Décision de la Commission des sanctions du 30 novembre 2021 à l'égard de la société Acadian Advisors & Associates et de M. Didier Hoffelt

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
AMF, 30 nov. 2021, n° SAN-2021-17
Numéro : SAN-2021-17
Identifiant AMF : SAN-2021-17

Sur les parties

Texte intégral

La Commission des sanctions

COMMISSION DES SANCTIONS

Décision n°16 du 30 novembre 2021

Procédure n° 2021/01 Décision n° 16

Personne(s) mise(s) en cause :

− Acadian Advisors & Associates Société anonyme Immatriculée au RCS de Fréjus sous le numéro 793 149 824 Dont le siège social est situé Espace Vernèdes 7 route des Vernèdes 83480 Puget-sur-Argens Prise en la personne de son directeur général M. Bruno Moscatel i Ayant élu domicile chez son conseil Me Hubert de Vauplane, Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP, 47 avenue Hoche, 75008 Paris.

− Didier Hoffelt Né le […] à […] Domicilié […] Ayant élu domicile chez son conseil Me Hubert de Vauplane, Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP, 47 avenue Hoche, 75008 Paris.

La 1ère section de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après, l’ « AMF ») :

Vu le code monétaire et financier et notamment ses articles L. 321-1, D. 321-1, L. 541-1, L. 541-8, L. 541-8-1, L. 561-4-1, L. 621-15, L. 621-17 ;

Vu le règlement général de l’AMF et notamment ses articles 314-16, 315-51, 325-3, 325-4, 325-5, 325-6, 325-8, 325-7, 325-12, 325-12-3, 325-12-5, 325-16, 325-22, 325-27, 321-143 ;

Vu la position recommandation n° 2012-08 de l’AMF.

Après avoir entendu au cours de la séance publique du 29 octobre 2021 :

— M. Lucien Mil ou, en son rapport ;

- M. Xavier Jalain, représentant le collège de l’AMF ;

- La société Acadian Advisors & Associates, représentée par M. Bruno Moscatelli, son représentant légal et assistée par son conseil Me Hubert de Vauplane, avocat du cabinet Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP ;

- M. Didier Hoffelt assisté par son conseil Me Hubert de Vauplane, avocat du cabinet Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP ;

Les mis en cause ayant eu la parole en dernier.

17 place de la Bourse – 75082 Paris cedex 2 – tél. 01 53 45 60 00 – fax 01 53 45 63 20 www.amf-france.org

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FAITS

Acadian Advisors & Associates (ci-après, « Acadian ») est une société anonyme immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Fréjus. Elle était enregistrée entre le 18 octobre 2013 et le 12 mars 2021 sur le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance tenu par l’Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance (ci-après, « l’ORIAS ») en tant que conseiller en investissements financiers (ci-après, « CIF ») et dispose également du statut de courtier en assurance et en réassurance.

Acadian appartient à la société Capital Evolution Groupe (ci-après, « CEG »), holding du groupe qui détient également les sociétés Capital Evolution Financement et Capital Evolution Patrimoine (ci-après, « CEP »), cette dernière étant enregistrée à l’ORIAS en tant que CIF, spécialisée dans la vente de contrats d’assurance-vie, PEA et OPCVM.

Dans le cadre de son activité, Acadian a notamment commercialisé les actions et obligations émises par les sociétés du groupe ROI Land Investment Ltd (ci-après, « ROI Land »). ROI Land exerce une activité de développement foncier et d’investissement immobilier. El e construit ou acquiert des biens immobiliers dans le but de les louer ou de les revendre à des promoteurs. Dans le cadre du financement de ces projets, ROI Land ou ses filiales émettent des actions et des obligations qui sont notamment commercialisées auprès d’investisseurs en France par Acadian. Les mis en cause ont ainsi commercialisé les actions et obligations émises à l’occasion du développement de trois projets immobiliers de ROI Land : Meatpacking Plaza – New York, Evan Colorado et Swarovski Towers – Dubai.

A l’époque des faits, M. Didier Hoffelt exerçait les fonctions de président – directeur général d’Acadian, avant d’être remplacé le 20 mars 2020 par M. Bruno Moscatel i.

En 2018, Acadian a enregistré un résultat net négatif de 7 167 euros et un chiffre d’affaires de 1 804 328 euros dont 1 727 595 euros liés à son activité de CIF. Au titre de l’exercice 2019, Acadian a réalisé un résultat net négatif de 1 155 897 euros et un chif re d’affaires de 2 880 156 euros.

PROCÉDURE

Le 6 novembre 2019, le secrétaire général de l’AMF a décidé de procéder au contrôle du respect par Acadian de ses obligations professionnel es.

Le contrôle a porté sur la commercialisation par Acadian des actions et obligations émises par les sociétés du groupe ROI Land et a donné lieu à l’établissement d’un rapport du 3 juin 2020.

Le rapport de contrôle a été adressé à Acadian par lettre du 6 juin 2020 l’informant qu’elle disposait d’un délai d’un mois pour présenter des observations.

Acadian a déposé ses observations sur le rapport de contrôle par lettre du 18 juil et 2020.

Lors de sa séance du 14 décembre 2020, la commission spécialisée n° 3 du collège de l’AMF a décidé de notifier des griefs à Acadian ainsi qu’à M. Hoffelt.

Les notifications de griefs ont été adressées respectivement à Acadian et à M. Hoffelt par lettres du 14 janvier 2021.

Il est reproché à Acadian :

− l’absence de formalisation systématique ou la remise postérieure aux souscriptions faites dans les titres ROI Land des rapports écrits, documents d’entrée en relation et des lettres de mission, en méconnaissance des dispositions des articles 325-7 du règlement général de l’AMF (dans sa version en vigueur du 31 décembre 2007 au 7 juin 2018), L. 541-8-1 9° du code monétaire et financier (dans sa version en vigueur depuis le 3 janvier 2018), 325-3 (dans sa version en vigueur du 18 juin 2013 au 7 juin 2018), 325-5 (dans sa version en vigueur depuis le 8 juin 2018), 325-4 (dans sa version en vigueur du

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31 décembre 2007 au 7 juin 2018) et 325-6 du règlement général de l’AMF (dans sa version en vigueur depuis le 8 juin 2018) ;

− l’absence de présentation dans les rapports écrits des risques des titres conseil és en méconnaissance des dispositions de l’article 325-7 du règlement général de l’AMF (dans sa version en vigueur du 31 décembre 2007 au 7 juin 2018) et L. 541-8-1 9° du code monétaire et financier (dans sa version en vigueur depuis le 3 janvier 2018) ;

− l’absence d’adéquation des produits ROI Land conseil és au profil et aux objectifs des clients en méconnaissance des dispositions de l’article L. 541-8-1 4° du code monétaire et financier ;

− la transmission de documents commerciaux mettant en avant le rendement des titres conseil és tout en minimisant leurs risques en méconnaissance des dispositions de l’article 325-5 du règlement général de l’AMF reprises à l’article 325-12 II du règlement général de l’AMF à compter du 8 juin 2018 ;

− l’absence d’information des clients sur l’existence d’une rémunération perçue au titre du conseil sur les titres ROI Land en méconnaissance des dispositions de l’article 325-6 du règlement général de l’AMF reprises à l’article 325-16 du règlement général de l’AMF à compter du 8 juin 2018 ;

− le défaut de mise en œuvre des diligences nécessaires afin d’améliorer le service de conseil dans la durée, justifiant la perception d’une commission annuelle reposant sur le montant des encours détenus par ses clients dans les titres ROI Land, en méconnaissance des dispositions de l’article 325-16 I du règlement général de l’AMF, éclairé par la position-recommandation AMF n° 2013-10 ;

− la commercialisation par Acadian des titres émis par ROI Land et ses filiales alors qu’el e avait accès à des informations relatives aux états financiers de l’émetteur et aux contentieux en cours et passés dans lesquels il était impliqué, en méconnaissance de l’obligation d’exercer son activité avec soin et diligence pour servir au mieux les intérêts de ses clients prévue à l’article L. 541-8-1 2° du code monétaire et financier ;

− la fourniture d’une activité de placement non garanti en méconnaissance des dispositions de l’article L. 541-8-1 2° du code monétaire et financier éclairé par la position-recommandation AMF n° 2012-08 ;

− l’absence de procédure permettant de prévenir et de gérer les conflits d’intérêts susceptibles de porter atteinte aux intérêts de ses clients et de traitement du conflit potentiel existant avec ROI Land en méconnaissance des dispositions de l’article 325-8 du règlement général de l’AMF reprises à l’article L. 541-8 4° du code monétaire et financier ;

− l’absence d’une procédure de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (ci-après, « LAB-FT ») claire, précise et opérationnelle en méconnaissance des dispositions des articles L. 561-4-1 du code monétaire et financier et 325-12 et 325-22 du règlement général de l’AMF reprises à l’article 321- 143 du même règlement à compter du 3 janvier 2018 ;

− l’absence de recueil des justificatifs de l’origine des fonds de ses clients tel que cela est prévu par sa procédure LAB-FT en méconnaissance des dispositions de l’article 325-12 du règlement général de l’AMF reprises à l’article 325-22 de ce même règlement à compter du 8 juin 2018 ainsi que de l’article 315-51 du règlement général de l’AMF repris à l’article 321-143 de ce même règlement.

Les manquements précités sont également reprochés à M. Hoffelt, en sa qualité de président – directeur général d’Acadian au moment des faits.

Une copie des notifications de griefs a été transmise le 14 janvier 2021 à la présidente de la commission des sanctions, conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier.

Par décision du 26 janvier 2021, la présidente de la commission des sanctions a désigné M. Lucien Millou en qualité de rapporteur.

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Par lettres du 11 février 2021, Acadian et M. Hoffelt ont été informés qu’ils disposaient d’un délai d’un mois, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander la récusation du rapporteur dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du code monétaire et financier.

Le 7 mai 2021, Acadian et M. Hoffelt ont présenté des observations en réponse à la notification de griefs.

Par lettres du 4 juin 2021, le rapporteur a convoqué Acadian et M. Hoffelt pour les entendre en audition.

Par lettres des 14 et 24 juin 2021, le conseil des mis en cause a informé le rapporteur que l’état de santé de M. Moscatelli et de M. Hoffelt, justifié par des certificats médicaux, empêchait ces derniers de se rendre à l’audition.

Par lettres du 25 juin 2021, les mis en cause ont été informés que cette audition serait remplacée par l’envoi d’un questionnaire écrit.

Par lettres du 2 juil et 2021, des questionnaires écrits ont été adressés à Acadian et à M. Hoffelt précisant qu’une réponse était attendue au plus tard le 12 juin 2021.

Par courriel du 12 juil et 2021, Acadian et M. Hoffelt ont adressé leurs réponses aux questionnaires.

Le rapporteur a déposé son rapport le 5 août 2021.

Par lettres du 6 août 2021 à laquelle était joint le rapport du rapporteur, Acadian et M. Hoffelt ont été convoqués à la séance de la commission des sanctions du 29 octobre 2021 et informés qu’ils disposaient d’un délai de quinze jours pour présenter des observations en réponse au rapport du rapporteur, conformément aux dispositions du II de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Par lettres du 7 octobre 2021, Acadian et M. Hoffelt ont été informés de la composition de la formation de la commission des sanctions appelée à délibérer lors de la séance du 29 octobre 2021 ainsi que du délai de quinze jours dont ils disposaient, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander, conformément aux articles R. 621-39-2 à R. 621-39-4 du même code, la récusation d’un ou de plusieurs de ses membres.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur les griefs notifiés 1. Sur les griefs relatifs à la commercialisation des actions et obligations émises par la société ROI Land

1.1. Sur le grief tiré de l’absence d’établissement des documents règlementaires CIF

1. Il est fait grief à Acadian de ne pas avoir systématiquement formalisé et remis à ses clients, avant les souscriptions, la documentation réglementaire CIF prévue aux articles 325-7, 325-3 et 325-5 du règlement général de l’AMF respectivement repris aux articles L. 541-8-1 9° du code monétaire et financier, 325-4 et 325-6 du règlement général de l’AMF. Les notifications de griefs indiquent ainsi que pour 12 souscriptions sur les 21 de l’échantillon, Acadian n’a pas remis de rapport écrit ou a communiqué des rapports écrits, parfois incomplets, postérieurement aux souscriptions. El es relèvent en outre qu’Acadian n’a pas établi avant les souscriptions de document d’entrée en relation pour 5 des 8 clients de l’échantil on ni de lettre de mission pour 2 d’entre eux.

2. Acadian et M. Hoffelt ne contestent pas les faits reprochés mais soulignent avoir justifié de ces absences et de ces retards pendant le contrôle.

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1.1.1. Sur les textes applicables

3. Les faits reprochés, qui se sont déroulés entre le 14 novembre 2016 et le 11 décembre 2018, doivent être examinés au regard des textes alors applicables sous réserve d’éventuelles dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

4. L’article 325-7 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 31 décembre 2007 au 7 juin 2018, dispose : « Le conseil au client est formalisé dans un rapport écrit justifiant les différentes propositions, leurs avantages et les risques qu’el es comportent. Ces propositions se fondent sur : / L’appréciation de la situation financière du client et de son expérience en matière financière ; / Les objectifs du client en matière d’investissements. / Ces deux éléments sont exposés, dans le rapport, de façon détail ée et adaptée à la qualité de personne physique ou morale du client. ».

5. L’article L. 541-8-1 9° du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur depuis le 3 janvier 2018, dispose : « Les conseil ers en investissements financiers doivent : / 9° Formaliser le conseil mentionné au I de l’article L. 541-1 dans une déclaration d’adéquation écrite justifiant les différentes propositions, leurs avantages et les risques qu’el es comportent en fonction de l’expérience de leurs clients en matière d’investissement, de leur situation financière et de leurs objectifs d’investissement ; ».

6. Les dispositions de l’article L. 541-8-1 9° du code monétaire et financier sont rédigées en des termes équivalents à ceux des dispositions antérieures de sorte qu’il n’y a pas lieu d’en faire une application rétroactive. Le grief sera donc examiné au regard des dispositions des articles 325-7 du règlement général de l’AMF et L. 541-8-1 9° du code monétaire et financier applicables à l’époque des faits.

7. L’article 325-3 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 18 juin 2013 au 7 juin 2018, dispose : « Lors de l’entrée en relation avec un nouveau client, le conseil er en investissements financiers lui remet un document comportant les mentions suivantes : / Son nom ou sa dénomination sociale, son adresse professionnelle ou cel e de son siège social, son statut de conseil er en investissements financiers et son numéro d’immatriculation au registre mentionné au I de l’article L. 546-1 du code monétaire et financier ; / L’identité de l’association professionnelle à laquelle il adhère ; / Le cas échéant, sa qualité de démarcheur et l’identité du ou des mandants pour lesquels il exerce une activité de démarchage ; / Le cas échéant, l’identité du ou des établissements promoteurs de produits mentionnés au 1° de l’article L. 341-3 du code monétaire et financier avec lesquels il entretient une relation significative de nature capitalistique ou commerciale ; / Le cas échéant, tout autre statut réglementé dont il relève. ».

8. L’article 325-5 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur depuis le 8 juin 2018, dispose : « Lors de l’entrée en relation avec un nouveau client, le conseil er en investissements financiers lui remet un document comportant les mentions suivantes : / Son nom ou sa dénomination sociale, son adresse professionnel e ou cel e de son siège social, son statut de conseil er en investissements financiers et son numéro d’immatriculation au registre mentionné au I de l’article L. 546-1 du code monétaire et financier ; / L’identité de l’association professionnelle à laquelle il adhère ; / Le cas échéant, sa qualité de démarcheur et l’identité du ou des mandants pour lesquels il exerce une activité de démarchage ; / Si le conseil er en investissements financiers est susceptible de fournir des conseils en investissement de manière indépendante, non indépendante, ou une combinaison de ces deux types de conseils. Cette indication est accompagnée d’une explication sur la portée de ces types de conseils, notamment sur la rémunération du conseil er en investissements financiers. Lorsque des conseils sont susceptibles d’être proposés ou donnés au même client tant de manière indépendante que non indépendante, le conseil er en investissements financiers explique la portée des deux services pour permettre aux investisseurs de les distinguer, et ne se présente pas comme un conseil er en investissements indépendant pour l’activité dans son ensemble ; / Le cas échéant, l’identité du ou des établissements promoteurs de produits mentionnés au 1° de l’article L. 341-3 du code monétaire et financier avec lesquels il entretient une relation significative de nature capitalistique ou commerciale ; / Le cas échéant, tout autre statut réglementé dont il relève ; / Les modes de communication à utiliser entre le conseil er en investissements financiers et le client. ».

9. Les dispositions précitées de l’article 325-5 du règlement général de l’AMF reprennent dans des termes équivalents celles de l’article 325-3 précitées en précisant la nature des informations devant être communiquées au client par le CIF lors de la fourniture d’un conseil indépendant ou non indépendant, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’en faire une

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application rétroactive. Le grief sera donc examiné au regard des dispositions des articles 325-3 et 325-5 du règlement général de l’AMF applicables à l’époque des faits.

10. L’article 325-4 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 31 décembre 2007 au 7 juin 2018, dispose : « Avant de formuler un conseil, le conseil er en investissements financiers soumet à son client une lettre de mission, rédigée en double exemplaire et signée par les deux parties. […] Un exemplaire de la lettre est remis au client après signature. ».

11. Depuis le 8 juin 2018, se sont substituées à ces dispositions celles de l’article 325-6 du règlement général de l’AMF, lequel énonce : « Avant de formuler un conseil, le conseil er en investissements financiers soumet à son client une lettre de mission, rédigée en double exemplaire et signée par les deux parties. […] Un exemplaire de la lettre est remis au client après signature. ».

12. Les dispositions précitées de l’article 325-6 du règlement général de l’AMF sont rédigées en des termes équivalents à ceux des dispositions de l’article 325-4 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 31 décembre 2007 au 7 juin 2018, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’en faire une application rétroactive. Le grief sera donc examiné au regard des dispositions des articles 325-4 et 325-6 du règlement général de l’AMF applicables à l’époque des faits.

1.1.2. Sur l’examen du grief

13. Acadian était à l’époque des faits inscrite en tant que CIF sur le registre tenu par l’ORIAS et n’a jamais contesté avoir agi en cette qualité en fournissant à ses clients le service de conseil en investissement.

14. Contrairement à ce que soutiennent les mis en cause, les observations en réponse au rapport de contrôle ne contiennent aucune justification des absences et retards constatés lors du contrôle dans la transmission de la documentation réglementaire.

15. Il ressort de l’annexe 14 au rapport de contrôle que sur les 8 clients de l’échantil on, Acadian n’a pas remis à 6 d’entre eux de document d’entrée en relation daté avant les souscriptions (M. A, M. et Mme B, M. C, Mme D, M. E et la société X) et à 2 d’entre eux de lettre de mission dûment datée (Mme D pour la souscription du 1er août 2018 et la société X pour la souscription du 31 mai 2018). Par ail eurs, pour 12 des 21 souscriptions, les rapports écrits ne figurent pas dans les dossiers des clients, ne sont pas datés ou ont été établis postérieurement aux souscriptions (à savoir les 5 souscriptions faites par Mme D, les 3 souscriptions de M. E, les 2 souscriptions de M. et Mme B et les souscriptions faites par la société X dans les obligations Meatpacking New York et Swarovski Towers).

16. Par suite, le manquement tiré de la violation des dispositions des articles 325-7, 325-3 et 325-5 du règlement général de l’AMF respectivement reprises aux articles L. 541-8-1 9° du code monétaire et financier, 325-4 et 325-6 du règlement général de l’AMF relatifs à la formalisation des documents réglementaires est caractérisé.

1.2. Sur le grief relatif à l’absence de présentation des risques des produits conseil és dans les rapports écrits

17. Il est fait grief à Acadian d’avoir omis de présenter les risques des produits ROI Land conseil és dans les rapports écrits remis à 2 des clients de l’échantil on retenu par la mission de contrôle, en méconnaissance de l’article 325-7 du règlement général de l’AMF repris au 9° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier à compter du 3 janvier 2018.

1.2.1. Sur les textes applicables

18. Les faits reprochés, qui se sont déroulés entre le 14 novembre 2016 et le 11 décembre 2018, doivent être examinés au regard des textes alors applicables sous réserve d’éventuelles dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement. Ils seront donc appréciés à la lumière des dispositions des articles 325-7 du règlement général de l’AMF et L. 541-8-1 9° du code monétaire et financier alors applicables, précédemment reproduites dans leurs différentes versions aux points 4 et 5.

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1.2.2. Sur l’examen du grief

19. Il résulte des dispositions précitées que le CIF doit présenter dans les rapports écrits remis aux clients les risques et avantages des produits conseil és.

20. Le rapport écrit remis à M. A décrit le mécanisme de l’investissement dans les actions de la SCA Roi Land Colorado, les garanties offertes, le projet de construction dans lequel les fonds sont investis et donne des éléments de contexte de nature économique. En revanche, ce rapport écrit ne précise pas les risques inhérents aux actions conseillées. Il en va de même du rapport écrit remis à la société X, lequel indique les avantages et les « sécurités » offertes dans le cadre de la souscription aux obligations « Colorado Sécurité Court Terme » sans faire mention des risques qui y sont attachés, tel que le risque de perte en capital. Au demeurant, il n’est pas contesté par Acadian et M. Hoffelt que les risques des produits conseil és n’étaient pas indiqués dans les deux rapports écrits précités.

21. Il ressort de ces éléments que les mis en cause n’ont pas présenté dans les rapports écrits remis à 2 clients de l’échantil on les risques des produits conseil és de sorte que le manquement aux dispositions de l’article 325-7 du règlement général de l’AMF reprises à l’article L. 541-8-1 9° du code monétaire et financier est caractérisé.

1.3. Sur le grief relatif à l’absence d’adéquation des produits conseil és aux profils des clients

22. Il est reproché à Acadian d’avoir conseil é à ses clients la souscription des produits ROI Land alors que ceux-ci n’étaient pas adaptés à leurs profils et objectifs, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 541-8 4° du code monétaire et financier. Les notifications de griefs relèvent que les produits ROI Land conseil és par Acadian comportent un risque de perte totale en capital et ne peuvent de ce fait être adaptés aux clients dont le profil de risque est « équilibré » ou « conservateur ». El es retiennent également que les mis en cause ont proposé la souscription de produits ROI Land destinés à des clients professionnels à des clients ne répondant pas aux critères de l’article D. 533-11 du code monétaire et financier qui détermine les caractéristiques des clients professionnels « par nature ». Elles relèvent en outre qu’ils ont catégorisé aux termes de questionnaires patrimoniaux certains clients comme non professionnels alors que la catégorisation des clients relève exclusivement du rôle du prestataire de services d’investissement.

23. Les mis en cause contestent le grief. Ils exposent que la proportion de dossiers clients dont le profil ne correspond pas à l’objectif d’investissement est peu significative par rapport au nombre de clients ayant souscrit aux produits ROI Land. Par ail eurs, ils soutiennent que la qualification d’investisseur professionnel est indifférente à la tolérance aux risques.

1.3.1. Sur les textes applicables

24. Les faits reprochés, qui se sont déroulés entre le 14 novembre 2016 et le 11 décembre 2018, seront examinés à la lumière des dispositions applicables à l’époque des faits, sous réserve de dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

25. L’article L. 541-8-1 4° du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 24 octobre 2010 au 3 janvier 2018, dispose : « Les conseil ers en investissements financiers doivent : / 4° S’enquérir auprès de leurs clients ou de leurs clients potentiels, avant de formuler un conseil mentionné au I de l’article L. 541-1, de leurs connaissances et de leur expérience en matière d’investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d’investissement, de manière à pouvoir leur recommander les opérations, instruments et services adaptés à leur situation (…); ».

26. Depuis le 3 janvier 2018, l’article L. 541-8-1 4° dispose : « Les conseil ers en investissements financiers doivent : / 4° Se procurer auprès de leurs clients ou de leurs clients potentiels, avant de formuler un conseil mentionné au I de l’article L. 541-1, les informations nécessaires concernant leurs connaissances et leur expérience en matière d’investissement en rapport avec le type spécifique d’instrument financier, d’opération ou de service, leur situation financière et leurs objectifs d’investissement, de manière à pouvoir leur recommander les opérations, instruments financiers et services d’investissement adaptés à leur situation (…) Lorsque les conseil ers en investissements financiers fournissent le conseil mentionné aux 1° ou 3° du I de l’article L. 541-1, ils doivent également se procurer, auprès de leurs clients ou de leurs clients potentiels, les informations nécessaires concernant leur capacité à subir

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des pertes et leur tolérance au risque de manière à pouvoir leur recommander les instruments financiers et services d’investissement adéquats et, en particulier adaptés à leur tolérance au risque et à leur capacité à subir des pertes (…)».

27. Les dispositions nouvelles de l’article L. 541-8-1 4° du code monétaire et financier ne sont pas moins sévères que celles en vigueur du 24 octobre 2010 au 3 janvier 2018, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’en faire une application rétroactive. Le grief sera donc examiné au regard des dispositions de l’article L. 541-8-1 4° du code monétaire et financier précitées dans leurs différentes versions applicables à l’époque des faits.

28. Il convient également de mentionner les articles L. 541-1 et D. 321-1 5° du code monétaire et financier et l’article 324-43 du règlement général de l’AMF définissant le service de conseil en investissement.

29. Aux termes du I de l’article L. 541-1 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 24 octobre 2010 au 8 avril 2017, non modifié dans un sens moins sévère : « I.- Les conseil ers en investissements financiers sont les personnes exerçant à titre de profession habituel e les activités suivantes : / 1° Le conseil en investissement mentionné au 5 de l’article L. 321-1 ; […] ».

30. L’article D. 321-1 5° du code monétaire financier, dans sa version en vigueur du 6 novembre 2014 au 3 janvier 2018, non modifié dans un sens moins sévère, dispose : « Constitue le service de conseil en investissement le fait de fournir des recommandations personnalisées à un tiers, soit à sa demande, soit à l’initiative de l’entreprise qui fournit le conseil, concernant une ou plusieurs transactions portant sur des instruments financiers. Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers précise la notion de recommandation personnalisée au sens de la présente disposition ; ».

31. L’article 314-43 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 21 octobre 2011 au 2 janvier 2018, dispose : « En application du 5 de l’article D. 321-1 du code monétaire et financier, une recommandation est personnalisée lorsqu’elle est adressée à une personne en raison de sa qualité d’investisseur ou d’investisseur potentiel, ou de sa qualité de représentant d’un investisseur ou investisseur potentiel. / Cette recommandation doit être présentée comme adaptée à cette personne, ou fondée sur l’examen de la situation propre de cette personne, et doit recommander la réalisation d’une opération relevant des catégories suivantes : / L’achat, la vente, la souscription, l’échange, le remboursement, la détention ou la prise ferme d’un instrument financier particulier ; / L’exercice ou le non-exercice du droit conféré par un instrument financier particulier d’acheter, de vendre, de souscrire, d’échanger ou de rembourser un instrument financier. / Une recommandation n’est pas réputée personnalisée si el e est exclusivement diffusée par des canaux de distribution ou destinée au public. ».

32. Depuis le 3 janvier 2018, les dispositions de l’article 314-43 du règlement général de l’AMF figurent à l’article 9 du règlement délégué (UE) 2017/565, lequel dispose : « Aux fins de la définition du «conseil en investissement» énoncée à l’article 4, paragraphe 1, point 4), de la directive 2014/65/UE, une recommandation est considérée comme personnalisée lorsqu’elle est adressée à une personne en sa qualité d’investisseur ou d’investisseur potentiel, ou en sa qualité d’agent d’un investisseur ou investisseur potentiel. / Cette recommandation est présentée comme adaptée à cette personne, ou fondée sur l’examen de la situation propre à cette personne, et recommande une action relevant des catégories suivantes: / a) l’achat, la vente, la souscription, l’échange, le remboursement, la détention ou la prise ferme d’un instrument financier particulier; / b) l’exercice ou le non-exercice du droit conféré par un instrument financier particulier d’acheter, de vendre, de souscrire, d’échanger ou de rembourser un instrument financier. /Une recommandation n’est pas considérée comme personnalisée si elle est exclusivement destinée au public. ».

33. Les dispositions nouvelles de l’article 9 du règlement délégué (UE) 2017/565 ne sont pas moins sévères que celles de l’article 314-43 du règlement général de l’AMF, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’en faire une application rétroactive.

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1.3.2. Sur l’examen du grief

34. En application du 4° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier, le CIF doit, avant de formuler un conseil mentionné au I de l’article L. 541-1 du même code, s’enquérir des connaissances et de l’expérience de son client en matière d’investissement, de sa situation financière et de ses objectifs d’investissement.

a) Sur la nature du conseil

35. Il résulte de la combinaison des articles D. 321-1 5° du code monétaire et financier et 314-43 du règlement général de l’AMF précités que le conseil en investissement se caractérise par la fourniture à un tiers d’une recommandation personnalisée concernant une ou plusieurs transactions portant sur un instrument financier.

36. Les investissements dans les produits ROI Land recommandés par Acadian à ses clients ont porté sur des actions émises par une société en commandite par actions et sur des obligations émises par ROI Land Investments Ltd et ROI Land Securitisation SA qui sont des instruments financiers au sens de l’article L. 211-1 du code monétaire et financier.

37. Acadian a établi des questionnaires de connaissance client et des recueils patrimoniaux afin de procéder à un examen de la situation personnelle de ses clients et leur a présenté des propositions d’investissements qu’il estimait être en adéquation avec cette situation. Acadian a donc fourni des recommandations personnalisées à ses clients concernant des transactions portant sur des instruments financiers. El e a ainsi exercé l’activité de conseil en investissement mentionnée au I de l’article L. 541-1 du code monétaire et financier.

b) Sur l’adéquation des recommandations au profil de risque des clients

38. Acadian a recommandé à M. A d’investir dans les actions de la SCA ROI Land Colorado, à M. et Mme B de souscrire aux obligations Colorado série A et B, à M. F de souscrire dans les obligations Swarovski Towers Dubai et Meatpacking New York et à M. C d’investir dans les actions de la SCA ROI Land Colorado.

39. Les fiches produit des obligations Meatpacking New York serie A, Swarovski Towers série A et C, Colorado série C et D et Colorado Sécurité Court Terme, mentionnées par les notifications de griefs, indiquent que l’investissement dans les obligations émises par ROI Land « n’est pas garanti en capital » et comporte « un risque de perte en capital à l’échéance ». La brochure des actions de la SCA Colorado fait également état d’« un risque de perte en capital pesant sur l’Investisseur ». Par ail eurs, si la brochure commerciale de l’obligation Colorado série A et B ne détail e pas les risques, le bul etin de souscription signé par M. et Mme B indique que l’investissement dans ce produit comporte un niveau de risque élevé impliquant un risque de perte totale en capital.

40. Or, il ressort des éléments du dossier que M. A et M et Mme B avaient un profil de risque « conservateur » dont la priorité était la conservation du capital investi, et que MM. F et C avaient un profil « équilibré » visant une performance moyenne de 7% et un risque de perte en capital de 5%. Compte tenu de l’existence du risque de perte en capital susmentionné, les actions et obligations émises par ROI Land n’étaient donc pas adaptées au profil de ces clients. Au surplus, les questionnaires de tolérance aux risques de M. C et de M. et Mme B ont été établis postérieurement aux souscriptions des intéressés. Enfin les mis en cause ont admis dans leurs observations sur les notifications de griefs et dans leurs réponses au questionnaire du rapporteur que le produit recommandé à M et Mme B et M. F n’était pas adapté à leurs situations. Ainsi, il est établi qu’Acadian n’a pas pris en considération la situation financière et les objectifs de ces clients avant de leur recommander les investissements dans les produits ROI Land.

41. Il résulte de ces éléments que les produits recommandés à ces 4 clients n’étaient pas adaptés à leurs profils de risque et à leurs objectifs, de sorte que le manquement aux dispositions de l’article L. 541-9-1 4° du code monétaire et financier est caractérisé.

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c) Sur la commercialisation à des clients non professionnels des obligations Colorado sécurité court terme, Meatpacking New York et Swarovski Towers

42. Il ressort des brochures commerciales des obligations Meatpacking New York et Colorado Sécurité Court Terme ainsi que du bulletin de souscription des obligations Swarovski Towers que la commercialisation de ces produits était réservée à des investisseurs ayant la qualité de client professionnel au sens de la directive MiFID 2.

43. En l’espèce, il est établi au regard des documents contenus dans les dossiers clients, et non contesté, que les trois clients visés par les notifications de griefs, M. F, Mme D et la société X étaient, au moment des souscriptions, des clients non professionnels.

44. Or, Acadian a recommandé à M. F et à la société X de souscrire aux obligations Colorado Securité Court Terme, à M. F, Mme D et la société X de souscrire aux obligations Meatpacking New York et à D et à la société X de souscrire aux obligations Swarowski Towers Dubaï. En fournissant à ces clients non professionnels de telles recommandations portant sur des instruments financiers dont la commercialisation était réservée à des clients professionnels, Acadian leur a proposé un produit inadapté à leur profil d’investisseur.

45. En outre, il résulte du questionnaire et du document de connaissance client établis pour M. F et Mme D qu’Acadian a catégorisé ces clients comme non professionnels. Or conformément aux dispositions de l’article D. 533-12 du code monétaire et financier seuls les prestataires de services d’investissement autres que les sociétés de gestion de portefeuil e peuvent procéder à cette catégorisation et le cas échéant mettre en œuvre la procédure de renonciation.

46. Il résulte de ces éléments que les produits recommandés à ces 3 clients n’étaient pas adaptés à leurs profils et à leurs objectifs de sorte que le manquement aux dispositions de l’article L. 541-9-1 4° du code monétaire et financier est caractérisé.

1.4. Sur le grief relatif à la communication lacunaire d’informations sur les risques des produits conseil és aux clients

47. Il est reproché à Acadian d’avoir communiqué à ses clients des plaquettes commerciales mettant en avant le rendement des produits ROI Land et minimisant leurs risques en méconnaissance des dispositions de l’article 325-5 du règlement général de l’AMF auxquelles se sont substituées celles de l’article 325-12 II de ce même règlement à compter du 8 juin 2018. Les notifications de griefs relèvent ainsi que la fiche produit de l’émission obligataire Colorado portant sur les séries C et D contient un seul avertissement sur l’absence de garantie en capital, lequel est contrebalancé par la mention des « protections majeures » offertes par l’investissement et par les affirmations suivants lesquelles « l’obligation est sécurisée » et « les capitaux sont immobilisés sur une courte durée ». En outre, l’information contenue dans la fiche produit de l’émission Colorado Sécurité Court Terme serait également trompeuse et déséquilibrée dans la mesure où elle contient la mention « sécurisation du remboursement » et met en évidence un rendement de 4% dans une police de caractère bien supérieure au reste du document. Enfin, la fiche produit de l’émission Meatpacking New York contrebalance l’information sur le risque de perte en capital avec des mentions relatives aux protections et garanties offertes par l’investissement.

48. Les mis en cause contestent ce grief. Ils soutiennent que l’affirmation des notifications de griefs selon laquelle l’obligation est trompeuse ne repose que sur une traduction erronée de l’expression « secured obligation », laquelle signifie que l’obligation dispose d’une garantie. Ils exposent que cette mauvaise traduction ne peut caractériser une intention de tromperie et que le collège n’a pas apporté la preuve de l’intention de mauvaise foi d’Acadian. Selon les mis en cause, l’appréciation de la poursuite sur le caractère déséquilibré de l’information est subjective et le rapport de contrôle indique bien que la mention des risques était présente dans les brochures critiquées. Acadian et M. Hoffelt considèrent que l’information doit être appréciée de manière globale et non en considérant de manière isolée certaines mentions des documents en cause.

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1.4.1. Sur les textes applicables

49. Les faits reprochés, qui se sont déroulés entre le 14 novembre 2016 et le 11 décembre 2018, seront examinés à la lumière des dispositions applicables à l’époque des faits, sous réserve de dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

50. L’article 325-5 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 31 décembre 2017 au 8 mars 2018, dispose : « Toutes les informations, y compris à caractère promotionnel, émises par un conseil er en investissements financiers, présentent un caractère exact, clair et non trompeur. ».

51. L’article 325-5 du règlement général de l’AMF a été modifié le 9 mars 2018 et dispose : « Toutes les informations, y compris à caractère promotionnel, émises par un conseil er en investissements financiers, présentent un caractère exact, clair et non trompeur. El es sont présentées de manière équilibrée. ».

52. Depuis le 8 juin 2018, les dispositions de l’article 325-5 du règlement général de l’AMF ont été modifiées et reprises en substance à l’article 325-12 II du règlement général de l’AMF, aux termes desquel es : « II. – Le conseil er en investissements financiers veil e à ce que les informations visées au I respectent les conditions suivantes : / 1. Elles sont exactes et indiquent toujours correctement et d’une manière bien en évidence tout risque pertinent lorsqu’el es se réfèrent à un avantage potentiel d’un service d’investissement ou d’un instrument financier ; / 2. Lorsqu’el es mentionnent les risques pertinents, cette mention utilise une police d’une tail e au moins égale à celle employée de manière prédominante dans les informations communiquées et la mise en page met cette mention en évidence ; / 3. El es sont suffisantes et présentées d’une manière compréhensible par le membre moyen du groupe auquel el es s’adressent ou auquel il est probable qu’elles parviennent ; / 4. El es ne travestissent, ne minimisent, ni n’occultent des éléments, déclarations ou avertissements importants ; / 5. El es sont présentées dans une seule langue sur tous les supports et dans tous les matériels publicitaires remis à chaque client, sauf si le client a accepté de les recevoir dans plusieurs langues ; / 6. El es sont à jour et adaptées au mode de communication utilisé. ».

53. Les dispositions ayant modifié l’article 325-5 du règlement général de l’AMF ou s’y étant substituées ne sont pas moins sévères que cel es de cet article dans sa version en vigueur du 31 décembre 2017 au 8 mars 2018, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’en faire une application rétroactive. Le grief sera donc examiné au regard des dispositions de l’article 325-5 du règlement général de l’AMF dans ses différentes versions en vigueur pour la période du 14 novembre 2016 au 7 juin 2018 et de celles de l’article 325-12 II du même règlement pour la période du 8 juin 2018 au 11 décembre 2018.

1.4.2. Sur l’examen du grief

54. Pour apprécier la qualité de l’information transmise par Acadian à ses clients, il convient d’analyser les différents supports d’information indépendamment les uns des autres, chacun d’entre eux devant répondre, par lui-même, aux prescriptions législatives et réglementaires.

55. Concernant l’émission obligataire Colorado série C et D, il ressort de l’analyse de la fiche produit que si ce document contient une rubrique intitulée « risque de perte en capital », l’indication selon laquelle « ce placement n’est donc pas garanti en capital » ne figure qu’une seule fois dans le document et est immédiatement contrebalancée par un paragraphe sur les protections offertes à l’investisseur, qui indique : « Pour autant, cet investissement présente 3 protections majeures : l’obligation est sécurisée : pour assumer la responsabilité de ses remboursement auprès des prêteurs, la société ROI a mis en place une garantie hypothécaire des actifs sous-jacents en 1er et 2ème rang ; les capitaux sont immobilisés sur une courte durée ; la sécurité de l’obligation est directement liée à la marge des opérations qui génère une plus-value sécurisant le projet dans le cas d’une prolongation dans le temps ». En outre les performances du produit sont indiquées à deux reprises de sorte que l’information est déséquilibrée. De surcroît, cette fiche ne mentionne que le risque de perte en capital sans faire état, comme dans le bulletin de souscription, du risque lié au fait que l’émetteur soit « une entreprise nouvel e exposée aux risques inhérents à toute jeune entreprise », laquelle « n’a généré aucun revenu depuis sa création » et « n’a pas garanti qu’elle sera en mesure de générer des gains dans le futur ». Enfin, le placement en cause n’étant pas garanti en capital, l’information selon laquel e « les capitaux sont immobilisés sur une courte durée » et l’expression « obligation sécurisée » sont trompeuses.

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56. Concernant la fiche produit de l’émission obligataire Colorado Sécurité Court Terme, la mention du rendement de l’investissement est présentée à trois reprises et dans une police de tail e supérieure à celle indiquant « Il s’agit d’une obligation d’entreprise du secteur privé : ce placement n’est donc pas garanti en capital. », qui ne figure qu’une seule fois sur la fiche produit et est contrebalancée par l’indication suivante : « Pour autant, cet investissement présente 3 protections majeures : L’émission obligataire bénéficie d’une hypothèque de premier rang sur un terrain, valorisé 2 fois le montant global de l’obligation. Les compromis de vente signés auprès des promoteurs font l’objet d’un versement sur compte séquestre. Le compte séquestre est destiné à rembourser prioritairement les détenteurs des obligations Colorado sécurité CT, lors des ventes effectives suite à compromis ». La présentation de ces protections amoindrit la portée des mentions relatives au risque de perte en capital et laisse supposer qu’il existe des garanties.

57. La fiche produit de l’émission obligataire Meatpacking New York ne contient qu’une seule rubrique relative aux risques du produit intitulée « risque de perte en capital » laquelle précise que le produit est « une obligation d’entreprise du secteur privé : ce placement n’est donc pas garanti en capital. Pour autant, cet investissement présente 3 protections majeures: Les actions de la structure (SCS) détentrice de la participation dans Tavros Me Pa Holdings LLC sont nanties au profit des investisseurs(SecuredNote) ; Les capitaux sont immobilisés sur une courte durée ; La sécurité de l’obligation est directement liée à la marge des opérations qui génèrent une plus-value sécurisant le projet, même dans le cas d’une prolongation dans le temps. ». En revanche, ce document indique à trois reprises qu’un coupon de 8% par an sera versé à l’investisseur et à quatre reprises que celui-ci pourra percevoir un bonus de 12% à la sortie du véhicule. Ainsi l’information est-elle déséquilibrée. Enfin, la mention relative à une immobilisation des capitaux sur une courte durée est trompeuse dans la mesure où elle laisse supposer que l’investisseur est assuré de retrouver le capital initialement investi.

58. Il résulte de ces éléments qu’Acadian a communiqué dans les fiches produit obligataires Colorado séries C et D, Colorado Securité Court Terme et Meatpacking New York des informations déséquilibrées et trompeuses. En conséquence, le manquement aux dispositions de l’article 325-5 du règlement général de l’AMF reprises à l’article 325-12 II de ce même règlement est caractérisé, peu important que la poursuite n’ait pas établi la mauvaise foi d’Acadian dès lors qu’il s’agit d’un manquement objectif qui ne requiert pas pour être caractérisé la démonstration d’un élément intentionnel.

1.5. Sur le grief relatif à la communication d’informations lacunaires sur les rémunérations perçues par Acadian

59. Il est reproché à Acadian de ne pas avoir informé les clients de l’existence de commissions de souscription et sur encours perçues dans le cadre du mandat de commercialisation exclusif signé avec ROI Land, en méconnaissance des dispositions des articles 325-6 du règlement général l’AMF reprises à l’article 325-16 de ce même règlement à compter du 8 juin 2018. Les notifications de griefs précisent que les commissions de souscription sont comprises entre 8% et 10% du montant souscrit par le client et les commissions sur encours s’élèvent à 2% par an. La poursuite expose que si certains documents d’entrée en relation et rapports de mission indiquent qu’Acadian perçoit deux types de rémunérations des honoraires et des droits d’entrée, aucun des documents règlementaires remis aux clients ne fait état des commissions de souscription et sur encours.

60. Les mis en cause contestent ce grief. Ils soutiennent que, comme le relèvent les notifications de griefs, les documents d’entrée en relation précisaient bien l’existence d’une double rémunération. Ils indiquent que les commissions de souscription et sur encours sont parfois manquantes sans que cela ne soit systématique. Selon les mis en cause, la poursuite ne précise pas le nombre de clients de l’échantil on concerné au titre de ce grief et semble indiquer que cette information n’est jamais transmise alors qu’elle l’est partiel ement.

1.5.1. Sur les textes applicables

61. Les faits reprochés, qui se sont déroulés entre le 14 novembre 2016 et le 11 décembre 2018, seront examinés à la lumière des dispositions applicables à l’époque des faits, sous réserve de dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement

62. L’article 325-6 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 24 septembre 2014 au 7 juin 2018, dispose : « Le conseil er en investissements financiers est considéré comme agissant d’une manière honnête,

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loyale et professionnel e qui sert au mieux les intérêts d’un client lorsque, en liaison avec la prestation de conseil à ce client, il verse ou perçoit une rémunération ou une commission ou fournit ou reçoit un avantage non monétaire suivant : […] / 2. Une rémunération, une commission ou un avantage non monétaire versé ou fourni à un tiers ou par celui-ci, ou à une personne agissant au nom de ce tiers ou par celle-ci, lorsque les conditions suivantes sont réunies : / a. Le client est clairement informé de l’existence, de la nature et du montant de la rémunération, de la commission ou de l’avantage, ou lorsque ce montant ne peut être établi, de son mode de calcul. Cette information est fournie de manière complète, exacte et compréhensible avant que la prestation de conseil ne soit fournie. Le conseil er en investissements financiers peut divulguer les conditions principales des accords en matière de rémunérations, de commissions et d’avantages non monétaires sous une forme résumée, sous réserve qu’il s’engage à fournir des précisions supplémentaires à la demande du client et qu’il respecte cet engagement ; […] ».

63. Depuis le 8 juin 2018, les dispositions de l’article 325-6 du règlement général de l’AMF ont été modifiées et figurent désormais à l’article 325-16 du même règlement qui dispose : « I. – Le conseil er en investissements financiers ne doit pas verser ou recevoir une rémunération ou une commission ou fournir ou recevoir un avantage non monétaire en liaison avec la fourniture de la prestation de conseil à toute personne, à l’exclusion du client ou de la personne agissant pour le compte du client, à moins que le paiement ou l’avantage ait pour objet d’améliorer la qualité de la prestation concernée au client et ne nuise pas au respect de l’obligation du conseil er en investissements financiers d’agir d’une manière honnête, loyale et professionnelle servant au mieux des intérêts du client. Le client est clairement informé de l’existence, de la nature et du montant du paiement ou de l’avantage mentionné au premier alinéa ou, lorsque ce montant ne peut pas être établi, de son mode de calcul, d’une manière complète, exacte et compréhensible avant que la prestation concernée ne lui soit fournie. Le cas échéant, le conseil er en investissements financiers informe également le client sur les mécanismes de transfert au client de la rémunération, de la commission et de l’avantage monétaire ou non monétaire reçus en liaison avec la fourniture de la prestation. / Le paiement ou l’avantage qui permet la fourniture de la prestation de conseil ou qui est nécessaire à cette fourniture et qui par nature ne peut pas occasionner de conflit avec l’obligation qui incombe au conseil er en investissements financiers d’agir d’une manière honnête, loyale et professionnelle servant au mieux des intérêts de ses clients, n’est pas soumis au deuxième alinéa. / II. – Le conseil er en investissements financiers applique les dispositions des articles 314-13 à 314-20. ».

64. Les dispositions de l’article 325-16 du règlement général de l’AMF ne sont pas moins sévères que celles précitées de l’article 325-6 du même règlement, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’en faire une application rétroactive. Le grief sera donc examiné au regard des dispositions des articles 325-6 et 325-16 du règlement général de l’AMF dans leur version applicable à l’époque des faits.

1.5.1. Sur l’examen du grief

65. L’examen des documents remis aux clients d’Acadian, à savoir Mme D, M et Mme B, la société X, MM. A, G, C, F et H, révèle que contrairement à ce que soutiennent les mis en cause, les documents d’entrée en relation se limitent à faire état, au titre des rémunérations perçues par Acadian, des honoraires versés à cette société dans le cadre de son activité de conseil et des droits d’entrée dont le montant est limité à 5% de la somme investie, mais ne mentionnent d’aucune manière les commissions de souscriptions et sur encours que ROI Land lui versait. Par ail eurs, si certaines fiches d’information remises aux clients mentionnaient le groupe ROI Land parmi les partenaires d’Acadian et indiquaient que cette dernière pouvait percevoir des commissions et des frais de gestion, aucune ne précisait leur montant ni leur mode de calcul. Enfin, certains rapports de mission font état d’honoraires et de commissions de 0 à 3%, mais sans autre précision.

66. Il résulte de ces éléments que le manquement à l’obligation pour un conseil er en investissements financiers d’informer ses clients sur les modalités de la rémunération qu’il perçoit, prévue à l’article 325-6 du règlement général de l’AMF dont les dispositions ont été reprises à l’article 325-16 de ce même règlement, est caractérisé en l’espèce.

1.6. Sur le grief relatif à l’absence d’amélioration du service de conseil au client dans la durée

67. Il est reproché à Acadian de ne pas avoir pris attache au moins annuel ement avec ses clients pour vérifier que les produits conseil és étaient toujours adaptés à leur situation. A cet égard, les notifications de griefs relèvent qu’à la suite des souscriptions, les communications d’Acadian à ses clients se sont limitées à des courriers faisant un état

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des lieux succinct des projets immobiliers dans lesquels les fonds étaient investis. Les mis en cause auraient ainsi perçu des commissions sur encours versées par ROI Land sans améliorer le service fourni dans la durée, en méconnaissance des dispositions de l’article 314-16 du règlement général de l’AMF applicables aux CIF par renvoi de l’article 325-16 II de ce même règlement.

68. Les mis en cause contestent ce grief. Ils soutiennent s’être entretenus avec leurs clients annuellement lors d’entretiens téléphoniques ou de déjeuners. Par ail eurs, ils considèrent que l’obligation de fournir un conseil dans la durée ne peut être utilement mise en œuvre que si le CIF considère que l’investissement n’est plus adapté aux besoins du client. Or, font-ils valoir, les produits ROI Land portent sur des actifs immobiliers et sont donc des titres il iquides, de sorte qu’il est impossible de sortir de cet investissement. Ainsi convient-il selon eux de faire application de la position-recommandation n°2013-10 de l’AMF d’où il résulterait que les fonds dont les rachats sont bloqués ne peuvent faire l’objet d’un conseil dans la durée sur l’adéquation en continu du produit à la situation du client. Cette position-recommandation indique également que ces rémunérations ne peuvent être considérées comme légitimes que si el es s’analysent comme des paiements échelonnés d’une seule rémunération relative au service de conseil fourni à l’origine et présentée comme tel au client.

1.6.1. Sur les textes applicables

69. Les faits reprochés, qui se sont déroulés entre le 8 juin 2018 et le 31 décembre 2019, seront examinés à la lumière des dispositions applicables à l’époque des faits, sous réserve de dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

70. Les dispositions de l’article 325-16 du règlement général de l’AMF applicables à compter du 8 juin 2018 ont été reproduites au point 63 et il a été vu qu’il n’existait pas de dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

71. L’article 314-16 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur depuis le 3 janvier 2018, non modifié dans un sens moins sévère, dispose : « Le prestataire de services d’investissement conserve le ou les justificatifs qui permettent d’établir qu’une rémunération, une commission ou un avantage non monétaire qu’il a versé ou reçu ont pour objet d’améliorer la qualité du service fourni au client : / en conservant une liste interne de toutes les rémunérations, commissions et avantages non monétaires qu’il a reçus de la part de tiers, en lien avec la fourniture de services d’investissement ou de services connexes ; et / en enregistrant : / a) les modalités selon lesquelles les rémunérations, commissions ou avantages non monétaires qu’il a versés ou reçus, ou qu’il entend utiliser, améliore la qualité des services fournis aux clients concernés ; et / b) les mesures prises pour se conformer à son obligation d’agir d’une manière honnête, loyale et professionnel e au mieux des intérêts de ses clients. ».

72. Ces dispositions sont éclairées par la position-recommandation AMF n° 2013-10, laquelle dans sa version en vigueur du 1er décembre 2015 au 16 janvier 2020 précise que : « L’AMF considère comme légitimes les rémunérations perçues dans la durée en suite de la fourniture d’un service de conseil en investissement, que si elles s’accompagnent d’une amélioration du service au client sur la même durée, cette amélioration consistant à : / – prendre périodiquement l’attache de son client selon une périodicité qui ne peut être supérieure à un an, / – de façon personnalisée (le conseil en investissement initial étant, par définition, lui-même une recommandation personnalisée, le distributeur ne pourrait se limiter à la fourniture d’information générique) / – (…) selon des modalités prédéfinies et portées à la connaissance du client dès la fourniture du conseil en investissement initial, /
- (…) afin de s’assurer que le produit initialement proposé est toujours adapté (le profil de risque du produit a pu évoluer avec le temps) ; / – (…) au profil du client (le profil du client a pu évoluer dans le temps).
(…) S’agissant des fonds pour lesquels les rachats sont bloqués pendant plusieurs années, il ne peut y avoir de place pour un conseil dans la durée sur l’adéquation en continu du produit à la situation du client. Aussi, la perception d’une rémunération étalée dans le temps ne peut être considérée comme le corollaire d’une amélioration du service au client durant la même période. En conséquence, ces rémunérations ne pourront être considérées comme légitimes que si elles s’analysent comme des paiements échelonnés d’une seule et unique rémunération relative au service de conseil fourni à l’origine, ce qui a pour conséquence d’obliger à la présentation au client de cette manière.».

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1.6.2. Sur l’examen du grief

73. Il résulte des dispositions de l’article 314-16 du règlement général citées ci-dessus que le CIF ne peut percevoir une rémunération dans la durée, telle que les commissions sur encours litigieuses, que s’il est en mesure de justifier que la rémunération en question améliore la qualité du service fourni au client.

74. En l’espèce, le document intitulé « mandat exclusif » signé entre Acadian et ROI Land le 11 juil et 2016 indique qu’Acadian percevra de la société ROI Land une commission de 2% sur les encours détenus par ses clients dans les « titres obligataires ou de créance ROI ». Les mis en cause ne contestent pas avoir perçu à ce titre entre 2016 et 2018, un montant total de 477 339 euros.

75. Si Acadian indique avoir envoyé à ses clients des courriers traduits de ROI Land faisant un bref état des lieux du projet de construction dans lequel les fonds étaient investis, ni ces courriers, ni aucun élément du dossier ne permettent de justifier qu’Acadian a amélioré dans la durée la qualité du service rendu à ses clients en contrepartie de la rémunération perçue, ne fût-ce, s’agissant d’actifs illiquides, qu’en ce qui concerne le réemploi des sommes investies à l’échéance de l’investissement.

76. Dès lors, le manquement à l’obligation d’améliorer la qualité du service de conseil fourni au client prévu aux articles 325-16 et 314-16 du règlement général de l’AMF est caractérisé.

1.7. Sur le manquement à l’obligation d’exercer l’activité de CIF avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent au mieux de l’intérêt des clients

77. Les notifications de griefs reprochent à Acadian d’avoir manqué à son obligation d’exercer son activité avec soin et diligence pour servir au mieux les intérêts de ses clients et aurait ainsi contrevenu aux dispositions de l’article L. 541-8-1, 2° du code monétaire et financier. Les notifications de griefs relèvent que les mis en cause ont commercialisé auprès de leurs clients les titres émis par les sociétés du groupe ROI Land alors qu’ils avaient connaissance des pertes récurrentes de la société mère, des doutes de l’auditeur sur la pérennité de son activité et des contentieux en cours ou passés dans lesquels el e était impliquée.

78. Les mis en cause contestent ce grief. Ils soutiennent qu’ils n’ont pas bénéficié d’une information particulière concernant la situation financière de ROI Land et que les états financiers de celles-ci étaient disponibles tant qu’elle était enregistrée à la Securities and Exchange Commission (ci-après, « SEC »). Ils estiment avoir bien transmis à leurs clients les informations dont ils disposaient sur l’état d’avancement des travaux. Par ail eurs, ils soutiennent que des pertes récurrentes sur un projet immobilier ne sont pas suffisantes pour ne pas conseil er aux investisseurs un tel placement. Enfin, selon eux, les litiges mentionnés par les notifications de griefs ne sont pas juridiquement des litiges mais une « absence de conformité » avec la règlementation conduisant à révoquer leur enregistrement comme société faisant appel public à l’épargne.

1.7.1. Sur le texte applicable

79. Les faits reprochés, qui se sont déroulés entre le 9 mai 2016 et le 31 décembre 2018, seront examinés à la lumière des dispositions applicables à l’époque des faits, sous réserve de dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

80. L’article L 541-8-1 2° du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur depuis le 24 octobre 2010, non modifié sur ce point dans un sens moins sévère, dispose : « Les conseillers en investissements financiers doivent : / 2° Exercer leur activité, dans les limites autorisées par leur statut, avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent au mieux des intérêts de leurs clients, afin de leur proposer une offre de services adaptée et proportionnée à leurs besoins et à leurs objectifs ; ».

1.7.2. Sur l’examen du grief

81. Il est reproché à Acadian d’avoir commercialisé les produits ROI Land alors qu’elle avait accès à des informations concernant d’une part la situation financière compromise du groupe ROI Land et d’autre part des contentieux dans lesquels il était impliqué.

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82. S’agissant de la situation financière de ROI Land, avant de commercialiser les produits de cette société, Acadian pouvait accéder sur le site de la SEC à ses états financiers pour les années 2014 et 2015, lesquels font ressortir des pertes constantes. Les états financiers relatifs aux années 2016 et 2017 au cours desquelles a eu lieu la commercialisation litigieuse, qui étaient également disponibles sur le site de la SEC, font état de pertes cumulées importantes. En outre, l’auditeur fait état, en commentaire de ces états financiers, de ses doutes sur la pérennité de l’activité de la société. Enfin, il ressort du dossier qu’Acadian disposait, alors même qu’ils n’étaient pas publiés sur le site de la SEC, des comptes annuels consolidés de ROI Land pour l’année 2018, qui faisaient apparaître que les pertes cumulées de cette société s’élevaient à 51 mil ions de dollars, de sorte qu’elle ne serait pas en mesure de continuer son activité sans un financement additionnel immédiat. Or d’une manière générale l’existence d’un déficit structurel ou d’un fort besoin d’endettement de l’émetteur est toujours porteuse de risque pour l’investisseur.

83. En ce qui concerne les contentieux impliquant ROI Land, Acadian avait accès à deux décisions rendues à l’encontre de cette société, l’une de l’Autorité des marchés financiers du Québec du 7 septembre 2016, l’autre de la SEC du 26 novembre 2018. Ces décisions, s’inscrivant dans le cadre de procédures administratives initiées en raison de manquements de ROI Land à ses obligations professionnelles de nature à affecter la protection des investisseurs, auraient dû alerter Acadian lors de la commercialisation des produits de cette société. Enfin, les états financiers de ROI Land indiquaient également que l’émetteur était impliqué dans des contentieux relatifs à des défauts de paiement de ses prestataires.

84. Il ne ressort pas du dossier que la connaissance par Acadian de cet état de fait ait eu le moindre impact sur les recommandations faites par elle à ses clients d’investir dans les produits émis par ROI Land. Il s’ensuit qu’Acadian a manqué à son obligation d’exercer son activité avec soin et diligence pour servir au mieux les intérêts des clients. Le manquement aux dispositions de l’article L. 541-8-1 2° du code monétaire et financier est caractérisé.

1.8. Sur le manquement relatif à l’obligation d’exercer son activité dans les limites autorisées par le statut de CIF

85. Il est reproché à Acadian d’avoir fourni un service de placement non garanti à l’occasion de la commercialisation des titres ROI Land, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 541-8-1 2° du code monétaire et financier et de la position-recommandation AMF n° 2012-08. Les notifications de griefs retiennent qu’Acadian a signé avec ROI Land un mandat exclusif de commercialisation conférant à Acadian une mission de prospection en vue de la souscription par des tiers des titres émis par ROI Land ou ses filiales directes et indirectes. Il prévoit également une rémunération si Acadian commercialise ces titres auprès de ses propres clients. Enfin, le mandat n’indique pas si une garantie est apportée à l’émetteur. Selon les notifications de griefs, ces faits caractérisent l’exercice non autorisé pour les CIF d’une activité de placement non garanti.

86. Les mis en cause contestent ce grief. Ils exposent que l’exercice d’une activité de placement non garanti suppose une action positive et concrète de recherche de souscripteurs alors que le contrat signé entre Acadian et ROI Land ne prévoit qu’une mission de prospection. Or, selon eux, la prospection ne consiste pas à identifier des investisseurs et à les présenter à l’émetteur en vue de la souscription de l’instrument financier et se limite à diverses actions commerciales visant à rechercher une clientèle de manière générique.

1.8.1. Sur les textes applicables

87. Les faits reprochés, qui se sont déroulés entre le 9 mai 2016 et 31 décembre 2019, seront examinés à la lumière des textes en vigueur à l’époque des faits sous réserve de dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

88. Les dispositions de l’article L. 541-8-1 2° du code monétaire et financier ont déjà été reproduites au point 80.

89. L’article L. 541-1 du même code, dans ses versions successives en vigueur depuis le 24 octobre 2010, non modifié sur ce point depuis, dispose : « I.- Les conseil ers en investissements financiers sont les personnes exerçant à titre de profession habituelle les activités suivantes : / 1° Le conseil en investissement mentionné au 5 de l’article L. 321-1 ; / 2° (Abrogé) / 3° Le conseil portant sur la fourniture de services d’investissement mentionnés à l’article L. 321-1; / 4° Le conseil portant sur la réalisation d’opérations sur biens divers définis à l’article L. 550-1. / II.- Les

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conseil ers en investissements financiers peuvent également fournir le service de réception et de transmission d’ordres pour le compte de tiers, dans les conditions et limites fixées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers et exercer d’autres activités de conseil en gestion de patrimoine. ».

90. L’article L. 321-1 7° du même code, dans sa version en vigueur depuis le 1er novembre 2007, non modifié sur ce point, dispose : « Les services d’investissement portent sur les instruments financiers énumérés à l’article L. 211-1 et comprennent les services et activités suivants : / 7. Le placement non garanti ; ».

91. L’article D. 321-1 7° du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 6 novembre 2007 au 3 janvier 2018, non modifié sur ce point, dispose : « Les services d’investissement mentionnés à l’article L. 321-1 sont définis comme suit : […] 7. Constitue le service de placement non garanti le fait de rechercher des souscripteurs ou des acquéreurs pour le compte d’un émetteur ou d’un cédant d’instruments financiers ou sur une ou plusieurs unités mentionnées à l’article L. 229-7 du code de l’environnement sans lui garantir un montant de souscription ou d’acquisition ; ».

92. Enfin, la position-recommandation AMF n° 2012-08, dans ses versions applicables entre le 4 juil et 2016 et le 23 juil et 2019, non modifiée sur ce point, dispose : « Pour pouvoir fournir le service de placement (garanti ou non) ou celui de prise ferme, les prestataires doivent être agréés à cet effet en tant que prestataires de services d’investissement. Le statut d’agent lié permet également de participer à la fourniture d’un service de placement (garanti ou non) dans le cadre d’un mandat donné par un prestataire de services d’investissement dans les conditions fixées par les articles L. 5451 et suivants du code monétaire et financier. Quant aux conseil ers en investissements financiers, leur habilitation ne leur permet en aucun cas de fournir un service de placement (garanti ou non) ou de prise ferme. ».

1.8.2. Sur l’examen du grief

93. Il résulte des textes précités que l’exercice du service de placement non garanti se caractérise par la réunion de trois conditions : la recherche de souscripteurs ou d’acquéreurs d’instruments financiers ; le fait que cette recherche intervienne pour le compte de l’émetteur ou du cédant desdits instruments financiers ; enfin, l’absence de garantie apportée à l’émetteur quant à un montant minimal de souscription ou d’acquisition.

94. Il ressort du dossier que ces trois conditions étaient réunies en l’espèce s’agissant de la commercialisation par Acadian des titres ROI Land.

95. En effet, Acadian a commercialisé les actions de sociétés en commandite par actions et des obligations émises par ROI Land Investments Ltd et ROI Land Securitisation SA, lesquelles constituent des instruments financiers au sens de l’article L. 211-1 du code monétaire et financier.

96. Acadian et ROI Land ont signé le 11 juil et 2016 un « Mandat exclusif », à effet du 1er janvier 2016, stipulant que « ROI Land confère au MANDATAIRE, qui accepte, avec une exclusivité territoriale tel que défini à l’ARTICLE 2, une mission de prospection des CGPI, CIF, Family Office, Banques, Banques privées, Société de gestion, Asset Manager et tout autre professionnel de la distribution de services financiers, en vue de la souscription par des tiers des titres proposés par le MANDANT ». L’article 1er de ce contrat prévoit également que « Ces titres peuvent être à la fois des Obligations émises par le MANDANT, des Actions nouvelles émises lors d’une augmentation de capital du MANDANT, ou tout autres produits financiers émis par le MANDANT ou par ses filiales directes ou indirectes ».

97. En application de cette convention, Acadian a généré 121 souscriptions dans des actions et des obligations émises par les sociétés du groupe ROI Land, par 95 clients. Les mis en cause ne contestent pas avoir perçu à ce titre 1 542 237 euros de commissions sur souscriptions entre 2016 et 2019 et, comme il a été dit ci-dessus, 477 340 euros de commissions sur encours entre 2016 et 2018. Les revenus perçus par Acadian au titre de la commercialisation de ces produits correspondent à 20% de son chiffre d’affaires total réalisé en 2016, 47% du chiffre d’affaires réalisé en 2017 et 71% du chiffre d’affaires de l’année 2018. Au regard du nombre de souscriptions, du montant total investi par les clients d’Acadian et de l’importance, par rapport à son chiffre d’affaires, des commissions perçues par cette dernière résultant des souscriptions aux produits de ROI Land, les mis en cause ne peuvent prétendre ne pas avoir activement commercialisé les produits en question pour le compte de leur émetteur ROI Land , étant précisé que la recherche de souscripteurs pour le compte de l’émetteur suffit à

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caractériser la condition précitée d’exercice du service de placement non garanti, sans qu’il soit nécessaire d’établir que l’ensemble des clients du prestataire aient été sol icités, ni même que les investisseurs aient effectivement souscrit des titres financiers. Du reste il ressort des circonstances de fait retracées notamment lors de la séance que la création d’Acadian a fait suite à la rencontre par M Hoffelt d’un opérateur canadien cherchant à commercialiser en France les produits de ROI Land, de telle sorte qu’Acadian peut, dans une certaine mesure, être regardée comme ayant été créée pour les besoins de la commercialisation des produits en cause.

98. Il est donc établi qu’Acadian a fait souscrire activement des produits pour le compte de ROI Land, la mise en cause s’étant engagée à placer les actions de cette dernière et sa rémunération étant directement liée au montant des souscriptions recueil ies. En outre, la convention ne stipulait, au profit de la ROI Land, aucune garantie de montant de souscription.

99. Il résulte de ce qui précède qu’Acadian a fourni un service de placement non garanti à ROI Land dans le cadre de la commercialisation de ses titres.

100. Or le service de placement non garanti ne figure pas parmi les activités susceptibles d’être exercées par un CIF, énumérées à l’article L. 541-1 du code monétaire et financier. Il s’ensuit qu’en exerçant une activité de placement non garanti au bénéfice de ROI Land, Acadian a méconnu l’obligation faite aux CIF d’exercer leur activité dans les limites autorisées par leur statut, et le manquement par el e aux dispositions des articles L. 541-1 et L. 541-8-1 2° du code monétaire et financier est caractérisé.

2. Sur le grief relatif à l’absence de prévention et de gestion des conflits d’intérêts liés à la commercialisation des titres ROI Land

101. Il est reproché à Acadian de ne pas disposer d’une procédure permettant de prévenir et de gérer les conflits d’intérêts susceptibles de porter atteinte aux intérêts des clients et de ne pas traiter le conflit potentiel existant avec ROI Land. La poursuite soutient qu’Acadian a bénéficié entre 2016 et 2018 d’une exclusivité de commercialisation sur les titres ROI Land, alors qu’Acadian et sa holding CEG entretenaient des liens administratifs, fonctionnels et capitalistiques avec ROI Land et certains de ses administrateurs. En outre, entre 2017 et 2018, Acadian s’est attachée les services du conseil er spécial du board de ROI Land Investment, M. Philippe Germain, et a rémunéré ce dernier à hauteur de 10 000 euros en 2017 et 66 000 euros en 2018. M. Germain se présentait à l’époque des faits comme « General Manager & Director » de ROI Land Investments FZ, une filiale établie à Dubaï. Il avait été auparavant administrateur de plusieurs sociétés du groupe ROI Land et avait co-présidé ROI Land Investment Ltd. De plus, les notifications de griefs soulignent que M. Germain est actionnaire de CEG et a présidé cette société entre 2014 et 2016. Enfin, el es relèvent qu’il a participé à la rédaction des réponses envoyées à la mission de contrôle. Par ail eurs, l’exclusivité de commercialisation mentionnée ci-dessus a permis à Acadian de bénéficier du fait de la souscription de ces produits, de revenus correspondant à 21% de son chiffre d’affaires de CIF réalisé en 2016, 49,97% en 2017 et 74,22% en 2018.

102. Les notifications de griefs estiment qu’Acadian aurait ainsi manqué aux dispositions de l’article 325-8 du règlement général de l’AMF entre le 9 mai 2016 et le 7 juin 2018 et de l’article L. 541-8 4° du code monétaire et financier entre le 3 janvier 2018 et le 31 décembre 2019.

103. Les mis en cause contestent le grief. Ils exposent que le « Code intérieur CIF » qui avait été établi au sein d’Acadian contenait un paragraphe sur la gestion des conflits d’intérêts qui selon eux indique « l’essentiel puisque justement il prévoit une information auprès de la clientèle dans un tel cas ». Ils soutiennent par ail eurs que l’existence de liens entre ROI Land et Acadian était systématiquement portée à la connaissance des clients car Acadian avait considéré que ces liens constituaient un potentiel conflit d’intérêts.

2.1. Sur les textes applicables

104. Les faits reprochés, qui se sont déroulés entre le 9 mai 2016 et le 31 décembre 2019, seront examinés à la lumière des textes alors applicables, sous réserve de l’application rétroactive d’éventuel es dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

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105. Aux termes de l’article 325-8 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 31 décembre 2017 au 7 juin 2018 : « Le conseil er en investissements financiers doit se doter des moyens et des procédures écrites lui permettant de prévenir, gérer et traiter tous conflits d’intérêts pouvant porter atteinte aux intérêts de son client ».

106. Depuis le 8 juin 2018, ces dispositions ont été retirées du règlement général. El es figurent depuis le 3 janvier 2018 dans des termes équivalents à l’article L. 541-8 du code monétaire et financier. Le grief sera donc examiné au regard des dispositions des articles 325-8 du règlement général de l’AMF et L. 541-8 du code monétaire et financier applicables à l’époque des faits.

2.2. Sur l’examen du grief

107. Si les textes précités n’indiquent pas précisément le contenu des procédures devant être adoptées en matière de conflits d’intérêts par les CIF, ils imposent néanmoins à ces derniers de se doter des moyens et procédures écrites leur permettant de prévenir, traiter et gérer les conflits d’intérêts pouvant porter atteinte à l’intérêt de leurs clients.

108. Le « Code intérieur CIF » d’Acadian contient une partie intitulée « Résolution des conflits d’intérêt » se limitant à décrire les mesures mises en place par Acadian en cas de conflit d’intérêts. Ce document donne ainsi quelques précisions de procédure pour traiter une situation de conflit d’intérêts, mais il ne définit d’aucune manière les mesures et précautions à prendre pour identifier une tel e situation. Par ail eurs, le « Code intérieur CIF » comporte la mention « cf fiche d’information », sans préciser lui-même la nature des informations contenues dans ce document. Or, pour revêtir un caractère opérationnel une procédure doit être entièrement décrite dans l’ensemble de ses éléments et se suffire à elle-même. Au regard de ces constats, il apparaît que la procédure d’Acadian était incomplète.

109. S’agissant du traitement du conflit d’intérêts reproché par la poursuite, on rappel e que le mandat exclusif conclu entre Acadian et ROI Land pour la commercialisation des titres de cette dernière a permis à Acadian de bénéficier, du fait de la souscription de ces produits, de revenus correspondant à 21% de son chif re d’affaires de CIF réalisé en 2016, 49,97% en 2017 et 74,22% en 2018. L’importance de cette rémunération dans l’activité d’Acadian ne pouvait que conduire cette dernière à recommander à ses clients d’investir dans les titres ROI Land, et était de ce fait par elle-même constitutive d’une situation de conflit d’intérêts.

110. En outre, des factures pour un montant total de 76 000 euros ont été établies en 2017 et 2018 par Acadian au bénéfice de M. Germain pour des prestations de conseil alors que celui-ci exerçait à l’époque des faits des fonctions de direction au sein de sociétés du groupe ROI Land. Or, M. Germain a exercé des fonctions d’administrateur et de président au sein de CEG et de CEP et comme le démontre la note de présentation de l’activité d’Acadian recueillie par la mission de contrôle, M. Germain a également participé à la rédaction des réponses adressées à la mission de contrôle.

111. Par ail eurs, il ressort du dossier qu’Acadian entretenait d’autres liens administratifs, financiers et fonctionnels avec ROI Land et M. Cliche, un administrateur de celle-ci.

112. Enfin, l’existence d’un conflit d’intérêts a été confirmée par les mis en cause eux-mêmes dans leurs observations sur les notifications de griefs : « la société Acadian a considéré que les liens avec ROI Land devaient être qualifiés comme relevant d’un conflit d’intérêts potentiel ».

113. Il résulte de ce qui précède qu’il existait un conflit d’intérêts entre Acadian et ROI Land et qu’Acadian ne disposait pas d’une procédure permettant de traiter une telle situation. Ainsi, seuls quatre clients sur les huit de l’échantil on ont été informés dans leur document d’entrée en relation des liens capitalistiques existant entre ROI Land et Acadian. En revanche, aucune mention de l’existence de liens fonctionnels ne figure dans la documentation remise par les mis en cause à leurs clients.

114. Il s’ensuit que le manquement aux dispositions de l’article 325-8 du règlement général de l’AMF reprises à l’article L. 541-8 4° du code monétaire et financier à compter du 8 juin 2018 est caractérisé.

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3. Sur les griefs relatifs au dispositif de LAB-FT

3.1. Sur le grief tiré du manquement à l’obligation de se doter de procédures internes adaptées pour respecter les exigences LAB-FT

115. Il est reproché à Acadian de ne pas disposer d’une procédure claire, précise et opérationnelle en matière de LAB-FT en méconnaissance des dispositions de l’article L. 561-4-1 du code monétaire et financier et de l’article 325-12 du règlement général de l’AMF dont les dispositions ont été reprises à l’article 325-22 de ce même règlement à compter du 8 juin 2018 et de l’article 315-51 du règlement général de l’AMF dont les dispositions ont été reprises le 3 juin 2018 à l’article 321-143 de ce même règlement. La poursuite relève que la procédure d’Acadian ne définit pas les notions de « risque faible, moyen, important ou très important » qu’elle utilise, les informations complémentaires devant être communiquées au CIF et les mesures de vigilance à mettre en place par celui-ci.

116. Acadian et M. Hoffelt contestent ce grief estimant que la règlementation en matière de LAB-FT applicable aux CIF doit être mise en œuvre en fonction de l’évaluation des risques présentés par leurs activités. Ils estiment que dans la mesure où les activités du CIF sont limitées, celui-ci ne doit pas disposer d’une procédure aussi détail ée qu’une société de gestion. Par ail eurs, ils considèrent qu’il n’existe pas de référence opposable publiée par l’AMF précisant le degré de détail attendu d’une telle procédure.

3.1.1. Sur les textes applicables

117. Les notifications de griefs ne précisent pas la date des faits reprochés et se fondent sur une procédure « non datée ». Au regard des dates d’entrée en vigueur des textes fondant les griefs, il y a lieu de considérer que les faits reprochés à Acadian se sont déroulés entre le 3 décembre 2016 et le 31 décembre 2019, fin de la période contrôlée. Les griefs seront par conséquent examinés à la lumière des textes applicables pendant cette période, sous réserve de l’entrée en vigueur postérieure de dispositions moins sévères.

118. L’article L. 561-4-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur du 3 décembre 2016 au 13 février 2020, non modifiée depuis dans un sens moins sévère, dispose : « Les personnes mentionnées à l’article L. 561-2 appliquent les mesures de vigilance destinées à mettre en œuvre les obligations qu’elles tiennent du présent chapitre en fonction de l’évaluation des risques présentés par leurs activités en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. / À cette fin, elles définissent et mettent en place des dispositifs d’identification et d’évaluation des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme auxquels elles sont exposées ainsi qu’une politique adaptée à ces risques. El es élaborent en particulier une classification des risques en question en fonction de la nature des produits ou services offerts, des conditions de transaction proposées, des canaux de distribution utilisés, des caractéristiques des clients, ainsi que du pays ou du territoire d’origine ou de destination des fonds. […] ».

119. L’article 325-12 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 19 novembre 2009 au 8 mars 2018, dispose : « Le conseil er en investissements financiers applique les articles 315-51 à 315-58, à l’exception de l’article 315-57. ».

120. Cet article a été modifié par l’arrêté du 8 mars 2018 afin d’intégrer le changement de numérotation des articles du règlement général de l’AMF. Ainsi, dans sa rédaction en vigueur du 9 mars 2018 au 7 juin 2018, cet article dispose : « Le conseil er en investissements financiers applique les articles 321-143 à 321-150, à l’exception de l’article 321- 149. ».

121. Depuis le 8 juin 2018, l’article 325-12 du règlement général de l’AMF a été modifié et ses dispositions ont été reprises à l’article 325-22, lequel dispose dans sa version en vigueur entre le 8 juin 2018 et le 25 novembre 2020, non modifié dans un sens moins sévère : « Le conseiller en investissements financiers applique les articles 321-143 à 321-150, à l’exception de l’article 321-149. / Lorsqu’il n’exerce pas sous la forme d’une personne morale, le conseil er en investissements financiers est responsable de la mise en œuvre du dispositif prévu à l’article L. 561-32 du code monétaire et financier. »

122. Enfin, l’article 315-51 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 19 novembre 2009 au 2 janvier 2018, dispose : « La société de gestion de portefeuil e met en place des systèmes d’évaluation et de gestion des

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risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. / El e se dote d’une organisation, de procédures internes et d’un dispositif de contrôle adaptés afin d’assurer le respect des obligations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. ».

123. Ces dispositions ont été reprises à l’identique à compter du 3 janvier 2018 jusqu’au 10 septembre 2019 à l’article 321-143 puis à l’article 320-16 du règlement général de l’AMF à compter du 11 septembre 2019, lequel n’a pas été modifié dans un sens moins sévère.

3.1.2. Sur l’examen du grief

124. Il ressort de la procédure d’Acadian intitulée « Procédures LAB-FT » que, pour déterminer si une mission de conseil peut être fournie, le CIF doit se référer à une liste de critères d’évaluation des risques de blanchiment et de financement du terrorisme, sur la base desquels il attribue un score correspondant à un risque faible, moyen, important ou très important. La liste en question comporte des critères objectifs tels que l’existence de « poursuites pénales » ou encore la présence de personnes qualifiées de politiquement exposées, ainsi que des critères subjectifs liés notamment à l’appréciation portée sur la justification des revenus du client. Elle indique également que « l’analyse de ce scoring ne peut conduire qu’à 2 options : /A. Aucun soupçon et mission réalisée /B. Soupçon=> déclaration ou pas, mission impossible ou pas ». Ainsi cette procédure permet-elle au CIF d’identifier et d’évaluer, sur la base de critères pertinents, les risques de blanchiment ou de financement du terrorisme et de décider de la nécessité ou non de procéder à une déclaration auprès de Tracfin ainsi que de la possibilité ou non de réaliser la mission de conseil. En conséquence, la procédure LCB-FT d’Acadian est adaptée et lui permet de s’assurer du respect des obligations en matière de LCB-FT prévues par l’article 315-12 du règlement général de l’AMF.

125. Il résulte de ces éléments que la procédure LCB-FT d’Acadian satisfait aux exigences des articles L. 561-4-1 du code monétaire et financier et 315-51 du règlement général de l’AMF, de sorte que le manquement à l’article 325-12 du règlement général de l’AMF reproché à Acadian n’est pas caractérisé.

3.2. Sur le manquement à l’obligation d’identification de l’origine des fonds

126. Il est reproché aux mis en cause de ne pas avoir recueil i les justificatifs de l’origine des fonds investis par ses clients conformément à ce que la procédure LAB-FT d’Acadian prévoit. Ils auraient ainsi manqué aux dispositions de l’article 325-12 du règlement général de l’AMF dont les dispositions ont été reprises à l’article 325-22 de ce même règlement à compter du 8 juin 2018, et de l’article 315-51 du règlement général de l’AMF dont les dispositions ont été reprises à compter du 3 juin 2018 à l’article 321-143 de ce même règlement.

127. Les mis en cause contestent ce grief. Ils soutiennent que les articles 315-51 et 321-143 du règlement général de l’AMF ne sont pas applicables aux CIF. Ils considèrent par ail eurs que conformément aux dispositions de l’article L. 561-4-1 du code monétaire et financier, l’obligation d’identification de l’origine des fonds doit s’apprécier en fonction de l’activité du CIF. A cet égard, ils relèvent que l’analyse sectorielle des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme publiée par l’AMF en 2019 indique que « l’activité du CIF consiste à fournir un service de conseil qui offre peu de moyen de blanchir des capitaux ». Ainsi, dans la mesure où le CIF ne peut recevoir de fonds de sa clientèle, les mis en cause soutiennent qu’il ne peut leur être opposé l’obligation de mettre en place un dispositif d’identification de l’origine des fonds.

3.2.1. Sur les textes applicables

128. Les faits reprochés, qui se sont déroulés entre le 2 juin 2017 et le 27 août 2018, seront examinés à la lumière des dispositions applicables à l’époque des faits, sous réserve de dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

129. Les dispositions de l’article 325-12 (dans ses versions en vigueur du 19 novembre 2009 au 8 mars 2018 puis du 9 mars 2018 au 7 juin 2018) et de l’article 325-22 (en vigueur à compter du 8 juin 2018), d’où il résulte que sont applicables aux CIF les dispositions de l’article 315-51 (en vigueur du 19 novembre 2009 au 2 janvier 2018) et de l’article 321-143 du règlement général de l’AMF (en vigueur du 3 janvier 2018 au 10 septembre 2019), ainsi que

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les dispositions de ces deux derniers articles ont déjà été citées aux points 118 à 122. Il a été vu que ces textes n’ont pas été modifiés par des dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

130. Il convient également de mentionner l’article 315-55 du règlement général de l’AMF, auquel l’article 325-12 de ce même règlement renvoie, ainsi que l’article L. 561-10-2 du code monétaire et financier auquel renvoie l’article 315-55 du règlement général de l’AMF.

131. L’article 315-55 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 19 novembre 2019 au 2 janvier 2018, dispose : « La société de gestion de portefeuil e établit par écrit et met en œuvre des procédures internes propres à assurer le respect des dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. El e les met à jour régulièrement. / Ces procédures internes portent notamment sur : 1° l’évaluation, la surveil ance et le contrôle des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme ; / 2° la mise en œuvre des mesures de vigilance, en particulier : / a) les conditions et les modalités d’acceptation des nouveaux clients et des clients occasionnels ; / b) les diligences à accomplir en matière d’identification et de connaissance du client, du bénéficiaire effectif, et de l’objet et de la nature de la relation d’affaires. La fréquence de la mise à jour de ces éléments est précisée ; / c) les mesures de vigilance complémentaires mentionnées aux articles L. 561-10 et L. 561-10-2 du code monétaire et financier ainsi que les conditions et modalités de leur mise en œuvre ; / d) les éléments d’information à recueil ir et à conserver concernant les opérations mentionnées au II de l’article L. 561-10-2 du code monétaire et financier ; ».

132. Depuis le 3 janvier 2018, les dispositions de l’article 315-55 du règlement général de l’AMF ont été reprises à l’identique à l’article 321-147 de ce même règlement, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’en faire une application rétroactive.

133. L’article L. 561-10-2 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur depuis le 1er février 2009 non modifié sur ce point, dispose : « Les personnes mentionnées à l’article L. 561-2 effectuent un examen renforcé de toute opération particulièrement complexe ou d’un montant inhabituel ement élevé ou ne paraissant pas avoir de justification économique ou d’objet licite. Dans ce cas, ces personnes se renseignent auprès du client sur l’origine des fonds et la destination de ces sommes ainsi que sur l’objet de l’opération et l’identité de la personne qui en bénéficie. ».

3.2.2. Sur l’examen du grief

134. Il résulte des dispositions précitées que le CIF doit adopter un dispositif de contrôle adapté permettant de s’assurer du respect des obligations relatives à la LCB-FT et, à ce titre, recueil ir des éléments attestant de l’origine des fonds.

135. A ce sujet, il ressort des Questions-réponses relatives au régime des conseil ers en investissements financiers publiées par l’AMF qu’ « avant d’entrer en relation d’affaires : – identifier par des moyens adaptés son client, le cas échéant le bénéficiaire effectif, et vérifier ces éléments d’identification ;/ – recueil ir les informations relatives à l’objet et à la nature de la relation d’affaires et tout autre élément d’information pertinent sur ce client » et que « Si le CIF peut demander à ses clients de signer un document indiquant l’identité du bénéficiaire effectif de la prestation de conseil, l’origine des fonds et l’objet de l’opération envisagée, il reste que l’obtention d’un tel document déclaratif peut ne pas être suffisante pour que les obligations de vigilance susmentionnées soient considérées comme remplies par le CIF ». Dès lors, quand bien même les mesures de vigilance en matière de LCB-FT doivent être mises en place en fonction de l’évaluation des risques présentés par l’activité et que le CIF ne reçoit pas de fonds, l’obligation de recueil ir les informations relatives à l’origine des fonds est un préalable à la réalisation d’une mission par celui-ci.

136. En l’espèce le « Code intérieur CIF » d’Acadian précise qu’« il est obligatoire de fournir un justificatif d’origine des fonds (CF liste jointe au Rapport LAB-FT) et ce dès le 1er Euro pour toute mission CIF réalisée ». Au cours du contrôle, Acadian avait indiqué que la vérification de l’origine des fonds des clients était bien contrôlée par « un processus organisé et archivé via un rapport LAB à remplir par le conseil er, avec copie du justificatif d’origine des fonds et dont vous trouverez dans le dossier notre procédure LAB interne ». Pour autant, il n’est pas contesté par les mis en cause que les justificatifs de l’origine des fonds sont manquants pour 9 des 21 souscriptions de l’échantil on, telles qu’identifiées dans l’annexe 14 au rapport de contrôle.

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137. Il résulte de ce qui précède qu’Acadian n’a pas recueil i systématiquement les justificatifs de l’origine des fonds de ses clients. Le manquement aux dispositions de l’article 325-12 du règlement général de l’AMF, reprises à l’article 325-22 de ce même règlement à compter du 8 juin 2018, et de l’article 315-51 du règlement général de l’AMF reprises à l’article 321-143 de ce même règlement à compter du 3 janvier 2018, est donc caractérisé.

II. Sur l’imputabilité des manquements à M. Didier Hoffelt 138. La notification de griefs adressée à M. Hoffelt indique que les manquements reprochés à Acadian pourraient lui être imputables personnellement en sa qualité de dirigeant d’Acadian à l’époque des faits, sur le fondement de l’article L. 621-15 II b) du code monétaire et financier, auquel renvoie l’article L. 621-17 du même code, ainsi que de l’article 325-12-3 du règlement général de l’AMF repris à l’article 325-12-5 puis à l’article 325-27 du même règlement.

139. L’article L. 621-17 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur à compter du 7 mai 2005, non modifiée sur ce point depuis, dispose : « tout manquement par les conseil ers en investissements financiers définis à l’article L. 541-1 aux lois, règlements et obligations professionnelles les concernant est passible des sanctions prononcées par la commission des sanctions selon les modalités prévues aux […] a) et b) du III […] de l’article L. 621-15 ».

140. Le b) du III de l’article L. 621-15 du même code, dans sa version en vigueur depuis le 22 février 2014, non modifiée depuis dans un sens moins sévère, énumère les sanctions applicables aux « personnes physiques placées sous l’autorité ou agissant pour le compte de l’une des personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12°, 15° à 17° du II de l’article L. 621-9 ».

141. Par ail eurs, l’article 325-12-3 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 19 avril 2013 au 20 octobre 2016, disposait : « Lorsque le conseil er en investissements financiers est une personne morale, les personnes physiques ayant le pouvoir de gérer ou d’administrer ladite personne morale s’assurent qu’elle se conforme aux lois, règlements et obligations professionnel es la concernant ». Entre le 21 octobre 2016 et le 7 juin 2018, ces dispositions figuraient, dans la même rédaction, à l’article 325-12-5 du règlement général de l’AMF. Depuis le 8 juin 2018, elles figurent, dans la même rédaction, à l’article 325-27 du même règlement, ce dont il résulte que la commission des sanctions peut prononcer des sanctions à l’égard des personnes physiques agissant pour le compte d’un CIF personne morale.

142. En l’espèce, M. Hoffelt exerçait les fonctions de président et de directeur général d’Acadian à l’époque des faits, de sorte que le manquement retenu à l’encontre de cette dernière lui est imputable, ce que ce dernier ne conteste pas.

SANCTIONS ET PUBLICATION

I. Sur les sanctions 143. Les manquements ont eu lieu entre le 9 mai 2016 et le 31 décembre 2019.

144. Le premier alinéa de l’article L. 621-17 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur à compter du 7 mai 2005, non modifiée depuis sur ces points, dispose : « Tout manquement par les conseil ers en investissements financiers […] aux lois, règlements et obligations professionnelles les concernant est passible des sanctions prononcées par la commission des sanctions selon les modalités prévues aux I, a et b du III, [ …] de l’article L. 621-15 […] ».

145. Aux termes de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 24 octobre 2020 au 11 décembre 2016 : « III.- Les sanctions applicables sont : a) Pour les personnes mentionnées aux 1° à 8°,11°,12°,15° à 17° du II de l’article L. 621-9, l’avertissement, le blâme, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des services fournis, la radiation du registre mentionné à l’article L. 546-1 ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 mil ions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne sanctionnée ou, à défaut,

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au Trésor public ; / b) Pour les personnes physiques placées sous l’autorité ou agissant pour le compte de l’une des personnes mentionnées aux 1° à 8°,11°,12°,15° à 17° du II de l’article L. 621-9, l’avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnel e, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des activités ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 15 mil ions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuel ement réalisés en cas de pratiques mentionnées aux c à g du II ou à 300 000 euros ou au quintuple des profits éventuellement réalisés dans les autres cas ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne morale sous l’autorité ou pour le compte de qui agit la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ».

146. Depuis le 11 décembre 2016, le III de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier dispose : « a) Pour les personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12°, 15° à 17° du II de l’article L. 621-9, l’avertissement, le blâme, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des services fournis, la radiation du registre mentionné à l’article L. 546-1 ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 mil ions d’euros ou au décuple du montant de l’avantage retiré du manquement si celui-ci peut être déterminé ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ; / b) Pour les personnes physiques placées sous l’autorité ou agissant pour le compte de l’une des personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12° et 15° à 18° du II de l’article L. 621-9, ou exerçant des fonctions dirigeantes, au sens de l’article L. 533-25, au sein de l’une de ces personne, l’avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, l’interdiction temporaire de négocier pour leur compte propre, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des activités ou de l’exercice des fonctions de gestion au sein d’une personne mentionnée aux 1° à 8°, 11°, 12° et 15° à 18° du II de l’article L. 621-9. La commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 15 mil ions d’euros ou au décuple du montant de l’avantage retiré du manquement si ce montant peut être déterminé, en cas de pratiques mentionnées au II du présent article. Les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne morale sous l’autorité ou pour le compte de qui agit la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ; ».

147. Il en résulte qu’Acadian encourt un avertissement, un blâme, une interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des services fournis ou une radiation du registre et, en sus ou à la place, une sanction pécuniaire d’un montant maximum de 100 mil ions d’euros ou du décuple du montant de l’avantage retiré du manquement si celui-ci peut être déterminé.

148. M. Hoffelt encourt, quant à lui, l’une des sanctions disciplinaires prévues au II b) de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier et, en sus ou à la place, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 15 mil ions d’euros ou au décuple du montant de l’avantage retiré du manquement si celui-ci peut être déterminé.

149. Le II ter de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur depuis le 11 décembre 2016, définit comme suit les critères à prendre en compte pour déterminer la sanction : « Dans la mise en œuvre des sanctions mentionnées aux III et III bis, il est tenu compte notamment : – de la gravité et de la durée du manquement ; – de la qualité et du degré d’implication de la personne en cause ; / – de la situation et de la capacité financières de la personne en cause, au vu notamment de son patrimoine et, s’agissant d’une personne physique de ses revenus annuels, s’agissant d’une personne morale de son chiffre d’affaires total ; / – de l’importance soit des gains ou avantages obtenus, soit des pertes ou coûts évités par la personne en cause, dans la mesure où ils peuvent être déterminés ; – des pertes subies par des tiers du fait du manquement, dans la mesure où el es peuvent être déterminées ; / – du degré de coopération avec l’Autorité des marchés financiers dont a fait preuve la personne en cause, sans préjudice de la nécessité de veil er à la restitution de l’avantage retiré par cette personne ; / – des manquements commis précédemment par la personne en cause ; / – de toute circonstance propre à la personne en cause, notamment des mesures prises par elle pour remédier aux dysfonctionnements constatés, provoqués par le manquement qui lui est imputable et le cas échéant pour réparer les préjudices causés aux tiers, ainsi que pour éviter toute réitération du manquement ».

150. Les manquements d’Acadian à ses obligations professionnelles sont multiples et s’étendent sur une période de plus de trois ans. Ils témoignent d’une particulière légèreté dans la tenue des dossiers et le respect des obligations légales et réglementaires. Par ail eurs, le grief tiré de la communication d’une information lacunaire sur les risques

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des investissements conseil és porte sur tous les produits ROI Land commercialisés par Acadian, lesquels représentent également la majorité des produits conseil és par ce CIF à ses clients entre 2016 et 2019.

151. Le montant total de souscriptions réalisées entre 2016 et 2019 dans les produits émis par ROI Land s’élève à 46 080 664 euros.

152. Entre 2016 et 2019, Acadian a perçu 1 542 237 euros de commissions sur les souscriptions de produits ROI Land et 399 852 euros d’honoraires versés par ROI Land. Entre 2016 et 2018, elle a perçu 477 339 euros de commissions sur les encours détenus par ses clients dans les produits ROI Land.

153. Au titre des préjudices subis par les clients, il ressort du tableau intitulé « retard dans le paiement des coupons » annexé au rapport de contrôle que le versement des coupons de nombreuses obligations ROI Land a été retardé et qu’aucune information n’a été adressée à certains investisseurs sur le sujet. Par ail eurs, un courrier a été adressé à la mission de contrôle par un client d’Acadian dans lequel il indiquait ne plus percevoir de revenus de ses placements depuis plusieurs mois et que ses conseil ers chez Acadian «ne répond[aient] plus à [ses] inquiétudes».

154. Acadian est radiée du registre de l’ORIAS en qualité de CIF depuis le 12 mars 2021.

155. Au titre de l’exercice 2018, Acadian a réalisé un résultat net négatif de 7 167 euros et un chiffre d’affaires de 1 804 328 euros dont 1 727 595 euros au titre de son activité de CIF. Au titre de l’exercice 2019, Acadian a réalisé un résultat net négatif de 1 155 897,64 euros et un chiffre d’affaires de 2 880 156,34 euros. Acadian a indiqué que : « les comptes 2020 n’ont pas pu être établis car nous n’avons pas pu régler nos factures dues à KPMG. ».

156. Acadian a également précisé que sa situation financière « s’était fortement dégradée suite du non-paiement d’une facture client très important » et qu’il était probable qu’une procédure d’insolvabilité soit ouverte à son encontre. A cet égard, les mis en cause ont produit un certificat du greffe du tribunal de commerce de Fréjus daté du 8 octobre 2021 qui fait suite au dépôt par Acadian d’une déclaration de cessation des paiements, ainsi que le jugement d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire rendu le 19 octobre 2021 par le tribunal de commerce de Frejus.

157. M. Hoffelt a démissionné de son poste de président – directeur général d’Acadian le 20 mars 2020 et de son poste salarié de directeur investisseur Europe le 31 décembre 2020. Il a déclaré être l’actionnaire principal et le président de la société SAS Valescures Conseils, laquelle a perçu, entre 2016 et 2020, 87 404,28 euros d’honoraires de CEG et 60 288,78 euros d’honoraires de CEP. Les mis en cause ont produit des courriers envoyés entre août et septembre 2021 par la banque détentrice du compte de la société Valesecures Conseils concernant les modalités d’amortissement du solde débiteur du compte. Par ail eurs, il ressort de ces courriers et des relevés de compte, que le compte de la société Valesecures affichait au 30 septembre 2021 un solde débiteur de 3 459,36 euros.

158. En 2020, M. Hoffelt a déclaré un salaire de […] euros. Il indique ne pas avoir perçu de rémunération entre décembre 2020 et juil et 2021 et a communiqué un avis de situation de Pôle Emploi daté du 13 août 2021 indiquant qu’il a perçu au mois de juillet 2021 la somme de […] euros net d’al ocations d’aide au retour à l’emploi. Enfin, M. Hoffelt a déclaré que son patrimoine était composé d’un bien immobilier estimé en juil et 2020 à […] euros, qu’il rembourse chaque mois […] euros pour le financement d’un véhicule et […] euros pour deux crédits qu’il a contractés.

159. Il sera en conséquence prononcé à l’encontre de chacun des mis en cause une interdiction définitive d’exercer la profession de conseil er en investissements financiers et une sanction pécuniaire de 25 000 €

(vingt-cinq mille euros).

II. Sur la publication 160. Le V de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version applicable depuis le 11 décembre 2016, non modifiée depuis sur ces points, dispose que : « La décision de la commission des sanctions est rendue publique dans les publications, journaux ou supports qu’elle désigne, dans un format proportionné à la faute commise et à la sanction infligée. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées. / La commission des sanctions peut décider de reporter la publication d’une décision ou de publier cette dernière sous une forme anonymisée ou de ne pas la publier dans l’une ou l’autre des circonstances suivantes : / a) Lorsque la publication de la décision est

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susceptible de causer à la personne en cause un préjudice grave et disproportionné, notamment, dans le cas d’une sanction infligée à une personne physique, lorsque la publication inclut des données personnelles ; / b) Lorsque la publication serait de nature à perturber gravement la stabilité du système financier, de même que le déroulement d’une enquête ou d’un contrôle en cours. […] ».

161. Les mis en cause demandent à ce que la décision ne soit pas publiée ou soit publiée sous une forme anonyme.

162. Mais il ne ressort pas du dossier que la publication de la présente décision soit susceptible de causer aux personnes mises en cause un préjudice grave et disproportionné, ni qu’el e soit de nature à perturber gravement la stabilité du système financier ou encore le déroulement d’une enquête ou d’un contrôle en cours. El e sera donc ordonnée sans anonymisation.

PAR CES MOTIFS,

Et ainsi qu’il en a été délibéré par Jean Gaeremynck, président de la 1ère section de la commission des sanctions, par Mme Valérie Michel-Amsellem, M. Alain David, et Mme Sophie Schiller, membres de la 1ère section de la commission des sanctions, en présence de la secrétaire de séance, la commission des sanctions :

— prononce à l’encontre de la société Acadian Advisors & Associates une interdiction définitive d’exercer la profession de conseil er en investissements financiers et une sanction pécuniaire de 25 000 euros (vingt-cinq mille euros) ;

— prononce à l’encontre de M. Didier Hoffelt une interdiction définitive d’exercer la profession de conseiller en investissements financiers et une sanction pécuniaire de 25 000 euros (vingt-cinq mil e euros) ;

— ordonne la publication de la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers et fixe à 5 ans à compter de la date de la présente décision la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme.

Fait à Paris, le 30 novembre 2021

La Secrétaire de séance,

Le Président,

Anne Vauthier

Jean Gaeremynck

Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans les conditions prévues à l’article R. 621-44 du code monétaire et financier.

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  • I. Sur les griefs notifiés
    • 1. Sur les griefs relatifs à la commercialisation des actions et obligations émises par la société ROI Land
      • 1.1. Sur le grief tiré de l’absence d’établissement des documents règlementaires CIF
        • 1.1.1. Sur les textes applicables
        • 1.1.2. Sur l’examen du grief
      • 1.2. Sur le grief relatif à l’absence de présentation des risques des produits conseillés dans les rapports écrits
        • 1.2.1. Sur les textes applicables
        • 1.2.2. Sur l’examen du grief
      • 1.3. Sur le grief relatif à l’absence d’adéquation des produits conseillés aux profils des clients
        • 1.3.1. Sur les textes applicables
        • 1.3.2. Sur l’examen du grief
      • 1.4. Sur le grief relatif à la communication lacunaire d’informations sur les risques des produits conseillés aux clients
        • 1.4.1. Sur les textes applicables
        • 1.4.2. Sur l’examen du grief
      • 1.5. Sur le grief relatif à la communication d’informations lacunaires sur les rémunérations perçues par Acadian
        • 1.5.1. Sur les textes applicables
        • 1.5.1. Sur l’examen du grief
      • 1.6. Sur le grief relatif à l’absence d’amélioration du service de conseil au client dans la durée
        • 1.6.1. Sur les textes applicables
        • 1.6.2. Sur l’examen du grief
      • 1.7. Sur le manquement à l’obligation d’exercer l’activité de CIF avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent au mieux de l’intérêt des clients
        • 1.7.1. Sur le texte applicable
        • 1.7.2. Sur l’examen du grief
      • 1.8. Sur le manquement relatif à l’obligation d’exercer son activité dans les limites autorisées par le statut de CIF
        • 1.8.1. Sur les textes applicables
        • 1.8.2. Sur l’examen du grief
    • 2. Sur le grief relatif à l’absence de prévention et de gestion des conflits d’intérêts liés à la commercialisation des titres ROI Land
      • 2.1. Sur les textes applicables
      • 2.2. Sur l’examen du grief
    • 3. Sur les griefs relatifs au dispositif de LAB-FT
      • 3.1. Sur le grief tiré du manquement à l’obligation de se doter de procédures internes adaptées pour respecter les exigences LAB-FT
        • 3.1.1. Sur les textes applicables
        • 3.1.2. Sur l’examen du grief
      • 3.2. Sur le manquement à l’obligation d’identification de l’origine des fonds
        • 3.2.1. Sur les textes applicables
        • 3.2.2. Sur l’examen du grief
  • II. Sur l’imputabilité des manquements à M. Didier Hoffelt
  • I. Sur les sanctions
  • II. Sur la publication

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Décision de la Commission des sanctions du 30 novembre 2021 à l'égard de la société Acadian Advisors & Associates et de M. Didier Hoffelt