialisée n° 1 du collège de l’AMF a décidé, le 27 juin 2017, de notifier de griefs à MFG, Jekiti Mar Capital, M. Edouard Hubsch, Financière du Phœnix, SCI Plainville et M. Philippe Gellman.

Les notifications de griefs ont été adressées aux mis en cause par lettres du 28 septembre 2017.

Il est reproché à MFG :

— l’absence de communication dès que possible au public de l’information privilégiée relative au non-paiement du 4ème dividende du plan de continuation à sa date d’échéance, en méconnaissance des dispositions de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF ;

—  4 -

— la diffusion d’une information non exacte, précise et sincère dans les communiqués de presse des 29 décembre 2014 et 20 février 2015, en violation des articles 223-1 et 632-1 du règlement général de l’AMF.

Il est reproché à Jekiti Mar Capital :

— l’utilisation de l’information privilégiée relative au dépôt de la requête aux fins de résolution du plan de continuation par le commissaire à l’exécution du plan ou de l’information privilégiée relative au non-paiement par MFG du 4ème dividende du plan de continuation à sa date d’échéance, lors de cessions réalisées sur le titre MFG les 24 et 26 février 2015, en méconnaissance des articles 622- 1 et 622-2 du règlement général de l’AMF ;

— l’absence de déclaration à l’AMF des cessions de titres MFG, en méconnaissance des articles L. 621-18-2 et R. 621-43-1 du code monétaire et financier et de l’article 223-22 du règlement général de l’AMF.

Il est reproché à M. Edouard Hubsch :

— les deux manquements susmentionnés reprochés à MFG, qui lui sont imputés en sa qualité de président-directeur général de MFG, impliqué dans la communication financière de la société, sur le fondement de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF ;

— l’utilisation, pour le compte de Jekiti Mar Capital, de l’information privilégiée relative au dépôt par le commissaire à l’exécution du plan de la requête aux fins de résolution du plan de continuation ou de l’information privilégiée relative au non-paiement par MFG du 4ème dividende du plan de continuation à sa date d’échéance, en méconnaissance des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF ;

— le manquement précité reproché à Jekiti Mar Capital relatif à l’absence de déclaration des cessions réalisées sur les titres MFG, qui lui est imputé en sa qualité de dirigeant de

Jekiti Mar Capital, en vertu de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF.

Il est reproché à Financière du Phœnix :

— d’avoir utilisé l’information privilégiée relative au non-paiement du 4ème dividende du plan de continuation à sa date d’échéance lors de ses interventions sur le titre MFG du

19 novembre 2014 au 11 février 2015, en violation des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF ;

— de ne pas avoir déclaré à l’AMF les opérations de cession réalisées sur les titres MFG, en méconnaissance des articles L. 621-18-2 et R. 621-43-1 du code monétaire et financier et de l’article 223-22 du règlement général de l’AMF.

Il est reproché à la SCI Plainville :

— d’avoir utilisé l’information privilégiée relative au non-paiement par MFG du 4ème dividende du plan de continuation à sa date d’échéance lors de son intervention sur le titre MFG le

15 janvier 2015, en méconnaissance des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF ;

Il est reproché à M. Philippe Gellman :

— les deux manquements précités reprochés à MFG, qui lui sont imputés en sa qualité de directeur général délégué de MFG, impliqué dans la communication financière de la société, en application de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF ;

—  5 -

— d’avoir utilisé, pour le compte des sociétés Financière du Phœnix et SCI Plainville, l’information privilégiée relative au non-paiement du 4ème dividende du plan de continuation à sa date d’échéance, en méconnaissance des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF ;

— le manquement susmentionné reproché à Financière du Phœnix relatif au défaut de déclaration des cessions réalisées sur les titres MFG, qui lui est imputé en sa qualité de dirigeant de la Financière du Phœnix, en vertu de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF.

Une copie des notifications de griefs a été transmise le 28 septembre 2017 à la présidente de la commission des sanctions, conformément à l’article R. 621-38 du code monétaire et financier.

Par décision du 16 octobre 2017, la présidente de la commission des sanctions a désigné

M. Christophe Lepitre en qualité de rapporteur.

Par lettres du 17 novembre 2017, les personnes mises en cause ont été informées qu’elles disposaient du délai d’un mois, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander la récusation du rapporteur, dans les conditions prévues par articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code.

Le 4 décembre 2017, Financière du Phœnix, SCI Plainville et M. Philippe Gellman, ont présenté des observations en réponse aux notifications de griefs, tandis que MFG, Jekiti Mar Capital et

M. Edouard Hubsch, ayant bénéficié d’un prolongement du délai qui leur était initialement imparti, ont communiqué leurs observations en réponse le 11 décembre 2017.

MFG et Jekiti Mar Capital, représentées par M. Edouard Hubsch, et ce dernier, à titre personnel, ont été entendus par le rapporteur le 16 novembre 2018 et, à la suite de leur audition, ont communiqué des éléments complémentaires les 27 novembre et 21 décembre 2018.

Financière du Phœnix, SCI Plainville, représentées par M. Philippe Gellman, et ce dernier, à titre personnel, ont été entendus par le rapporteur le 30 novembre 2018 et, à la suite de leur audition, ont communiqué des éléments complémentaires les 12 et 21 décembre 2018.

Le rapporteur a déposé son rapport le 14 février 2019.

Par lettres du 14 février 2019 auxquelles était joint le rapport du rapporteur, les personnes mises en cause ont été convoquées à la séance de la commission des sanctions du 22 mars 2019 et informées qu’elles disposaient d’un délai de quinze jours pour présenter des observations en réponse à ce rapport, conformément au III de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Par lettre du 20 février 2019, Maître Bernard Corre, en sa qualité de liquidateur judiciaire de MFG, a été convoqué à la séance de la commission des sanctions du 22 mars 2019, en application de l’article R. 621-40 II du code monétaire et financier.

Par lettres du 21 février 2019, les mis en cause ont été informés de la composition de la formation de la commission des sanctions appelée à délibérer lors de la séance du 22 mars 2019 ainsi que du délai de quinze jours dont ils disposaient, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander, conformément aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code, la récusation d’un ou plusieurs de ses membres.

Des observations en réponse au rapport du rapporteur ont été déposées le 28 février 2019 par MFG, Jekiti Mar Capital et M. Edouard Hubsch et le 4 mars 2019 par Financière du Phœnix, SCI Plainville et M. Philippe Gellman.

—  6 -

Lors de la séance du 22 mars 2019, la commission des sanctions a d’abord entendu les avocats des mis en cause, puis le rapporteur, la représentante de la directrice générale du Trésor et la représentante du Collège sur la demande de MFG tendant au sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt à intervenir de la cour d’appel de Paris dans l’instance introduite par le recours de cette dernière du 11 janvier 2019. Elle a décidé, après en avoir délibéré, de retenir l’affaire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur la demande de sursis à statuer de MFG

1. MFG sollicite le sursis à statuer de la commission des sanctions dans l’attente de l’arrêt de la cour d’appel de Paris statuant sur son recours formé le 11 janvier 2019 tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet, par le président de l’AMF, de sa demande, formulée par lettre du 11 décembre 2017, de retrait de la notification de griefs du grief relatif à l’absence de communication dès que possible de l’information privilégiée.

2. Au soutien de sa demande de sursis, MFG fait valoir que l’arrêt à intervenir de la cour d’appel de Paris, qui est appelée à statuer sur la régularité de la notification de griefs, aura un caractère déterminant sur la présente procédure.

3. Dans le cadre de son recours devant la cour d’appel, MFG soutient que la notification de griefs est entachée, d’une part, d’ « illégalité externe pour vice de forme », en ce qu’elle ne motive pas le

non-respect par MFG des conditions cumulatives prévues au II de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF permettant à un émetteur de différer la communication d’une information privilégiée, d’autre part, d’« illégalité interne pour erreur de fait » en ce que la notification de griefs, tout en renvoyant au rapport d’enquête quant au constat de l’absence de satisfaction des conditions du II de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF, ne retient pas la même date à compter de laquelle MFG aurait dû communiquer l’information privilégiée que ledit rapport d’enquête. Enfin, MFG relève que la notification de griefs porte atteinte à la présomption d’innocence en utilisant l’indicatif et non le conditionnel lorsqu’elle mentionne que « les conditions cumulatives [du II de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF] n’étaient pas remplies ».

4. MFG demande à la cour d’appel de Paris, à titre principal, à ce qu’il soit enjoint à l’AMF de retirer définitivement la notification de griefs, à défaut de « dire n’y avoir lieu à poursuites », et, à titre subsidiaire, de « dire que le premier grief est retiré de la notification [de griefs] ».

5. Préalablement à sa saisine de la cour d’appel de Paris, MFG avait formé un recours pour excès de pouvoir aux mêmes fins devant le Conseil d’Etat, lequel a jugé, par décision du 19 décembre 2018, qu’il n’était pas compétent pour statuer sur la requête de MFG, en application de l’article L. 621-30 du code monétaire et financier.

6. La nécessité d’un sursis à statuer fondé sur une bonne administration de la justice doit s’apprécier in concreto au regard de la spécificité de chaque affaire, l’introduction d’un recours en annulation à l’encontre de la notification de griefs – à supposer un tel acte recevable, ce que l’AMF contestait dans ses écritures devant le Conseil d’Etat – ne constituant pas à elle seule une circonstance suffisante pour justifier l’octroi d’un tel sursis.

7. En l’espèce, il y a lieu de prendre en compte le rejet du recours de MFG par le Conseil d’Etat, l’existence d’un doute sérieux sur la recevabilité du recours introduit par MFG devant la cour d’appel de Paris eu égard à la nature juridique de l’acte de notification de griefs, la situation actuelle de MFG, dont la procédure de liquidation judiciaire requiert une issue rapide de la présente procédure, le fait que la régularité de la notification de griefs est également soulevée par MFG dans la présente procédure et que MFG dispose d’une voie de recours contre la présente décision, et enfin la circonstance que la critique formulée par MFG ne porte que sur un seul des deux griefs qui lui ont été notifiés, dans une procédure dont elle n’est que l’une des six mis en cause. Tous ces éléments constituent autant de circonstances de nature à considérer que le prononcé d’un sursis à statuer serait en l’espèce contraire à une bonne administration de la justice.

—  7 -

8. En conséquence, la demande de sursis à statuer formulée par MFG est rejetée.

II. Sur l’absence de communication dès que possible de l’information relative à l’absence de paiement par MFG du 4ème dividende du plan de continuation à sa date d’échéance

9. Il est fait grief à MFG d’avoir manqué à son obligation de communiquer « dès que possible », à compter du 14 octobre 2014, l’information privilégiée selon laquelle la société n’a pas payé le 4ème dividende du plan de continuation à sa date d’échéance, en méconnaissance de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF, ce manquement étant également imputable à MM. Edouard Hubsch et Philippe Gellman en leur qualité de dirigeants impliqués dans la communication financière de la société, en application de l’article 221-1, dernier alinéa, du même règlement.

10. MFG fait valoir que le grief est irrégulier pour défaut de motivation, en ce que la poursuite n’apporte pas la preuve que les conditions posées par le II de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF, portant sur les conditions permettant de différer la communication au public de l’information privilégiée, n’étaient pas remplies à la date du 14 octobre 2014. MFG soutient également que le grief est irrégulier pour erreur de fait, puisque le rapport d’enquête, auquel renvoie la notification de griefs sur ce point, retient que les conditions prévues par l’article précité pour différer la communication de l’information privilégiée n’étaient pas satisfaites à la même date que celle retenue par la notification de griefs, soit le14 octobre 2014. Enfin, MFG argue que la notification de griefs porte atteinte à la présomption d’innocence en utilisant l’indicatif et non le conditionnel, lorsqu’il y est indiqué que « les conditions cumulatives [du II de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF] n’étaient pas remplies ». MFG affirme enfin que la société avait bien maintenu l’information confidentielle.

11. M. Edouard Hubsch soutient que le manquement ne peut plus lui être imputé depuis l’entrée en vigueur du règlement MAR, qui ne prévoit pas de dispositif d’imputabilité aux dirigeants dudit manquement et doit donc, dès lors qu’il s’agit d’une disposition moins sévère, s’appliquer de façon rétroactive. Il souligne également que l’information en cause n’était pas susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours, puisque celui- ci était proche de la valeur nominale de l’action (0,05 euros) et qu’une situation identique s’était produite lorsque MFG n’avait pas payé à sa date d’échéance, le 13 octobre 2013, le 3ème dividende du plan de continuation, faits qui au demeurant n’ont pas fait l’objet de poursuites de la part du collège de l’AMF.

12. M. Philippe Gellman souligne qu’il était privé de l’exercice de toute fonction effective en matière de communication financière, restée de la compétence exclusive de M. Edouard Hubsch, et qu’il croyait de bonne foi que le non-paiement du 4ème dividende à sa date d’échéance traduisait une posture de négociation de M. Edouard Hubsch à l’égard des banques et qu’il n’existait donc à ses yeux aucun risque de défaillance de MFG.

II.1. Textes applicables

13. Les faits litigieux, qui se sont déroulés entre le 14 octobre 2014 et le 27 avril 2015, doivent être examinés à la lumière des textes alors applicables, sous réserve de l’application rétroactive d’éventuelles dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

— Sur la définition de l’information privilégiée

14. L’article 621-1 du règlement général de l’AMF, dans sa version issue de l’arrêté du 12 novembre 2004, non modifiée dans un sens moins sévère par l’arrêté du 5 juin 2014, dispose : « Une information privilégiée est une information précise qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés […]. / Une information est réputée précise si elle fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de se produire et s’il est possible d’en tirer une conclusion quant à l’effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments

—  8 -

financiers concernés […]. / Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés […] est une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement ».

15. Les dispositions de l’article 7 du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (ci-après « règlement MAR »), entrées en application le 3 juillet 2016, qui définissent l’information privilégiée en des termes équivalents de ceux précités de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, ne sont pas moins sévères que celles de ce dernier article et ne sont donc pas susceptibles de recevoir une application rétroactive.

— Sur l’’obligation pour l’émetteur de porter dès que possible à la connaissance du public toute information privilégiée

16. L’article 223-2 du règlement général de l’AMF, dans sa version issue de l’arrêté du 12 novembre 2004, non modifiée jusqu’à l’arrêté du 14 septembre 2016, dispose : « I. – Tout émetteur doit, dès que possible, porter à la connaissance du public toute information privilégiée définie à l’article 621-1 et qui le concerne directement ».

17. Les dispositions du 1 de l’article 17 du règlement MAR, qui sont rédigées en des termes équivalents à celles du I de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF, ne sont pas moins sévères que ces dernières et, en conséquence, ne sont pas susceptibles de recevoir une application rétroactive.

— Sur les conditions requises pour différer l’information privilégiée

18. Le II de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF, dans sa version issue de l’arrêté du 4 janvier 2007, non modifiée jusqu’à l’arrêté du 14 septembre 2016, énonçait : « II. – L’émetteur peut, sous sa propre responsabilité, différer la publication d’une information privilégiée afin de ne pas porter atteinte à ses intérêts légitimes, sous réserve que cette omission ne risque pas d’induire le public en erreur et que l’émetteur soit en mesure d’assurer la confidentialité de ladite information en contrôlant l’accès à cette dernière, et en particulier : / 1° En mettant en place des dispositions efficaces pour empêcher l’accès à cette information aux personnes autres que celles qui en ont besoin pour exercer leurs fonctions au sein de l’émetteur ; / 2° En prenant les mesures nécessaires pour veiller à ce que toute personne ayant accès à cette information connaisse les obligations légales et réglementaires liées à cet accès et soit avertie des sanctions prévues en cas d’utilisation ou de diffusion indue de cette information ; / 3° En mettant en place les dispositions nécessaires permettant une publication immédiate de cette information dans le cas où il n’aurait pas été en mesure d’assurer sa confidentialité, sans préjudice des dispositions du deuxième alinéa de l’article 223-3. ».

19. Le III du même article, dans la même version, disposait quant à lui : « III. – Les intérêts légitimes mentionnés au deuxième alinéa peuvent notamment concerner les situations suivantes : / 1° Négociations en cours ou éléments connexes, lorsque le fait de les rendre publics risquerait d’affecter l’issue normale de ces négociations. En particulier, en cas de danger grave et imminent menaçant la viabilité financière de l’émetteur, mais n’entrant pas dans le champ des dispositions mentionnées au livre VI du code de commerce relatif aux difficultés des entreprises, la divulgation d’informations au public peut être différée pendant une période limitée si elle risque de nuire gravement aux intérêts des actionnaires existants ou potentiels en compromettant la conclusion de négociations particulières visant à assurer le redressement financier à long terme de l’émetteur ; / 2° […] ».

20. Les dispositions de l’article 17 du règlement MAR, entrées en application le 3 juillet 2016, telles qu’éclairées par le considérant 50 du même règlement, sont rédigées en des termes équivalents des dispositions citées ci-dessus de l’article 223-2 du règlement général et ne sont donc pas susceptibles de recevoir une application rétroactive.

—  9 -

— Sur l’imputabilité du manquement

21. Le dernier alinéa de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF, dans sa version issue de l’arrêté du 26 février 2007, toujours en vigueur, dispose : « […] / 2° le terme : « personne » désigne une personne physique ou une personne morale. / Les dispositions du présent titre [titre II du livre II du règlement général de l’AMF] sont également applicables aux dirigeants de l’émetteur, de l’entité ou de la personne morale concernée ».

22. Il en résulte qu’à l’époque des faits, les dispositions du titre II du livre II du règlement général de l’AMF, au sein duquel figure l’article 223-2 sur le fondement duquel a été notifié le grief, étaient rendues applicables aux dirigeants de l’émetteur.

23. Postérieurement aux faits, le 3 juillet 2016, est entré en application le règlement MAR qui ne comporte aucune disposition relative à l’imputabilité du manquement en cause, de sorte que cette question relève, comme auparavant, du droit national. Cette interprétation est d’ailleurs confirmée par le considérant 40 de ce règlement, qui précise : « Afin de garantir la responsabilité tant de la personne morale que de toute personne physique participant à la prise de décision de la personne morale, il est nécessaire de reconnaître les différents mécanismes juridiques nationaux des États membres. Ces mécanismes devraient concerner directement les méthodes d’imputation de la responsabilité dans le droit national ». Il s’infère en outre de l’article 30 du règlement MAR que les droits nationaux peuvent prévoir un mécanisme d’imputabilité aux dirigeants du manquement en cause non prévu par le règlement MAR lui-même.

24. Mais la recherche d’éventuelles dispositions moins sévères susceptibles de recevoir une application rétroactive implique de déterminer si l’obligation des émetteurs de communiquer dès que possible toute information privilégiée qui les concerne pèse encore sur leurs dirigeants depuis que l’arrêté du 14 septembre 2016 a modifié l’article 223-2 du règlement général de l’AMF afin d’en retirer les dispositions édictant cette obligation, désormais prévue, dans des termes équivalents, au point 1 de l’article 17 du règlement MAR.

25. Outre cette modification, l’arrêté du 14 septembre 2016 a procédé, au i du 1° de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF, au remplacement des mots : « en application de l’article 223-2 » par les mots : « en application de l’article 17 du règlement sur les abus de marché (règlement n° 596/2014/ EU) », de sorte que le i du 1° dispose désormais : « Au sens du présent titre : 1° Lorsque les titres financiers de l’émetteur sont admis aux négociations sur un marché réglementé, le terme : « information réglementée » désigne les documents et informations suivants : / […] / i) L’information privilégiée publiée en application de l’article 17 du règlement sur les abus de marché (règlement n° 596/2014/EU) […] ».

26. La référence ainsi faite par l’article 221-1 à l’article 17 du règlement MAR permet de considérer que l’obligation de communication mise à la charge des émetteurs par ce dernier texte, bien que n’étant plus directement énoncée par des dispositions figurant au sein du titre II du livre II du règlement général de l’AMF, compte bien parmi celles que le dernier alinéa de l’article 221-1 de ce règlement fait peser sur les dirigeants.

27. Dans ces conditions, il apparaît que les modifications issues de l’arrêté du 14 septembre 2016 n’ont pas eu pour effet d’instituer des règles d’imputabilité au dirigeant du manquement en cause moins sévères qu’auparavant.

28. Le moyen soulevé par M. Edouard Hubsch relatif à l’impossibilité de lui imputer le manquement en cause en raison de l’application rétroactive des dispositions du règlement MAR est donc infondé et sera par conséquent écarté.

29. Il s’ensuit qu’il y a lieu d’examiner l’imputabilité du manquement à MM. Edouard Hubsch et

Philippe Gellman au regard du dernier alinéa de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF dans sa rédaction précitée, applicable à l’époque des faits.

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II.2. Appréciation du manquement

— À titre liminaire, sur la régularité du grief notifié à MFG

30. MFG soutient tout d’abord que le grief est irrégulier pour défaut de motivation de la notification de griefs quant à l’absence de satisfaction des conditions prévues au II de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF permettant à un émetteur de différer la communication d’une information privilégiée.

31. Le respect des droits de la défense, et notamment le droit au contradictoire, exige que la notification de griefs formule les griefs de façon suffisamment claire et précise pour que la personne mise en cause connaisse les faits sur la base desquels ces griefs lui sont adressés ainsi que la qualification juridique envisagée.

32. En l’espèce, la notification de griefs, après avoir indiqué les éléments de fait et de droit nécessaires à la caractérisation du manquement à l’article 223-2 du règlement général de l’AMF, renvoie en ces termes au rapport d’enquête quant à l’absence de respect des conditions prévues pour reporter la communication d’une information privilégiée : « Il ressort par ailleurs des investigations diligentées par le Direction des enquêtes de l’AMF que les conditions cumulatives exigées par le II de l’article 223-2 du règlement général précité, reprises à l’article 17 paragraphe 4 du règlement MAR, pour bénéficier de la dérogation à l’obligation de publier dès que possible toute information privilégiée, n’étaient pas en l’espèce remplies ».

33. Contrairement à ce qu’invoque MFG, ce renvoi au rapport d’enquête opéré par la notification de griefs ne privait pas MFG de la possibilité de discuter utilement ce constat – comme elle ne manque d’ailleurs pas de le faire dans ses observations en réponse à la notification de griefs – et de démontrer le cas échéant que les conditions prévues au II de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF étaient en l’espèce satisfaites jusqu’au 27 avril 2015, et ce nonobstant le fait que ledit rapport d’enquête fixe au

29 décembre 2014 la date jusqu’à laquelle MFG pouvait différer la communication de l’information privilégiée, tandis que la notification de griefs fixe cette même date au 14 octobre 2014.

34. Il résulte de ce qui précède que MFG ne pouvait se méprendre sur la nature et la cause du grief qui lui est notifié, de sorte que le moyen soulevé par MFG tiré du défaut de motivation et de l’atteinte au principe du contradictoire est infondé et par conséquent écarté.

35. MFG soutient également que la notification du grief porte atteinte à sa présomption d’innocence du fait de l’emploi du mode indicatif pour constater que les conditions prévues au II de l’article 223-2 du règlement général ne sont pas satisfaites.

36. Or, l’emploi de l’indicatif et non du conditionnel dans la phrase « Il ressort par ailleurs des investigations diligentées par le Direction des enquêtes de l’AMF que les conditions cumulatives exigées par le II de l’article 223-2 du règlement général précité (…) n’étaient pas en l’espèce remplies » n’est pas de nature à porter atteinte à la présomption d’innocence de MFG, dès lors que la notification de griefs informe la personne mise en cause du manquement susceptible d’être retenu contre elle et ne préjuge pas de la décision de la commission sur ce point. Au surplus, la notification de griefs emploie bien le conditionnel lorsqu’il s’agit de caractériser le grief reproché à MFG : « Dans ces conditions, en ayant attendu jusqu’au 27 avril 2015 pour communiquer l’information relative au non-paiement du quatrième dividende du plan à sa date d’échéance, MFG pourrait avoir manqué à son obligation de communiquer dès que possible une information privilégiée, ce qui est susceptible de constituer un manquement aux dispositions de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF ».

37. Il ressort de ce qui précède que le moyen de MFG tiré de l’irrégularité du grief notifié sera écarté.

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A) Sur le caractère privilégié de l’information en cause

(i)

Sur le caractère précis de l’information

38. Par jugement du 19 juin 2014, et dans le cadre, comme il a été dit ci-dessus, d’un rééchelonnement des échéances du plan de continuation de MFG, le tribunal de commerce de Paris fixait la date d’exigibilité du 4ème dividende de ce plan au 13 octobre 2014.

39. Le 11 octobre 2014, en exécution de ce jugement, Me Thévenot, en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan, enjoignait à MFG de lui faire parvenir la somme de 322 832,31 euros correspondant au montant du 4ème dividende.

40. Le 4 novembre 2014, Me Thévenot relançait MFG en ces termes : « la date [d’exigibilité du 4ème dividende] est désormais dépassé[e] et certains créanciers se manifestent afin d’obtenir le versement de leurs dividendes ». Il insistait sur « l’urgence de cette demande de régularisation ». 41. Dès le 14 octobre 2014, le non-paiement par MFG du 4ème dividende du plan de continuation à sa date d’échéance, soit le 13 octobre 2014, est donc un « évènement qui s’est produit » au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF.

42. L’absence de paiement à sa date d’échéance du 4eme dividende constitue un fait révélateur des difficultés financières de MFG, laquelle se trouvait à cette date dans l’incapacité de faire face à cette dette exigible. En outre et surtout, ce défaut de respect d’une échéance fixée quelques mois auparavant par décision du Tribunal de commerce au titre du plan de continuation modifié, était de nature à mettre en péril la continuité de l’exploitation de MFG, en ce qu’il constituait une cause de résolution dudit plan et d’ouverture subséquente d’une procédure de liquidation judiciaire, en application des dispositions combinées des articles L. 626-27, L. 631-19 et R. 626-48 du code de commerce.

43. Il est donc possible de tirer de l’information en cause une conclusion quant à l’effet possible en l’occurrence négatif, de cet évènement sur le cours de l’action MFG, de sorte que l’information doit être regardée comme précise, au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, à compter du

14 octobre 2014.

(ii) Sur le caractère non public de l’information

44. Il n’est pas contesté que l’information relative au non-paiement du 4ème dividende à sa date d’échéance n’a été rendue publique par MFG qu’à l’occasion du communiqué de presse de la société du 27 avril 2015.

(iii) Sur le caractère sensible de l’influence de l’information sur le cours du titre

45. Le rapport financier annuel 2013 de MFG, publié le 1er octobre 2014, informait le marché du rééchelonnement des échéances du plan de continuation à la suite du jugement du tribunal de commerce de Paris du 19 juin 2014.

46. Le communiqué de presse de MFG, publié le 14 septembre 2014, mentionnait que « Montaigne Fashion Group présente une tendance positive sur ce deuxième trimestre 2014, ainsi que sur l’ensemble du premier semestre (…) le groupe performe également sensiblement par rapport à l’ensemble du marché textile et de l’habillement en France ».

47. S’il est exact, ainsi que le souligne M. Edouard Hubsch, que MFG avait déjà manqué à son obligation de payer le 3ème dividende à sa date d’échéance en octobre 2013, il n’en reste pas moins qu’à la date du 14 octobre 2014 le marché ne pouvait anticiper la perspective d’un nouveau défaut de MFG dans son exécution du plan de continuation, quatre mois seulement après la modification de celui-ci, d’autant plus que la communication de MFG à cette époque était, comme il ressort du communiqué cité ci-dessus, résolument optimiste.

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48. En outre, si le cours de l’action de MFG était faible, le non-paiement du 4ème dividende du plan de continuation était, pour les motifs rappelés ci-dessus, par lui-même susceptible dès le 14 octobre 2014 de mettre en danger la continuité de la société. L’information en cause portait donc sur un évènement susceptible d’entraîner la perte de toute valeur des actions MFG.

49. Il suit de là que l’information relative au non-paiement du 4ème dividende du plan de continuation à sa date d’échéance était susceptible d’être utilisée par un investisseur raisonnable comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement (en l’occurrence de désinvestissement) et, qu’elle était, de ce fait, susceptible, si elle avait été rendue publique, d’avoir une influence sensible sur le cours du titre MFG, nonobstant la faiblesse du cours de l’action MFG.

50. Il résulte de ce qui précède que l’information en cause constituait une information privilégiée dès le 14 octobre 2014 au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF.

B) Sur le caractère tardif de la communication de l’information privilégiée au public

(i) Sur l’absence de communication « dès que possible » par MFG

51. MFG a communiqué au public l’information en cause plus de 6 mois après que celle-ci ait revêtu un caractère privilégié, de sorte que l’information n’a pas été communiquée « dès que possible » au sens de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF.

52. Le manquement ne serait toutefois pas constitué si, comme le soutiennent M. Edouard Hubsch et MFG, la publication de l’information en cause pouvait être différée en application du II de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF.

(ii) Sur le bénéfice des dispositions autorisant le report de la publication de l’information privilégiée

— Sur la condition relative à l’atteinte aux intérêts légitimes de l’émetteur

53. En vertu des dispositions combinées du II et du III de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF, un émetteur a un intérêt légitime à ne pas compromettre, par la divulgation de l’information privilégiée, « la conclusion de négociations particulières visant à assurer le redressement financier à long terme de l’émetteur ».

54. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier d’enquête qu’à l’époque des faits MFG négociait avec la société Liu Jio en vue de la cession du droit au bail de la boutique située rue de Passy détenue par MFG. Ainsi que l’indiquait le conseil de MFG au commissaire à l’exécution du plan dans un courriel du

16 janvier 2015, le produit de cette cession devait permettre le paiement du 4ème dividende du plan de continuation, de sorte que cette négociation visait de fait à assurer la continuité d’exploitation de MFG. La promesse de cession du droit au bail a été signée le 31 mars 2015 pour un montant de 570 000 euros.

55. La révélation de l’information privilégiée en cause avant la conclusion de cette promesse de cession, en ce qu’elle était susceptible d’avoir des conséquences défavorables sur l’issue d’une négociation cruciale pour l’avenir de MFG, aurait donc effectivement porté atteinte aux « intérêts légitimes » de MFG, au sens du II de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF.

56. MFG avait donc un intérêt légitime à différer la publication de l’information privilégiée jusqu’au 31 mars 2015, date de la conclusion de la promesse de cession du droit au bail avec la société Liu Jio. Mais pour que cet intérêt puisse fonder le report de la publication de l’information privilégiée, il faut également que soient réunies les autres conditions posées par le II de l’article 223-2 du RG/AMF.

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— Sur la condition relative au fait de ne pas induire le public en erreur par le report de la publication

57. Comme il a été dit ci-dessus au paragraphe 46, par un communiqué de presse publié le 14 septembre 2014, MFG portait à la connaissance du public que « Montaigne Fashion Group présente une tendance positive sur ce deuxième trimestre 2014, ainsi que sur l’ensemble du premier semestre (…) » et que « le groupe performe également sensiblement par rapport à l’ensemble du marché textile et de l’habillement en France ».

58. En outre, il ressort des pièces du dossier que la modification, par décision du tribunal de commerce du 19 juin 2014, du plan de continuation de MFG par fixation de nouvelles échéances, dont la première postérieure à cette date se produisait le 13 octobre, a été également portée à la connaissance du public le 1er octobre, au moment de la publication du rapport financier annuel 2013. Il était même précisé dans ce rapport que l’échéance d’octobre 2014 portait désormais sur un montant de 333 000 €.

59. Il résulte de l’ensemble de ces informations que le marché ne pouvait anticiper la perspective d’un défaut de la société, moins de quatre mois seulement après l’adoption de la modification du plan de continuation.

60. Or, d’une manière générale, il en va de la bonne information du marché qu’un émetteur en difficulté financière engagé dans une procédure collective se montre particulièrement vigilant quant au respect de l’obligation d’informer le marché dès que possible des différentes étapes de la procédure en cours. En l’espèce, la communication de l’information née du défaut de paiement par MFG du 4ème dividende à son échéance du 13 octobre, c’est-à-dire du non-respect du calendrier de remboursement fixé par le tribunal, en tant que cet évènement était susceptible juridiquement d’obérer l’avenir de la société, ne pouvait être différée sans induire le public en erreur au sens du II de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF. Il en résulte que la deuxième condition posée par ces dispositions au différé de publication de l’information n’était pas réunie.

— Sur la condition relative à la préservation de la confidentialité de l’information

61. L’exigence énoncée par le II de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF selon laquelle l’émetteur doit être « en mesure d’assurer la confidentialité de ladite information » implique, pour être satisfaite, que la préservation de cette confidentialité ait été organisée par des mesures concrètes, la seule circonstance de l’absence de « fuite » de l’information invoquée par MFG n’étant pas suffisante pour satisfaire les exigences du texte précité.

62. En l’espèce, il ne ressort ni du rapport d’enquête, ni des éléments fournis par les mis en cause que MFG ait mis en place des mesures concrètes visant à assurer le contrôle de l’accès à l’information privilégiée en cause.

63. En outre, MFG a divulgué dès le 23 décembre 2014 l’information privilégiée en cause aux banques bénéficiaires du nantissement sur le fonds de commerce de la boutique située rue de Passy dans le cadre des discussions sur la levée de ce nantissement, sans qu’il soit démontré qu’un contrat de confidentialité ait été conclu par MFG avec elles.

64. MFG n’a donc pas respecté la troisième condition posée par le II de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF.

65. Il s’ensuit que les trois conditions cumulatives posées par le II de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF ne sont pas satisfaites en l’espèce, de sorte que MFG ne pouvait différer la publication de l’information privilégiée en application de ce texte.

66. En n’ayant communiqué que le 27 avril 2015 l’information, privilégiée dès le 14 octobre 2014, selon laquelle la société n’a pas payé le 4ème dividende du plan de continuation à sa date d’échéance, MFG a donc manqué aux dispositions de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF.

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C) Sur l’imputabilité du manquement à M. Edouard Hubsch et M. Philippe Gellman

67. En application de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF dans sa rédaction applicable à l’époque des faits, le dirigeant a l’obligation de veiller au respect par l’émetteur de l’obligation prévue au I de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF et ne peut s’en exonérer qu’en cas de circonstances particulières l’ayant privé de l’exercice total ou partiel de ses fonctions.

— L’imputabilité à M. Edouard Hubsch

68. M. Edouard Hubsch était président-directeur général de MFG à l’époque des faits et ne justifie pas de circonstances particulières l’ayant privé de ses fonctions. Au surplus, les pièces du dossier démontrent qu’il avait connaissance de l’information relative à l’absence de paiement du 4ème dividende du plan de continuation à sa date d’échéance, et qu’il jouait un rôle très actif dans la communication financière de la société, comme l’illustrent notamment ses échanges avec M. Philippe Gellman sur les projets de communiqués de presse des 29 décembre 2014 et 20 février 2015.

69. Le manquement de MFG à l’article 223-2 du règlement général de l’AMF est par conséquent imputable à M. Edouard Hubsch, de sorte que le grief est caractérisé à son encontre.

— L’imputabilité à M. Philippe Gellman

70. M. Philippe Gellman était à l’époque des faits directeur général délégué de MFG, en charge de la « communication financière » de MFG, ainsi que cela ressort du procès-verbal du conseil d’administration de MFG du 21 février 2014, de sorte qu’il avait la qualité de « dirigeant » au sens de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF.

71. Le mis en cause soutient qu’il était de fait privé de l’exercice de toute fonction effective en matière de communication financière, celle-ci étant restée de la compétence exclusive de M. Edouard Hubsch, avec lequel il entretenait des relations difficiles.

72. Cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. Philippe Gellman se trouvait, dans les faits, privé de la possibilité d’exercer effectivement les prérogatives de directeur général délégué en charge des relations avec les investisseurs. Il était également impliqué dans la communication financière de MFG, comme l’illustrent ses échanges ci-dessus mentionnés avec M. Edouard Hubsch dans le cadre de l’élaboration et la diffusion des communiqués de presse de la société. Il avait également connaissance de l’absence de paiement du 4ème dividende du plan de continuation, comme le démontrent ses échanges à ce sujet avec M. […], administrateur de MFG, en date du 23 octobre 2014.

73. En tout état de cause, l’absence d’implication personnelle ou l’exercice d’un pouvoir de direction supposément formel ne sont pas de nature à exonérer les dirigeants de leur responsabilité au titre de l’information diffusée par l’émetteur

74. Enfin, le manquement à l’article 223-2 du règlement général de l’AMF est un manquement objectif, qui ne nécessite pas de caractériser l’intention de son auteur, de sorte que le moyen tiré de la bonne foi de M. Philippe Gellman est également inopérant au regard de l’application de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF, et ne peut qu’être écarté.

75. Il s’ensuit que le manquement de MFG à l’article 223-2 du règlement général de l’AMF est également imputable à M. Philippe Gellman, de sorte que le grief est caractérisé à son encontre.

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III. Sur la qualité de l’information diffusée par MFG

III.1. Sur le communiqué de presse du 29 décembre 2014

76. Il est fait grief à MFG d’avoir diffusé une information qui n’est pas exacte, précise et sincère dans le communiqué de presse de MFG du 29 décembre 2014 intitulée « Mise à disposition du Rapport financier au 30 juin 2014 », en méconnaissance des articles 223-1 et 632-1 du règlement général de l’AMF, le manquement à l’article 223-1 étant également imputé à MM. Edouard Hubsch et Philippe Gellman en leur qualité de dirigeants impliqués dans la communication financière de MFG. La première information en cause est celle relative à l’engagement de soutien de Jekiti Mar Capital à MFG, qui est présenté (i) comme suffisamment large pour couvrir les échéances du plan de continuation, alors que le 4ème dividende du plan de continuation échu le 14 octobre 2014 n’avait pas été réglé et (ii) comme ayant été pris de façon « formelle », alors qu’il ne repose sur aucun document écrit contraignant. La seconde information en cause a trait à l’annonce d’un retour à l’équilibre de MFG courant 2015, qui laisse présager que la société devenait profitable sans nouveau soutien de son actionnaire majoritaire, ce qui n’est pas cohérent avec le dernier plan de trésorerie de MFG, qui prévoyait un apport en compte courant de Jekiti Mar Capital de 250 000 euros en mars 2015.

77. MFG soutient que l’information sur l’engagement de soutien de Jekiti Mar Capital n’est pas inexacte dès lors que cet engagement existait à la date du communiqué de presse et qu’il s’est concrétisé par l’apport de 384 000 euros à MFG en 2015. Elle fait valoir que l’information n’est pas non plus trompeuse : cet engagement était bien « formel », en ce qu’il avait été acté au procès-verbal du conseil d’administration de MFG, et les dirigeants de MFG pensaient à cette date qu’il n’existait aucun risque de défaillance de la société. Quant à l’annonce d’un « retour à l’équilibre », MFG souligne qu’elle suit dans le communiqué de presse le paragraphe relatif à l’engagement de soutien de Jekiti Mar Capital, de sorte qu’un investisseur ne peut inférer du communiqué que ce retour à l’équilibre se ferait sans un tel soutien. Enfin, MFG prétend que l’application rétroactive au présent grief des dispositions 12.1 c) et 15 du règlement MAR nécessitait une révision des notifications de griefs par le collège de l’AMF.

78. M. Edouard Hubsch affirme que le manquement ne peut plus lui être imputé depuis l’entrée en vigueur du règlement MAR, qui ne prévoit pas de dispositif d’imputabilité aux dirigeants du manquement en cause et doit donc s’appliquer de façon rétroactive.

79. M. Philippe Gellman relève que MFG n’a pas annoncé de retour à l’équilibre, mais uniquement un objectif de retour à l’équilibre et qu’il était expressément indiqué dans ce communiqué que MFG dépendait du soutien financier de Jekiti Mar Capital. Il souligne, par ailleurs, que les termes de ce communiqué ont été arrêtés par le conseil d’administration de MFG le 24 novembre 2014 et qu’il s’est contenté d’adresser un premier projet de communiqué le 7 décembre 2014.

III.1.1. Textes applicables

80. Les faits reprochés, qui se sont déroulés le 29 décembre 2014, seront examinés à la lumière des textes alors applicables, sous réserve de l’application rétroactive d’éventuelles dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

— Sur l’article 223-1 du règlement général de l’AMF

81. L’article 223-1 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction issue de l’arrêté du 4 janvier 2007, non modifiée depuis, énonce : « l’information donnée au public par l’émetteur doit être exacte, précise et sincère ».

82. Les dispositions des articles 12.1 c) et 15 du règlement MAR prohibent la diffusion d’informations susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses, mais en ajoutant deux éléments constitutifs supplémentaires : d’une part qu’il s’agisse d’indications « en ce qui concerne l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier […] ou [qu’elles] fixent ou sont susceptibles de fixer à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un ou plusieurs instruments financiers », d’autre part, la connaissance avérée ou supposée du

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caractère faux ou trompeur de l’information diffusée.

83. Les articles 12.1 c) et 15 du règlement MAR apparaissent donc moins sévères que l’article 223-1 du règlement général de l’AMF, de sorte qu’il y a lieu de les appliquer rétroactivement aux faits reprochés.

— Sur l’article 632-1 du règlement général de l’AMF

84. L’article 632-1, alinéa 1, du règlement général de l’AMF, dans sa version issue de l’arrêté du 2 avril 2009, non modifié sur ces points dans un sens moins sévère jusqu’à son abrogation par l’arrêté du 14 septembre 2016, disposait : « Toute personne doit s’abstenir de communiquer, ou de diffuser sciemment, des informations, quel que soit le support utilisé, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur des instruments financiers, y compris en répandant des rumeurs ou en diffusant des informations inexactes ou trompeuses, alors que cette personne savait ou aurait dû savoir que les informations étaient inexactes ou trompeuses ».

85. L’article 632-1 du règlement général de l’AMF s’applique aux informations donnant des indications inexactes, imprécises ou trompeuses « sur des instruments financiers », alors que, comme il a été dit ci-dessus, l’article 12.1 c) du règlement MAR vise les « informations […] qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier […] ou fixent ou sont susceptibles de fixer à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers », ce qui constitue dans les deux cas une condition supplémentaire par rapport aux dispositions de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF. Le règlement MAR est donc moins sévère que l’article 632-1 du règlement général de l’AMF sur ce point, en ce qu’il nécessite la démonstration d’un élément constitutif supplémentaire pour caractériser le manquement.

86. En conséquence, le manquement sera examiné à la lumière des dispositions combinées, d’une part, des articles 223-1 du règlement général de l’AMF et 12.1 c) du règlement MAR, d’autre part, de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF et de l’élément constitutif supplémentaire susvisé prévu à l’article 12.1 c) du règlement MAR.

— Sur l’imputabilité du manquement

87. L’article 221-1 2° du règlement général de l’AMF, dans sa version issue de l’arrêté du 26 février 2007, dispose : « […] / 2° le terme : « personne » désigne une personne physique ou une personne morale. / Les dispositions du présent titre [titre II du livre II du règlement général de l’AMF] sont également applicables aux dirigeants de l’émetteur, de l’entité ou de la personne morale concernée ».

88. En conséquence, les dispositions du titre II du livre II du règlement général de l’AMF, au sein duquel figure l’article 223-1 sur le fondement duquel a été notifié le grief, étaient, à l’époque des faits, applicables aux dirigeants de l’émetteur.

89. Postérieurement aux faits est entré en vigueur le règlement MAR qui dispose, en son article 12.4 : « Lorsque la personne visée dans le présent article est une personne morale, le présent article s’applique également, conformément au droit national, aux personnes physiques qui prennent part à la décision de mener des activités pour le compte de la personne morale concernée ».

90. Ces dispositions, qui posent un principe d’imputabilité aux « personnes physiques qui prennent part à la décision de mener des activités pour le compte de la personne morale concernée » et renvoient sa mise en œuvre au droit national, ne sont pas moins sévères que celles précitées de l’article 221-1 2° du règlement général de l’AMF, de sorte que ces dernières sont seules applicables.

91. Le moyen soulevé par M. Edouard Hubsch relatif à l’impossibilité de lui imputer le manquement en cause en raison de l’application rétroactive des dispositions du règlement MAR est donc infondé et sera par conséquent écarté.

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III.1.2. Appréciation du manquement

— À titre liminaire, sur le moyen relatif à la nécessité d’une révision de la notification de griefs

92. MFG et M. Edouard Hubsch font valoir que l’application rétroactive des articles 12.1 c) et 15 du règlement MAR nécessite que les notifications de griefs fassent l’objet d’une « révision par le Collège », au motif qu’« il est impossible de développer une défense fondée sur le texte européen, puisqu’aucune argumentation correspondante ne figure dans la notification de grief actuelle ».

93. Cependant, le respect des droits de la défense, qui suppose que la personne mise en cause soit informée tant des faits qui fondent les charges portées contre elle que de la qualification envisagée afin qu’elle puisse utilement préparer sa défense, n’impose pas que dans le cas où des dispositions relatives aux faits de l’espèce et entrées en vigueur après ces faits sont susceptibles de recevoir une application rétroactive, la notification de griefs soit révisée par le collège.

94. Le moyen soulevé par les mis en cause est par conséquent infondé, de sorte qu’il sera écarté.

(A) La diffusion de l’information

95. Il n’est pas contesté que le communiqué de presse a été diffusé le 29 décembre 2014. La condition tenant à la diffusion de l’information, énoncée à l’article 12.1 c) du règlement MAR, ou à sa communication, prévue à l’article 632-1 du règlement général de l’AMF, est donc satisfaite.

(B) Le caractère inexact ou trompeur de l’information diffusée

96. Il est mentionné dans le communiqué en cause que : « La société Jekiti Mar Capital détenant 62% du capital de MFG a réitéré de façon formelle pour l’exercice 2015 son soutien financier à MFG en lui apportant les concours nécessaires au déploiement de sa stratégie de développement ».

97. Les termes précités de ce communiqué de presse ne sont pas inexacts en ce qui concerne la réalité de l’engagement de Jekiti Mar Capital à apporter ses concours à MFG, puisqu’il a bien été formulé lors des conseils d’administration des 3 septembre et 24 novembre 2014.

98. Quant au fait que l’engagement soit présenté comme ayant été réitéré de « façon formelle », il ressort des pièces du dossier que cet engagement est contenu dans des documents écrits, les procès-verbaux des conseils d’administration mentionnés ci-dessus, et qu’il a été exprimé en des termes précis et univoques par M. Edouard Hubsch, représentant légal de Jekiti Mar Capital.

99. Cet engagement de soutien avait au demeurant un caractère suffisamment formel pour que les commissaires aux comptes de la société aient décidé sur le fondement de celui-ci de mettre fin à la procédure d’alerte, ainsi que ces derniers l’ont confirmé aux enquêteurs.

100. Il s’ensuit que la mention du communiqué selon laquelle l’engagement de Jekiti Mar Capital a été réitéré de « façon formelle » n’est ni inexacte, ni trompeuse.

101. En revanche, des lors, d’une part, que le soutien de Jekiti Mar Capital est matérialisé par les « concours nécessaires au déploiement de sa stratégie de développement », d’autre part, que l’exécution du plan de continuation constitue la condition préalable à tout « développement » de MFG, ledit soutien de Jekiti Mar Capital porte implicitement mais nécessairement sur le paiement par MFG des dividendes du plan.

102. Au demeurant, l’engagement de soutien visé par le communiqué de presse fait référence, comme il a été dit, aux propos du représentant de Jekiti Mar Capital lors des conseils d’administration des 3 septembre et 24 novembre 2014 de MFG, qui couvrent expressément « le financement du remboursement du plan de remboursement ».

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103. Le lecteur infère donc naturellement de cette formulation du communiqué de presse que grâce au soutien de Jekiti Mar Capital, lequel, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, était formel, le respect des échéances de paiement des dividendes du plan continuation ne soulevait, à la date de ce communiqué, aucune difficulté particulière, alors que précisément, à cette date, MFG n’avait pas payé le 4ème dividende lequel était exigible depuis 2 mois et 16 jours et lui avait été expressément réclamé.

104. En ce sens, la mention précitée du communiqué de presse doit être considérée comme trompeuse, et la confiance alléguée des dirigeants de MFG en l’absence de risque de défaillance de la société n’est pas de nature à lui enlever ce caractère.

(B) Des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne « l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier » ou qui « fixent ou sont susceptibles de fixer à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers »

105. Les indications trompeuses sur l’engagement de soutien de Jekiti Mar Capital, qui ont pour effet de faire croire à un investisseur raisonnable qu’il n’existe aucune difficulté liée au paiement du 4ème dividende du plan de continuation par MFG à la date du communiqué de presse, sont de nature à fixer le cours de MFG à un niveau supérieur à ce qu’il aurait été en l’absence de telles indications. L’élément constitutif supplémentaire prévu par l’article 12.1 c) du règlement MAR est donc établi.

(C) La connaissance, avérée ou supposée, par les mis en cause du caractère faux ou trompeur de l’information diffusée

— La connaissance, avérée ou supposée, de MFG

106. Un émetteur est réputé connaître le caractère inexact ou trompeur d’une information qui a été publiée en son nom et pour son compte, de sorte que MFG savait ou aurait dû savoir le caractère trompeur de l’’information relative à l’engagement de soutien de Jekiti Mar Capital diffusée dans le communiqué de presse en cause.

— La connaissance, avérée ou supposée, de M. Edouard Hubsch et Philippe Gellman

107. Il ressort des pièces du dossier qu’à la date de la publication du communiqué de presse,

MM. Edouard Hubsch et Philippe Gellman étaient informés du non-paiement du 4ème dividende à sa date d’échéance, ainsi que le démontrent leurs échanges à ce sujet en date du 1er décembre 2014.

108. Ils étaient également personnellement impliqués dans l’élaboration du communiqué de presse du 29 décembre 2014, ainsi que l’illustrent leurs courriels du même jour aux termes desquels ils discutent des modifications à apporter au projet de communiqué.

109. Il s’ensuit que MM. Edouard Hubsch et Philippe Gellman savaient ou auraient dû savoir que l’information relative au soutien de Jekiti Mar Capital à MFG diffusée dans le communiqué de presse du

29 décembre 2014 était trompeuse.

110. Il résulte de ce qui précède que le manquement est caractérisé à l’égard de MFG sur le fondement des dispositions combinées, d’une part, des articles 223-1 du règlement général de l’AMF et 12.1 c) du règlement MAR, d’autre part, de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF et de l’élément constitutif supplémentaire prévu à l’article 12.1 c) du règlement MAR. Il est également caractérisé à l’égard de MM. Edouard Hubsch et Philippe Gellman, sur le fondement de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF et de l’élément constitutif supplémentaire prévu à l’article 12.1 c) du règlement MAR.

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(D) L’imputabilité à MM. Edouard Hubsch et Philippe Gellman du manquement fondé sur l’article 223-1 du règlement général de l’AMF

111. MM. Edouard Hubsch et Philippe Gellman, en leur qualité respective de président-directeur général et directeur général délégué de MFG à l’époque des faits, avaient la qualité de dirigeants au sens des dispositions du dernier alinéa de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF.

112. Ils n’établissent aucune circonstance particulière les ayant privés de l’exercice de leurs fonctions.

113. Au demeurant, il a été rappelé qu’ils étaient effectivement impliqués dans l’élaboration du communiqué de presse en cause.

114. Le manquement retenu à l’encontre de MFG sur le fondement des articles 12.1 c) du règlement MAR et 223-1 du règlement général de l’AMF sont donc imputables à MM. Edouard Hubsch et Philippe Gellman et, partant, sont caractérisés à leur égard.

III.2 Sur le communiqué de presse du 20 février 2015

115. Il est fait grief à MFG de ne pas avoir communiqué une information exacte, précise et sincère dans le communiqué de presse de MFG du 20 février 2015, en ce que celui-ci faisait état d’une « tendance positive sur l’année 2014 » et d’éléments relatifs à l’évolution de l’activité sur 2015, sans qu’il soit fait mention des difficultés financières rencontrées par MFG à cette date, en méconnaissance des articles 223-1 et 632-1 du règlement général de l’AMF, le manquement à l’article 223-1 étant imputé à

MM. Edouard Hubsch et Philippe Gellman en leur qualité de dirigeants impliqués dans la communication financière de MFG en application de l’article 221-1, dernier alinéa, du même règlement.

116. MFG soutient que la forte diminution du chiffre d’affaires de MFG en janvier 2015 n’a pas de rapport avec l’objet du communique de presse, qui évoque la tendance positive sur l’année 2014 et le partenariat conclu avec le groupe Galeries Lafayette au début de l’année 2015. MFG prétend en outre que l’application rétroactive des dispositions 12.1 c) et 15 du règlement MAR au présent grief nécessitent une révision des notifications de griefs par le collège de l’AMF.

117. M. Edouard Hubsch affirme que le manquement ne peut plus lui être imputé depuis l’entrée en vigueur du règlement MAR, qui ne prévoit pas de dispositif d’imputabilité aux dirigeants dudit manquement et doit donc s’appliquer de façon rétroactive.

118. M. Philippe Gellman souligne son absence d’implication dans l’élaboration du communiqué de presse, qui l’exonère de toute responsabilité personnelle au titre des informations diffusées dans ledit communiqué. Il affirme qu’en tout état de cause, il n’était pas en mesure de contester la nature de l’information diffusée dans ce communiqué, faute d’avoir accès aux informations pertinentes sur l’état de la société.

III.2.1. Textes applicables

119. Les faits reprochés, qui se sont déroulés le 20 février 2015, seront examinés à la lumière des textes alors applicables, sous réserve de l’application rétroactive d’éventuelles dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

120. Les textes applicables sont identiques au précédent grief, de sorte que le manquement sera examiné à la lumière des dispositions combinées, d’une part, des articles 223-1 du règlement général de l’AMF et 12. 1 c) du règlement MAR, d’autre part, de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF et de l’élément constitutif supplémentaire prévu à l’article 12.1 c) du règlement MAR.

121. Il a également été vu à l’occasion de l’examen du précédent grief, d’une part, que l’application rétroactive des dispositions du règlement MAR n’est pas contraire au respect des droits de la défense et ne nécessite donc pas une « révision » de la notification de griefs, contrairement à ce qu’allègue MFG, et, d’autre part, que le moyen de M. Edouard Hubsch relatif à l’impossibilité de lui imputer le manquement en cause à raison

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de l’application du règlement MAR est infondé et sera donc écarté.

III.2.2. Appréciation du grief

(A) La diffusion de l’information

122. Il n’est pas contesté que le communiqué de presse a été diffusé le 20 février 2015. La condition tenant à la diffusion de l’information, énoncée à l’article 12.1 c) du règlement MAR, ou à sa communication, prévue à l’article 632-1 du règlement général de l’AMF, est donc satisfaite.

(B) Le caractère inexact ou trompeur de l’information diffusée

123. Si le communiqué du 20 févier 2015 a principalement pour objet d’informer le marché du chiffre d’affaires réalisé par MFG au 4ème trimestre 2014, il inclut également une section intitulée « Evolution de l’activité » relatif au partenariat conclu avec le groupe Galeries Lafayette, lequel concerne l’activité à venir de la société.

124. Selon les éléments fournis par l’enquête et non contestés par les mis en cause, ce communiqué a été suivi d’une hausse de 20% du cours de MFG dans un volume 5 fois supérieur au volume moyen échangé par séance en 2014.

125. Or, à la date de ce communiqué, MFG était dans l’incapacité non seulement de payer le 4ème dividende du plan de continuation exigible depuis le 13 octobre 2014, mais aussi de régler le montant des condamnations prud’homales ayant donné lieu à la signification de deux commandements aux fins de saisie vente en date des 18 décembre 2014 et 7 janvier 2015, de même que le montant du loyer du 4ème trimestre 2014 de la boutique rue de Passy, lequel était exigible au 1er janvier 2015.

126. Il est donc avéré que, comme l’écrivait le conseil de MFG au commissaire à l’exécution du plan le 16 janvier 2015, « les difficultés de trésorerie rencontrées par MFGH sont bien réelles ».

127. En outre, selon les indications données par M. Edouard Hubsch aux enquêteurs, le chiffre d’affaires de MFG avait chuté de 40% en janvier 2015, en lien avec les évènements dramatiques survenus à Paris, de sorte que les hypothèses du plan de trésorerie étaient totalement remises en cause.

128. Les difficultés de trésorerie existantes à la date du communiqué de presse ont au demeurant fondé la requête en résolution du plan de continuation, déposé par le commissaire à l’exécution du plan moins de quatre jours après la publication de ce communiqué.

129. Il s’ensuit que MFG a communiqué sur ses résultats, mais aussi sur ses perspectives dans la mesure où le communiqué contenait une section relative à « l’évolution de son activité », sans mentionner les très graves difficultés de trésorerie rencontrées à la date de ce communiqué, qui la mettaient dans l’incapacité de faire face à ses différentes échéances. Cette omission confère un caractère trompeur à l’information diffusée, dès lors que rien ne laissait présager au marché l’existence de difficultés de cette ampleur.

(C) Des indications fausses et trompeuses en ce qui concerne « l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier » ou qui « fixent ou sont susceptibles de fixer à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers »

130. Les indications trompeuses sur l’évolution de l’activité de MFG, en ce qu’elles éludent les graves difficultés financières rencontrées par la société à la date du communiqué, sont de nature à fixer le cours de MFG à un niveau supérieur à ce qu’il aurait été en l’absence de telles indications. L’élément constitutif supplémentaire prévu par l’article 12.1 c) du règlement MAR est donc établi.

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(D) La connaissance, avérée ou supposée, par les mis en cause du caractère faux ou trompeur de l’information diffusée

— La connaissance, avérée ou supposée, de MFG

131. Un émetteur est réputé connaître le caractère inexact ou trompeur d’une information qui a été publiée en son nom et pour son compte, de sorte que MFG savait ou aurait dû savoir le caractère trompeur de l’’information relative à l’évolution de l’activité de MFG diffusée dans le communiqué en cause.

— La connaissance, avérée ou supposée, de M. Edouard Hubsch et Philippe Gellman

132. Il ressort des pièces du dossier que MM. Edouard Hubsch et Philippe Gellman, en leur qualité de dirigeants de MFG, connaissaient les difficultés financières rencontrées par MFG, ainsi que l’illustrent leurs échanges des 1er et 9 décembre 2014 sur l’absence de paiement du 4ème dividende du plan de continuation ou encore ceux du 10 février 2015 sur la mise en jeu de la clause résolutoire du bail par le propriétaire de la boutique rue de Passy faute de paiement du loyer du 4ème trimestre 2014.

133. MM. Edouard Hubsch et Philippe Gellman étaient également impliqués tous deux dans la diffusion du communiqué de presse en cause, ainsi qu’en témoignent leurs échanges de courriels des 19 et 20 février 2015 relatifs notamment à la date de parution du communiqué.

134. C’est donc à tort que M. Philippe Gellman prétend n’avoir pas eu connaissance des difficultés rencontrées par MFG qui confèrent un caractère trompeur audit communiqué et n’avoir joué aucun rôle dans le cadre de la diffusion dudit communiqué.

135. Il s’ensuit que le manquement est caractérisé à l’égard de MFG sur le fondement des dispositions combinées, d’une part, des articles 223-1 du règlement général de l’AMF et 12.1 c) du règlement MAR, d’autre part, de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF et de l’élément constitutif supplémentaire prévu à l’article 12.1 c) du règlement MAR. Il est également caractérisé à l’égard de MM. Edouard Hubsch et Philippe Gellman, sur le fondement de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF et de l’élément constitutif supplémentaire prévu à l’article 12.1 c) du règlement MAR.

(E) L’imputabilité à MM. Edouard Hubsch et Philippe Gellman

136. MM. Edouard Hubsch et Philippe Gellman, en leur qualité respective de président-directeur général et directeur général délégué de MFG à l’époque des faits, avaient la qualité de dirigeants au sens des dispositions du dernier alinéa de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF.

137. Ils n’établissent aucune circonstance particulière les ayant privés de l’exercice de leurs fonctions.

138. Au demeurant, il a été rappelé qu’ils étaient effectivement impliqués dans la diffusion du communiqué de presse en cause.

139. Le manquement retenu à l’encontre de MFG sur le fondement des articles 12.1 c) du règlement MAR et 223-1 du règlement général de l’AMF est donc imputable à MM. Edouard Hubsch et Philippe Gellman, et, en conséquence, caractérisé à leur égard.

IV. Sur les manquements d’initiés

IV.1 Sur les manquements d’initiés reprochés à Financière du Phœnix, SCI Plainville et M. Philippe Gellman

140. Il est fait grief à Financière du Phœnix, SCI Plainville et à M. Philippe Gellman, celui-ci pour le compte des deux sociétés précitées, d’avoir utilisé l’information privilégiée relative au non-paiement du 4ème dividende du plan de continuation à sa date d’échéance, en ayant procédé à des cessions d’actions du 19 novembre 2014 au 11 février 2015, en méconnaissance des articles 622-1 et 622-2 du règlement général

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de l’AMF. Les notifications de griefs précisent que les opérations en cause ont occasionné une économie de perte de 133 500 euros pour Financière du Phœnix et de 5 400 euros pour la SCI Plainville.

141. Les mis en cause réfutent que les opérations de cession susvisées aient été motivées par la détention de l’information privilégiée en cause, dès lors que, d’une part, de telles cessions avaient débuté antérieurement au 14 octobre 2014, date à laquelle l’information a revêtu un caractère privilégié, d’autre part, qu’ils avaient à l’époque des cessions la certitude que tout risque de défaillance de MFG était exclu du fait de l’engagement de soutien financier de Jekiti Mar Capital. Ils en concluent que les transactions en cause, auxquelles M. Philippe Gellman a procédé pour faire face à ses charges personnelles, ne caractérisent pas une utilisation indue de l’information privilégiée.

IV.1.1. Textes applicables

142. Les faits reprochés, qui se sont déroulés du 19 novembre 2014 au 11 février 2015, seront examinés à la lumière des textes alors applicables, sous réserve de l’application rétroactive d’éventuelles dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

— Sur la définition de l’information privilégiée

143. Il a été vu lors de l’examen du premier grief que les dispositions du règlement MAR définissent l’information privilégiée en des termes équivalents de celles de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF dans sa version en vigueur à l’époque des faits et ne sont donc pas susceptibles de recevoir une application rétroactive.

— Sur la définition de l’opération d’initié

144. L’article 622-1 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction issue de l’arrêté du 30 décembre 2005, non modifiée depuis sur ces points dans un sens moins sévère, et abrogée par l’arrêté du

14 septembre 2016, indiquait que : « Toute personne mentionnée à l’article 622-2 doit s’abstenir d’utiliser l’information privilégiée qu’elle détient en acquérant ou en cédant, ou en tentant d’acquérir ou de céder, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, soit directement soit indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés. […] ».

145. L’article 622-2 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction issue de l’arrêté du 12 novembre 2004, non modifiée depuis sur ces points dans un sens moins sévère, et abrogée par l’arrêté du

14 septembre 2016, énonçait que : « Les obligations d’abstention prévues à l’article 622-1 s’appliquent à toute personne qui détient une information privilégiée en raison de : / 1° Sa qualité de membre des organes d’administration, de direction, de gestion ou de surveillance de l’émetteur ; / 2° Sa participation dans le capital de l’émetteur ; / 3° Son accès à l’information du fait de son travail, de sa profession ou de ses fonctions, ainsi que de sa participation à la préparation et à l’exécution d’une opération financière ; […] / Ces obligations d’abstention s’appliquent également à toute autre personne détenant une information privilégiée et qui sait ou qui aurait dû savoir qu’il s’agit d’une information privilégiée. […] Lorsque la personne mentionnée au présent article est une personne morale, ces obligations d’abstention s’appliquent également aux personnes physiques qui participent à la décision de procéder à l’opération pour le compte de la personne morale en question ».

146. Les dispositions de l’article 8 et 14 du règlement MAR, qui définissent les opérations d’initié en des termes équivalents aux dispositions précitées des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF, ne sont pas moins sévères que ces dernières et ne sont pas susceptibles de recevoir une application rétroactive.

147. Les faits reprochés seront donc examinés à la lumière des dispositions précitées des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF.

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IV.1.2. Appréciation du manquement

A) Sur le caractère privilégié de l’information

148. Il a été vu lors de l’examen du premier grief que l’absence de paiement par MFG du 4ème dividende du plan de continuation à sa date d’échéance constituait une information privilégiée à compter du

14 octobre 2014.

B) Sur la détention et l’utilisation de l’information privilégiée

149. Les opérations de cessions de titres MFG visées par les notifications de griefs ont eu lieu du 19 novembre 2014 au 11 février 2015, selon le calendrier suivant :

FINANCIERE DU PHOENIX Quantité (+ achat / – vente) Montant (euros) 19/11/2014
- 500 000 25 000 20/11/2014
- 500 000 30 000 17/12/2014
- 500 000 25 000 27/01/2015
- 100 000 6 000 30/01/2015
- 83 856 5031,36 03/02/2015
- 100 000 6 000 04/02/2015
- 45 500 2 730 05/02/2015
- 20 644 1238,64 11/02/2015
- 650 000 32 500

SCI Plainville Quantité (+ achat / – vente) Montant (euros) 15/01/2015
- 90 000 5400

150. Il n’est pas contesté qu’à cette période, M. Philippe Gellman avait connaissance, en sa qualité de directeur général délégué de MFG, de l’absence de paiement par MFG du 4ème dividende à sa date d’échéance. Il était donc tenu, au sens de l’article 622-2 du règlement général de l’AMF, à un strict respect de l’obligation d’abstention, prévue à l’article 622-1 du même règlement, d’utilisation de cette information privilégiée.

151. Il n’est pas non plus contesté que ces interventions sur le titre MFG ont été effectuées sur ordre de M. Philippe Gellman pour le compte de Financière du Phœnix et SCI Plainville, dont il était gérant et actionnaire.

152. M. Philippe Gellman, en sa qualité de directeur général délégué de MFG, est un initié primaire, de sorte qu’il est présumé avoir utilisé indûment pour le compte de ces sociétés l’information privilégiée en cause à l’occasion de ces opérations de cession.

153. Le fait que ces cessions aient été effectuées pour faire face aux charges personnelles de

M. Philippe Gellman – ce qui est au demeurant n’est pas démontré -, dans un contexte de tensions avec M. Edouard Hubsch, relève de considérations personnelles qui ne sont pas de nature à justifier la violation du devoir d’abstention auquel il était tenu.

154. La circonstance que Financière du Phœnix avait déjà procédé à des opérations de cessions d’actions MFG antérieurement au 14 octobre 2014 est également sans effet, dès lors que l’article 622-1 du règlement général de l’AMF prévoit que l’obligation d’abstention s’applique dès la détention de l’information privilégiée.

155. Enfin la conviction personnelle de M. Philippe Gellman quant à l’absence de risque de défaillance de MFG à l’époque des cessions est indifférente, dès lors que la seule détention de l’information privilégiée relative au non-paiement du 4ème dividende du plan de continuation à sa date d’échéance suffisait à placer M. Philippe Gellman dans une situation d’inégalité face au reste du marché.

156. Le courriel du 23 octobre 2014 de M. Philippe Gellman à M. […] démontre au demeurant que le mis en cause avait conscience du risque encouru par MFG du fait de l’absence de paiement du 4ème dividende à sa date d’échéance : « Je ne sais plus quoi faire, il [M. Edouard Hubsch] ne mesure pas le risque malgré la

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mise en demeure de l’administrateur reçue la semaine dernière en RAR pour le règlement de la 4ème échéance du plan qui devait être réglée en début du mois. Il en va également de notre responsabilité de mettre en œuvre les solutions ad hoc pour la pérennité de Montaigne ».

157. La présomption d’utilisation indue de l’information privilégiée par M. Philippe Gellman pour le compte de Financière du Phœnix et SCI Plainville n’est donc pas renversée, de sorte que M. Philippe Gellman doit être regardé comme ayant manqué à l’obligation d’abstention qui s’imposait à lui en application de l’article 622-1 du règlement général de l’AMF en intervenant sur le titre MFG, pour le compte de

Financière du Phœnix lors des opérations de cession susvisées du 19 novembre 2014 au 11 février 2015 et, pour le compte de SCI Plainville lors de la cession du 15 janvier 2015.

158. Le manquement à l’obligation d’abstention d’utilisation de l’information privilégiée relative à l’absence de paiement par MFG du 4ème dividende du plan de continuation à sa date d’échéance est donc caractérisé à l’encontre de M. Philippe Gellman. Ce manquement est également imputable aux sociétés

Financière du Phœnix et SCI Plainville au nom et pour le compte desquelles il a été commis par leur gérant, M. Philippe Gellman, et ainsi caractérisé à leur encontre.

IV.2. Sur les manquements d’initiés reprochés à Jekiti Mar Capital et M. Edouard Hubsch

159. Il est fait grief à Jekiti Mar Capital et à M. Edouard Hubsch – celui-ci pour le compte de Jekiti Mar Capital -, d’avoir utilisé l’information, privilégiée dès le 23 février 2015, relative au dépôt par le commissaire à l’exécution du plan d’une requête aux fins de résolution du plan de continuation ou l’information privilégiée relative au non-paiement du 4ème dividende du plan de continuation à sa date d’échéance, en ayant procédé à deux opérations de cession d’actions MFG les 24 et 26 février 2015, en méconnaissance des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF. Les notifications de griefs précisent que les opérations en cause ont occasionné une économie de perte de 75 000 euros pour Jekiti Mar Capital.

160. Jekiti Mar Capital fait valoir que la poursuite ne démontre pas qu’elle était détentrice de l’information privilégiée, étant précisé que la personne morale ne saurait réputer détenir une telle information à travers son représentant légal. Elle relève que le fait que M. Edouard Hubsch soit accusé d’« avoir utilisé, pour le compte de Jekiti Mar Capital, cette information privilégiée » exclut que Jekiti Mar Capital ait agi elle-même pour son propre compte, de sorte que le manquement à son encontre ne peut être caractérisé.

161. M. Edouard Hubsch soutient qu’à la date des cessions, la résolution du plan de continuation n’était pas une hypothèse probable, le non-paiement d’une échéance d’un plan de continuation étant un évènement usuel, et qu’il n’avait par ailleurs pas de raison de douter du soutien de Jekiti Mar Capital à MFG. Le dépôt de la requête aux fins de résolution du plan de continuation n’était pas de nature à altérer sa confiance en l’avenir de MFG, comme l’illustre le fait que Jekiti Mar Capital ait apporté plus de 200 000 euros à MFG dans les 4 mois postérieurs au dépôt de ladite requête. M. Edouard Hubsch souligne enfin que les ventes incriminées ne portaient que sur 1,66% de la participation de Jekiti Mar Capital et que le produit des cessions a été réinvesti dans MFG, notamment pour payer le loyer de la boutique rue de Passy dont le bail avait fait l’objet d’une demande de résolution du bail, ce qui est exclusif de toute utilisation indue de l’information. M. Edouard Hubsch allègue enfin que la rédaction de la notification de griefs sur la qualification de l’information privilégiée porte atteinte à la présomption d’innocence.

IV.2.1. Textes applicables

162. Les faits reprochés, qui se sont déroulés du 24 au 26 février 2015, seront examinés à la lumière des textes alors applicables, sous réserve de l’application rétroactive d’éventuelles dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

163. Les textes applicables sont identiques au précédent grief, de sorte que le manquement sera examiné à la lumière des dispositions précitées des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF.

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IV.2.2. Appréciation du manquement

— A titre liminaire, sur le moyen tiré de l’atteinte à la présomption d’innocence

164. Dans ses observations en réponse au rapporteur, M. Edouard Hubsch soutient que la rédaction de la notification de griefs porte une atteinte irrémédiable à la présomption d’innocence, en ce que l’information relative à l’absence de paiement du 4ème dividende du plan de continuation est qualifiée de « privilégiée » par la poursuite, dans le passage suivant : « Il ressort par ailleurs des investigations diligentées par le Direction des enquêtes de l’AMF que les conditions cumulatives exigées par le II de l’article 223-2 du règlement général précité (…) pour bénéficier de la dérogation à l’obligation de publier dès que possible toute information privilégiée n’étaient pas en l’espèce remplies ».

165. Le passage précité se contente de rappeler les dispositions du II de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF et en tout état de cause, prenant place dans la notification de griefs, n’exprime le point de vue que de la poursuite, laissant par hypothèse entière la liberté d’appréciation de la commission sur la qualification des faits qui lui sont soumis pas la poursuite. Sauf à considérer qu’un acte de poursuite constitue en lui-même une atteinte à la présomption d’innocence, le moyen ne peut qu’être écarté. Au surplus, la notification de griefs emploie le conditionnel lorsqu’il s’agit de caractériser le grief reproché à

M. Edouard Hubsch : « Il résulte de l’ensemble des faits et raisons susmentionnés, que vous pourriez avoir utilisé (…) l’information privilégiée […] ».

A) Le caractère privilégié des informations en cause

(i) Le caractère privilégié de l’information relative au non-paiement du 4ème dividende du plan de continuation à sa date d’échéance

166. Il a été vu lors de l’examen du premier grief que l’information relative au non-paiement du 4ème dividende du plan de continuation à sa date d’échéance constituait une information privilégiée à compter du 14 octobre 2014.

(ii) Le caractère privilégié de l’information relative au dépôt par le commissaire à l’exécution du plan de continuation d’une requête aux fins de résolution du plan

— Sur le caractère précis de l’information

167. Il ressort des pièces du dossier que la SCP Thévenot a, en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan, signé une requête aux fins de résolution du plan le 23 février 2015 et que cette requête a été déposée au tribunal de commerce de Paris le 24 février 2015.

168. Il s’ensuit que le dépôt d’une requête aux fins de résolution du plan de continuation constitue un évènement susceptible de se produire dès le 23 février 2015, date de la signature de la requête.

169. Dès lors qu’une telle requête, motivée par l’incapacité de MFG à régler son passif, a pour finalité la résolution du plan de continuation et qu’elle est susceptible d’entraîner l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire, il est possible de tirer de l’information en cause une conclusion quant à l’effet, en l’occurrence négatif, sur le cours de MFG.

170. L’information était donc précise au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, dès le 23 février 2015.

— Sur le caractère non public de l’information

171. Il n’est pas contesté que cette information n’a été communiquée que le 27 avril 2015, date de la publication du communiqué de presse de MFG.

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— Sur le caractère sensible de l’information sur le cours

172. Le dépôt de la requête aux fins de résolution du plan de continuation révèle l’incapacité de MFG à honorer les échéances du plan de continuation et par conséquent les graves difficultés financières rencontrées par la société. Par ailleurs, il a été rappelé que cette requête est susceptible d’entraîner l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire, en vertu de l’article L. 626-27 du code de commerce.

173. En outre, la communication de MFG au marché à cette période ne laissait pas présager la moindre difficulté quant à l’exécution du plan de continuation.

174. Il s’ensuit qu’une telle information était susceptible d’être utilisée par un investisseur raisonnable comme un fondement de sa décision de désinvestissement.

175. Il résulte de ce qui précède que l’information relative au dépôt par le commissaire à l’exécution du plan d’une requête aux fins de résolution du plan de continuation constituait une information privilégiée dès le 23 février 2015.

B) La détention des informations privilégiées

176. Il résulte des pièces du dossier que les ordres afférents aux deux opérations de cession visées par les notifications de griefs ont été passés, d’une part, le 24 février 2015 à 12h07 (cession de 1 million de titres pour 50 000 euros), d’autre part, le 26 février 2015 à 14h54 (cession de 500 000 titres pour

25 000 euros).

(i) La détention de l’information privilégiée relative au non-paiement du 4ème dividende du plan de continuation à sa date d’échéance

177. Il n’est pas contesté qu’à la date des opérations de cession M. Edouard Hubsch détenait l’information relative à l’absence de paiement du 4ème dividende du plan de continuation à sa date d’échéance, comme l’illustrent ses échanges à ce sujet avec M. Philippe Gellman en date du 1er décembre 2014.

(ii) La détention de l’information relative au dépôt par le commissaire à l’exécution du plan de continuation d’une requête aux fins de résolution du plan

178. Il ressort du dossier d’enquête que M. Edouard Hubsch a transmis le 26 février 2015 à 11h55 par courriel à M. Philippe Gellman la convocation devant le tribunal de commerce de Paris en vue de l’audience du 18 mars relative à la demande de résolution du plan.

179. Le même jour, à 14h30, M. Philippe Gellman répondait en ces termes au courriel de M. Edouard Hubsch : « A la lecture de vos deux derniers mails de ce jour et des courriers de Maître Thévenot et de la prochaine convocation de Montaigne en date du 18 mars, il convient d’urgence de demander la suspension du cours de bourse de la société ».

180. Il s’ensuit que lors de la deuxième opération de cession visée par les notifications de griefs, qui a été ordonnée le même jour à 14h54, M. Edouard Hubsch détenait l’information privilégiée relative au dépôt de la requête aux fins de résolution du plan de continuation.

181. S’agissant de la première opération de cession du 24 février 2015, il ne ressort du dossier d’enquête aucune preuve directe de la détention de cette information par M. Edouard Hubsch à cette date. Notamment, la lettre du commissaire à l’exécution du plan informant MFG du dépôt de la requête aux fins de résolution du plan de continuation a été réceptionnée par la société le 25 février 2015, soit le lendemain de la première opération de cession.

182. À défaut de preuve directe, la détention d’une information privilégiée peut être démontrée par un faisceau d’indices, graves, précis et concordants.

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183. En l’espèce, il sera tout d’abord constaté la coïncidence chronologique entre la date de la signature de la requête aux fins de résolution du plan (23 février), son dépôt au tribunal de commerce (24 février) et la date de l’opération litigieuse (24 février).

184. En outre, antérieurement aux 25 et 26 février 2015, Jekiti Mar Capital n’avait jamais cédé ses titres MFG – à la seule exception de la cession en date du 18 février 2014 au bénéfice Financière du Phœnix en exécution d’accords contractuels conclus à l’occasion de l’arrivée de M. Philippe Gellman au sein de la direction de la société. Jekiti Mar Capital n’avait pas non plus manifesté sa volonté de se désengager de la société et si le conseil d’administration du 3 septembre 2014 prévoyait le recours éventuel de

Jekiti Mar Capital à des « cessions de bloc d’actions hors marché » pour financer MFG, il n’était pas prévu des cessions de titres sur le marché, ce qui a été le cas des opérations litigieuses. Le caractère atypique de la cession du 24 février 2015 est donc établi.

185. Enfin, Me Thévenot a affirmé lors de son audition par les enquêteurs qu’« il est probable qu’un échange oral annonçant l’envoi de cette requête [aux fins de résolution du plan] ait eu lieu avec un conseil ou le dirigeant », de sorte qu’il existe un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée.

186. La chronologie des évènements, le caractère atypique des cessions et l’existence d’un circuit plausible de transmission de l’information privilégiée constituent des indices graves, précis et concordants dont il résulte que M. Edouard Hubsch détenait l’information privilégiée en cause à la date des deux opérations de cession visées par les notifications de griefs.

C) L’utilisation des informations privilégiées

187. Il résulte des pièces du dossier que les ordres de vente afférents aux deux cessions de titres MFG en cause ont été passés pour le compte de Jekiti Mar Capital par Mme Dominique Hubsch sur instruction de son mari, M. Edouard Hubsch, comme l’a confirmé ce dernier lors de son audition par les enquêteurs.

188. M. Edouard Hubsch, en sa qualité de président-directeur général de MFG, est un initié primaire, de sorte qu’il est présumé avoir utilisé, pour le compte de Jekiti Mar Capital, les informations privilégiées précitées à l’occasion de ces deux opérations de cession, à charge pour lui de rapporter des éléments de preuve propres à écarter cette présomption en démontrant qu’il n’a pas exploité de manière indue l’avantage que lui conférait la détention de l’information privilégiée.

189. Afin de renverser cette présomption, M. Edouard Hubsch allègue qu’il considérait, à la date des cessions, que le risque de défaillance de MFG n’était pas probable. Cependant, la seule détention des informations privilégiées en cause plaçait M. Edouard Hubsch dans une situation d’inégalité face au reste du marché, et ce quelle que soit son appréciation personnelle quant à l’absence de risque de défaillance de MFG.

190. Les mis en cause soulignent également qu’il n’y pas eu d’utilisation indue des informations privilégiées dès lors que le produit des cessions a été réinvesti par Jekiti Mar Capital dans MFG sous forme d’apports en compte courant, afin de permettre à cette dernière d’honorer des dettes urgentes, notamment le loyer d’une boutique dans un contexte de mise en jeu de la clause résolutoire par le bailleur au 10 mars 2015.

191. Cependant, l’absence d’utilisation indue, dans l’hypothèse du réinvestissement du produit des cessions litigieuses au bénéfice de MFG, nécessite de démontrer l’impossibilité absolue de reporter ces cessions litigieuses ainsi que le caractère strictement nécessaire de celles-ci.

192. Or, en l’espèce, si Jekiti Mar Capital a bien apporté 94 900 euros à MFG dans les 2 semaines suivant la date des cessions litigieuses et si MFG a bien viré 46 647 et 4 674 euros respectivement les 10 et 11 mars 2015 à la SCI SYSK, bailleur de la boutique de la rue de Passy, il n’existe cependant pas de correspondance exacte entre les montants perçus par Jekiti Mar Capital à l’occasion des cessions litigieuses (50 000 euros le 26 février 2015 au titre de la cession du 24 février ; 25 000 euros le 2 mars 2015 au titre de la cession du 26 février) et les montants apportés par Jekiti Mar Capital à MFG dans les 2 semaines suivant ces opérations : 12 500 euros le 26 février 2015 ; 9 800 euros le 5 mars 2015 ; 27 500 euros le

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6 mars 2015 et 45 100 euros le 10 mars 2015.

193. Il résulte également des pièces du dossier que les apports en compte-courant postérieurs aux cessions s’inscrivent dans la continuité des apports antérieurs, qui ont été effectués par Jekiti Mar Capital sans qu’il soit nécessaire de recourir pour cette dernière à des cessions d’actions MFG : en 2014, Jekiti Mar Capital a ainsi effectué 113 apports en compte-courant à MFG d’un montant total de 1 869 870 euros, soit un montant moyen par apport de 16 547 euros ; le premier semestre de 2015, MFG a effectué 35 apports en compte- courant, soit un virement tous les 5 jours, d’un montant total de 385 495 euros, soit un montant moyen par apport de 11 014 euros.

194. Les mis en cause affirment à ce sujet que Jekiti Mar Capital n’avait plus les fonds disponibles à l’époque des cessions pour apporter à MFG les montants nécessaires, le produit de l’emprunt bancaire contracté le 3 novembre 2014 par Jekiti Mar Capital, soit 350 000 euros, ayant déjà été dépensé par MFG à cette date pour financer les besoins de l’activité.

195. Or, il ressort du compte courant professionnel de Jekiti Mar Capital du 2 mars 2015 que celle-ci a viré le 26 février 2015 la somme de 50 000 euros, soit le montant du produit de la cession du 24 février, à un tiers, dénommé « SCJM », et non à MFG.

196. Il résulte en outre des pièces du dossier que postérieurement aux cessions litigieuses, Jekiti Mar Capital a également poursuivi ses apports en compte-courant à MFG sans avoir besoin de recourir à des cessions d’actions MFG : du 24 février 2015 au 23 juin 2015, Jekiti Mar Capital a ainsi versé 217 335 euros à MFG, soit 142 335 euros de plus que les 75 000 euros issus du produit des cessions litigieuses.

197. Par ailleurs la société DMC, dont était actionnaire Jekiti Mar Capital, a voté le 27 février 2015 une distribution de réserves exceptionnelle de 450 300 euros au profit de cette dernière, ce que savait nécessairement M. Hubsch à la date des cessions litigieuses des 24 et 26 février 2015. Dans un courrier du 16 mars 2015 adressé au commissaire à l’exécution du plan en vue de l’audience devant le tribunal de commerce de Paris du 18 mars 2015, Jekiti Mar Capital s’est ainsi engagée à apporter à MFG une avance en compte courant égale au montant du 4ème dividende du plan de continuation, soit 322 832,31 euros, dans l’hypothèse où les banques bénéficiaires d’un nantissement ne donneraient pas leur accord à la cession du droit au bail de MFG – promesse qui ne sera finalement pas tenue -.

198. Les éléments mentionnés ci-dessus tendent donc à démontrer que Jekiti Mar Capital disposait de fonds conséquents pour soutenir MFG, sans qu’il soit nécessaire de recourir à des cessions d’actions MFG.

199. Il résulte de l’ensemble ce qui précède que n’est donc démontré ni le caractère nécessaire des cessions litigieuses en vue de soutenir MFG, ni l’impossibilité pour Jekiti Mar Capital de reporter les cessions litigieuses, de sorte que la présomption d’utilisation indue des informations privilégiées mentionnées ci-dessus par M. Edouard Hubsch pour le compte de Jekiti Mar Capital n’est pas renversée.

M. Edouard Hubsch doit donc être regardé comme ayant manqué à l’obligation d’abstention qui s’imposait à lui en application de l’article 622-1 du règlement général de l’AMF en intervenant sur le titre MFG, pour le compte de Jekiti Mar Capital lors des opérations de cession des 24 et 26 février 2015.

200. Le manquement à l’obligation d’abstention d’utilisation des informations privilégiées analysées ci-dessus est donc caractérisé à l’encontre de M. Edouard Hubsch. Ce manquement est également imputable à la société Jekiti Mar Capital au nom et pour le compte de laquelle il a été commis par son gérant, et ainsi caractérisé à son encontre.

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V. Sur le défaut de déclaration des opérations sur le titre MFG

V.1. Sur le défaut de déclaration des opérations sur le titre MFG réalisées par

Financière du Phœnix

201. Il est fait grief à Financière du Phœnix de ne pas avoir déclaré auprès de l’AMF les opérations de cession d’actions MFG qu’elle a réalisées alors qu’elles excédaient le seuil de l’article 223-23 du règlement général de l’AMF, en méconnaissance des dispositions des articles L. 621-18-2 et R. 621-43-1 du code monétaire et financier et de l’article 223-22 du règlement général de l’AMF, ce manquement étant imputable à M. Philippe Gellman, en vertu de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF.

202. Financière du Phœnix soutient qu’elle ne connaissait pas cette obligation de déclaration et qu’elle n’avait pas l’intention de masquer ces transactions. M. Philippe Gellman affirme que le manquement en cause ne peut pas lui être imputé, par application rétroactive du règlement MAR, qui ne prévoit pas de mécanisme d’imputabilité pour ledit manquement.

V.1.1. Textes applicables

Les faits reprochés, qui se sont déroulés du 19 novembre 2014 au 11 février 2015, seront examinés à la lumière des textes alors applicables, sous réserve de l’application rétroactive d’éventuelles dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

— Sur le fond du grief

203. L’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur du 24 mars 2012 au 2 juillet 2016, disposait que : « I – Sont communiqués par les personnes mentionnées aux a à c à l’Autorité des marchés financiers, et rendus publics par cette dernière dans le délai déterminé par son règlement général, les acquisitions, cessions, souscriptions ou échanges d’actions d’une société […], lorsque ces opérations sont réalisées par: / a) Les membres du conseil d’administration, du directoire, du conseil de surveillance, le directeur général, le directeur général unique, le directeur général délégué ou le gérant de cette personne ; […] ; / c) Des personnes ayant, dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat, des liens personnels étroits avec les personnes mentionnées aux a et b. […]. / Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers définit les modalités de la communication à celle-ci […]. / Le I s’applique aux transactions portant sur les actions […], de toute société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé et ayant son siège statutaire en France […]. ».

204. L’article R. 621-43-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur depuis le 5 mars 2006, énonce que : « Les personnes mentionnées au c de l’article L. 621-18-2, qui ont des liens personnels étroits avec l’une des personnes mentionnées aux a ou b du même article, sont : […] / 4° Toute personne morale ou entité, autre que la personne mentionnée au premier alinéa de l’article L. 621-18-2, constituée sur le fondement du droit français ou d’un droit étranger, et : / a) Dont la direction, l’administration ou la gestion est assurée par l’une des personnes mentionnées aux a et b de l’article L. 621-18-2 ou par l’une des personnes mentionnées aux 1°, 2° ou 3° et agissant dans l’intérêt de l’une de ces personnes ; b) Ou qui est contrôlée, directement ou indirectement, au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, par l’une des personnes mentionnées aux a et b de l’article L. 621-18-2 ou par l’une des personnes mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ;

[…] ».

205. L’article 223-22 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur entre le 1er avril 2009 et le 23 septembre 2016, abrogée par l’arrêté du 14 septembre 2016, précisait que : « Les personnes mentionnées à l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier déclarent à l’AMF, par voie électronique, dans un délai de cinq jours de négociation suivant leur réalisation, les acquisitions, cessions, souscriptions ou échanges d’actions de l’émetteur au sein duquel les personnes mentionnées aux a et b de l’article

L. 621-18-2 susvisé exercent leurs fonctions […]. ».

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206. Enfin, l’article 223-23 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur entre le 1er avril 2009 et le 23 septembre 2016, indiquait que : « Par dérogation aux dispositions de l’article 223-22, ne donnent pas lieu à déclaration les opérations réalisées par une personne mentionnée à l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier lorsque le montant cumulé desdites opérations n’excède pas 5 000 euros pour l’année civile en cours. Ce montant est calculé en additionnant les opérations effectuées par les personnes mentionnées au a ou au b de l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier et les opérations effectuées pour le compte des personnes mentionnées au c dudit article. […] ».

207. Postérieurement aux faits, les modifications suivantes sont intervenues. Les dispositions de l’article 19 du règlement MAR et les modifications des articles L. 621-18-2 du code monétaire et financier à compter du 3 juillet 2016, de l’article R. 621-43-1 du même code à compter du 6 juillet 2018, ne sont pas moins sévères que les dispositions applicables à l’époque des faits, sauf à constater que le seuil déclenchant l’obligation de déclaration, prévu à l’article 223-23 du règlement général de l’AMF, a été relevé. En l’espèce, il n’est pas contesté que le seuil de 20 000 euros était atteint, de sorte que la modification du seuil de déclaration est dépourvue d’incidence. Il s’ensuit qu’aucune disposition moins sévère n’est, en l’espèce, susceptible de recevoir une application rétroactive.

— Sur l’imputabilité du manquement

208. La notification de griefs indique que le manquement en cause est imputable à M. Philippe Gellman sur le fondement du 2° de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF, dont le dernier alinéa prévoit que « les dispositions du présent titre [titre II du livre II] sont également applicables aux dirigeants de l’émetteur, de l’entité ou de la personne morale concernés ».

209. Si l’article 223-22 du règlement général de l’AMF, qui prévoyait l’obligation de déclaration, a été supprimé par l’arrêté du 14 septembre 2016, le mécanisme d’imputabilité prévu à l’article 221-1 du règlement général de l’AMF, en ce qu’il couvre les dispositions du titre II du livre II, continue à s’appliquer à la section 5 « opérations des dirigeants et des personnes mentionnées à l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier sur les titres de la société » dudit titre II du livre II, laquelle comporte un article 223-22-A, aux termes duquel : « Les dispositions de la présente section s’appliquent aux transactions mentionnées à l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier ».

210. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur à compter du 3 juillet 2016 : « I. – Sont communiquées par les personnes mentionnées aux a à c à l’Autorité des marchés financiers et rendues publiques par cette dernière, dans les conditions mentionnées par le règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (règlement relatif aux abus de marché) et abrogeant la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil et les directives 2003/124/CE, 2003/125/CE et 2004/72/CE de la Commission, les opérations mentionnées à l’article 19 du même règlement, lorsque ces opérations sont réalisées par : […] ».

211. L’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier, auquel renvoie l’article 223-22-A du règlement général de l’AMF, prévoit donc l’obligation de déclaration à l’AMF des opérations mentionnées à l’article 19 du règlement MAR.

212. Il résulte de ce qui précède que le mécanisme d’imputabilité de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF s’applique, par renvoi de l’article 223-22-A du règlement général de l’AMF, à l’obligation de déclaration, prévue à l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier, relative aux transactions mentionnées à l’article 19 de MAR

213. Enfin, il s’infère de l’article 30 du règlement MAR que les droits nationaux peuvent prévoir un mécanisme d’imputabilité aux dirigeants du manquement en cause non prévu par le règlement MAR lui-même, de sorte que le mécanisme d’imputabilité susvisé, fondé sur l’article 221-1 du règlement général de l’AMF, n’est pas contraire aux dispositions du règlement MAR.

214. Dans ces conditions, il apparaît que les modifications issues de l’arrêté du 14 septembre 2016 n’ont pas eu pour effet d’instituer des règles d’imputabilité au dirigeant du manquement en cause moins sévères

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qu’auparavant.

215. Il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé par M. Philippe Gellman relatif à l’impossibilité de lui imputer le manquement en cause par application rétroactive des dispositions du règlement MAR est infondé et sera par conséquent écarté.

216. Il s’ensuit qu’il y a lieu d’examiner l’imputabilité du manquement à M. Philippe Gellman au regard du 2° de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF dans sa rédaction précitée, applicable à l’époque des faits.

V.1.2. Appréciation du manquement

217. Il n’est pas contesté que de novembre 2014 à juin 2015, période pendant laquelle Financière du Phœnix a cédé les titres MFG, M. Philippe Gellman était directeur général délégué de MFG, de sorte qu’il fait partie des personnes visées au a) de l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier.

218. Par ailleurs, M. Philippe Gellman était gérant de Financière du Phœnix. En sa qualité d’associé unique de cette société, il exerçait le contrôle de Financière du Phœnix au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce.

219. En application des paragraphes 4° a) et b) de l’article R. 621-43-1 du code monétaire et financier, Financière du Phœnix était par conséquent une « personne ayant des liens personnels étroits » avec une des personnes mentionnées au a) de l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier.

220. La personne qui a « réalisé » l’opération au sens de l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier et sur qui pèse l’obligation de déclaration est celle pour le compte de laquelle cette opération a été effectuée, soit en l’espèce Financière du Phœnix.

221. En vertu du I) c) de l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier, Financière du Phœnix était donc tenue de déclarer à l’AMF les opérations de cession qu’elle a réalisées sur le titre MFG du

19 novembre 2014 au 11 février 2015, dans les conditions visées à l’article 223-22 du règlement général de l’AMF, ce qu’elle n’a pas fait.

222. Enfin, l’absence d’intention de méconnaître cette obligation est indifférente, dès lors que le manquement relatif au défaut de déclaration est un manquement objectif.

223. Le manquement de Financière du Phœnix aux dispositions précitées est par conséquent caractérisé.

224. Si l’obligation de déclaration des cessions de titres incombe au premier chef à la personne morale qui réalise les opérations, il n’en demeure pas moins que cette obligation est également applicable aux dirigeants de la personne morale concernée, en application de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF.

225. Dès lors, le manquement relatif au défaut de déclaration des opérations de cessions de titres MFG est également imputable à M. Philippe Gellman, en sa qualité de gérant de la société Financière du Phœnix, et est donc caractérisé à son encontre.

V.2. Sur le défaut de déclaration des opérations sur le titre MFG réalisées par

Jekiti Mar Capital

226. Il est fait grief à Jekiti Mar Capital de ne pas avoir déclaré auprès de l’AMF les opérations de cessions d’actions MFG en date des 18 février 2014, 24 février 2015 et 26 février 2015 auxquelles elle a procédé alors qu’elles excédaient le seuil de l’article 223-23 du règlement général de l’AMF, en méconnaissance des dispositions des articles L. 621-18-2 et R. 621-43-1 du code monétaire et financier et de l’article 223-22 du règlement général de l’AMF, ce manquement étant imputable à M. Edouard Hubsch, en vertu de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF.

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227. Jekiti Mar Capital affirme qu’il n’est pas démontré qu’elle ait des liens personnels étroits avec M. Edouard Hubsch, et qu’elle ait agi dans l’intérêt de celui-ci au sens de l’article R. 621-43, 4° a) et b) du code monétaire et financier. M. Edouard Hubsch soutient que le manquement ne lui est pas imputable, par application rétroactive des dispositions du règlement MAR, qui ne prévoit pas de mécanisme d’imputabilité aux dirigeants du manquement en cause.

V.2.1. Textes applicables

228. Les faits reprochés, qui se sont déroulés du 18 févier 2014 au 26 février 2015, seront examinés à la lumière des textes alors applicables, sous réserve de l’application rétroactive d’éventuelles dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

229. Les textes applicables sont identiques à ceux du précédent grief. Il a été vu à cette occasion qu’aucune disposition postérieure aux textes en vigueur à l’époque des faits n’était susceptible de faire l’objet d’une application rétroactive et que le moyen relatif à l’impossibilité d’imputer aux dirigeants le manquement en cause par application rétroactive des dispositions du règlement MAR est infondé, de sorte qu’il sera écarté.

V.2.2. Appréciation du manquement

230. Il n’est pas contesté que les 18 février 2014, 24 février 2014 et 26 février 2015, date des cessions de titres MFG par Jekiti Mar Capital, M. Edouard Hubsch était président-directeur général de MFG, de sorte qu’il fait partie des personnes visées au a) de l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier. Il était concomitamment, à ces mêmes dates, gérant de Jekiti Mar Capital,

231. En application du paragraphe 4° a) de l’article R. 621-43-1 du code monétaire et financier,

Jekiti Mar Capital était par conséquent une « personne ayant des liens personnels étroits » avec une des personnes mentionnées au a) de l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier.

232. La personne qui a « réalisé » l’opération au sens de l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier et sur qui pèse l’obligation de déclaration est celle pour le compte de laquelle cette opération a été effectuée, soit en l’espèce Jekiti Mar Capital.

233. En vertu du I) c) de l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier, Jekiti Mar Capital était donc tenue de déclarer à l’AMF les opérations de cession qu’elle a réalisées sur le titre MFG, dans les conditions visées à l’article 223-22 du règlement général de l’AMF, ce qu’elle n’a pas fait.

234. Le manquement relatif au défaut de déclaration des opérations de cessions de titres MFG est par conséquent caractérisé à l’encontre de Jekiti Mar Capital.

235. Cette obligation de déclaration est également applicable aux dirigeants de la personne morale concernée, en application de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF.

236. Dès lors, le manquement est imputable à M. Edouard Hubsch, en sa qualité de gérant de la société Jekiti Mar Capital, et est donc caractérisé à l’encontre de ce dernier.

SANCTIONS ET PUBLICATION

I. Sur les sanctions

237. Aux termes du II de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 22 février 2014 au 5 décembre 2015, non modifié depuis sur ces points dans un sens moins sévère : « La Commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l’encontre des personnes suivantes : […] / c) Toute personne qui, sur le territoire français ou à l’étranger, s’est livrée

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ou a tenté de se livrer à une opération d’initié, à une manipulation de cours, à la diffusion d’une fausse information ou s’est livrée à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du I de l’article L. 621-14, dès lors que ces actes concernent : / – un instrument financier […] admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations […] ».

238. Le premier alinéa du I de l’article L. 621-14 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur aux mêmes dates, non modifié depuis sur ces points dans un sens moins sévère, renvoie à « tout autre manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché ».

239. Les manquements d’initiés retenus à l’encontre de Jekiti Mar Capital, M. Edouard Hubsch, Financière du Phœnix, SCI Plainville et M. Philippe Gellman, qui concernent les titres de MFG, société alors cotée sur Euronext, sont donc susceptible de donner lieu au prononcé d’une sanction par la commission sur le fondement du II c) de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier.

240. Les manquements relatifs à l’absence de communication d’une information exacte et non trompeuse et à la non communication dès que possible de toute information privilégiée retenus à l’encontre de MFG, M. Edouard Hubsch et M. Philippe Gellman, ainsi que le manquement relatif à l’absence de déclaration des opérations des dirigeants et des personnes liées sur les titres de la société retenu à l’encontre de Jekiti Mar Capital, M. Edouard Hubsch, Financière du Phœnix et M. Philippe Gellman sont de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement du marché et, partant, passibles de sanctions sur le fondement du II c) précité de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier.

241. Le III de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa même version, non modifié depuis sur ces points dans un sens moins sévère dispose : « Les sanctions applicables sont : […] c) Pour les personnes autres que l’une des personnes mentionnées au II de l’article L. 621-9, auteurs des faits mentionnés aux c à g du II, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au Trésor public. […] ».

242. Les mis en cause encourent donc chacun une sanction d’un montant maximum égal à 100 millions d’euros ou au décuple de l’avantage éventuel retiré du manquement.

243. Aux termes du III ter de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur depuis le 11 décembre 2016 : « Dans la mise en œuvre des sanctions mentionnées aux III et III bis, il est tenu compte notamment : – de la gravité et de la durée du manquement ; / – de la qualité et du degré d’implication de la personne en cause ; / – de la situation et de la capacité financières de la personne en cause, au vu notamment de son patrimoine et, s’agissant d’une personne physique de ses revenus annuels, s’agissant d’une personne morale de son chiffre d’affaires total ; / – de l’importance soit des gains ou avantages obtenus, soit des pertes ou coûts évités par la personne en cause, dans la mesure où ils peuvent être déterminés ; / – des pertes subies par des tiers du fait du manquement, dans la mesure où elles peuvent être déterminées ; / – du degré de coopération avec l’Autorité des marchés financiers dont a fait preuve la personne en cause, sans préjudice de la nécessité de veiller à la restitution de l’avantage retiré par cette personne ; / – des manquements commis précédemment par la personne en cause ; / – de toute circonstance propre à la personne en cause, notamment des mesures prises par elle pour remédier aux dysfonctionnements constatés, provoqués par le manquement qui lui est imputable et le cas échéant pour réparer les préjudices causés aux tiers, ainsi que pour éviter toute réitération du manquement ».

244. Le manquement de MFG à ses obligations d’information a eu pour conséquence que les graves difficultés financières de la société, qui ont conduit in fine à la suspension de la cotation de ses titres puis à l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à son encontre, ont été soustraites à la connaissance du public pendant plus de six mois.

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— S’agissant de MFG

245. MFG fait aujourd’hui l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire. Selon le rapport du liquidateur de MFG, le montant de l’insuffisance d’actif dit retraitée s’élève à 859 196 euros, de sorte que cette procédure, « fera, à terme, l’objet d’une clôture pour insuffisance d’actif avec répartition au profit des seuls créanciers privilégiés ».

246. Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de prononcer à son encontre une sanction pécuniaire de 90 000 euros.

— S’agissant de Jekiti Mar Capital

247. Jekiti Mar Capital a évité une perte de 75 000 euros grâce aux cessions réalisées en méconnaissance de ses obligations d’abstention d’utilisation d’informations privilégiées et a dissimulé l’existence de ces opérations en ne les déclarant pas à l’AMF. Il convient toutefois de relever que Jekiti Mar Capital a perdu près de 4 500 000 euros de créances en compte-courant en raison de la liquidation de MFG et qu’elle a continué à soutenir financièrement MFG postérieurement aux cessions litigieuses.

248. Le bilan de Jekiti Mar Capital au 31 décembre 2017 fait apparaître une perte de 30 851 euros et des disponibilités à hauteur de 420 796 euros.

249. Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de prononcer à son encontre une sanction pécuniaire de 75 000 euros.

— S’agissant de M. Edouard Hubsch

250. M. Edouard Hubsch a été fortement impliqué dans la communication financière de MFG qui a permis de dissimuler au public la gravité de la situation de MFG. Le manquement d’initié qu’il a commis pour le compte de Jekiti Mar Capital a permis à cette société, qu’il dirige et contrôle indirectement, de se procurer un avantage indu au détriment des tiers grâce aux informations privilégiées qu’il détenait en sa qualité de président-directeur général, et ce quelques heures seulement avant la suspension de la cotation des actions. Il a également contribué à la dissimulation de ces opérations du fait de l’absence de déclaration de Jekiti Mar Capital à l’AMF.

251. M. Edouard Hubsch a déclaré en 2017 un revenu fiscal annuel avant déductions de […] et un patrimoine d’une valeur de […] .

252. Il y a lieu de prononcer à son encontre une sanction pécuniaire de 250 000 euros.

— S’agissant de la SCI Plainville

253. SCI Plainville a évité une perte d’un montant non contesté de 5 400 euros à l’occasion du manquement d’initié qu’elle a commis. La société est actuellement en cours de liquidation amiable, à la suite de sa dissolution anticipée par décision du 29 janvier 2018.

254. Il y a lieu de prononcer à son encontre une sanction pécuniaire de 10 000 euros.

— S’agissant de Financière du Phœnix

255. Financière du Phœnix a évité une perte d’un montant non contesté de 133 500 euros grâce aux cessions réalisées en méconnaissance de ses obligations d’abstention d’utilisation d’information privilégiée et a dissimulé l’existence de ces opérations en ne les déclarant pas à l’AMF.

256. Q :uant à la situation de la société, ne figurent au dossier que ses comptes 2014-2015, qui font ressortir des

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capitaux propres négatifs de 93 945 euros au 31 décembre 2015 et un extrait de relevé de portefeuille, qui mentionne une participation de 371 euros dans Krief Group.

257. Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de prononcer à son encontre une sanction pécuniaire de 225 000 euros.

— S’agissant de M. Philippe Gellman

258. M. Philippe Gellman était activement impliqué dans la communication financière défaillante de MFG, bien qu’il ne gérait pas l’activité opérationnelle de la société, qui était du ressort de M. Edouard Hubsch. Le manquement d’initié qu’il a commis pour le compte de Financière du Phœnix et SCI Plainville ont a permis à ces deux sociétés qu’il dirige et contrôle de se procurer un avantage indu au détriment des tiers grâce aux informations privilégiées qu’il détenait en sa qualité de directeur général délégué de MFG.

259. Quant à sa situation financière actuelle, il ressort des documents fournis par ce dernier qu’il bénéficie d’une rémunération mensuelle d’environ […] et que son patrimoine est composé de […].

260. Il y a également lieu de tenir compte du concours que M. Philippe Gellman a apporté à la procédure lors de la phase d’enquête, notamment en communiquant de façon spontanée aux enquêteurs de nombreux documents utiles.

261. Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de prononcer à son encontre une sanction pécuniaire de 180 000 euros.

II. Sur la publication

262. Aux termes du V de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 : « La décision de la Commission des sanctions est rendue publique dans les publications, journaux ou supports qu’elle désigne, dans un format proportionné à la faute commise et à la sanction infligée. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées. / La commission des sanctions peut décider de reporter la publication d’une décision ou de publier cette dernière sous une forme anonymisée ou de ne pas la publier dans l’une ou l’autre des circonstances suivantes : / a) Lorsque la publication de la décision est susceptible de causer à la personne en cause un préjudice grave et disproportionné, notamment, dans le cas d’une sanction infligée à une personne physique, lorsque la publication inclut des données personnelles ; / b) Lorsque la publication serait de nature à perturber gravement la stabilité du système financier, de même que le déroulement d’une enquête ou d’un contrôle en cours ».

263. M. Philippe Gellman demande l’anonymisation de la décision à venir en raison des risques graves et disproportionnées qu’entrainerait la publicité sur la suite de sa carrière professionnelle. M. Edouard Hubsch demande également une telle anonymisation « en vue de préserver sa réputation ».

264. Cependant, les manquements commis par M. Edouard Hubsch et Philippe Gellman sont suffisamment graves pour que l’absence d’anonymisation de la décision à venir ne constitue pas un préjudice « disproportionné » au sens de l’article précité.

265. Dès lors que la publication de la présente décision n’est ni susceptible de causer aux personnes mises en cause un préjudice grave et disproportionné, ni de nature à perturber gravement la stabilité du système financier ou encore le déroulement d’une enquête ou d’un contrôle en cours, elle sera ordonnée, sans anonymisation.

PAR CES MOTIFS,

Et ainsi qu’il en a été délibéré par M. Jean Gaeremynck, Président de la 2ème section de la commission

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des sanctions, par M. Didier Guérin, Mme Sandrine Elbaz Rousso, Lucien Millou, membres de la 2ème section de la commission des sanctions, ainsi que par M. Bruno Gizard, membre de la 1ère section de la commission des sanctions, suppléant Mme Sophie Schiller, en application de l’article R. 621-7 du code monétaire et financier, en présence du secrétaire de séance, la commission des sanctions :

— prononce à l’encontre de la société Montaigne Fashion Group une sanction pécuniaire de 90 000 € (quatre-vingt-dix mille euros) ;

— prononce à l’encontre de la société Jekiti Mar Capital une sanction pécuniaire de 75 000 €

(soixante-quinze mille euros) ;

— prononce à l’encontre de M. Edouard Hubsch une sanction pécuniaire de 250 000 €

(deux cent cinquante mille euros) ;

— prononce à l’encontre de la société Financière du Phœnix une sanction pécuniaire de 225 000 € (deux cent vingt-cinq mille euros) ;

— prononce à l’encontre de la société SCI Plainville une sanction pécuniaire de 10 000 € (dix mille euros) ;

— prononce à l’encontre de M. Philippe Gellman une sanction pécuniaire de 180 000 €

(cent quatre-vingt mille euros) ;

— ordonne la publication de la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers et fixe à cinq ans à compter de la date de la présente décision la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme.

Fait à Paris, le 17 avril 2019

Le Secrétaire de séance,

Le Président,

Marc-Pierre Janicot

Jean Gaeremynck

Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans les conditions prévues à l’article R. 621-44 du code monétaire et financier.

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  • FAITS
  • MOTIFS DE LA DÉCISION
  • II.2. Appréciation du manquement
  • - À titre liminaire, sur la régularité du grief notifié à MFG
  • 30. MFG soutient tout d’abord que le grief est irrégulier pour défaut de motivation de la notification de griefs quant à l’absence de satisfaction des conditions prévues au II de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF permettant à un émetteur d…
    • V. Sur le défaut de déclaration des opérations sur le titre MFG
    • V.2.2. Appréciation du manquement
    • SANCTIONS ET PUBLICATION
    • I. Sur les sanctions
    • II. Sur la publication
    • PAR CES MOTIFS,

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Décision de la Commission des sanctions du 17 avril 2019 à l'égard des sociétés Montaigne Fashion Group, Jekiti Mar Capital, Financière du Phoenix, SCI Plainville et de MM. Edouard Hubsch et Philippe Gellman