Décision de la Commission des sanctions du 30 décembre 2022 à l'égard de la société H2O AM LLP et de MM. Bruno Crastes et Vincent Chailley

  • Opcvm·
  • Monétaire et financier·
  • Titre·
  • Fond·
  • Investissement·
  • Société de gestion·
  • Sanction·
  • Ail·
  • Émetteur·
  • Grief

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
AMF, 30 déc. 2022, n° SAN-2023-01
Numéro : SAN-2023-01
Identifiant AMF : SAN-2023-01

Texte intégral

La Commission des sanctions

COMMISSION DES SANCTIONS

Décision n° 12 du 30 décembre 2022

Procédure n° 21-12 Décision n° 12

Personnes mises en cause :

− H2O AM LLP Société de droit britannique Immatriculée au Royaume-Uni auprès de la Companies House sous le numéro OC356207 Dont le siège social est situé 33, Cavendish Square, Londres, W1G 0PW, Royaume-Uni Ayant élu domicile au cabinet de Mes Arnaud de La Cotardière et Éléonore Hannezo, cabinet Linklaters, 25, rue de Marignan – 75008 Paris Prise en la personne de son représentant légal.

− M. Bruno Crastes Né le […] à […] Domicilié à […] Ayant élu domicile au cabinet de Me Guil aume Buge, cabinet Solférino Associés, 22, place du Général Catroux – 75017 Paris.

− M. Vincent Chail ey Né le […] à […] Domicilié au […] Ayant élu domicile au cabinet de Mes Yves Schmidt, Marine Rensy, cabinet Viguié Schmidt & Associés, 146, boulevard Haussmann – 75008 Paris.

La commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après, l’« AMF »), réunie en formation plénière :

Vu le code monétaire et financier et notamment ses articles L. 214-21, L. 532-20-1, L. 621-9, L. 621-15, R. 214-9, R. 214-18 et R. 214-26 ;

Vu le règlement général de l’AMF et notamment ses articles 411-25, 411-27, 411-28, 411-113 ;

Vu la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juil et 2009 ;

Après avoir entendu au cours de la séance publique du 25 novembre 2022 :

— Mme Valérie Michel-Amsellem, en son rapport ;

- Mme Lauriane Bonnet, représentant le col ège de l’AMF ; www.amf-france.org 17 place de la Bourse – 75082 Paris cedex 2 – tél. 01 53 45 60 00 – fax 01 53 45 63 20

—  2 -

— la société H2O AM LLP, représentée par M. Bruno Crastes en qualité de Designated member, M. Loïc Guil oux en qualité de Member et de M. Jean-Christophe Morandeau en qualité de Senior manager et Group general secretary, et assistée par ses conseils Mes Arnaud de La Cotardière et Éléonore Hannezo, avocats au cabinet Linklaters ;

- M. Bruno Crastes, assisté par son conseil Mes Guil aume Buge et Charlotte Plantin, avocats au cabinet Solférino Associés ;

- M. Vincent Chail ey, assisté par ses conseils Mes Yves Schmidt, Marine Rensy et Nicolas Viguié, avocats au cabinet Viguié Schmidt & Associés ;

Les mis en cause ayant eu la parole en dernier.

FAITS

Présentation des mis en cause

La société H2O AM LLP (ci-après, « H2O ») est une société de gestion de portefeuil e de droit britannique constituée le 5 juil et 2010 et agréée depuis le 17 décembre 2010 par la Financial Conduct Authority (ci-après, la « FCA ») notamment pour la gestion sous mandat et la gestion collective. Jusqu’au mois de mars 2022, el e était indirectement détenue à hauteur de 50,01 % par la société Natixis Investment Managers, filiale du groupe BPCE, et à hauteur de 49,99 % par 17 personnes physiques, dont MM. Bruno Crastes et Vincent Chail ey, co-fondateurs de cette société. Le 25 mars 2022, la société Natixis Investment Managers a annoncé avoir cédé 26,61 % du capital de H2O à des collaborateurs de cette dernière et avoir conclu avec elle un accord prévoyant la cession des 23,4 % du capital qu’elle détenait encore dans un délai de 4 à 6 ans. En juin 2022, MM. Crastes et Chail ey détenaient respectivement, 19,6 % et 14,8 % du capital de H2O.

Au mois d’octobre 2019, H2O gérait 28,5 mil iards d’euros d’encours, dont 19,3 mil iards d’euros en gestion collective. El e gérait en particulier de façon transfrontalière, sous le régime de la libre prestation de services, 8 organismes de placement collectif en valeurs mobilières (ci-après, « OPCVM ») agréés conformément à la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juil et 2009 (ci-après, la « Directive OPCVM »). Ces fonds français, détenus par des investisseurs professionnels ou non, institutionnels ou particuliers, représentaient 14,98 mil iards d’euros d’encours, soit 77,6 % du total des encours gérés par H2O en gestion collective.

Entre le 1er juin 2016 et le 16 janvier 2020, H2O était dirigée par M. Crastes en qualité de directeur général (« Chief Executive Officer »). Depuis 2010, M. Chail ey exerce les fonctions de directeur des investissements (« Chief Investment Officer ») de H2O.

Depuis le 31 décembre 2020, date de sortie effective du Royaume-Uni de l’Union européenne (ci-après, le « Brexit »), la société H2O AM Europe, filiale de H2O située à Paris, est devenue la société de gestion des fonds français susvisés à la place de H2O.

Description de l’investissement des fonds gérés par H2O dans des titres émis par des sociétés du groupe Tennor

Entre le 1er juin 2016 et le 16 janvier 2020, H2O a effectué 1 262 opérations portant sur 14 titres émis par des entités appartenant au groupe Tennor, fondé par M. Lars Windhorst (ci-après, les « Titres Tennor »), pour le compte de 7 des 8 OPCVM de droit français susmentionnés : les fonds Adagio, Al egro, Moderato, Multibonds, Multiequities, Multistrategies et Vivace (ci-après, les « Fonds H2O »).

Sur ces 1 262 opérations, 389 portaient directement sur un de ces titres et 873 étaient des opérations de financement sur titres sous forme de Buy & Sel Back (ci-après, « B&S ») ayant pour sous-jacents un Titre Tennor (ci-après, les « opérations de B&S ayant pour sous-jacents les Titres Tennor »). Ces dernières consistaient pour les Fonds H2O à utiliser leurs liquidités disponibles en achetant immédiatement un Titre Tennor à une contrepartie en convenant concomitamment avec celle-ci qu’elle le rachète à une date ultérieure, le titre acheté jouant le rôle de garantie pour le cas où la contrepartie n’honorerait pas son engagement de rachat.

—  3 -

L’exposition des Fonds H2O aux Titres Tennor a atteint, entre mai et juin 2019, un montant maximum cumulé d’environ 1,5 mil iard d’euros.

Description des évènements survenus à compter du mois de juin 2019

Le 18 juin 2019, le Financial Times Alphavil e (ci-après, le « Financial Times » ou le « FT ») a publié un article mettant en cause l’investissement des Fonds H2O dans les Titres Tennor et s’interrogeant, en particulier, sur l’impact de ces investissements sur la liquidité de ces OPCVM. Des demandes importantes de rachat des porteurs de ces fonds ont suivi la parution de cet article de presse.

Le 28 août 2020, les souscriptions et les rachats des parts des Fonds H2O ont été suspendus, pour certains à la demande de l’AMF, pour d’autres à l’initiative de H2O, notamment « pour des raisons d’incertitudes de valorisation liées à leurs expositions significatives en ‘titres privés’ » selon les termes du communiqué de presse de H2O du même jour qui annonçait la mise en œuvre de cette mesure de suspension.

Puis, au mois de septembre 2020, les Titres Tennor ont été cantonnés dans les fonds existants, qui sont devenus des fonds cantonnés (dits « side-pockets ») fermés aux souscriptions et aux rachats, et de nouveaux fonds de forme identique ont été créés (dits « fonds miroirs »), auxquels les participations autres que celles portant sur les Titres Tennor ont été transférées. Le 13 octobre 2020, les fonds miroirs ont de nouveau été ouverts aux souscriptions et aux rachats, tandis que les fonds side-pockets sont demeurés fermés.

PROCÉDURE

Le 25 novembre 2019, le secrétaire général de l’AMF a décidé de procéder au contrôle du respect par H2O de ses obligations professionnelles.

Ce contrôle a donné lieu à un rapport daté du 14 décembre 2020.

Le rapport de contrôle a été adressé à H2O par lettre du 17 décembre 2020 l’informant qu’elle disposait d’un délai d’un mois pour présenter des observations.

Par lettre du 15 février 2021, H2O a déposé ses observations.

Par lettres du 26 juil et 2021, le secrétaire général de l’AMF a adressé le rapport de contrôle à MM. Crastes et Chail ey, en leur indiquant que les manquements potentiels relevés par la mission de contrôle pourraient leur être imputés personnel ement et en leur indiquant qu’ils disposaient d’un délai d’un mois pour présenter leurs observations.

Par lettres du 30 septembre 2021, MM. Crastes et Chail ey ont déposé leurs observations.

Le collège de l’AMF, réuni en formation plénière, a décidé, le 26 octobre 2021, de notifier des griefs à H2O et à MM. Crastes et Chail ey.

Les notifications de griefs ont été adressées à H2O et MM. Crastes et Chail ey par lettres du 2 novembre 2021.

Il est reproché à H2O :

— le non-respect de l’exigence de liquidité des Titres Tennor tenant au fait, d’une part, que H2O a investi dans les Titres Tennor sans être en mesure de produire des éléments attestant de ce que 6 d’entre eux, qui étaient non cotés, répondaient aux conditions de liquidité exigées par l’article R. 214-9, I, 2° et 7° du code monétaire et financier, d’autre part, qu’elle n’a pas vérifié que l’absence de liquidité de ces titres ne compromettait pas la capacité des Fonds H2O à honorer à tout moment les demandes de rachat de leurs porteurs, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 214-9, I, 2° et 7° du code monétaire et financier ;

—  4 -

— le non-respect des objectifs et de la politique d’investissement fixés dans les prospectus des Fonds H2O tenant au fait que H2O a investi dans les Titres Tennor, dont certains étaient non notés et émis par des émetteurs non notés, alors que lesdits prospectus ne prévoyaient pas cette possibilité, en méconnaissance des dispositions des articles R. 214-9, I, 6° du code monétaire et financier et 411-113 du règlement général de l’AMF, tel que précisé par l’instruction AMF n° 2011-19 ;

— le non-respect des règles de valorisation des titres pouvant être détenus par les Fonds H2O tenant au fait que H2O a investi dans les Titres Tennor alors que, pour certains, une évaluation fiable et établie périodiquement à partir d’informations émanant de l’émetteur ou provenant d’un service d’analyse financière n’était pas disponible, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 214-9, I, 3°, b) du code monétaire et financier précisé par les articles 411-25, 411-27 et 411-28 du règlement général de l’AMF ;

— le non-respect d’un ratio d’investissement applicable aux Fonds H2O tenant au fait que 4 des Fonds H2O ont détenu plus de 10 % de titres de créance d’un même émetteur aux mois de juin et de décembre 2019, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 214-26, II, 2° du code monétaire et financier ;

— le non-respect des règles d’investissement applicables aux Fonds H2O dans le cadre des opérations de B&S ayant pour sous-jacents les Titres Tennor tenant au fait que ces opérations n’étaient pas éligibles au regard des dispositions des articles L. 214-21 et R. 214-18, II et III du code monétaire et financier tel es qu’éclairées par les paragraphes 18, 26, 34 et 35 de la position AMF n° 2013-06, dès lors que H2O n’a pas respecté :

o la nécessité de prendre en considération de manière appropriée les risques des opérations de financement sur les Titres Tennor dans le cadre du processus de gestion des risques des Fonds H2O, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 214-18, II du code monétaire et financier, éclairées par les paragraphes 18, 26, 34 et 35 de la position AMF n° 2013-06 ;

o l’exigence de conclure une convention cadre entre les Fonds H2O et les contreparties dans le cadre de certaines de ces opérations, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 214-18, III, 2° du code monétaire et financier ;

o les règles de dénouement et d’évaluation applicables aux opérations de financement, en ce qu’aucune stipulation des conventions cadres conclues par H2O ne prévoyait la possibilité pour les Fonds H2O de mettre fin à tout moment à l’opération et qu’aucun document produit par H2O ne permet d’attester du fait que ces opérations ont fait l’objet d’une évaluation fiable et vérifiable sur une base journalière qui ne se fondait pas uniquement sur les prix de marché donnés par la contrepartie, en méconnaissance de l’article R. 214-18, III, 3° du code monétaire et financier ;

o la nécessité de prendre en compte les opérations de B&S pour le calcul de l’exposition des Fonds H2O au risque de contrepartie sur un même contractant d’un maximum de 5 % de l’actif net des fonds, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 214-18, III, 3° du code monétaire et financier.

Les notifications de griefs adressées à MM. Crastes et Chail ey précisent que ces manquements pourraient leur être imputés personnellement en application des dispositions combinées des articles L. 621-9 et L. 621-15 du code monétaire et financier.

Une copie des notifications de griefs a été transmise le 2 novembre 2021 au président de la commission des sanctions, conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier.

Par décision du 25 novembre 2021, le président de la commission des sanctions a désigné

Mme Valérie Michel-Amsellem en qualité de rapporteur.

—  5 -

Par lettres du 2 décembre 2021, H2O, M. Crastes et M. Chail ey ont été informés qu’ils disposaient d’un délai d’un mois, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander la récusation du rapporteur dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du code monétaire et financier.

Le 18 février 2022, après avoir sol icité et obtenu un délai supplémentaire, H2O, M. Crastes et M. Chail ey ont déposé des observations en réponse aux notifications de griefs.

H2O et M. Crastes ont été entendus par le rapporteur le 14 juin 2022. M. Chail ey a été entendu par le rapporteur le 16 juin 2022. À la suite de ces auditions, H2O a déposé des pièces et observations complémentaires le 25 juin 2022 puis le 16 septembre 2022. MM. Crastes et Chail ey ont déposé des pièces et observations complémentaires, respectivement, le 6 et le 7 juil et 2022.

Par lettre du 19 septembre 2022, le rapporteur a demandé à H2O la communication de plusieurs pièces et informations supplémentaires relatives à ses comptes définitifs pour l’exercice 2021 et à « tout élément dont il pourrait être tenu compte par la commission des sanctions pour fixer, le cas échéant, un quantum de sanction (situation de la société, plaintes et réclamations d’investisseurs, mesures de remédiation, mesures de réparation, etc.) ». H2O a répondu à cette demande le 28 septembre 2022.

Le rapporteur a déposé son rapport le 4 octobre 2022.

Par lettres du 5 octobre 2022, auxquelles était joint le rapport du rapporteur, H2O, M. Crastes et M. Chail ey ont été convoqués à la séance de la commission des sanctions du 25 novembre 2022 et informés qu’ils disposaient d’un délai de quinze jours pour présenter des observations en réponse au rapport du rapporteur, conformément aux dispositions du III de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Par lettre du 25 octobre 2022, le président de l’AMF a adressé au président de la commission des sanctions les observations du collège en réponse au rapport du rapporteur, conformément à l’article R. 621-39 du code monétaire et financier. Ces observations ont été transmises à H2O et à MM. Crastes et Chail ey le 26 octobre 2022.

Par lettres du 27 octobre 2022, H2O, M. Crastes et M. Chail ey ont été informés de la composition de la formation de la commission des sanctions appelée à délibérer lors de la séance du 25 novembre 2022 ainsi que du délai de quinze jours dont ils disposaient, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander, conformément aux articles R. 621-39-2 à R. 621-39-4 du même code, la récusation d’un ou plusieurs de ses membres.

Après avoir sollicité et obtenu un délai supplémentaire, des observations en réponse au rapport du rapporteur et aux observations du collège du 25 octobre 2022 ont été déposées par H2O le 3 novembre 2022 et par MM. Crastes et Chail ey le 8 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION I. Sur les moyens de procédure

1. Sur le moyen relatif à l’incompétence de la commission des sanctions en raison de l’intervention du Brexit

1.1. Présentation du moyen

1. H2O, M. Crastes et M. Chail ey soutiennent que la commission des sanctions n’est pas compétente pour statuer sur les griefs qui leur ont été notifiés. À cet égard, ils font valoir que la compétence de la commission des sanctions doit s’apprécier à la date des notifications de griefs, soit le 2 novembre 2021, et relèvent que les textes en vigueur à cette date prévoient que la commission des sanctions est compétente notamment à l’égard des sociétés de gestion établies dans un autre État membre de l’Union européenne ou un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen. Or, ils indiquent que, si tel était le statut de H2O à l’époque des faits reprochés, ce n’était plus le cas à la date des notifications de griefs en raison du Brexit.

—  6 -

2. H2O affirme également que les articles L. 621-15 et L. 621-9 du code monétaire et financier ont été introduits en droit français dans le cadre de la transposition de la Directive OPCVM qui n’était plus applicable dans les rapports entre la France et le Royaume-Uni à compter du Brexit, de sorte que ces dispositions du code monétaire et financier n’étaient plus applicables à cette situation au moment des notifications de griefs.

3. Dans leurs observations en réponse au rapport du rapporteur du 8 novembre 2022, MM. Crastes et Chail ey estiment que, si les dispositions de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier n’ont pas été modifiées depuis le début de la période des faits reprochés, le Brexit en a néanmoins modifié la portée, puisque la commission des sanctions n’est plus compétente à l’égard des professionnels régulés au Royaume-Uni. Selon eux, cette « règle nouvelle de compétence » doit s’appliquer immédiatement aux procédures en cours par analogie avec la règle prévue à l’article 112-2 du code de procédure pénale.

4. Les mis en cause relèvent également que les dispositions relatives au pouvoir de sanction de la commission des sanctions de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ci-après, « ACPR ») ont été modifiées pour prévoir expressément que ce pouvoir « s’exerce à l’encontre des personnes et pour les faits entrant dans le champ de son contrôle à la date de commission du manquement ou de l’infraction », ce qui n’a pas été le cas des dispositions relatives au pouvoir de sanction de la commission des sanctions de l’AMF, alors que le texte introduisant cette modification comportait des dispositions concernant l’AMF et les conséquences du Brexit en matière de placements collectifs. Ils en concluent, a contrario, que la commission n’est donc pas compétente. Ils soutiennent en outre que les dispositions applicables en l’espèce doivent être interprétées strictement.

5. Dans leurs observations en réponse au rapport du rapporteur du 3 et 8 novembre 2022, les mis en cause contestent l’analyse du rapporteur qui retient que la compétence de la commission des sanctions s’apprécie à la date des faits reprochés. À cet égard, MM. Crastes et Chail ey indiquent qu’aucun texte en matière répressive ne prévoit la possibilité d’apprécier la compétence de la commission à la date des faits reprochés, hors cas spécifiquement prévus par la loi. De plus, les mis en cause contestent la possibilité de pouvoir raisonner par analogie avec la jurisprudence qui retient la possibilité de sanctionner des personnes ayant perdu, avant la notification de griefs, la qualité professionnelle au titre de laquelle des griefs leur ont été notifiés. Selon eux, ces décisions ne sont pas pertinentes dès lors que la plupart des décisions mentionnées ne se prononcent pas sur la compétence, qu’un moyen similaire à celui soulevé en l’espèce n’avait pas été invoqué et que la commission des sanctions n’a pas le pouvoir de relever d’office un moyen de compétence. Ils estiment, en outre, que ces décisions ne sont pas transposables en l’espèce, notamment car el es ont trait à la compétence matériel e de la commission des sanctions alors que la présente affaire soulève une question de compétence internationale et que, contrairement aux professionnels concernés dans ces affaires, H2O n’a pas perdu son statut de société de gestion régulée au Royaume-Uni.

6. Enfin, les mis en cause contestent le fait, relevé par le rapporteur, qu’accueil ir le moyen qu’ils soulèvent créerait une situation d’impunité, estimant à ce sujet qu’il s’agit de considérations de politique répressive qui ne doivent pas entrer en ligne de compte pour apprécier si, juridiquement, la commission des sanctions est compétente.

1.2. Présentation de la position du collège

7. Les notifications de griefs indiquent que si H2O est une société régulée par la FCA, la commission des sanctions est néanmoins compétente en vertu des dispositions combinées des articles L. 621-15, II, a), L. 621-9, II, 7° bis et L. 532-20-1 du code monétaire et financier, dans leur rédaction en vigueur au moment des faits et à la date des notifications de griefs, selon lesquel es la commission des sanctions peut prononcer une sanction à l’encontre d’une société de gestion établie dans un autre État membre de l’Union européenne si, d’une part, cette société exerce en France une activité au titre de la libre prestation de services, ce qui était le cas de H2O à l’époque des faits reprochés et, d’autre part, si les manquements reprochés concernent le non-respect des règles relatives à la constitution et au fonctionnement d’un OPCVM de droit français, ce qui est également le cas en l’espèce.

8. Dans ses observations en réponse au rapport du rapporteur, le collège fait par ail eurs valoir que considérer que la compétence de la commission des sanctions doit s’apprécier à la date des notifications de griefs et non au moment des faits poursuivis revient à créer une situation d’impunité, dès lors que la FCA ne peut pas être rétroactivement compétente pour sanctionner des griefs relevant de la compétence de l’AMF au moment des faits poursuivis conformément à la répartition de compétence prévue par la Directive OPCVM, transposée en droit français aux

—  7 -

articles L. 621-15 et L. 621-9 du code monétaire et financier. Le collège indique également que la FCA ne serait en outre pas en mesure de se prononcer sur les manquements reprochés qui portent sur la violation de règles légales et règlementaires françaises et concernent des fonds de droit français. Enfin, le collège considère qu’en vertu de la jurisprudence de la commission des sanctions et du Conseil d’État, le fait que H2O ne soit plus une société de gestion établie dans un État membre de l’Union européenne à la date de la notification de griefs n’est pas susceptible de faire obstacle à l’application des articles L. 621-9 et L. 621-15 du code monétaire et financier.

1.3. Textes applicables

9. L’article L. 621-15, II, a) et b) du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur entre le 5 décembre 2015 et le 4 juin 2016, non modifiée depuis sur ce point, dispose que : « II. – La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l’encontre des personnes suivantes : / a) Les personnes mentionnées aux 1° à 8° […] du II de l’article L. 621-9, au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les règlements européens, les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l’Autorité des marchés financiers en vigueur […] / b) les personnes physiques placées sous l’autorité ou agissant pour le compte de l’une des personnes mentionnées aux 1° à 8° […] du II de l’article L. 621-9 au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les règlements européens, les lois, règlements et règles professionnel es approuvées par l’Autorité des marchés financiers en vigueur […] ».

10. L’article L. 621-9, II, 7° bis du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur du 23 juin 2015 au 22 juin 2016, non modifiée sur ce point jusqu’au 3 janvier 2018, dispose que : « II. – L’autorité des marchés financiers veil e également au respect des obligations professionnel es auxquel es sont astreintes, en vertu des dispositions législatives et règlementaires, les entités ou personnes suivantes ainsi que les personnes physiques placées sous leur autorité ou agissant pour leur compte : / […] 7°bis Les sociétés de gestion établies dans un autre État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen […] fournissant des services en France, qui gèrent un ou plusieurs OPCVM de droit français agréés conformément à la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juil et 2009 ; ».

11. À compter du 3 janvier 2018 cet article mentionne les « OPCVM agréés conformément à la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juil et 2009 » et ne se réfère plus spécifiquement aux « OPCVM de droit français » agréés conformément à cette directive. Cette rédaction n’est pas moins sévère que la précédente dès lors que la référence aux OPCVM agréés conformément à ladite directive, sans distinction, englobe les OPCVM de droit français.

12. L’article L. 532-20-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur du 1er janvier 2014 au 2 janvier 2018, dispose que : « Les dispositions de la sous-section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II sont applicables aux sociétés de gestion établies dans un autre État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen qui gèrent en libre prestation de services un ou plusieurs OPCVM de droit français agréés conformément à la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juil et 2009 sur le territoire de la France métropolitaine […] ». Ces dispositions sont restées inchangées sur ce point jusqu’à la rédaction en vigueur depuis le 5 décembre 2020 qui remplace la référence à la « sous-section 1 » par la référence à la « section 1 », cette modification ayant, selon l’article 16 de la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020, un caractère interprétatif et, par conséquent, rétroactif.

1.4. Examen du moyen

13. Il résulte de la combinaison des articles L. 621-9 et L. 621-15 du code monétaire et financier, dont la rédaction n’a pas été modifiée sur ce point depuis le 1er juin 2016, que la commission des sanctions est compétente pour sanctionner les sociétés de gestion établies dans un autre État membre de l’Union européenne fournissant des services en France qui gèrent un ou plusieurs OPCVM de droit français agréés conformément à la Directive OPCVM, ainsi que les personnes physiques placées sous leur autorité ou qui agissent pour leur compte, au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles.

14. Il convient, pour apprécier la compétence de la commission des sanctions sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte de la situation des personnes mises en cause au moment des faits qui leur sont reprochés. Si le législateur a expressément prévu qu’à la suite du Brexit le pouvoir de sanction de l’ACPR s’exerce à l’encontre des

—  8 -

personnes et pour les faits entrant dans le champ de sa compétence à la date de commission du manquement, la circonstance qu’une disposition identique n’ait pas été adoptée concernant le pouvoir de sanction de l’AMF, s’agissant d’une autorité distincte soumises à des règles distinctes de celles applicables à l’ACPR, ne peut être interprétée comme excluant que ce pouvoir de sanction s’exerce également à l’encontre des personnes et pour les faits entrant dans le champ de sa compétence à la date de commission du manquement.

15. De plus, le fait que la Directive OPCVM, qui n’a jamais eu d’effet normatif direct à l’égard de H2O, ne serait plus applicable dans les relations entre le Royaume-Uni et la France depuis le Brexit, de même que la circonstance que le Brexit constituerait une « règle nouvelle de compétence » applicable immédiatement ne sont pas de nature à écarter l’application des dispositions des articles L. 621-15 et L. 621-9 du code monétaire et financier, dès lors que ces dispositions, qui fondent la compétence de la commission des sanctions, étaient applicables au moment des faits et sont restées inchangées, y compris après le Brexit.

16. En l’espèce, H2O était, jusqu’au 31 décembre 2020, c’est-à-dire sur toute la période des faits reprochés qui s’étend du 1er juin 2016 au 16 janvier 2020, une société de gestion de portefeuil e établie dans un pays membre de l’Union européenne, le Royaume-Uni, gérant, sous le régime de la libre prestation de services, les Fonds H2O qui étaient des OPCVM de droit français agréés conformément à la Directive OPCVM. MM. Crastes et Chail ey étaient à cette époque, en leurs qualités respectives de directeur général et directeur des investissements de H2O, des personnes physiques agissant pour le compte de cette dernière.

17. Les notifications de griefs reprochent à H2O d’avoir manqué à ses obligations professionnel es, en particulier cel es de respecter plusieurs dispositions de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code monétaire et financier relatives aux règles qui régissent les OPCVM de droit français, lesquelles sont toujours en vigueur et lui étaient applicables, en vertu de l’article L. 532-20-1 du même code, entre le 1er juin 2016 et le 16 janvier 2020, période de commission des faits reprochés. Elles imputent par ail eurs ces manquements à MM. Crastes et Chail ey.

18. Il résulte de ce qui précède que la commission des sanctions est saisie de faits qui concernent, au moment où ils ont été commis, une société de gestion établie dans un autre État membre de l’Union européenne et gérant plusieurs OPCVM de droit français agréés conformément à la Directive OPCVM, ainsi que deux personnes physiques agissant pour son compte auxquelles il est reproché divers manquements à des obligations professionnelles. Ces faits relèvent donc bien de sa compétence en vertu des articles L. 621-9, II, 7° bis et L. 621-15, II, a) et b) du code monétaire et financier précités, aussi bien en ce qui concerne la société mise en cause que les personnes physiques dont il s’agit. N’y fait pas obstacle la circonstance qu’en raison du Brexit, intervenu postérieurement aux faits reprochés, H2O ait perdu sa qualité de société de gestion établie dans un État membre de l’Union européenne gérant des OPCVM de droit français. Seuls des faits postérieurs au Brexit seraient insusceptibles de se rattacher à la compétence de la commission.

19. Le moyen relatif à l’incompétence de la commission des sanctions du fait de l’intervention du Brexit est par conséquent rejeté.

2. Sur le moyen relatif à l’incompétence de la commission des sanctions en raison du double emploi et du chevauchement des procédures menées par l’AMF et la FCA

2.1. Présentation du moyen

20. H2O soutient que la commission des sanctions de l’AMF n’est pas compétente pour statuer sur les griefs notifiés dès lors, d’une part, qu’il existe un risque de double sanction de la société de gestion et, d’autre part, que l’AMF n’a pas mis en œuvre les mesures permettant d’éviter le risque de chevauchement entre la procédure menée par l’AMF et celle menée par la FCA.

21. À cet égard, H2O invoque la répartition des compétences entre les autorités régulatrices nationales européennes fixée par la Directive OPCVM selon laquelle, lorsqu’un fonds implanté dans un État membre est géré par une société de gestion établie dans autre État membre, l’autorité de l’État d’origine du fonds n’est compétente à l’égard de la société de gestion qu’en ce qui concerne le respect des règles relatives à la constitution et au fonctionnement de l’OPCVM, sous réserve de tout chevauchement entre des procédures initiées dans chacun des deux États.

—  9 -

22. À ce sujet H2O soutient, en premier lieu, qu’en examinant le respect des règles relatives à la constitution et au fonctionnement des Fonds H2O, la notification de griefs aborde certaines questions relatives à son organisation interne et aux règles de bonne conduite qui s’imposent à elle, lesquelles relèvent de la compétence exclusive de la FCA, de sorte qu’il existerait un risque de double sanction.

23. En deuxième lieu, el e expose que précisément, en paral èle de la procédure menée à son encontre par l’AMF, deux procédures initiées par la FCA la concernant sont actuellement en cours : d’abord une procédure ouverte le 11 décembre 2019 dite de désignation d’un auditeur indépendant (« Skil ed person ») chargé d’établir un rapport sur certains aspects de l’activité de H2O, ensuite une procédure d’enquête ouverte le 16 mars 2020 (« enforcement proceedings »). H2O affirme que cette enquête, ouverte sur le fondement des constats de l’auditeur indépendant, porte sur des éléments de fait qui se recoupent substantiellement avec ceux faisant l’objet de la procédure en cours devant l’AMF.

24. Ainsi, H2O soutient que, même pour les faits examinés par la notification de griefs relevant exclusivement de la constitution et du fonctionnement des Fonds H2O, il existe un chevauchement entre la procédure menée par l’AMF et ces procédures menées par la FCA, cette dernière enquêtant notamment sur les procédures d’investissement, de due diligence et de gestion des risques de H2O, sur l’exposition aux risques dans le cadre des opérations de B&S et sur la valorisation des Titres Tennor sur une période courant de 2015 à février 2020 inclus.

2.2. Examen du moyen

25. Selon les explications fournies par H2O elle-même, les procédures ouvertes par la FCA le 11 décembre 2019 et le 16 mars 2020 sont à ce jour toujours en cours. En outre, lors de son audition par le rapporteur, H2O a indiqué que l’enquête menée par la FCA « est bien moins avancée que cel e devant l’AMF, il n’y a pas encore l’équivalent d’une notification de griefs à ce stade ».

26. Par conséquent, à ce jour, H2O n’est pas poursuivie par la FCA mais seulement par l’AMF, de sorte qu’il n’existe pas de cumul de poursuites à ce stade.

27. En tout état de cause, H2O a indiqué dans ses observations au rapport de contrôle, ce qu’el e a confirmé à la suite de son audition par le rapporteur, que l’enquête ouverte par la FCA le 16 mars 2020 a pour objet de s’assurer du respect par elle des dispositions prévoyant « qu’une entité doit mener ses activités avec intégrité », « qu’une entité doit mener ses activités avec la compétence, l’attention et la diligence adéquates », « qu’une entreprise doit accorder une attention raisonnable à l’organisation et au contrôle de ses activités de manière responsable et efficace, avec des systèmes de gestion des risques adéquats », « qu’une entité doit gérer les conflits d’intérêts avec intégrité, tant entre el e-même et ses clients qu’entre deux clients », « qu’une entité doit traiter avec ses régulateurs de manière ouverte et coopérative, et doit divulguer à la FCA de manière appropriée tout ce qui concerne l’entité et ce dont le régulateur peut s’attendre raisonnablement à être informé », le respect de certaines « règles relatives à l’archivage » ou « à la gestion des conflits d’intérêts », « les devoirs des gestionnaires de fonds agréés d’OPCVM au sein de l’Espace économique européen (« EEE ») pour agir au mieux des intérêts des fonds et de ses porteurs de parts » et, enfin, « les obligations de diligence des gestionnaires de fonds agréés d’OPCVM au sein de l’EEE ».

28. Il apparaît donc que cette enquête ouverte par la FCA se borne à examiner l’organisation interne de H2O, en ce qui concerne, par exemple, les conflits d’intérêts, la coopération avec le régulateur ou l’archivage, sans aborder le respect par celle-ci des règles d’investissement des OPCVM de droit français qu’elle gérait avant le Brexit, ce qu’el e a d’ail eurs confirmé devant le rapporteur en indiquant que : « […] l’enquête ne porte pas sur les règles de fonctionnement des fonds mais sur les règles d’organisation ».

29. Or les notifications de griefs ne reprochent pas à H2O la méconnaissance des dispositions relatives à l’organisation des sociétés de gestion ou aux règles de bonne conduite auxquelles elles sont assujetties, mais seulement celle des dispositions des articles L. 214-21, R. 214-9, R. 214-18 et R. 214-26 du code monétaire et financier fixant les règles relatives au fonctionnement des OPCVM de droit français dont le contrôle relève bien de la compétence de l’AMF en vertu des articles L. 621-9, L. 621-15 et L. 532-20-1 du code monétaire et financier et des dispositions de la Directive OPCVM qu’invoque H2O.

—  10 -

30. Le fait, à le supposer établi, que la FCA et l’AMF soient amenées à se fonder sur les mêmes éléments de fait pour caractériser des manquements de H2O à ses obligations ne démontre en rien l’existence d’un chevauchement entre les procédures dès lors qu’un même élément de fait peut contribuer à démontrer l’existence de plusieurs infractions ou manquements différents, certains relevant de l’organisation interne de la société de gestion, d’autres relevant des règles relatives au fonctionnement des fonds gérés. Par conséquent, la circonstance que la FCA et l’AMF soient susceptibles de se fonder sur les mêmes éléments de fait n’est pas de nature à remettre en cause la compétence de la commission des sanctions pour apprécier les griefs dont el e est saisie. En outre, l’analyse de la pertinence des éléments de faits sur lesquels se fondent les notifications de griefs au soutien des critiques qu’elles formulent relève de l’examen au fond et doit par conséquent être menée ci-après dans le cadre de l’examen des griefs. 31. Le moyen soulevé par H2O est donc rejeté.

3. Sur le moyen relatif à l’atteinte aux droits de la défense de H2O en raison de l’absence de contradictoire ou d’échange oral dans le cadre du contrôle avant la réunion de restitution du 12 octobre 2020

3.1. Présentation du moyen

32. H2O soutient que la procédure mise en œuvre par l’AMF a « emporté de nombreuses atteintes au contradictoire ». À cet égard, el e affirme que durant le contrôle elle n’a été sollicitée qu’indirectement par l’AMF par l’intermédiaire de la FCA et qu’el e n’a pu échanger avec les contrôleurs que lors de la réunion de restitution des constats du 12 octobre 2020. El e soutient en outre que l’AMF a continué ses investigations postérieurement à cette réunion, qu’elle-même n’a bénéficié que d’un délai très court pour répondre au rapport de contrôle et à ses nombreuses annexes, et que la mission de contrôle n’a pas mené de diligences complémentaires ni corrigé son rapport au regard de cette réponse.

3.2. Examen du moyen

33. Le principe des droits de la défense, en particulier le principe du contradictoire, s’applique seulement à la procédure de sanction ouverte par la notification de griefs et la saisine de la commission des sanctions, et non à la phase préalable d’enquête ou de contrôle réalisée par les agents de l’AMF qui doit seulement se dérouler de manière loyale dans des conditions garantissant qu’il ne soit pas porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense des personnes auxquelles des griefs sont ensuite notifiés.

34. En l’espèce, H2O fait valoir en premier lieu qu’elle n’a pu échanger avec la mission de contrôle que lors de l’audition de restitution des constats. Mais les dispositions de l’article L. 621-10 du code monétaire et financier prévoient la faculté, et non l’obligation, pour les contrôleurs de convoquer et d’entendre la personne mise en cause, à l’instar de toute autre personne susceptible de leur fournir des informations. Il ne peut donc pas leur être reproché de ne pas avoir convoqué et entendu H2O avant cette audition de restitution des constats.

35. H2O soutient en deuxième lieu n’avoir été sollicitée qu’indirectement par l’AMF, par l’intermédiaire de la FCA. Les articles L. 621-9-2 et R. 621-31 du code monétaire et financier, dans leur rédaction en vigueur à l’époque de l’ouverture du contrôle, prévoient que l’AMF peut recourir, pour ses contrôles et enquêtes, notamment à d’autres autorités compétentes, en particulier à une autorité d’un autre État membre de l’Union européenne chargée du contrôle des marchés financiers ou des prestataires de services d’investissement. Cette intermédiation était par ail eurs prévue, d’une part, par le Multilateral Memorandum of Understanding portant sur la consultation, la coopération et l’échange d’informations de l’organisation internationale des commissions des valeurs mobilières de mai 2002, tel que révisé en 2012, et, d’autre part, par le Multilateral Memorandum of Understanding sur la coopération et l’échange d’informations de l’Autorité européenne des marchés financiers, qui sont applicables dans les relations entre l’AMF et la FCA. H2O a d’ail eurs reconnu « la nécessité d’une intermédiation de la FCA ». Par conséquent, l’intermédiation de la FCA dans les contacts de l’AMF avec H2O ne peut être reprochée aux contrôleurs.

—  11 -

36. En troisième lieu, H2O soutient que les contrôleurs ont accompli des diligences complémentaires après l’audition de restitution des constats. Mais il ressort du dossier que les « investigations complémentaires » auxquelles H2O fait référence correspondent à des questions posées par la mission de contrôle à H2O elle-même, à KPMG, le commissaire aux comptes des Fonds H2O, et à CACEIS, le dépositaire de ceux-ci. Or comme le relève H2O elle-même dans ses observations, ces demandes et les réponses apportées figurent en annexes au rapport de contrôle, lequel s’y réfère par ail eurs directement. Par conséquent elles ont bien été consignées dans le rapport de contrôle communiqué à H2O et sur lequel cette dernière a été invitée à faire part de ses observations, ce qu’elle a fait.

37. Enfin, s’agissant, en quatrième lieu, du délai laissé à H2O pour répondre au rapport de contrôle, considéré par elle comme ayant été trop court, il convient de relever que l’article 143-5 du règlement général de l’AMF dispose que « tout rapport établi au terme d’un contrôle est communiqué à l’entité ou la personne morale contrôlée » et que cette personne « est invitée à faire part au secrétaire général de l’AMF de ses observations dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours ». En l’espèce le rapport de contrôle a été adressé à H2O par lettre du 17 décembre 2020 l’invitant à faire part de ses observations dans un délai d’un mois, et ce délai a ensuite été prorogé, à près de deux mois au total. Par suite H2O, qui a présenté des observations le 15 février 2021, a disposé d’un temps suffisant pour répondre au rapport de contrôle.

38. Il résulte de ce qui précède que H2O ne démontre pas que le contrôle se serait déroulé de manière déloyale, ni que le comportement de la mission de contrôle aurait porté une atteinte irrémédiable à ses droits de la défense. En tout état de cause, l’ensemble des pièces de la procédure a été communiqué à H2O, qui a formulé des observations sur le rapport de contrôle, puis sur la notification de griefs le 18 février 2022. El e a ensuite été, assistée de ses conseils, entendue par le rapporteur le 14 juin 2022 et invitée à présenter des observations en réponse à la communication du rapport du rapporteur, ce qu’elle a fait le 3 novembre 2022. Enfin, H2O a également pu présenter sa défense lors de la séance de la commission des sanctions, pendant laquelle el e était assistée de ses conseils.

39. Par conséquent, le moyen mentionné ci-dessus relatif à l’atteinte portée aux droits de la défense ne peut qu’être rejeté.

4. Sur le moyen relatif à l’atteinte aux droits de la défense de H2O en raison de l’absence de prise en compte par la mission de contrôle et le col ège de l’AMF de sa réponse au rapport de contrôle

4.1. Présentation du moyen

40. H2O fait valoir qu’il existe une disproportion injustifiée entre le délai de deux mois qui lui a été accordé pour répondre au rapport de contrôle et le délai de 9 mois que s’est octroyé le collège pour établir la notification de griefs. El e estime en outre que le col ège n’a pas pris en compte les observations qu’elle a formulées en réponse au rapport de contrôle, de sorte qu’elle ne connaît pas de façon précise l’argumentation de l’autorité de poursuite sur de nombreux points soulevés. Selon H2O, cette absence de réponse du collège méconnaît le principe du contradictoire.

4.2. Examen du moyen

41. Selon l’article 143-5 du règlement général de l’AMF, « Tout rapport établi au terme d’un contrôle est communiqué à l’entité ou la personne morale contrôlée […] L’entité ou la personne morale à laquelle le rapport a été transmis est invitée à faire part au secrétaire général de l’AMF de ses observations dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours. Les observations sont transmises au collège lorsque celui-ci examine le rapport en application du I de l’article L 621-15 du code monétaire et financier ».

42. S’il résulte de ces dispositions que l’entité ou la personne morale ayant fait l’objet d’un contrôle peut faire part de ses observations sur le rapport qui lui a été communiqué lorsque ce rapport est examiné par le collège de l’AMF, il n’en résulte toutefois pas que le col ège doive répondre à ces observations.

—  12 -

43. Au demeurant l’argumentation du col ège relative aux griefs notifiés à H2O figure dans la notification de griefs qui lui a été adressée et dans le rapport de contrôle auquel ce document renvoie, et le collège a présenté des observations complémentaires le 25 octobre 2022. La société mise en cause ne peut donc pas prétendre ne pas connaître de façon précise l’argumentation de la poursuite.

44. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de respect des droits de la défense de la société mise en cause doit être rejeté.

II. Sur les griefs notifiés

1. Sur le grief tiré du non-respect des règles d’éligibilité des titres en lien avec la liquidité des Titres Tennor

1.1. Notifications de griefs

45. Les notifications de griefs reprochent à H2O d’avoir effectué 79 opérations d’acquisition de 6 Titres Tennor non cotés – les actions Avatera Medical, et les obligations Chain Finance, Degros Holding, Everest Medtech, Horizon One Finance et Rubin Robotics – pour le compte de 6 des 7 Fonds H2O (Adagio, Al egro, Moderato, Multibonds, Multiequities et Multistrategies), alors que ces titres ne satisfaisaient pas aux conditions de liquidité des titres financiers dans lesquels les Fonds H2O pouvaient investir.

46. El es relèvent à cet égard, en premier lieu, que les procès-verbaux du comité d’investissement de H2O ne comportent pas d’éléments attestant du fait qu’elle aurait pris en compte la liquidité de ces titres dans le cadre de sa prise de décision d’investissement et ne font pas état du résultat des stress tests de liquidité prévus par sa procédure de gestion des risques, intitulée « Risk Controls, Escalation and Monitoring of Risks ». El es relèvent, en second lieu, que les procès-verbaux du « risks and compliance committee » hebdomadaire ne permettent pas d’attester du fait que les scores de liquidité calculés quotidiennement par H2O ont été pris en considération de manière appropriée dans le cadre de la gestion des risques car, d’une part, sa procédure de gestion des risques ne précise pas ce score et, d’autre part, la méthodologie adoptée pour ce score n’était pas adaptée aux titres non cotés en ce qu’elle s’appuyait sur des données de marché non disponibles par essence dans une telle hypothèse. El es relèvent, en troisième lieu, que les rapports de gestion des Fonds H2O ne mentionnent pas l’exposition de ces derniers aux Titres Tennor.

47. Les notifications de griefs relèvent enfin qu’à la suite de la parution de l’article du Financial Times le 18 juin 2019 et des demandes massives de rachat subséquentes, H2O a procédé à une « Compliance Due Diligence on Non- Rated Placements » ayant pour objectif de justifier ex-post les investissements en Titres Tennor, ce qui confirme le fait que H2O n’avait procédé à aucune diligence préalable pour s’assurer que ces titres répondaient aux conditions de liquidité. El es soutiennent également que cette revue ne permet pas non plus de s’assurer a posteriori du respect des règles d’éligibilité par les Titres Tennor.

48. Les notifications de griefs en concluent que H2O n’a pas été en mesure de produire des éléments attestant, d’une part, le fait que les 6 Titres Tennor non cotés, non négociables sur un marché règlementé ou sur un système de négociation multilatérale à des prix transparents et qui présentent par nature des risques de liquidité, répondaient aux conditions de liquidité exigées par l’article R. 214-9, I, 2° et 7° du code monétaire et financier et, d’autre part, qu’el e avait vérifié que l’absence de liquidité de ces titres ne compromettait pas la capacité des Fonds H2O à honorer à tout moment les demandes de rachat de leurs porteurs. El es en déduisent qu’en effectuant 79 opérations d’acquisition sur les 6 Titres Tennor non cotés pour le compte des 6 Fonds H2O précités entre le 1er janvier 2016 et le 16 janvier 2020, H2O aurait méconnu les dispositions de l’article R. 214-9, I, 2° et 7° du code monétaire et financier. 1.2. Observations des mis en cause

49. De façon générale, seule H2O a présenté des observations sur les griefs. MM. Crastes et Chail ey n’ont formulé des observations que sur la compétence de la commission des sanctions et sur le bien-fondé de leur mise en cause personnel e, en précisant toutefois qu’ils s’associaient aux observations formulées par H2O sur le fond.

—  13 -

50. H2O soutient, en premier lieu, que la liquidité des Titres Tennor n’a pas compromis la capacité des Fonds H2O à honorer les demandes de rachat des porteurs dès lors qu’elle a été en mesure de faire face à l’ensemble des demandes de rachat qui ont suivi la parution de l’article du Financial Times au mois de juin 2019, alors que ces rachats, qui représentaient plus de 7,9 mil iards d’euros en 8 jours ouvrés et de 20 à 65 % de l’encours des fonds concernés, étaient d’une ampleur exceptionnel e voire inédite dans le domaine de la gestion d’actifs. H2O indique à ce sujet que les flux de rachat en juin 2019 étaient presque quatre fois plus importants que ceux du mois ayant connu la plus forte décollecte lors de la crise de 2008 pour le fonds Adagio. Par ail eurs, selon elle, les Titres Tennor offraient une « liquidité naturelle » en raison de leur courte maturité et de la probabilité de flux de remboursement anticipé et du fait qu’ils étaient, en majorité, cotés ou échangeables dans des proportions suffisantes pour les besoins des souscriptions et rachats quotidiens via des courtiers les proposant à l’achat ou la vente. Elle indique avoir pu ainsi céder une partie de sa position sur les titres Degros Holding et Horizon One Finance en 2018. H2O fait également valoir que l’exposition aux Titres Tennor était suffisamment limitée par rapport à l’actif global de chaque Fonds H2O pour pouvoir être ajustée en cas de nécessité. El e explique que c’est la parution de l’article du Financial Times qui a eu un impact sur l’analyse de la liquidité des Titres Tennor en provoquant les demandes massives de rachat et en privant le groupe Tennor de liquidités, ce dernier ne pouvant dès lors plus régler les rachats convenus avec les Fonds H2O.

51. Par ail eurs, H2O considère que l’analyse du rapporteur, selon laquelle la liquidité des Titres Tennor a compromis la capacité des Fonds H2O à honorer les demandes de rachat des porteurs, n’est pas pertinente, s’agissant d’une question d’éligibilité qui ne peut, par définition, être appréciée qu’ex ante, dès lors qu’il s’agit d’une analyse rétrospective fondée sur des éléments postérieurs aux décisions d’investissement, et qu’elle ne comporte pas d’examen, au cas par cas, des raisons pour lesquelles ces instruments auraient pu être, à la date de chaque investissement, considérés comme susceptibles de compromettre ab initio cette capacité. H2O considère l’analyse du rapporteur d’autant moins fondée qu’elle impliquerait que l’éligibilité d’un investissement puisse dépendre d’un contexte économique par définition fluctuant, ce qui introduirait une forte insécurité juridique. El e indique en particulier qu’un instrument liquide peut, en fonction du contexte, voir sa liquidité diminuer.

52. H2O affirme également que l’enchainement de la campagne de presse menée par le Financial Times au mois de juin 2019, qui a provoqué une crise de liquidité, et de la pandémie de Covid au mois de mars 2020, laquelle a provoqué une baisse de la valeur des portefeuil es des Fonds H2O et par conséquent une augmentation relative du poids des Titres Tennor, a constitué « un évènement extérieur à H2O, imprévisible et irrésistible, et donc constitutif d’un cas de force majeure ».

53. El e conteste, en second lieu, ne pas avoir pris en compte de manière appropriée les risques des Titres Tennor non cotés. El e affirme d’abord que les titres de dette privée non cotés sont éligibles à l’actif d’un OPCVM même s’ils présentent par nature un risque de liquidité. Ensuite, selon elle, la notification de griefs opère une confusion en lui reprochant l’absence de formalisation d’analyse du risque de liquidité des Titres Tennor en eux-mêmes, alors que la question pertinente est celle de l’impact de l’investissement dans les Titres Tennor sur la liquidité des Fonds H2O et sur leur capacité à honorer les demandes de rachat des porteurs. Or, elle soutient que le risque de liquidité des Fonds H2O était bien pris en compte de manière appropriée par son dispositif de gestion des risques, à un premier niveau par les gérants et à un second niveau par le département risques, tout en précisant que l’absence de formalisation de cette analyse des risques ne démontre pas l’absence de diligences réalisées en pratique.

54. Ainsi, H2O explique que le suivi du risque de liquidité est formalisé dans un document intitulé « Liquidity risk management at H2O » et qu’il consiste en (i) une évaluation ex ante et ex post de la liquidité par les gérants des Fonds H2O, (i ) l’établissement de scores de liquidité, (i i) la réalisation de stress tests de liquidité et (iv) l’utilisation d’outils complémentaires d’analyse et de suivi du risque de liquidité mis en place depuis la fin de l’année 2019.

55. En ce qui concerne l’évaluation ex ante et ex post de la liquidité par les gérants, H2O indique qu’elle consiste, pour la première, en l’évaluation du calibrage des investissements et de leur maturité ainsi que de leur diversification et, pour la deuxième, à évaluer les flux de trésorerie de l’émetteur et/ou son potentiel de croissance future.

56. En ce qui concerne le score de liquidité, H2O, qui conteste le fait qu’il ne soit pas adapté aux titres non cotés, explique que chaque titre se voit affecter par son outil interne Mires (devenu Stochos) un score de liquidité fondé sur la liquidité intrinsèque de l’instrument (notation, duration, caractéristiques du coupon et maturité) et la liquidité du marché, celui attribué aux Titres Tennor étant de de 7 sur 7, soit le moins bon score. Ces scores sont ensuite

—  14 -

agrégés pour obtenir un score de liquidité du portefeuil e dans son ensemble, ainsi qu’un score par catégorie d’actifs le composant. Selon H2O, les scores de liquidité, qui sont calculés et suivis quotidiennement par les gérants et suivis de manière hebdomadaire par son département risques, n’ont pas dépassé les limites internes fixées en amont, à l’exception du fonds Adagio ayant dépassé de façon passive la limite à l’été 2019 en raison des sorties importantes provoquées par l’article du Financial Times. H2O explique à ce sujet avoir dû vendre en priorité les actifs les plus liquides, ce qui a eu pour effet d’augmenter la proportion d’actifs il iquides et de détériorer le profil de liquidité des fonds. Selon elle, les scores de liquidité sont ensuite progressivement revenus vers un niveau conforme aux limites internes. En réponse au rapport du rapporteur, H2O affirme qu’elle avait bien la capacité, grâce à son outil de calcul du score de liquidité, de simuler ex ante l’impact d’un investissement envisagé sur le profil de liquidité du portefeuil e. El e conteste également que cet outil, qui prenait en compte la note des agences de notation, n’aurait pas été approprié pour les Titres Tennor, non notés par une agence de notation, car un titre non noté peut ultérieurement être noté.

57. En ce qui concerne les stress tests de liquidité, H2O explique qu’ils tendent à simuler la réaction des portefeuil es et le coût engendrés par des situations exceptionnel es telles que des sorties jusqu’à 40 %. H2O affirme qu’ils ont été réalisés quotidiennement. El e considère donc qu’il est erroné de déduire de l’absence de mention de ces tests dans les procès-verbaux du comité d’investissement le fait qu’ils n’auraient pas été réalisés en pratique. En réponse au rapport du rapporteur, H2O affirme enfin qu’il est faux d’indiquer que son dispositif de gestion des risques prévoyait la réalisation de stress tests simulant des retraits allant jusqu’à 40 % de l’encours des fonds en une journée car « ce sont des scénarios qui permettent de calculer le coût de la liquidation d’une partie du portefeuil e pour 10, 20 et 40 % de sorties. Il ne s’agit pas de stress tests à proprement parler mais de simulations ».

1.3. Textes applicables

58. Les faits reprochés aux mis en cause se sont déroulés entre le 1er juin 2016 et le 16 janvier 2020. Ils seront en conséquence examinés au regard des textes applicables pendant cette période.

59. L’article R. 214-9, I, 2° et 7° du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur entre le 31 juil et 2013 et le 19 septembre 2020, non modifiée depuis sur ces points, dispose que : « I. – Les titres financiers éligibles mentionnés au 1° du I de l’article L. 214-20 [qui renvoie aux titres financiers au sens des 1 et 2 du II de l’article L. 211-1 du code monétaire et financier qui lui-même mentionne les titres de capital émis par les sociétés par actions et les titres de créance] satisfont aux conditions suivantes : / […] 2° Leur liquidité ne compromet pas la capacité de l’OPCVM de se conformer aux dispositions des articles L. 214-7 et L. 214-8 ; […] / 7° Les risques qu’ils comportent sont pris en considération de manière appropriée par le processus de gestion des risques de l’OPCVM. / Pour l’application du 2° et du 5° du présent I, les instruments financiers relevant des 1° à 3° du I de l’article R. 214-11 sont présumés ne pas compromettre la capacité de l’OPCVM de se conformer aux dispositions des articles L. 214-7 et L. 214-8 et ils sont présumés être négociables, sauf si l’OPCVM dispose d’informations conduisant à des conclusions différentes. […] ».

60. Ce texte a été pris en application de l’article L. 214-20 du code monétaire et financier, cité par les notifications de griefs, qui, dans sa version en vigueur depuis le 28 juil et 2013, dispose que : « I. – Dans des conditions et limites fixées par décret en Conseil d’Etat, l’actif d’un OPCVM comprend : / 1° Des titres financiers au sens des 1 et 2 du II de l’article L. 211-1 dénommés « titres financiers éligibles » ; ».

61. Il convient par ail eurs de mentionner les dispositions suivantes qui sont celles auxquelles l’article R. 214-9, I, 2° et 7° renvoie et qui sont également mentionnées par les notifications de griefs.

62. L’article L. 214-8 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur du 28 juil et 2013 au 1er janvier 2018, non modifiée depuis sur ce point, dispose que : « Sous réserve des dispositions de l’article L. 214-8-7, le fonds commun de placement, qui n’a pas la personnalité morale, est une copropriété d’instruments financiers et de dépôts dont les parts sont émises et rachetées à la demande, selon le cas, des souscripteurs ou des porteurs et à la valeur liquidative majorée ou diminuée, selon les cas, des frais et commissions […] ». Depuis le 3 janvier 2018 ce texte a été complété d’un troisième alinéa, non modifié depuis, aux termes duquel : « Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers fixe les conditions de souscription, de cession et de rachat des parts émises par le fonds commun de placement ».

—  15 -

63. L’article R. 214-11, I, 1° à 3° du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur depuis le 31 juil et 2013, dispose que : « I. – Les titres financiers éligibles et instruments du marché monétaire mentionnés au I de l’article L. 214-20 sont : / 1° Soit des titres financiers éligibles et des instruments du marché monétaire admis à la négociation sur un marché réglementé au sens de l’article L. 422-1 ; / 2° Soit des titres financiers éligibles et des instruments du marché monétaire admis à la négociation sur un autre marché réglementé, en fonctionnement régulier, reconnu, ouvert au public et dont le siège est situé dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ; / 3° Soit des titres financiers éligibles et des instruments du marché monétaire admis à la cote officielle d’une bourse de valeurs d’un pays tiers ou négociés sur un autre marché d’un pays tiers, réglementé, en fonctionnement régulier, reconnu et ouvert au public, pour autant que cette bourse ou ce marché ne figure pas sur une liste établie par l’Autorité des marchés financiers ou que le choix de cette bourse ou de ce marché soit prévu par la loi ou par le règlement ou les statuts de l’OPCVM ; ». 1.4. Examen du grief

64. Les notifications de griefs reprochent aux mis en cause un manquement, d’une part, au 2° de l’article R. 214-9, I du code monétaire et financier, qui impose la sélection de titres dont la liquidité ne compromet pas la capacité de l’OPCVM de se conformer aux dispositions de l’article L. 214-8 du code monétaire et financier, et, d’autre part, au 7° de l’article R. 214-9, I du même code qui impose la sélection de titres dont les risques sont pris en compte de manière appropriée par le processus de gestion des risques de l’OPCVM. Ces deux points seront donc successivement examinés ci-après. 1.4.1. Sur l’incidence de la liquidité des Titres Tennor non cotés sur la capacité des Fonds H2O à se conformer aux dispositions de l’article L. 214-8 du code monétaire et financier

65. Il résulte de la combinaison des articles R. 214-9, I, 2° et L. 214-8 du code monétaire et financier qu’un titre financier est éligible à l’actif d’un OPCVM si sa liquidité ne compromet pas la capacité du fonds à honorer les demandes de rachat des porteurs à la valeur liquidative, c’est-à-dire si sa liquidité n’expose pas l’OPCVM au risque de ne pas être en mesure de rembourser les porteurs à la valeur liquidative.

66. Si, comme le relève H2O, les titres non cotés ne sont pas inéligibles par principe à l’actif d’un OPCVM dans la mesure où l’article R. 214-11, II du code monétaire et financier autorise ceux-ci à détenir des titres non cotés dans la limite de 10 % de leur actif, cette possibilité demeure toutefois soumise au respect des autres règles qui gouvernent l’éligibilité des actifs. Ainsi, ces instruments non cotés ne sont éligibles à l’actif d’un OPCVM qu’à la condition qu’ils ne compromettent pas la capacité du fonds à honorer les demandes de rachat des investisseurs à la valeur liquidative, ce qui relève d’une contrainte générale, résultant de la combinaison des articles R. 214-9, I, 2° et L. 214-8 du code monétaire et financier, à laquelle l’article R. 214-11, II du code monétaire et financier ne déroge pas.

67. En l’espèce, H2O a acquis pour le compte de 6 des 7 Fonds H2O les 6 Titres Tennor non cotés Avatera Medical (actions), Chain Finance, Degros Holding, Everest Medtech, Horizon One Finance et Rubin Robotics (obligations), dans des proportions variant entre 0,65 % et 9,13 % de l’actif desdits fonds entre le mois de décembre 2017 et le mois de décembre 2019 (hors exposition résultant de l’acquisition des Titres Tennor cotés et des opérations de B&S ayant pour sous-jacents les Titres Tennor). Ces titres ne faisant pas partie de ceux mentionnés aux 1° à 3° de l’article R. 214-11, I du code monétaire et financier, la présomption prévue au II du même article, selon laquel e les titres mentionnés aux 1° à 3° du I sont « présumés ne pas compromettre la capacité de l’OPCVM de se conformer aux dispositions des articles L. 214-7 et L. 214-8 […] sauf si l’OPCVM dispose d’informations conduisant à des conclusions différentes », ne s’applique pas.

68. Ces instruments sont constamment décrits dans le dossier comme ayant, dès l’origine, un très faible niveau de liquidité. Il convient de déterminer si, au moment de l’acquisition des Titres Tennor non cotés par les Fonds H2O, ce très faible niveau de liquidité compromettait la capacité des Fonds H2O à honorer les demandes de rachat des porteurs et, partant, si ces titres étaient éligibles à l’actif des fonds.

—  16 -

69. Au mois de juin 2019, H2O a fait face à des rachats par les porteurs de 10 fonds qu’elle gérait pour un montant total d’environ 7,5 mil iards d’euros en 9 jours, notamment les 6 fonds concernés en l’espèce, à la suite de la parution de l’article du Financial Times du 18 juin 2019. H2O indique avoir été en mesure d’honorer l’intégralité de ces demandes de rachat, ce que rien ne permet de contredire à la lecture du dossier.

70. Toutefois, pour honorer ces demandes, à défaut de pouvoir céder les Titres Tennor en cause, trop peu liquides, H2O a dû céder une partie des autres actifs des fonds concernés afin de dégager les liquidités nécessaires aux remboursements. À cet égard, elle explique elle-même dans ses observations que « les gérants ont vendu en priorité les actifs les plus liquides, ce qui a eu pour effet d’augmenter les ratios de détention des actifs il iquides et de détériorer le profil de liquidité des fonds […] ». Par conséquent, les rachats ont provoqué une surpondération des Titres Tennor dans l’actifs des fonds. H2O a également expliqué que la baisse de la valeur des autres actifs détenus par les fonds, dans le contexte de la crise sanitaire liée à la Covid-19, a contribué à provoquer une hausse relative de l’exposition des Fonds H2O aux Titres Tennor.

71. Il ressort du dossier que H2O n’est ensuite pas parvenue à réduire son exposition à ces actifs puisqu’elle explique avoir conclu dans cette perspective « avec l’émetteur (Tennor) ou, dans certains cas, avec un autre investisseur » des ventes à terme portant sur ces titres, à un prix proche de la valeur d’inventaire, qui n’ont finalement pas été honorées à l’échéance pour la grande majorité. H2O n’ayant pu obtenir par ailleurs des offres d’achat que pour deux des titres concernés ou pour l’ensemble de la position mais à seulement 10 % de la valeur d’inventaire, elle a pris la décision de restructurer ces ventes à termes en prorogeant la date de règlement afin de laisser le temps à ses contreparties de trouver les liquidités nécessaires au rachat des Titres Tennor. H2O explique toutefois que ces opérations n’ont été honorées que pour une faible part, ce qui l’a conduit, au premier semestre 2020, à négocier « avec des investisseurs historiques de Tennor », les sociétés Smart MedCare Solutions GmbH & Co. KG i. Gr. et Evergreen Funding Sàrl., des accords de rachat de l’intégralité de la position « avec une décote considérable » (contrat dit « Evergreen ») dont H2O dit avoir toutefois constaté par la suite qu’ils ne seraient pas non plus honorés.

72. À ces dif icultés à réduire l’exposition trop importante des Fonds H2O aux Titres Tennor en raison de leur manque de liquidité, s’est superposée la problématique de l’incertitude de la valorisation de ces titres ayant pris une part importante de l’actif desdits fonds. Cette incertitude a conduit l’AMF, le 28 août 2020, à demander à H2O de suspendre les souscriptions et les rachats des 3 fonds Al egro, Multibonds et Multistrategies, mesure élargie, à l’initiative de H2O, à 5 autres fonds, dont les 3 fonds Adagio, Moderato et Multiequities.

73. Il ressort notamment d’un procès-verbal du comité des risques et conformité de H2O du 10 juil et 2019 et des observations de H2O en réponse à la notification de griefs que le manque, voire l’absence, de liquidité des Titres Tennor est également la cause directe de cette incertitude de valorisation ayant mené à la suspension des souscriptions et des rachats des 6 fonds précités. H2O a ainsi notamment indiqué que « L’évaluation des titres est […] devenue de plus en plus difficile dans un contexte où [el e] […] ne recevait plus d’offre de la part de courtiers […] ». 74. À la suite de ces mesures de suspension, H2O a procédé le 21 septembre 2020 à la scission des 6 Fonds H2O afin de loger les titres autres que les Titres Tennor dans des nouveaux fonds, dits « fonds miroirs », et de cantonner les Titres Tennor dans les fonds préexistants, dits fonds cantonnés ou « side-pockets », dans l’attente d’une opportunité permettant de céder ces instruments. Ce processus s’est achevé le 13 octobre 2020, date à laquelle les « fonds miroirs » ont de nouveau été ouverts aux souscriptions et aux rachats, tandis que les fonds cantonnés demeurent fermés à ce jour.

75. H2O ne conteste pas le déroulement et la cause de ces évènements ci-dessus décrits puisque c’est el e-même qui en fournit la description pour l’essentiel.

76. El e soutient, en revanche, en premier lieu, que le fait qu’elle ait été en mesure de rembourser les investisseurs au mois de juin 2019 démontre que les Fonds H2O n’ont pas été dans l’incapacité d’honorer les demandes de rachat des porteurs. Toutefois, cet argument occulte les évènements postérieurs au mois de juin 2019 ayant abouti à la suspension des souscriptions et des rachats puis au cantonnement. Il ne peut donc qu’être écarté.

—  17 -

77. El e soutient, en deuxième lieu, en substance, que les difficultés qu’elle a rencontrées ne sont liées qu’à la parution, le 18 juin 2019, de l’article du Financial Times qui aurait d’abord provoqué les retraits massifs, puis la disparition totale de la liquidité des Titres Tennor l’ayant empêché, d’une part, de réduire son exposition et, d’autre part, de valoriser ces actifs. Toutefois, H2O ne démontre pas l’ampleur de l’impact allégué de l’article du Financial Times sur le niveau de liquidité des Titres Tennor. Les éléments du dossier indiquent au contraire que, dès avant le mois de juin 2019, ces instruments étaient hautement il iquides comme l’il ustre le fait, par exemple, que H2O pouvait être confrontée à l’absence de cotation disponible pour ces instruments ou à des cotations qui n’étaient pas assorties d’un volume d’obligations susceptibles d’être négociées. El e ne conteste d’ail eurs pas le très faible niveau de liquidité de ces titres puisqu’el e explique qu’el e leur attribuait automatiquement le moins bon score de liquidité dans le cadre de l’établissement du score de liquidité. Il y a d’ailleurs lieu d’observer à cet égard que les explications de H2O indiquent en réalité que cet article de presse a eu un impact seulement sur la capacité du groupe Tennor à honorer les ventes à terme conclues avec les Fonds H2O, et non qu’il aurait provoqué une rupture du niveau de liquidité du marché des Titres Tennor dans son ensemble par rapport à ce qui pouvait être constaté avant le mois de juin 2019.

78. Par conséquent, aucun élément ne permet de considérer que le niveau de liquidité des Titres Tennor avant le mois de juin 2019 permettait à H2O de réduire efficacement l’exposition de ses fonds dans la mesure nécessaire au regard des retraits intervenus à cette époque, en particulier, comme elle le prétend, que ces titres « pouvaient être échangés pour des tail es tout à fait suffisantes pour les besoins de souscription et rachat quotidiens […] même dans un scénario stressé […] ». Aucun élément ne permet de considérer, a fortiori, qu’un tel contexte de liquidité aurait été remis en cause par la parution de l’article du Financial Times.

79. H2O soutient, en troisième lieu, en substance, que les difficultés qu’elle a rencontrées sont liées à la parution de cet article de presse, qui a provoqué d’importants rachats, et à la crise sanitaire, qui a provoqué une baisse de la valeur des portefeuil es des Fonds H2O. Selon elle, ces évènements étaient « totalement imprévisibles » et relèvent de la force majeure.

80. Toutefois, il convient de relever que le montant de près de 8 mil iards d’euros évoqué par H2O correspond au cumul des retraits intervenus sur 11 fonds gérés par celle-ci, dont 5 ne sont pas concernés par le présent grief. D’ailleurs, en réponse au rapport du rapporteur, H2O n’évoque plus qu’un montant de « 6,2 mil iards d’euros représentant environ 32 % des actifs sous gestion agrégés des Fonds H2O ». Les fonds Adagio, Al egro, Moderato, Multibonds, Multiequities et Multistrategies, qui sont ceux qui sont concernés, ont connu des retraits allant de 70 mil ions d’euros (Multiequities) à environ 3 mil iards d’euros (Adagio) entre le 18 juin 2019 et le 26 juin 2019. Ces retraits, intervenus sur une période de 9 jours, représentaient 53,2 % de l’encours du fonds Adagio, 20,8 % de l’encours du fonds Moderato, 36,6 % de l’encours du fonds Multibonds, 18 % de l’encours du fonds Multistrategies, 65,5 % de l’encours du fonds Al egro et 35,3 % de l’encours du fonds Multiequities. En réponse au rapport du rapporteur, H2O a par ail eurs fourni le détail quotidien de ces retraits qui montre qu’entre le 18 et le 26 juin 2019, les retraits quotidiens ont représenté entre 0,07 % et 15,45 % de l’encours des fonds. Ces retraits quotidiens représentaient, sur cette période, en moyenne 7 % de l’encours pour le fonds Adagio, 2,6 % pour le fonds Moderato, 4,8 % pour le fonds Multibonds, 2,2 % pour le fonds Multistrategies, 3,5 % pour le fonds Vivace, 8,5 % pour le fonds Al egro et 4,7 % pour le fonds Multiequities.

81. Or le dispositif de gestion des risques de H2O prévoyait la réalisation de simulations de retraits bien plus importants, allant jusqu’à 40 % de l’encours des fonds en une journée, et ces simulations ont effectivement été réalisées par H2O qui calculait à cette occasion le « taux d’il iquidité ». Par conséquent, l’hypothèse de retraits d’une ampleur telle que celle constatée au mois de juin 2019 était prévisible puisqu’el e était précisément envisagée par le dispositif de gestion des risques de H2O, étant observé d’ailleurs que le principe même du dispositif de gestion des risques est de se préparer à des circonstances exceptionnel es.

82. Par ail eurs, H2O, qui était une société de gestion qui gérait près de 30 mil iards d’euros d’encours et qui était dirigée par deux personnes qui, selon leurs propres déclarations devant le rapporteur, avaient plus de 20 ans d’expérience dans la gestion d’actifs, ne peut de façon crédible et sérieuse prétendre qu’une décollecte, fût-elle importante, sur des OPCVM qui sont par nature des fonds ouverts dont les investisseurs peuvent racheter leurs parts à tout moment, et une baisse des marchés financiers, même sévère, étaient totalement imprévisibles.

—  18 -

83. Contrairement à ce que prétend H2O, il est justifié de prendre en compte les évènements postérieurs aux investissements dans les Titres Tennor non cotés évoqués supra dès lors que ces évènements matérialisent un risque de liquidité lié à la simple détention de ces instruments, ce qui implique que les Fonds H2O qui détenaient les Titres Tennor non cotés étaient exposés à ce risque à compter du moment où ces instruments sont entrés dans leur actif. Ces évènements postérieurs sont donc pertinents pour apprécier l’éligibilité des Titres Tennor non cotés au sens du 2° de l’article R. 214-9, I, 2° du code monétaire et financier.

84. D’une manière générale, les sociétés de gestion doivent nécessairement effectuer un exercice de projection et d’anticipation afin de déterminer si un titre financier est éligible du point de vue de son impact potentiel sur la capacité des fonds à honorer les demandes de rachat des investisseurs. Il est donc justifié de prendre en compte les évènements postérieurs aux décisions d’investissement qui ont provoqué ou contribué à provoquer la matérialisation de ce risque de liquidité ou exacerbé la manifestation de celui-ci, dès lors que ces évènements étaient dans leurs conséquences raisonnablement prévisibles et qu’ils auraient dû, à ce titre, être pris en compte comme hypothèses ou dans le cadre de scénarios au moment où une appréciation devait être portée sur l’éligibilité des titres en cause.

85. H2O critique par ail eurs le fait que le rapporteur n’ait pas mené d’analyse au cas par cas, pour chaque titre et chaque investissement, des raisons pour lesquelles el e aurait dû considérer que la liquidité de ces instruments compromettait ab initio la capacité des Fonds H2O à honorer les demandes de rachat de porteurs, alors qu’il lui est précisément reproché de ne pas avoir mené ces diligences ayant pour but de vérifier que les Titres Tennor non cotés n’exposaient pas les Fonds H2O à ce risque, conformément aux dispositions de l’article R. 214-9, I, 7° du code monétaire et financier, dont l’éventuelle méconnaissance sera examinée infra. L’argument ne peut donc qu’être écarté.

86. Au regard de ce qui précède, il apparaît donc que les 6 Fonds H2O concernés en l’espèce ont été dans l’incapacité d’honorer les demandes de rachat des investisseurs, d’abord pour l’ensemble de leurs investissements entre le 28 août 2020, date de suspension des souscriptions et des rachats des 6 Fonds H2O en cause, et le 13 octobre 2020, date de réouverture des souscriptions et des rachats pour les « fonds miroirs », soit pendant environ un mois et demi ; ensuite, pour la partie de leurs investissements qui correspond à leurs parts dans les fonds cantonnés, depuis le 28 août 2020 et pour une durée indéterminée. En effet, s’agissant de ces fonds les souscriptions et les rachats sont bloqués pour une durée indéterminée.

87. Il apparaît également que cette incapacité à honorer les demandes de rachat des investisseurs est la conséquence directe du manque de liquidité des Titres Tennor, en ce compris les Titres Tennor non cotés, qui a d’abord empêché H2O de céder les titres en cause et de réduire son exposition, puis de les valoriser alors que ces titres représentaient une proportion importante de l’actif, ce qui a mené à la suspension des rachats puis au cantonnement.

88. Par conséquent, il est établi qu’en acquérant les Titres Tennor, en ce compris les Titres Tennor non cotés, les Fonds H2O ont souscrit à des titres financiers non éligibles au sens du 2° de l’article R. 214-9, I du code monétaire et financier dès lors que la faible liquidité de ces titres compromettait la capacité desdits fonds à honorer les demandes de rachat des investisseurs, ces fonds étant exposés, à compter du moment de l’acquisition, au risque de ne pas pouvoir honorer ces demandes.

1.4.2. Sur le caractère approprié de la prise en compte des risques que présentaient les Titres Tennor non cotés par le processus de gestion des risques des Fonds H2O

89. L’article R. 214-9, I, 7° du code monétaire et financier prévoit que les titres financiers qui sont éligibles à l’actif d’un OPCVM sont ceux dont les risques, sans distinction, sont pris en considération de manière appropriée par le processus de gestion des risques. Ces dispositions concernent donc notamment le risque de liquidité.

90. En l’espèce, les notifications de griefs critiquent le caractère inapproprié de la prise en compte de ce risque par H2O et, plus particulièrement, le fait que cette dernière n’aurait pas réalisé les diligences permettant de vérifier que l’absence de liquidité des Titres Tennor ne compromettait pas la capacité des Fonds H2O à honorer à tout moment les demandes de rachat des porteurs. El es fondent leurs critiques sur le contenu des procès-verbaux du comité des risques et conformité et du comité d’investissement de H2O, les rapports de gestion des Fonds H2O et, enfin,

—  19 -

les éléments relatifs à un audit intitulé « Compliance Due Diligence on Non-Rated Placements ». Ces éléments seront examinés ci-après.

Sur les procès-verbaux du comité des risques et conformité et du comité d’investissement de H2O

91. Les dispositions de l’article R. 214-9, I, 7° du code monétaire et financier sont relatives aux règles d’éligibilité des titres financiers de sorte que les diligences qu’elles prescrivent doivent nécessairement s’entendre, d’abord, de diligences de pré-investissement.

92. En l’espèce, H2O disposait de deux procédures de gestion des risques intitulées « Risk Controls, Escalation and Monitoring of risks » et « Liquidity risk management at H2O AM » prévoyant notamment un contrôle de premier niveau du risque de liquidité par les gérants des fonds à l’aide d’un score de liquidité des portefeuil es établi par un outil appelé « Mires » (devenu « Stochos ») et un contrôle de second niveau via la réalisation de stress tests de liquidité. 93. Si les notifications de griefs admettent que H2O réalisait ces scores de liquidité quotidiennement et constatent que les procès-verbaux du comité des risques et conformité (« Risk and compliance committee ») s’y réfèrent, rien ne démontre que ces scores étaient attribués à ces instruments avant ou au moment de l’investissement d’une façon qui permette d’évaluer l’impact de leur sélection sur le score du portefeuil e dans son ensemble avant que la décision d’investissement ne soit prise, et non alors que les titres étaient déjà détenus en portefeuil e.

94. Si, en réponse au rapport du rapporteur, H2O prétend au contraire que « Via l’outil de gestion Mires, [el e] avait bien la capacité de simuler l’impact sur le score de liquidité d’un portefeuil e, d’une part, d’une augmentation d’une position existante […] d’autre part, aussi d’une nouvel e position […] », el e ne démontre pas qu’elle aurait effectivement fait usage de cette « capacité » al éguée en ce qui concerne les Titres Tennor non cotés avant d’investir et n’indique pas quel aurait été le résultat de cette simulation. El e ne fait que produire « une capture écran qui montre qu’à chaque titre est associé un score ».

95. Au contraire, la description faite par H2O du score de liquidité révèle que cet outil n’avait pas vocation à évaluer, avant la décision d’investissement, l’impact de la liquidité de l’instrument sur le profil de liquidité du portefeuil e, mais seulement à surveil er l’évolution dans le temps du profil de liquidité du portefeuil e afin d’identifier une éventuelle détérioration liée à la baisse de liquidité d’actifs qui présentaient à l’origine une liquidité importante. H2O a ainsi affirmé devant le rapporteur que : « Ce score est utile pour les titres liquides et qui peuvent devenir il iquides […] L’important dans ce scoring est donc son évolution potentielle […] L’intérêt du score de liquidité ce n’est pas le niveau mais la façon dont il se comporte dans le temps […] En termes de volatilité du score, la dette privée n’avait pas d’impact car son score était déjà au plus bas ». Ses observations en réponse à la notification de griefs le confirment puisqu’elle indique que ce score, qui correspond à la combinaison d’un « facteur de liquidité de marché » et d’un « facteur de liquidité de l’instrument », avait notamment pour objet de surveil er l’accentuation de l’écart entre les cours acheteur et vendeur traduisant une détérioration de la liquidité de l’instrument considéré et de prendre en compte une éventuelle dégradation de la note attribuée par les agences de notation, alors que les Titres Tennor n’étaient pas notés par une agence de notation, ce qui exclut à l’évidence la pertinence de cet indicateur sur ce point pourtant décrit par H2O comme « la composante la plus critique du Facteur de Liquidité de L’instrument ».

96. En outre, il ressort de la propre procédure interne de H2O, intitulée « Liquidity risk management at H2O AM », que cet outil était inadapté à au moins 5 des 6 Titres Tennor non cotés puisque cette procédure indique que « Thanks to this unique indicator, H2O fund managers can monitor the liquidity of their portfolios […] Even though this model has been relatively efficient so far, it has some weaknesses. i. It does not integrate the market value of each security. It is not a concern as H2O only buys securities for which the issuance exceeds € 500 mil ion, offering enough liquidity ; […] » (ce qui peut être traduit par : « Grâce à cet indicateur unique, les gestionnaires des fonds de H2O peuvent suivre la liquidité de leurs portefeuil es […] Même si ce modèle s’est avéré relativement efficace jusqu’à présent, il présente quelques faiblesses : i. Il n’intègre pas la valeur de marché de chaque titre. Ce n’est pas un problème car H2O n’achète que des titres dont l’émission dépasse 500 mil ions d’euros, offrant ainsi une liquidité suffisante ; […] ». Or, comme l’a indiqué H2O à la suite de son audition par le rapporteur, les obligations Chain Finance, Degros Holding, Everest Medtech, Horizon One Finance et Rubin Robotics sont toutes issues d’une

—  20 -

émission inférieure à 500 mil ions d’euros (respectivement 498 mil ions, 200 mil ions, 100 mil ions, 200 mil ions et 300 mil ions d’euros).

97. En tout état de cause, si certains procès-verbaux du comité des risques et conformité mentionnent le score de liquidité en annexe, il n’y a pas de trace dans ces documents du fait que H2O l’aurait effectivement utilisé pour mener une analyse pré-investissement de l’impact spécifique que les Titres Tennor non cotés pourraient avoir sur le profil de liquidité des Fonds H2O.

98. Par ail eurs, en ce qui concerne les procès-verbaux des comités d’investissement, dont l’objet est notamment d’approuver les entreprises éligibles à l’investissement, ils ne comportent aucune analyse du risque de liquidité des Titres Tennor. En particulier, comme le relèvent les notifications de griefs, ils ne mentionnent ni les résultats des stress tests de liquidité ni, a fortiori, une mise en perspective de ces résultats avec les caractéristiques des Titres Tennor non cotés qui révèlerait que H2O a évalué l’impact que leur liquidité pourrait avoir sur la liquidité des Fonds H2O. Ces documents ne se réfèrent pas plus aux résultats des scores de liquidité qui, en tout état de cause, ne permettaient pas une prise en compte appropriée du risque.

Sur les rapports de gestion des Fonds H2O

99. Le fait que les rapports de gestion des Fonds H2O ne font « aucunement mention de l’exposition de ces derniers aux Titres Tennor », comme l’indiquent les notifications de griefs, relève d’un sujet d’information des investisseurs qui n’a pas de rapport avec la façon dont H2O a pris en compte le risque de liquidité de ces titres dans le cadre de la détermination de leur éligibilité, seul point sur lequel un grief est formulé. Cette critique ne peut donc qu’être écartée.

Sur l’audit intitulé « Compliance Due Diligence on Non-Rated Placements »

100. L’annexe 21 au rapport de contrôle présente des documents relatifs à des diligences accomplies par H2O en lien avec l’investissement dans les Titres Tennor, en particulier des documents intitulés « Investment decision » qui témoignent d’une analyse menée au stade de la prise de décision d’investissement quant à l’intérêt de l’investissement dans les Titres Tennor.

101. Or, il résulte d’un audit relatif aux investissements dans les Titres Tennor, intitulé « Compliance Due Diligence on Non-Rated Placements » mené par H2O au mois de juin 2019, que ces documents (« Investment decisions ») ont été établis postérieurement aux décisions d’investissement dans les Titres Tennor, ce qui a d’ail eurs été admis par H2O dans ses observations en réponse au rapport de contrôle aux termes desquelles : « le fait que ces documents ne soient pas contemporains à la prise de décision ne suffit pas à les disqualifier puisqu’ils demeurent utiles pour comprendre comment H2O a pu pressentir les atouts présentés par ces investissements ».

102. Par conséquent, ces documents postérieurs aux décisions d’investissement ne sauraient démontrer que H2O a pris en compte de façon appropriée le risque de liquidité de ces instruments. En tout état de cause, ces documents ne comportent pas d’analyse de l’impact de la liquidité des Titres Tennor sur le profil de liquidité des Fonds H2O.

103. Au regard de ce qui précède, aucun élément du dossier ne permet d’établir que H2O aurait pris en compte, a fortiori de façon appropriée, le risque de liquidité des Titres Tennor non cotés afin de déterminer s’ils étaient éligibles à l’actif des Fonds H2O, et en particulier qu’elle avait vérifié, avant d’investir ou à tout le moins, au moment des acquisitions de titres, que ces instruments ne présentaient pas un risque de liquidité tel qu’ils pouvaient compromettre la capacité de ces fonds à honorer les demandes de rachat des investisseurs.

104. Si H2O prétend qu’el e aurait bien, en pratique et de façon informelle, pris en compte ce risque, force est toutefois de constater, à supposer que cette al égation soit fondée, qu’el e l’a fait d’une façon qui était, à tout le moins, inappropriée, puisque, comme cela a été démontré supra, le manque de liquidité des Titres Tennor a mené H2O à devoir suspendre les souscriptions et les rachats des Fonds H2O puis à cantonner ces actifs dans des fonds dont les souscriptions et les rachats sont bloqués pour une durée indéterminée.

—  21 -

105. Par conséquent, il est établi qu’en acquérant les Titres Tennor, en ce compris les Titres Tennor non cotés, les Fonds H2O ont souscrit à des titres financiers non éligibles au sens du 7° de l’article R. 214-9, I du code monétaire et financier dès lors le risque de liquidité n’était pas pris en compte de manière appropriée par le processus de gestion des risques des Fonds H2O.

106. Il résulte de ce qui précède que le manquement tiré de la méconnaissance de l’article R. 214-9, I, 2° et 7° du code monétaire et financier est caractérisé.

2. Sur le grief tiré du non-respect des règles d’éligibilité des titres en lien avec les objectifs et la politique d’investissement prévus dans les prospectus des Fonds H2O

2.1. Notifications de griefs

107. Selon les notifications de griefs, les prospectus des Fonds H2O n’autorisaient pas l’investissement dans des titres de créance non notés d’émetteur non notés. Elles relèvent pourtant que sur les 389 opérations portant sur un Titre Tennor réalisées pour le compte des 7 Fonds H2O entre le 1er juin 2016 et le 16 janvier 2020, 182 sont des acquisitions de 11 titres de créance non notés d’émetteurs non notés (Chain Finance, Civitas Prop Fin, Degros Holding, Everest Medtech, Horizon One Finance, La Perla Fashion Finance, Rubin Robotics, Sapinda TR, SWB Finance BV, Tennor Finance et Trent Petroleum) réalisées pour le compte de 5 des 7 Fonds H2O (Adagio, Al egro, Moderato, Multibonds, Multistrategies). El es indiquent, en outre, qu’aucun des documents produits par H2O, tels que les procès-verbaux du « risks and compliance committe » hebdomadaire, ne permet d’attester qu’elle a vérifié que l’acquisition de ces 11 titres de créance non notés d’émet eurs non notés était compatible avec les objectifs de gestion ou la politique d’investissement des Fonds H2O.

108. Les notifications de griefs en concluent que H2O aurait méconnu les dispositions des articles R. 214- 9, I, 6° du code monétaire et financier et 411-113 du règlement général de l’AMF, précisées par l’instruction AMF n° 2011-19.

2.2. Observations des mis en cause

109. H2O soutient que le prospectus des fonds autorisait ceux-ci à investir notamment dans quatre catégories de titres de créance parmi lesquelles se trouve la catégorie des « obligations corporates OCDE notées « Speculative Grade » au moment de leur acquisition » (catégorie 3). Selon elle, les prospectus ne font aucune référence dans la description de cette catégorie à une notation par une agence de notation mais indiquent au contraire que « la société de gestion s’appuie pour l’évaluation du risque de crédit sur ses équipes et sa propre méthodologie », ce qui l’autorisait à sélectionner des titres faisant l’objet d’une notation interne à la société de gestion. À ce sujet H2O explique, d’une part, que c’est au titre de cette catégorie 3 qu’elle a investi dans les titres litigieux et, d’autre part, qu’el e notait en interne les Titres Tennor, et ce, par défaut en « speculative grade ». Selon elle, il est d’autant plus évident qu’elle pouvait recourir à une notation interne que les sociétés de gestion d’OPCVM ont l’obligation de ne pas recourir exclusivement ou mécaniquement à des notations de crédit émises par des agences de notation et que les prospectus autorisaient la sélection d’obligations corporate non-OCDE sans limite de notation. H2O relève enfin que les investissements dans des titres non notés, tels que certains Titres Tennor, étaient connus des investisseurs via les éléments de reporting (factsheets), la documentation commerciale et la documentation juridique des Fonds H2O ainsi que leurs prospectus.

110. H2O conteste donc l’existence d’une interdiction d’investir dans des titres de créance non notés émis par des émetteurs non notés et conteste ainsi ne pas avoir respecté les règles d’investissement des Fonds H2O.

2.3. Textes applicables

111. Les faits reprochés se sont déroulés entre le 1er juin 2016 et le 16 janvier 2020. Ils seront en conséquence examinés à la lumière des textes applicables pendant cette période.

112. L’article R. 214-9, I du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur depuis le 31 juil et 2013 et non modifiée sur ces points depuis, dispose que : « I. – Les titres financiers éligibles mentionnés au 1° du I de l’article L. 214-20 [qui renvoie aux titres financiers au sens des 1 et 2 du II de l’article L. 211-1 du code monétaire et financier qui lui-même mentionne les titres de capital émis par les sociétés par actions et les titres de créance] satisfont aux

—  22 -

conditions suivantes : / […] 6° Leur acquisition est compatible avec les objectifs de gestion ou la politique d’investissement de l’OPCVM, tels qu’exposés dans les documents d’information destinés aux souscripteurs ».

113. L’article 411-113 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur depuis le 17 avril 2016, dispose que : « Le prospectus de l’OPCVM contient les renseignements nécessaires pour que les investisseurs puissent juger en pleine connaissance de cause l’investissement qui leur est proposé, et notamment les risques inhérents à celui-ci. […] / Les éléments essentiels du prospectus sont tenus à jour. / Le contenu du prospectus est défini dans une instruction de l’AMF ».

2.4. Examen du grief

2.4.1. Examen des prospectus des Fonds H2O

114. Les prospectus des 5 fonds mentionnés par les notifications de griefs, dans leurs différentes rédactions au cours de la période des faits reprochés, comportent une partie dédiée à la « stratégie d’investissement » qui comporte elle-même une partie intitulée « description des catégories d’actifs et des contrats financiers dans lesquels le FCP entend investir et leur contribution à la réalisation de l’objectif de gestion ». Cette partie du prospectus indique que lesdits fonds peuvent investir dans différentes catégories d’« instruments du marché obligataire » dans la limite d’une certaine proportion de l’actif.

115. Chacun des 5 fonds peut ainsi, selon son prospectus, investir dans trois catégories d’obligations, notamment les « obligations non gouvernementales émises par des sociétés ayant leur siège social dans un pays de l’OCDE » ayant une notation minimale à l’acquisition correspondant à « investment grade » (catégorie 2), et les « obligations corporates OCDE notées « speculative grade » au moment de leur acquisition, et les obligations gouvernementales et corporates non-OCDE sans limite de notation, émises en devises « G4 » (USD, EUR, GBP, JPY) ou en devises locales » (catégorie 3). Les prospectus précisent également qu’« en cas d’émission non notée, la note de l’émetteur sera prise en compte ».

116. Si les sociétés de gestion peuvent recourir à une notation interne dans le cadre de la sélection de leurs investissements, il faut toutefois qu’un tel principe soit prévu dans les prospectus des fonds au titre de la description de la politique d’investissement, dès lors que le prospectus doit décrire précisément les règles d’investissement et présenter de façon exhaustive les stratégies d’investissement envisagées. On relève que c’est d’ail eurs ce qu’indique l’instruction AMF n° 2011-19.

117. Or pour ce qui concerne la catégorie 2, les prospectus des Fonds H2O indiquent que : « La société de gestion s’appuie pour l’évaluation du risque de crédit sur ses équipes et sa propre méthodologie. En plus de cette évaluation, les titres considérés répondent à une contrainte de « rating » (notation) minimale correspondant à « Investment Grade » selon les critères de la société de gestion au moment de leur acquisition (par exemple, BBB- dans l’échelle de notation de Standard & Poor’s ou de Fitch Ratings, ou Baa3 dans celle de Moody’s. Si l’émission est notée à l’achat simultanément par les trois agences, alors au moins deux des trois notations devront être « Investment Grade ». Si l’émission est notée par deux agences seulement, alors au moins l’une des deux notations devra être « Investment Grade ». Si l’émission est notée par une agence seulement, alors la notation devra être nécessairement « Investment Grade ». En cas d’émission non notée, la note de l’émetteur sera prise en compte ». Ainsi les prospectus ne mentionnent pas la possibilité d’une notation interne lorsqu’ils prévoient l’exigence de notation minimale correspondant à « Investment grade » et ils se réfèrent au contraire à de nombreuses reprises aux notations d’« agences » et nomment expressément à titre d’exemple trois agences de notation « Standard & Poor’s […] Fitch Ratings [ou] […] Moody’s ».

118. En ce qui concerne la catégorie 3, au titre de laquelle les investissements litigieux auraient été réalisés selon H2O, les prospectus indiquent, sans se référer explicitement aux agences de notations, que les obligations doivent « être notées « Speculative Grade » au moment de leur acquisition ». Dès lors que cette exigence figure dans le prolongement immédiat de la description de la catégorie 2, qui se réfère explicitement aux agences de notation, et qu’aucune indication ne permet de considérer qu’il faudrait interpréter le terme de « speculative grade » autrement que comme cela est proposé dans le cadre de la catégorie 2 pour le terme d’« investment grade », il y a lieu de considérer que ces deux termes renvoient aux notations des agences de notation. Et ce, d’autant plus que ces

—  23 -

deux termes sont ceux communément utilisés pour désigner les deux catégories principales de notation de crédit attribuées par les agences de notation.

119. Il ne saurait donc être admis, comme le soutient H2O, que les prospectus des Fonds H2O autorisaient l’investissement dans des titres notés « Speculative grade » en interne seulement, alors que, comme elle l’a reconnu devant le rapporteur, le recours à une notation interne, qui n’était pas prévu par les prospectus, n’était pas non plus prévu dans d’autres documents juridiques des fonds ni même dans une procédure interne applicable à l’époque des faits. Par ail eurs, si les prospectus prévoyaient la sélection d’instruments répondant à une condition de notation minimale par les agences de notation, ils ne faisaient pas de ce critère un critère exclusif ou appliqué automatiquement.

120. Il est donc établi que les prospectus des 5 Fonds H2O susmentionnés autorisaient ceux-ci à investir notamment dans des obligations non gouvernementales émises par des sociétés établies dans un pays de l’OCDE, à la condition qu’au moment de l’acquisition ces obligations aient reçu une note correspondant à « investment grade » ou « speculative grade » d’une agence de notation financière ou, à défaut, à la condition que l’émetteur ait lui- même fait l’objet d’une telle notation.

2.4.2. Examen des investissements litigieux

121. Comme le relèvent les notifications de griefs, entre le 1er juin 2016 et le 16 janvier 2020, H2O a investi pour le compte de 5 des Fonds H2O dans 11 Titres Tennor qui étaient des titres de créance (ci-après les « Titres de créance Tennor ») non notés par une agence de notation et dont l’émetteur – établi dans un pays de l’OCDE, en l’occurrence, l’Al emagne – n’était pas non plus noté, ce qui n’est pas contesté par H2O.

122. Or comme cela a été exposé supra, les prospectus des 5 fonds concernés n’autorisaient pas de tels investissements. Le fait, à le supposer établi, que H2O « notait [elle-même] par défaut les Titres Liés à Tennor en ‘speculative grade » dans le cadre d’une « évaluation interne » est sans incidence sur cette analyse, dès lors que les prospectus ne prévoyaient pas la possibilité d’une notation interne.

123. En tout état de cause, contrairement à ce qu’elle affirme, H2O n’attribuait pas aux Titres de créance Tennor la note « Speculative grade » dans le cadre d’une évaluation interne. Elle attribuait seulement aux titres non notés par une agence de notation, tels que les Titres de créance Tennor, le score de liquidité attribué aux titres les moins bien notés par les agences de notation dans le cadre du calcul du score de liquidité susmentionné. Ainsi la société mise en cause ne peut- elle pas utilement affirmer qu’el e estimait, indépendamment de toute règle formel ement établie, et par conséquent de façon arbitraire, que les Titres de créance Tennor devaient être assimilés aux instruments notés « Speculative grade » par les agences de notation car elle leur avait attribué un score de liquidité équivalent à celui attribué à ces instruments.

124. Il doit être relevé, en outre, que les prospectus des Fonds H2O exigent une notation « au moment de l’acquisition », alors que rien ne permet d’établir que ce score de liquidité était attribué aux titres concernés avant ou au moment de l’acquisition, comme évoqué supra.

125. Par ail eurs, il est observé que les documents d’information invoqués par H2O se contentent d’indiquer que cette société a effectué des investissements dans des titres non notés, de sorte qu’elle n’a pas plus informé les porteurs des Fonds H2O dans les documents d’information auxquels elle se réfère que dans leurs prospectus du fait qu’elle sélectionnait des titres en fonction d’une notation interne.

126. Il est donc établi que H2O a investi pour le compte de 5 des 7 Fonds H2O dans 11 Titres de créance Tennor (183 opérations d’acquisition) qui n’étaient pas notés par une agence de notation et dont l’émetteur, établi dans un pays de l’OCDE, n’était pas non plus noté, alors que les prospectus de ces fonds imposaient la sélection de titres notés par une agence de notation, ou à défaut dont l’émetteur était noté, lorsque l’émetteur était établi dans un pays de l’OCDE. 127. En revanche, ni les notifications de griefs, ni le rapport de contrôle ne reprochent à H2O le fait que les prospectus des fonds n’auraient pas comporté – comme l’exige l’article 411-113 du règlement général de l’AMF – les renseignements nécessaires pour que les investisseurs puissent juger en pleine connaissance de cause

—  24 -

l’investissement qui leur est proposé et n’expliquent pas, a fortiori, en quoi les prospectus auraient été insuffisants à cet égard. La critique des notifications de griefs se borne en effet à constater que H2O n’a pas respecté la politique d’investissement qu’ils fixaient.

128. Par conséquent, il est établi qu’en acquérant pour le compte de 5 des 7 Fonds H2O 11 Titres de créance Tennor (183 opérations d’acquisition) qui n’étaient pas notés par une agence de notation et dont l’émetteur, établi dans un pays de l’OCDE, n’était pas non plus noté, les Fonds H2O ont souscrit à des titres financiers non éligibles au sens du 6° de l’article R. 214-9, I du code monétaire et financier. Dès lors le manquement tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article est caractérisé. En revanche, le manquement tiré de la méconnaissance de l’article 411- 113 du règlement général de l’AMF n’est pas caractérisé.

3. Sur le grief tiré du non-respect des règles relatives à la valorisation des titres pouvant être détenus à l’actif des Fonds H2O

3.1. Notifications de griefs

129. Les notifications de griefs relèvent qu’entre le 1er juin 2016 et le 16 janvier 2020, H2O a effectué 172 opérations portant sur 5 Titres Tennor qui étaient des titres de créance non cotés (Chain Finance BV, Degros Holding, Everest Medtech, Horizon One Finance et Rubin Robotics – ci-après les « Titres de créance Tennor non cotés ») pour le compte de 6 des 7 Fonds H2O (Adagio, Al egro, Moderato, Multibonds, Multistrategies et Vivace).

130. À cet égard, elles indiquent, d’abord, qu’entre le 1er janvier 2017 et le 19 juin 2019, la procédure de valorisation de H2O ne précisait pas les principes et méthodes de valorisation à appliquer pour les instruments financiers non négociés sur un marché règlementé.

131. Elles exposent, ensuite, que, selon un audit réalisé par KPMG, le commissaire aux comptes des Fonds H2O, la méthode de valorisation de ces titres de créance n’était précisée ni dans la procédure de valorisation jusqu’au 15 juin 2019, ni dans le fichier Excel de suivi de la valorisation des Fonds H2O et, en outre, que la valorisation de ces titres ne faisait pas l’objet, jusqu’au 2 mai 2018, d’un reporting hebdomadaire et d’une revue par le comité de valorisation. Les notifications de griefs relèvent également que KPMG a émis des observations sur la valorisation de ces titres dans ses attestations de composition d’actif au 31 décembre 2019 du fonds Adagio et dans son rapport annuel sur les comptes du fonds Multibonds.

132. Enfin, elles indiquent que le procès-verbal du comité de valorisation du 19 juin 2019 constate que les éléments justificatifs des prix étaient trop anciens et ne correspondaient plus aux éléments d’analyse reçus et, que si, après le mois de juil et 2019, H2O s’est dotée d’une procédure de valorisation précisant la méthode de valorisation applicable aux titres de créance il iquides, cette mesure n’assurait pas la fiabilité de l’évaluation puisque des valorisations distinctes pour un même titre à une même date ont été retenues, sans que les procès-verbaux du comité de valorisation ne justifient cette divergence.

133. Les notifications de griefs reprochent ainsi H2O d’avoir effectué ces opérations portant sur ces 5 Titres de créance Tennor non cotés, alors qu’une évaluation fiable et établie périodiquement à partir d’informations émanant de l’émetteur ou provenant d’un service d’analyse financière n’était pas disponible, de sorte qu’el e aurait méconnu les dispositions de l’article R. 214-9, I, 3°, b) du code monétaire et financier, précisées par les articles 411-25, 411-27 et 411-28 du règlement général de l’AMF. Les notifications de griefs précisent que le manquement « est d’autant plus grave qu’il est susceptible d’avoir porté atteinte à l’intérêt des porteurs des Fonds H2O, ces derniers ayant pu acquérir ou céder des Titres Tennor n’ayant pas fait l’objet d’une évaluation fiable et donc sur la base d’une valeur liquidative erronée ».

3.2. Observations des mis en cause

134. Selon H2O, les incertitudes de valorisation des Titres Tennor (en général) ne sont apparues que postérieurement à la publication de l’article du Financial Times au mois de juin 2019. El e souligne en particulier que les observations de KPMG, qui ne font que reprendre les informations qu’elle a communiquées ou mentionnées notamment dans le rapport annuel, ont été émises au mois de mai 2020 et, en outre, qu’elles ne remettent pas en cause les attestations sur la composition de l’actif du fonds Adagio ni la certification des comptes annuels du fonds Multibonds.

—  25 -

135. En ce qui concerne sa procédure d’évaluation, H2O explique, en se fondant sur les travaux d’un expert financier qu’el e a sollicité, qu’el e disposait bien, avant le mois de juin 2019, d’une procédure permettant une évaluation fiable fondée sur une « fair value », calculée par référence aux prix fournis par Bloomberg ou par des contreparties, auxquels un facteur d’il iquidité était appliqué. H2O estime que c’est le tarissement de la liquidité des Titres Tennor, lui-même provoqué par la publication de l’article du Financial Times, qui l’a contrainte à changer sa procédure de valorisation pour l’adapter à ces circonstances, en veil ant à ce qu’elle reste appropriée et cohérente.

136. El e estime en tout état de cause que la notification de griefs se contente de critiquer les lacunes de ses procédures internes ainsi que le suivi et la formalisation de ses diligences en matière de valorisation sans démontrer le caractère effectivement inadapté de la valorisation des Titres Tennor. En particulier, elle conteste le fait que les différentes valorisations retenues pour un même titre puissent démontrer l’absence de fiabilité de celles-ci car ces titres étaient détenus par plusieurs fonds, et cette différence s’explique par le mécanisme du swing pricing consistant à faire varier la valeur liquidative d’un fonds en fonction du volume des demandes de rachat de ses porteurs. El e précise sur ce point que le principe imposant l’identité des règles de valorisation s’applique aux actifs inscrits à l’actif d’un même fonds mais pas aux actifs détenus par des fonds distincts.

137. En réponse au rapport du rapporteur, H2O affirme que la valorisation des Titres de créance Tennor non cotés était fiable dès lors qu’elle a eu lieu à partir d’informations émanant des émetteurs concernés, tels que des « comptes annuels, présentations investisseurs, plans d’affaires […] [et des] note[s] de recherche, information memorandum, deck d’évaluation […] d’analystes financiers », qui permettaient de se faire un avis sur la valeur d’un titre en les confrontant avec les données de marché et les comparables disponibles. H2O considère également que le rapporteur, qui retient que les procès-verbaux du comité de valorisation révèlent l’absence d’informations fiables pour valoriser les Titres de créance Tennor non cotés, entretient une confusion entre les données de marché et les informations émanant de l’émetteur. À cet égard, elle affirme que « l’absence de données de marché disponibles et de prix proposés par des contreparties ne suppose pas l’absence d’analyse d’informations fiables émanant des émetteurs ». H2O critique par ail eurs l’absence de démonstration par le rapporteur du fait qu’elle aurait disposé, à la date des investissements litigieux, de moins d’informations émanant des émetteurs des Titres de créance Tennor non cotés que d’informations émanant d’émetteurs d’autres titres non cotés éligibles à l’actif des OPCVM. Elle affirme aussi qu’il n’y a pas eu d’acquisition de nouveaux titres Everest Medtech, Rubin Robotics, Degros Holding et Chain Finance après le mois de juin 2019, et conteste le fait que des porteurs aient pu acquérir ou céder des parts des Fonds H2O sur le fondement d’une valeur liquidative erronée en raison de l’absence d’informations fiables permettant de valoriser les Titres de créance Tennor non cotés.

3.3. Textes applicables

138. Les faits reprochés aux mis en cause se sont déroulés entre le 1er juin 2016 et le 16 janvier 2020. Ils seront en conséquence examinés à la lumière des textes applicables pendant cette période, sous réserve de l’entrée en vigueur postérieure de dispositions moins sévères.

139. L’article R. 214-9, I, 3°, b) du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur entre le 31 juil et 2013 et le 19 septembre 2020, non modifiée depuis sur ce point, dispose que : « I.- Les titres financiers éligibles mentionnés au 1° du I de l’article L. 214-20 [qui renvoie aux titres financiers au sens des 1 et 2 du II de l’article L. 211-1 du code monétaire et financier qui lui-même mentionne les titres de capital émis par les sociétés par actions et les titres de créance] satisfont aux conditions suivantes : / […] 3° Une évaluation fiable les concernant est disponible, sous la forme suivante : / a) Dans le cas des titres financiers relevant des 1° à 4° du I de l’article R. 214-11, sous la forme de prix exacts, fiables et établis régulièrement, qui sont soit des prix de marché soit des prix fournis par des systèmes d’évaluation indépendants des émetteurs / b) Dans le cas des titres financiers relevant du II de l’article R. 214-11, sous la forme d’une évaluation établie périodiquement, à partir d’informations émanant de l’émetteur ou provenant d’un service d’analyse financière mentionné à l’article L. 544-1 ; ».

140. L’article R. 214-11 du code monétaire et financier, auquel renvoie l’article R. 214-9 précité, dispose, dans sa rédaction en vigueur depuis le 31 juil et 2013, que : « I. – Les titres financiers éligibles et instruments du marché monétaire mentionnés au I de l’article L. 214-20 sont : / 1° Soit des titres financiers éligibles et des instruments du marché monétaire admis à la négociation sur un marché réglementé au sens de l’article L. 422-1 ; / 2° Soit des titres financiers éligibles et des instruments du marché monétaire admis à la négociation sur un autre marché

—  26 -

réglementé, en fonctionnement régulier, reconnu, ouvert au public et dont le siège est situé dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ; / 3° Soit des titres financiers éligibles et des instruments du marché monétaire admis à la cote officiel e d’une bourse de valeurs d’un pays tiers ou négociés sur un autre marché d’un pays tiers, réglementé, en fonctionnement régulier, reconnu et ouvert au public, pour autant que cette bourse ou ce marché ne figure pas sur une liste établie par l’Autorité des marchés financiers ou que le choix de cette bourse ou de ce marché soit prévu par la loi ou par le règlement ou les statuts de l’OPCVM ; / 4° Soit des titres financiers éligibles nouvellement émis sous réserve que : / a) Les conditions d’émission comportent l’engagement qu’une demande d’admission à la cotation officielle d’une bourse de valeurs ou à un autre marché réglementé, en fonctionnement régulier, reconnu et ouvert au public, sera introduite, pour autant que cette bourse ou ce marché ne figure pas sur une liste établie par l’Autorité des marchés financiers ou que le choix de cette bourse ou de ce marché soit prévu par la loi ou par le règlement ou les statuts de l’OPCVM ; / b) L’admission mentionnée au a soit obtenue dans un délai d’un an à compter de l’émission. / 5° Soit des instruments du marché monétaire mentionnés au 2° du I de l’article L. 214-20, autres que ceux négociés sur les marchés réglementés relevant des 1° à 3°, dès lors que l’émission ou l’émetteur de ces instruments sont soumis eux-mêmes à une réglementation visant à protéger les investisseurs et l’épargne et que ces instruments respectent en outre les conditions mentionnées à l’article R. 214-12. / Sont assimilés à des titres admis à la négociation sur un marché relevant du présent I les titres de créance négociables émis par un émetteur mentionné au 1° du I de l’article R. 214-12, dès lors que ces titres respectent la condition prévue au V de cet article. / II. – Un OPCVM ne peut employer plus de 10 % de ses actifs dans des titres financiers éligibles ou des instruments du marché monétaire ne répondant pas aux conditions mentionnées au I. / Il ne peut acquérir des certificats représentatifs de métaux précieux ».

141. L’article L. 544-1 du code monétaire et financier, auquel renvoie également l’article R. 214-9 précité, dispose, dans sa rédaction en vigueur du 24 octobre 2010 au 3 janvier 2018, que : « Au sens de la présente section et du 4 de l’article L. 321-2 on entend par « recherche en investissements » ou « analyse financière » des travaux de recherche ou d’autres informations recommandant ou suggérant une stratégie d’investissement, explicitement ou implicitement, concernant un ou plusieurs instruments financiers ou les émetteurs d’instruments financiers, y compris les opinions émises sur le cours ou la valeur présente ou future de ces instruments, destinés aux canaux de distribution ou au public et pour lesquels les conditions suivantes sont remplies : / 1° Ces travaux ou informations sont désignés ou décrits par l’expression : « recherche en investissements » ou : « analyse financière », ou sont autrement présentés comme une explication objective et indépendante du contenu de la recommandation ; / 2° Ils ne sont pas assimilables à la fourniture de conseils en investissement ; / 3° Ils sont effectués conformément aux dispositions du règlement général de l’Autorité des marchés financiers. ». Ces dispositions ont été abrogées à compter du 3 janvier 2018.

142. L’article 411-25 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur depuis le 21 octobre 2011, dispose que : « Les instruments financiers, contrats, valeurs et dépôts inscrits à l’actif d’un OPCVM ou détenus par lui sont évalués chaque jour d’établissement de la valeur liquidative, dans les conditions fixées par le prospectus ».

143. L’article 411-27 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur depuis le 21 octobre 2011, dispose que : « La société de gestion procède à l’évaluation des instruments financiers, contrats, valeurs et dépôts dont le cours n’a pas été constaté ou qui n’ont pas fait l’objet de cotation le jour d’établissement de la valeur liquidative ».

144. L’article 411-28 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur depuis le 21 octobre 2011, dispose que : « Chaque catégorie d’instruments financiers, contrats, valeurs et dépôts inscrits à l’actif d’un même OPCVM suit les mêmes règles de valorisation ».

145. L’article 411-2 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur depuis le 21 octobre 2011, dispose que : « Sont soumis aux dispositions du présent chapitre [Chapitre unique du titre I du livre IV du règlement général de l’AMF dans lequel se trouvent les articles 411-25, 411-27 et 411-28 du même règlement, précités] l’ensemble des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) régis par la sous-section 1 de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code monétaire et financier ainsi que leur société de gestion et dépositaire ».

—  27 -

3.4. Examen du grief

146. Il résulte des dispositions de l’article R. 214-9, I, 3°, b) du code monétaire et financier citées ci-dessus qu’un OPCVM peut investir dans des instruments financiers non cotés à la condition que soient disponibles des informations concernant ces instruments qui permettent de les évaluer régulièrement de façon fiable.

147. En l’espèce, les notifications de griefs reprochent à H2O le fait que les Titres de créance Tennor non cotés ne satisfaisaient pas à ces conditions. Leurs critiques à cet égard peuvent, en substance, s’articuler autour de trois périodes : elles estiment, premièrement, qu’avant le 19 juin 2019, les procédures de valorisation de H2O ne décrivaient pas la méthode de valorisation des instruments non cotés et qu’aucun document produit par cette dernière ne permet de déterminer la façon dont les Titres de créance Tennor non cotés étaient valorisés en pratique jusqu’à cette date ; deuxièmement, que la méthode de valorisation appliquée entre le mois de juin et le mois de juil et 2019 n’était pas satisfaisante ; et troisièmement, que la méthode de valorisation formalisée après le mois de juil et 2019 ne permettait pas non plus une évaluation fiable des Titres de créance Tennor non cotés, dès lors que H2O ne retenait pas la même valorisation d’un même titre présent à l’actif de plusieurs fonds. Ces points seront successivement examinés ci-après.

3.4.1. Sur la méthode de valorisation des Titres de créance Tennor non cotés mise en œuvre par H2O avant le mois de juin 2019

Sur les procédures internes de H2O relatives au processus de valorisation avant le mois de juin 2019

148. Il convient à titre liminaire de souligner que le grief ne porte pas sur le caractère suffisant ou non des procédures internes de H2O, de sorte que ces procédures internes de valorisation ne sont examinées que dans le but d’identifier et d’évaluer la source et la qualité des informations sur lesquelles H2O se fondait pour valoriser les Titres de créance Tennor non cotés, cette analyse ayant elle-même pour objectif de déterminer si ces instruments étaient éligibles à l’actif des Fonds H2O.

149. H2O disposait d’une procédure de valorisation intitulée « Valuation Policy » mise en place au mois de décembre 2010 et actualisée pour la dernière fois au mois de décembre 2018. Cette procédure indique, en son paragraphe 5 (« Unlisted financial instruments and other securities » – ce qui peut être traduit par : « Instruments financiers non cotés et autres titres financiers »), que : « Financial instruments whose price has not been recorded on the valuation day are valued at the latest officially published price or at their likely trading value under the responsibility of the management company ; […] Financial instruments not traded in a regulated market are valued under the responsibility of the management company at their likely trading value ; Other financial instruments are valued at their market value calculated by the counterparties under the supervision and responsibility of the management company. Valuations of unlisted financial instruments and the other securities referred to in this paragraph, together with the grounds for such valuations, are notified to the auditors at the time of their audit » (ce qui peut être traduit par : « Les instruments financiers dont le cours n’a pas été constaté le jour de l’évaluation sont évalués au dernier cours officiel ement publié ou à leur valeur probable de négociation sous la responsabilité de la société de gestion ; […] les instruments financiers non négociés sur un marché réglementé sont évalués sous la responsabilité de la société de gestion à leur valeur probable de négociation ; Les autres instruments financiers sont évalués à leur valeur de marché calculée par les contreparties sous le contrôle et la responsabilité de la société de gestion. Les évaluations des instruments financiers non cotés et des autres titres visés au présent paragraphe, ainsi que les motifs de ces évaluations, sont communiqués aux commissaires aux comptes au moment de leur contrôle »). Ainsi, cette procédure ne décrit pas la méthode de valorisation des titres non cotés de manière suffisamment précise puisqu’elle se contente d’indiquer qu’ils seront valorisés à la valeur probable de négociation ou à la valeur de marché calculée par les contreparties, sans autre précision.

150. Cette analyse rejoint d’ailleurs les conclusions d’un audit réalisé par KPMG, le commissaire aux comptes des Fonds H2O, au mois de février 2020, selon lequel, s’agissant de la période qui précède le mois de juin 2019 : « The valuation policy encompasses a section dedicated to the unlisted financial instruments, see chapter 5 of the Valuation Policy “Unlisted Financial Instruments and other securities”. We have noted that : – For unlisted bonds,

The section “Unlisted Financial instruments and other securities” of the valuation policy doesn’t incorporate a clear indication about the valuation methodology for unlisted bonds. We recommend to clarify and develop this part » (ce

—  28 -

qui peut être traduit par : « La politique de valorisation comprend une section dédiée aux instruments financiers non cotés, voir le chapitre 5 de la politique de valorisation « Instruments financiers non cotés et autres titres financiers ». Nous avons constaté que : – Pour les obligations non cotées, La section « Instruments financiers non cotés et autres titres financiers » de la politique d’évaluation n’intègre pas d’indication claire sur la méthodologie d’évaluation des obligations non cotées. Nous recommandons de clarifier et de développer cette partie »).

151. M. Chail ey a également confirmé, lors de son audition, que le processus de valorisation des Titres Tennor (en général) appliqué depuis 2015 n’était « pas formalisé […] jusqu’à l’article du FT ».

152. Par conséquent, les procédures internes de H2O en vigueur avant le mois de juin 2019 ne permettaient pas d’identifier la source et d’apprécier la qualité des informations qui étaient disponibles pour évaluer les Titres de créance Tennor non cotés, celles-ci étant totalement muettes sur la façon dont H2O procédait.

Sur la valorisation en pratique des Titres de créance Tennor non cotés avant le mois de juin 2019

153. La valorisation des Titres de créance Tennor non cotés était revue lors du comité de valorisation, qui est un sous- comité du « Legal, Risk and Compliance Committee » hebdomadaire. Selon les notifications de griefs, le sujet de la valorisation des Titres Tennor (en général) est abordé pour la première fois dans le procès-verbal du 2 mai 2018, ce qui n’est pas contesté par H2O dans sa réponse à la notification de griefs. El e faisait toutefois valoir, en réponse au rapport de contrôle, le fait que le procès-verbal du 12 décembre 2017 comporte des justifications sur la valorisation du titre Chain Finance BV. Par conséquent, seuls les procès-verbaux du 12 décembre 2017 et ceux établis à partir du 2 mai 2018 permettent d’apprécier la façon dont el e valorisait les Titres de créance Tennor non cotés.

154. Il convient de les analyser à l’aune des explications fournies par H2O en réponse à la notification de griefs quant à la façon dont elle valorisait les Titres Tennor (en général) avant le mois de juin 2019 puisque, comme cela a été établi supra, les procédures internes de celle-ci étaient insuffisantes à cet égard.

155. H2O explique qu’avant le mois de juin 2019, sa méthode de valorisation consistait à déterminer une « fair value » en utilisant les « prix de Bloomberg », plus particulièrement le prix Mid affiché par Bloomberg à 17H, ou, lorsque « les cotations Bloomberg [n’étaient] pas disponibles ou qu’elles [n’étaient] pas mises à jour de façon adéquate », les « cotations indicatives données par certaines contreparties », auquel el e appliquait « des facteurs d’illiquidité », c’est-à-dire une décote comprise entre 0 et 30 % de la « fair value », en fonction de divers facteurs tels que, par exemple, la tail e de la position, le fait que le titre soit coté ou non, les caractéristiques de maturité et de séniorité de l’instrument ou encore le niveau d’informations reçues sur la société émettrice et l’existence ou non d’un collatéral.

156. À cet égard, selon les propres explications de H2O, l’absence d’indication du « volume d’obligations susceptibles d’être négociées » était de nature à « remett[re] en cause la fiabilité et la négociabilité [des] cotations » concernées, en précisant que tel est le cas lorsque le champ de la colonne intitulée « BSz(M)xASz(M) » dans l’outil de Bloomberg est vide.

157. Il y a lieu de constater qu’aucune information relative à la valorisation du titre Horizon One Finance ne figure dans les 209 procès-verbaux établis lors des comités de valorisation du 12 décembre 2017 et au cours de la période comprise entre le 2 mai 2018 et le 16 janvier 2020.

158. Par ail eurs, en ce qui concerne les 4 autres Titres de créance Tennor non cotés, il peut être constaté que certains des procès-verbaux mentionnent les cotations fournies par les courtiers ou contreparties pour ces instruments qui, selon les explications fournies par H2O exposées supra, servent à déterminer la « fair value » de l’instrument. Ces cotations sont présentées sous la forme d’images de l’écran Bloomberg.

159. Or dans l’ensemble des procès-verbaux établis le 12 décembre 2017 et entre le 2 mai 2018 et le 16 janvier 2020 pour ces 4 titres (i) soit l’écran Bloomberg est vide, c’est-à-dire qu’aucun courtier ou contrepartie ne propose un prix, ou l’écran indique explicitement que « No dealer are pricing this security » (ce qui peut être traduit par : « Aucun courtier ne propose de prix pour cet instrument ») ; (ii) soit l’écran fait état d’informations sur le prix fournies par « Bloomberg Valuation Service » ou « BVAL » (qui, selon H2O, « relève d’une analyse interne à Bloomberg fondée

—  29 -

notamment sur les cotations et données de marché disponibles ») ou par deux contreparties (« Shard Capital » et « Stifel Nicolaus Eur Ltd ») mais sans indication du volume d’obligations susceptibles d’être négociées, le champ de la colonne intitulée « BSz(M)xASz(M) » étant vide, de sorte que, selon les propres explications de H2O, ces informations ne pouvaient être tenues pour fiables.

160. Par conséquent, il est établi que les « prix de Bloomberg ou des contreparties » qu’utilisait H2O pour déterminer la « fair value » des Titres de créance Tennor non cotés étaient inexistants ou non fiables, et cela avant le mois de juin 2019. Ainsi, il ne saurait être admis, comme elle le prétend, qu’el e pouvait valoriser de façon fiable ces instruments avant le mois de juin 2019 au motif que « ses procédures de valorisation […] pouvaient refléter une cotation appropriée, souvent issue de courtiers reconnus » et que cette situation n’a été remise en cause que par la parution de l’article du Financial Times.

161. Il peut d’ail eurs être remarqué que si H2O explique en réponse à la notification de griefs la façon dont elle procédait pour valoriser les Titres Tennor (en général) avant le mois de juin 2019, à aucun moment el e n’évoque le cas particulier des Titres Tennor non cotés en général, et au sein de ceux-ci le cas des Titres de créance Tennor non cotés en particulier. El e n’explique pas, a fortiori, de quelle façon el e procédait dans les cas identifiés ci-dessus dans lesquels les informations étaient indisponibles ou non fiables. Un document interne à H2O, daté du 30 juil et 2019, révèle également l’opacité sur ce point puisque celui-ci indique, s’agissant de la période antérieure au mois de juin 2019, que pour les instruments négociés de gré à gré la valorisation était déterminée sur le fondement de prix fournis par des contreparties et que, lorsque de tels prix n’étaient pas disponibles, le comité de valorisation décidait de la meil eure méthode de valorisation ou de la source de prix appropriée sans autre précision.

162. Il apparaît que, dans de tels cas, H2O considérait que la « fair value » correspondait à la valeur nominale de l’obligation, éventuellement ajustée d’un facteur d’il iquidité déterminé de façon manifestement arbitraire. Ainsi, les procès-verbaux du comité de valorisation des 21 février et 1er mai 2019 relatent l’acquisition des deux obligations Everest Medtech et Rubin Robotics et constatent explicitement l’absence de cotations disponibles. Ces documents mentionnent donc qu’el es sont valorisées « au pair » ou « à 100 », c’est-à-dire à leur valeur nominale : « New bond with no quote, Everest. Priced at par and at booked price » (ce qui peut être traduit par : « Nouvel e obligation sans cotation, Everest. Valorisée au pair et à la valeur d’inventaire ») ; « New bond Rubin Robotics bought and quoted at 100 » (ce qui peut être traduit par : « Nouvel e obligation Rubin Robotics achetée et cotée à 100 »). Par ail eurs, dans un document interne intitulé « Valuation committees during June 19 crisis » (ce qui peut être traduit par : « Comités de valorisation pendant la crise de juin 2019 »), il est indiqué que dans la mesure où il n’existait pas de cotations disponibles pour les titres Everest Medtech et Rubin Robotics acquis récemment, ils ont été valorisés à leur valeur nominale ajustée d’un facteur d’il iquidité de 5 %, le choix de ce taux n’étant justifié de façon lapidaire que par le fait qu’il est en ligne avec les facteurs d’il iquidité appliqués aux autres obligations.

163. Ces éléments démontrent également que dès le moment où les Fonds H2O ont acquis les Titres de créance Tennor non cotés la société ne disposait pas d’informations, ou qu’el e disposait d’informations non fiables, pour les valoriser et qu’ils n’étaient donc pas éligibles. Ainsi, H2O constate explicitement dans le procès-verbal du 21 février 2019, jour même des premières opérations d’acquisition des obligations Everest Medtech, qu’il n’y a pas de cotation disponible pour ce titre. En outre, H2O a procédé à de nouvel es acquisitions d’obligations Everest Medtech en août et octobre 2019 alors qu’elle avait précédemment constaté dans 22 procès-verbaux du comité d’investissement que la situation était identique. Le même constat peut être fait pour le titre Rubin Robotics, ayant fait l’objet d’acquisitions aux mois d’avril et décembre 2019 ; pour le titre Chain Finance, ayant fait l’objet d’acquisitions aux mois de juin 2018, mars, juin et décembre 2019 ; et pour le titre Degros Holding, ayant fait l’objet d’acquisitions aux mois de juin et décembre 2018, juin, août et décembre 2019.

164. Si, en réponse au rapport du rapporteur, H2O prétend qu’el e pouvait valoriser de façon fiable les Titres Tennor non cotés sur le fondement d’informations émanant de leurs émetteurs, tels que des comptes annuels, des plans d’affaires, ou sur le fondement de notes d’analystes financiers, il y a lieu de constater que ce n’est pas ce qu’elle a successivement affirmé dans ses réponses au rapport de contrôle puis à la notification de griefs, dans lesquel es elle indique clairement qu’elle se fondait sur les prix de Bloomberg ou sur les cotations indicatives fournies par certains courtiers ou contreparties. En tout état de cause, ce n’est pas non plus ce qui ressort des procès-verbaux du comité de valorisation de l’époque qui révèlent, comme cela a été exposé ci-dessus, d’une part, que, comme elle l’a expliqué dans ses observations, H2O cherchait effectivement à valoriser les Titres de créance Tennor non cotés sur le fondement des prix de Bloomberg ou sur les prix fournis par certains courtiers ou contreparties, sans

—  30 -

se référer à de quelconques informations issues de comptes annuels, de plans d’affaires ou de notes d’analystes, d’autre part, que lorsque ces informations n’étaient pas disponibles, elle valorisait ces instruments à leur valeur nominale. En outre, au soutien de cet argument, H2O renvoie à des documents figurant à l’annexe 21 du rapport du contrôle et à l’annexe 30 de ses observations en réponse au rapport de contrôle (cette dernière ayant vocation à compléter les documents figurant à l’annexe 21 du rapport de contrôle), alors, d’une part, qu’el e ne conteste pas que, comme le relèvent le rapport de contrôle, les notifications de griefs et le rapport du rapporteur, ces documents ont été produits postérieurement au mois de juin 2019, soit postérieurement aux investissements initiaux, d’autre part, que ces documents ne concernent, selon ses explications, que 3 des 5 instruments litigieux. De plus, le fait pour une société de gestion de portefeuil e de fonder sa valorisation sur des informations émanant de l’émetteur ne suffit pas à établir son respect des dispositions de l’article R. 214-9, I, 3°, b) du code monétaire et financier selon lesquelles les informations utilisées doivent permettre une évaluation fiable et établie périodiquement. Or, selon les propres explications de H2O en réponse au rapport du rapporteur, ces informations émanant des émetteurs des Titres de créance Tennor non cotés permettaient « de se faire un avis sur la valeur d’un titre donné » en les confrontant notamment avec « les données de marché », alors que ces données de marché étaient précisément inexistantes ou non fiables comme démontré supra.

165. Enfin, comme le relèvent les notifications de griefs, le procès-verbal du 19 juin 2019, lendemain de la parution de l’article du Financial Times, constate que les éléments utilisés pour la valorisation n’étaient pas probants car trop anciens.

166. Il est donc établi qu’avant le mois de juin 2019, H2O ne disposait pas d’informations suffisantes pour déterminer la valeur des Titres de créance Tennor non cotés ou disposait d’informations non fiables.

3.4.2. Sur la méthode de valorisation mise en œuvre par H2O entre le mois de juin et le mois de juillet 2019

167. À la suite de la parution de l’article du Financial Times, le 18 juin 2019, et des rachats subséquents, H2O a cherché à réduire son exposition aux Titres Tennor (en général) notamment en concluant des ventes à terme sur ces instruments (qui n’ont finalement pas été honorées). H2O a valorisé une partie des Titres Tennor en prenant en compte les prix négociés dans le cadre de ces ventes. À partir du 24 juin 2019, dans un contexte où elle avait de grandes difficultés à valoriser l’ensemble des Titres Tennor, elle a également pris en compte les offres dites « backstop bid » de banques, c’est-à-dire, selon ses explications, des offres à un prix très bas, payé immédiatement par l’acheteur, et comprenant l’engagement de ce dernier de partager avec le vendeur la différence entre ce prix et le montant éventuellement obtenu lors de la revente des titres ou du remboursement de l’obligation.

168. Dans ses attestations sur la composition de l’actif des fonds Adagio, Al egro, Moderato, Multistrategies et Vivace au 31 décembre 2019, ainsi que dans son rapport sur les comptes annuels au 31 décembre 2019 du fonds Multibonds, KPMG, le commissaire aux comptes des Fonds H2O, a souligné « l’incertitude […] relative aux modalités d’application de la méthode de valorisation de certains actifs », en renvoyant à une note figurant en annexe de ces attestations et rapports de KPMG. Cette note décrit la méthode de valorisation des Titres Tennor (en général) qui a été mise en place à compter du 24 juin 2019, ainsi que les raisons pour lesquelles elle fait naître une incertitude sur la valorisation de certains actifs.

169. El e indique plus particulièrement que la méthode mise en place à compter du 24 juin 2019 « a été retenu en lieu et place de leur valeur probable de négociation [c’est-à-dire l’ancienne méthode appliquée avant le mois de juin 2019] pour approximer une valeur actuel e de ces actifs [les Titres Tennor] à un instant donné à défaut de transactions représentatives d’un marché liquide. Seules ces dernières permettraient d’établir avec certitude la valeur actuel e du portefeuil e […] Compte tenu de la situation actuelle du marché concernant ces titres, les valeurs retenues au bilan, évaluées comme indiqué ci-dessus, peuvent s’écarter sensiblement des prix auxquels seraient effectivement réalisées les cessions si une part de ces actifs en portefeuil e devait être liquidée […] ».

170. Selon les observations de H2O en réponse à la notification de griefs, ces explications figurant en annexe des attestations et rapports de KPMG « ne font que reprendre les informations communiquées par H2O elle-même ». Il apparaît donc que KPMG ne fait que souligner l’incertitude qu’a exprimée H2O elle-même quant à la fiabilité de la méthode qu’el e a mise en place à compter du 24 juin 2019.

—  31 -

171. Il est donc établi que cette méthode ne permettait pas de valoriser de façon fiable les Titres Tennor, en ce compris les Titres de créance Tennor non cotés, car cette méthode ne reposait pas sur des informations permettant d’assurer une valorisation fiable, plus particulièrement, selon la note précitée, parce qu’il n’y avait pas de « transactions représentatives d’un marché liquide ».

3.4.3. Sur la méthode de valorisation formalisée par H2O après le mois de juillet 2019

172. Après le mois de juil et 2019, H2O a formalisé une procédure de valorisation intitulée « Valuation procedure, illiquid bonds ». En réponse au rapport de contrôle, H2O a également communiqué un document non daté, qui a le même objet, intitulé « Il iquid corporate bonds pricing and il iquidity factors ».

173. Selon les notifications de griefs, la méthode ainsi formalisée après le mois de juil et 2019 ne permettait pas une évaluation fiable des Titres de créance Tennor non cotés au motif que le titre Chain Finance BV n’est pas valorisé au même prix dans les inventaires au 31 août 2019 des fonds Al egro, Multibonds, Multistratégies, Moderato (valorisation au mid price : 46,5 euros) Adagio (bid price : 41,5) et Vivace (ask price : 51,5), et que les procès- verbaux du comité de valorisation ne justifient pas ces divergences.

174. Toutefois, le fait que ces divergences de valorisation ne soient pas justifiées dans les procès-verbaux du comité de valorisation est sans incidence dès lors que le grief ne porte pas sur la traçabilité ou la formalisation du processus de valorisation.

175. Par ail eurs, dès la réponse au rapport de contrôle, H2O a expliqué que ces divergences de valorisation s’expliquaient par la mise en œuvre d’un mécanisme dit de swing pricing, c’est-à-dire un mécanisme consistant à faire varier la valeur liquidative d’un fonds, qui sert de référence pour déterminer les prix de souscription et de rachat, en fonction des flux nets de ces souscriptions et rachats. H2O a plus précisément expliqué en réponse à la notification de griefs et à la suite de son audition par le rapporteur, que, dans ce cadre, les titres détenus en portefeuil e étaient valorisés au prix bid, ask ou mid en fonction de ces flux qui n’étaient pas les mêmes pour chacun des fonds mentionnés par les notifications de griefs.

176. Les explications apportées par H2O sont cohérentes sur ce point et ne peuvent être écartées, le collège ayant indiqué en séance qu’il abandonnait ce reproche spécifique venant au soutien d’un grief maintenu par ail eurs.

177. En tout état de cause, il ne peut qu’être constaté, indépendamment de la façon dont H2O a mis en œuvre le mécanisme de swing pricing, qu’el e ne disposait pas plus après le mois de juil et 2019 qu’avant, d’informations fiables permettant de valoriser les Titres de créance Tennor non cotés.

178. Il a en effet été amplement démontré supra, dans le cadre de l’examen du grief relatif au non-respect des règles d’éligibilité des titres en lien avec la liquidité des Titres Tennor, que H2O a fait face à de grandes difficultés pour valoriser les Titres Tennor, de façon générale, après la parution de l’article du Financial Times en raison du manque de liquidité de ces instruments, ce qu’elle reconnaît elle-même. Ces difficultés ont perduré jusqu’à ce que l’AMF prenne la décision exceptionnelle d’exiger la suspension des souscriptions et des rachats de 3 des Fonds H2O, mesure élargie au cas de 5 autres fonds par H2O, au motif précisément qu’il existait de trop grandes incertitudes sur la valorisation des Titres Tennor, finalement cantonnés pour la même raison.

179. Ainsi, le fait qu’après le mois de juil et 2019, H2O ne disposait pas d’informations fiables pour valoriser les Titres Tennor, en ce compris les Titres de créance Tennor non cotés, est établi.

180. Au regard de ce qui précède, il est établi qu’à aucun moment – ni avant le mois de juin 2019, ni entre le mois de juin et le mois de juil et 2019, ni après le mois de juil et 2019 – H2O ne disposait d’informations fiables pour déterminer la valeur des Titres de créance Tennor non cotés, contrairement à ce qu’impose l’article R. 214-9, I, 3°, b) du code monétaire et financier. Ces titres n’étaient donc pas éligibles à l’actif des Fonds H2O.

181. Par ail eurs, les dispositions des articles 411-25, 411-27 et 411-28 du règlement général de l’AMF sont bien applicables en l’espèce dès lors que l’article 411-2 du règlement général de l’AMF dispose qu’el es le sont à l’ensemble des OPCVM régis par la sous-section 1 de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code

—  32 -

monétaire et financier et à leur société de gestion, ce qui est le cas des Fonds H2O et de H2O selon l’article L. 532-20-1 du code monétaire et financier.

182. En revanche, contrairement à ce qu’indiquent les notifications de griefs, ces dispositions du règlement général de l’AMF ne peuvent être considérées comme venant préciser celles de l’article R. 214-9, I, 3°, b) du code monétaire et financier qui est le fondement principal du grief. Les dispositions réglementaires du code sont en effet relatives aux règles d’investissement des OPCVM et, plus particulièrement, aux règles d’éligibilité des actifs, alors que les dispositions des articles 411-25, 411-27 et 411-28 du règlement général, auxquelles l’article R. 214-9 du code monétaire et financier ne renvoie pas, sont relatives aux règles de fonctionnement et, plus particulièrement, à la façon dont les sociétés de gestion de portefeuil e doivent procéder à la valorisation des portefeuil es des OPCVM qu’el es gèrent.

183. De plus, les notifications de griefs ne reprochent à H2O ni le fait qu’el e n’aurait pas valorisé les Titres de créance Tennor non cotés à une certaine fréquence, ni le fait qu’elle aurait procédé à la valorisation sans respecter les termes des prospectus des Fonds H2O ni le fait qu’elle n’aurait pas procédé el e-même à la valorisation. El es ne mentionnent donc aucun élément susceptible de fonder, en fait, un manquement aux exigences fixées par les articles 411-25 et 411-27 du règlement général de l’AMF. Enfin, les notifications de griefs critiquent les différences de valorisation à une même date du titre Chain Finance BV dans l’inventaire de plusieurs des Fonds H2O, alors que l’article 411-28 du règlement général de l’AMF impose aux sociétés de gestion d’OPCVM de suivre les mêmes règles de valorisation pour les actifs inscrits à l’actif « d’un même OPCVM ».

184. Ainsi le manquement tiré de la méconnaissance des articles 411-25, 411-27 et 411-28 du règlement général de l’AMF n’est pas caractérisé.

185. En tout état de cause, comme il a été dit ci-dessus, le manquement tiré de la méconnaissance de l’article R. 214-9, I, 3°, b) du code monétaire et financier est caractérisé. Ce manquement est d’autant plus grave, comme l’indiquent les notifications de griefs, qu’il est susceptible d’avoir porté atteinte à l’intérêt des porteurs des Fonds H2O qui ont pu acquérir ou céder des parts des Fonds H2O sur le fondement d’une valeur liquidative erronée, H2O ne disposant pas d’informations fiables pour déterminer la valeur des Titres de créance Tennor non cotés. 4. Sur le grief relatif au dépassement d’un ratio d’investissement

4.1. Notifications de griefs

186. Les notifications de griefs relèvent que les 18 et 19 juin 2019, les fonds Multibonds, Adagio, Multistrategies et Moderato détenaient, respectivement, 25,7 %, 22,25 %, 12,36 % et 10,04 % des titres de créance émis par Chain Finance BV. El es relèvent par ail eurs que le 20 juin 2019 le fonds Multibonds détenait 13,8 % des titres de créance émis par Rubin Robotics et que le 3 décembre 2019 il détenait les titres de créance émis par Tennor Civitas Prop Fin et La Perla Fashion Finance BV à hauteur, respectivement, de 13,6 % et 32,4 %.

187. Les notifications de griefs en concluent que ces 4 fonds ont détenu plus de 10 % de titres de créance d’un même émetteur aux dates et dans les proportions susvisées de sorte que H2O aurait méconnu en 2019 le ratio d’investissement prévu par l’article R. 214-26, II, 2° du code monétaire et financier. El es estiment que le manquement est aggravé par l’absence de diligence et de réactivité de la part de H2O pour y remédier, par le fait qu’il concerne des titres qui n’étaient pas éligibles à l’actif des fonds concernés et par la poursuite de sa politique d’investissement dans les Titres Tennor alors qu’el e avait conscience des problématiques de liquidité de ceux-ci.

4.2. Observations des mis en cause

188. H2O « ne conteste pas la matérialité des dépassements du ratio de 10 % [pour les] quatre Fonds H2O […] Adagio, Moderato, Multibonds et Multistrategies […] en 2019 ». El e conteste toutefois son absence de diligence et de réactivité pour y remédier. El e soutient ainsi que ces dépassements étaient suivis via des breach reports fournis par Ostrum Asset Management et via des alertes automatiques générées par un outil ad hoc interne. En réponse au rapport du rapporteur elle précise que figure ainsi à l’annexe 28 du rapport de contrôle « au moins un rapport [qui] mentionne ‘breach level 1’ pour ‘Max 10 % Issuer’s Debt ». El e affirme également que son département

—  33 -

risques a demandé en réaction un plan de remédiation consistant à céder les titres dans les meil eures conditions possibles.

189. Ainsi, H2O explique le dépassement concernant le titre Chain Finance BV et le délai de correction par le fait qu’elle avait décidé d’attendre, dans l’intérêt des fonds concernés, que la société Tennor Finance honore une offre d’achat sur une partie de la position, car le prix de l’offre était supérieur à la valorisation des titres et que la cession immédiate de ceux-ci dans le marché « n’aurait offert que des prix très décotés avec le risque de ne pas être payés du tout ». El e explique que l’opération a été repoussée plusieurs fois jusqu’au mois de décembre 2019, date à laquel e une partie de la position a été vendue dans une mesure permettant la correction et à un prix largement supérieur à ce qu’elle aurait pu obtenir aux mois de juin et juil et 2019. S’agissant du dépassement portant sur le titre Rubin Robotics, H2O indique qu’il a été constaté le 20 juin 2019 et corrigé seulement deux jours ouvrés plus tard, le 24 juin 2019. En ce qui concerne le dépassement portant sur les Titres Tennor Civitas Prop Fin et La Perla Fashion Finance BV, H2O explique avoir également tenté de profiter d’une offre d’achat à un prix supérieur à celui convenu dans le cadre des opérations de B&S ayant pour sous-jacents ces instruments, raison pour laquel e elle a décidé de « déboucler [ces] opérations et d’intégrer les obligations [et] […] les garanties supplémentaires (sous forme d’ « extra collatéral ») […] à l’inventaire des Fonds H2O concernés afin de pouvoir tirer avantage de l’offre de rachat, bien que cela entraînerait un dépassement du ratio d’emprise ». H2O précise que « l’offre d’achat n’ayant finalement pas été réalisée, le dépassement n’a pu être régularisé ».

190. H2O conteste également avoir poursuivi sa politique d’investissement dans les Titres Tennor à la suite de la parution de l’article du Financial Times au mois de juin 2019. El e affirme au contraire avoir mis en œuvre de nombreux efforts pour réduire son exposition. El e explique en outre avoir cherché à limiter la perte de valeur de ces titres en transformant les ventes à terme précédemment conclues en des opérations de B&S afin d’en obtenir le meil eur prix plutôt qu’en les vendant immédiatement sur le marché à des prix fortement décotés.

4.3. Textes applicables

191. Les faits reprochés aux mis en cause se sont déroulés entre le 18 juin 2019 et le 3 décembre 2019. Ils seront en conséquence examinés à la lumière des textes applicables pendant cette période.

192. L’article R. 214-26 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur depuis le 31 juil et 2013, dispose que : « II. – Un OPCVM ne peut détenir plus de : / 1° 10 % de titres de capital sans droit de vote d’un même émetteur ; / 2° 10 % de titres de créance d’un même émetteur ; / 3° 25 % de parts ou actions d’un même organisme de placement collectif de droit français ou étranger ou d’un même fonds d’investissement de droit étranger ; / 4° 10 % d’instruments du marché monétaire émis par un même émetteur. Les limites prévues au 2°, 3° et 4° peuvent ne pas être respectées au moment de l’acquisition si, à ce moment-là, le montant brut des titres de créance ou des instruments du marché monétaire, ou le montant net des titres émis, ne peut être calculé ».

4.4. Examen du grief

4.4.1. Sur les dépassements du ratio d’emprise

193. L’annexe 27 au rapport de contrôle, qui correspond à une extraction des données de l’outil de suivi des alertes relatives aux dépassements de ratios de CACEIS, le dépositaire des Fonds H2O, permet de constater que plusieurs alertes concernant les fonds Multibonds, Adagio, Multistrategies et Moderato ont été émises aux mois de juin et décembre 2019. Ces anomalies sont décrites de la façon suivante : « Le ratio de 10 % d’emprise d’une même catégorie de valeurs mobilières donnant un droit de créance d’un même émetteur est dépassé ».

194. Ces dépassements ont été constatés : (i) le 18 juin 2019 pour le titre Chain Finance BV détenu par les fonds Multibonds, Moderato et Multistrategies. Les ratios d’emprise étaient de, respectivement, 25,7 %, 10,04 % et 12,36 %. Ces dépassements ont fait l’objet de relances les 26 juin, 31 juil et, 1er octobre et 29 octobre 2019 avant d’être régularisés le 11 décembre 2019 ; (ii) le 19 juin 2019 pour le titre Chain Finance BV détenu par le fonds Adagio. Le ratio d’emprise était de 22,25 %. Ce dépassement a fait l’objet de relances les 25 juin, 31 juil et, 1er octobre, 29 octobre et 8 novembre 2019 avant d’être régularisé le 11 décembre 2019 ; (ii ) le 20 juin 2019 pour le titre Rubin Robotics détenu par le fonds Multibonds. Le ratio d’emprise était de 13,8 %. Ce dépassement a été régularisé le 24 juin 2019 ; (iv) le 3 décembre 2019 pour les titres Civitas Prop Fin et La Perla Fashion Finance BV

—  34 -

détenus par le fonds Multibonds. Les ratios d’emprise étaient de, respectivement, 13,6 % et 32,4 %. Ces deux dépassements ont fait l’objet de relances le 10 décembre 2019 et le 3 janvier 2020, date à laquelle ils étaient toujours actifs.

195. Le manquement à l’obligation de respecter les ratios règlementaires, dont la matérialité n’est, en l’espèce, pas contestée par H2O, est un manquement objectif, de sorte que les éventuelles diligences mises en œuvre postérieurement pour y remédier ou éviter qu’il ne se reproduise peuvent être prises en compte dans l’évaluation de la sanction mais ne sont pas de nature à faire obstacle à la caractérisation du manquement ou à exonérer la société mise en cause de sa responsabilité.

196. Par conséquent le manquement tiré de la méconnaissance de l’article R. 214-26, II, 2° du code monétaire et financier est caractérisé.

4.4.2. Sur la gravité du grief

Sur l’absence de diligence et de réactivité de H2O pour remédier aux dépassements des ratios d’emprise

197. Sur ce point, les notifications de griefs renvoient aux constats du rapport de contrôle selon lequel « aucune mention de ces dépassements n’était effectuée dans les Breach reports hebdomadaires d’H2O […] » et qui, lui-même, renvoie à son annexe 28. Dans ses observations en réponse à la notification de griefs, H2O prétend au contraire qu’el e suivait ces dépassements en renvoyant également au « Breach Reports hebdomadaires […] figurant en Annexe n° 28 du Rapport ».

198. L’annexe 28 au rapport de contrôle, intitulée « Alertes dépassements de ratio – outil H2O » comporte des documents Excel intitulés « H2O_BreachReport_[période] ». Or, aucun de ces documents qui concernent la période postérieure aux premiers dépassements constatés ne mentionne les dépassements, comme l’affirment les notifications de griefs et contrairement à ce que prétend H2O.

199. En ce qui concerne le plan de remédiation invoqué par H2O, cel e-ci renvoie à un échange de courriels datant du 23 janvier 2020 entre son département risques et M. Crastes. Or cet échange ne concerne que les dépassements constatés sur le fonds Multibonds, soit un seul des 4 fonds concernés par le manquement, et ne concerne que les dépassements relatifs aux titres Civitas Prop Fin et La Perla Fashion Finance BV, et non ceux relatifs aux titres Chain Finance BV et Rubin Robotics. En outre, en réponse à son département risques lui signalant les dépassements, M. Crastes se contente d’affirmer qu’un rachat « devrait intervenir bientôt » ou « dès que la situation revient à la normale » et que lui et M. Chail ey « parl[ent] à Tennor Holding tous les jours », ce qui ne peut être qualifié de plan de remédiation. D’ail eurs, H2O indique dans ses observations que ces dépassements n’ont pas pu être régularisés.

200. H2O produit également un courriel par lequel son département risques se contente d’informer M. Chail ey des dépassements constatés pour les fonds Multistrategies, Adagio, Multibonds et Moderato s’agissant du titre Chain Finance BV au mois de novembre 2019, soit 5 mois après la constatation initiale de ces dépassements au mois de juin 2019.

201. Par ail eurs, en ce qui concerne les dépassements relatifs aux titres Chain Finance BV, La Perla Fashion Finance BV et Civitas Prop Fin, les explications apportées par H2O, relatives aux offres d’achat dont elle a attendu la réalisation dans l’intérêt des Fonds H2O, ne font que décrire les difficultés auxquelles elle a fait face pour réduire son exposition aux Titres Tennor en raison de leur manque de liquidité. Comme cela a été exposé supra, cette situation n’a pas été prise en compte de façon appropriée par le processus de gestion des risques des Fonds H2O s’agissant du titre Chain Finance BV, que la société aurait dû considérer comme n’étant pas éligible. H2O ne peut donc légitimement invoquer ces difficultés pour justifier de la durée des dépassements de ratio s’agissant du titre Chain Finance BV qui concernent 4 des 6 dépassements mentionnés par les notifications de griefs. En outre, en ce qui concerne les dépassements de ratio relatifs aux titres La Perla Fashion Finance BV et Civitas Prop Fin, c’est- à-dire 2 des 6 dépassements mentionnés, H2O conclut ses explications en indiquant que « le dépassement n’a pu être régularisé ».

—  35 -

202. Par conséquent, aucun élément ne démontre une particulière diligence et réactivité de H2O pour remédier aux dépassements de ratio identifiés ci-dessus.

Sur l’inéligibilité des titres qui sont l’objet des dépassements de ratio

203. Comme l’indiquent les notifications de griefs, le manquement est d’autant plus grave qu’ils concernent les titres Chain Finance BV, Rubin Robotics, Civitas Prop Fin et La Perla Fashion Finance BV dont il a été démontré supra qu’ils n’étaient pas éligibles à l’actif des Fonds H2O.

Sur la poursuite par H2O de sa politique d’investissement dans les Titres Tennor

204. Les notifications de griefs considèrent que H2O a poursuivi sa politique d’investissement en ce qu’el e a « multiplié les transactions ayant pour sous-jacents des Titres Tennor en utilisant une catégorie particulière d’opération de financement sur titres, à savoir les B&S ». Le rapport de contrôle, auquel elles renvoient, indique au sujet de ces opérations que celles-ci, y compris les opérations de renouvellement (roll), « ont eu pour conséquence d’augmenter significativement l’exposition des fonds gérés par H2O au groupe Tennor dans la période postérieure à juin 2019 ».

205. Toutefois, les notifications de griefs, qui formulent cette critique de façon vague et générale, ne prétendent ni ne démontrent que ces opérations auraient eu une conséquence sur la situation de dépassement du ratio d’emprise qui fonde le manquement dont il s’agit d’apprécier la gravité, telle qu’une prolongation ou une aggravation de cette situation pour les fonds et les titres de créance concernés. Dès lors, ni les notifications de griefs ni le rapport de contrôle ne comportent d’éléments permettant de considérer que la décision de renouveler les opérations de B&S n’était pas un choix pertinent au regard de la situation de dépassement de ratio dans laquelle se trouvait H2O.

206. Par conséquent, l’insuffisance des notifications de griefs sur ce point ne permet pas de retenir que le manquement est d’autant plus grave que H2O a poursuivi sa politique d’investissement dans les Titres Tennor en multipliant les opérations de B&S ayant pour sous-jacents ces instruments.

5. Sur le grief relatif au non-respect des règles d’investissement applicables aux Fonds H2O dans le cadre des opérations de B&S ayant pour sous-jacents les Titres Tennor

5.1. Notifications de griefs

207. Les notifications de griefs relèvent qu’entre le 1er juin 2016 et le 16 janvier 2020, H2O a réalisé 873 opérations de B&S ayant pour sous-jacents 12 Titres Tennor (Avatera Medical NV, La Perla Fashion Holding NV FP, Amatheon FNCNG, Chain Finance BV, Civitas Prop Fin, Degros Holding, Everest Medtech, La Perla Fashion Finance BV, Rubin Robotics, SWB Finance BV, Tennor Finance et Trent Petroleum), pour le compte de 5 Fonds H2O (Adagio, Al egro, Moderato, Multibonds et Multistrategies).

208. En premier lieu, les notifications de griefs reprochent à H2O (i) l’absence de suivi formalisé et traçable de la gestion du risque de liquidité des Titres Tennor, comme l’atteste l’absence de prise en considération dans les procès- verbaux du comité d’investissement hebdomadaire du score quotidien, des résultats du stress test de liquidité et d’une analyse et d’un suivi de ces opérations ; (i ) le fait que les Titres Tennor n’aient pas fait l’objet d’une évaluation à une fréquence au moins quotidienne par H2O ou sa contrepartie afin de s’assurer qu’ils pouvaient être acceptés en tant que garantie financière ; et (i i) le fait que H2O n’ait pas été en mesure de produire des éléments attestant la qualité de crédit des émetteurs des Titres Tennor non cotés. El es concluent que H2O n’a pas pris en considération de manière appropriée les risques des opérations de B&S sur les Titres Tennor dans le cadre du processus de gestion des risques des Fonds H2O, dès lors que H2O ne vérifiait pas si les Titres Tennor donnés en garantie respectaient, par exemple, des critères relatifs à leur liquidité, à leur évaluation financière et à la qualité de crédit de leurs émetteurs, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 214-18, I du code monétaire et financier, éclairées par les paragraphes 18, 26, 34 et 35 de la position AMF n° 2013-06.

209. En deuxième lieu, les notifications de griefs reprochent à H2O d’avoir conclu 38 de ces opérations entre le 20 mars 2019 et le 18 juil et 2019 avec la contrepartie Shard Capital alors que H2O n’avait pas conclu avec celle-ci de convention cadre pour encadrer ce type d’opération avant le 19 juil et 2019, et d’avoir conclu 55 de ces

—  36 -

opérations entre le 30 août 2017 et le 7 novembre 2019 avec la contrepartie Quirin Bank alors que H2O n’a jamais conclu de convention cadre avec celle-ci. El es précisent que selon la procédure interne de H2O intitulée « Risk Controls Escalation and Monitoring of Risks » ces conventions cadres devaient prendre la forme d’un « Global Master Repurchase Agreement » (ci-après, « GMRA »). Elles concluent que H2O aurait méconnu l’article R. 214-18, III, 2° du code monétaire et financier.

210. En troisième lieu, les notifications de griefs reprochent à H2O de ne pas avoir prévu, dans les GMRA qui encadraient les autres opérations, la faculté pour les Fonds H2O de dénouer ces opérations à tout moment. El es critiquent en outre le fait que les Titres Tennor n’ont pas fait l’objet d’une évaluation fiable et vérifiable à une fréquence au moins quotidienne par H2O afin de s’assurer qu’ils pouvaient être acceptés en tant que garantie financière. El es concluent que H2O n’a pas respecté les règles de dénouement et d’évaluation applicables à ces opérations dès lors qu’aucune stipulation des GMRA ne prévoyait que les Fonds H2O pouvaient mettre fin à l’opération à tout moment et qu’aucun document produit par H2O ne permet d’attester que ces opérations avaient fait l’objet d’une évaluation fiable et vérifiable sur une base journalière, qui ne se fondait pas uniquement sur les prix de marché donnés par la contrepartie, en méconnaissance de l’article R. 214-18, III, 3° du code monétaire et financier.

211. En quatrième lieu, les notifications de griefs reprochent à H2O le fait qu’entre juin et octobre 2019, son outil de suivi des dépassements du risque de contrepartie a mis en évidence des dépassements importants et réguliers du seuil de 5 % de l’actif net de 5 Fonds H2O (Adagio, Al egro, Moderato, Multibonds et Multistrategies) liés à des opérations de B&S dont Shard Capital était la contrepartie. Elles concluent que H2O n’a pas pris en compte les opérations de B&S pour le calcul de l’exposition des Fonds H2O au risque de contrepartie sur un même contractant d’un maximum de 5 % de l’actif net des fonds, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 214-18, III, 3° du code monétaire et financier.

212. En cinquième lieu, les notifications de griefs reprochent à H2O de ne pas avoir été en mesure de justifier d’avoir mené une due diligence visant à s’assurer de la capacité de la contrepartie à honorer ses engagements de rachat des Titres Tennor à tout moment, comme le prévoyaient ses procédures internes.

213. Les notifications de griefs en concluent de façon générale que les 873 opérations de B&S ayant pour sous-jacents 11 Titres Tennor réalisées entre le 1er janvier 2017 et le 16 janvier 2020 pour le compte de 5 Fonds H2O n’étaient pas éligibles, de sorte que H2O aurait ainsi méconnu les dispositions des articles L. 214-21 et R. 214-18, II et III, du code monétaire et financier telles qu’éclairées par les paragraphes 18, 26, 34 et 35 de la position AMF n° 2013-06.

5.2. Observations des mis en cause

214. H2O formule en premier lieu des observations sur la façon dont elle a pris en compte les risques des opérations de B&S. En ce qui concerne le risque de liquidité, el e souligne que les Titres Tennor sous-jacents aux opérations de B&S n’étaient pas tous des titres non cotés et que « rien ne laissait penser [qu’ils] n’étaient pas suffisamment liquides pour constituer les sous-jacents d’opérations de BSB [B&S] ». Elle réitère par ailleurs ses observations en réponse au reproche relatif au non-respect des règles relatives à l’éligibilité des titres en lien avec la liquidité des Titres Tennor. El e rappelle en particulier avoir réalisé des stress tests quotidiens sur la liquidité de ces titres et précise avoir intégré les opérations de B&S dans son outil de contrôle de la liquidité à la fin de l’année 2019. En ce qui concerne l’évaluation, H2O explique que les opérations de B&S n’impliquent pas d’appels de marge mais que les parties peuvent convenir d’utiliser la méthode d’ajustement des prix (« repricing period ») consistant en l’ajustement périodique des montants relatifs de cash ou des garanties détenues par chaque partie. El e affirme également que les titres sous-jacents à ces opérations étaient évalués quotidiennement conformément à son dispositif de valorisation, en précisant que pour établir la valeur liquidative des Fonds H2O quotidiennement elle devait nécessairement valoriser ces instruments quotidiennement, y compris lorsqu’ils étaient les sous-jacents d’une opération de B&S. En ce qui concerne la prise en compte de la qualité de crédit de l’émetteur, H2O « ne conteste pas que les émetteurs des titres sous-jacents aux opérations de BSB n’avaient pas une excel ente qualité de crédit », mais elle explique qu’à partir d’août 2017 elle a reçu des garanties (col atéral) visant à réduire le risque de contrepartie et à protéger les Fonds H2O dans le cas où la valeur des titres sous-jacents aux opérations de B&S serait inférieure au prix de rachat convenu. El e affirme également que « le groupe Tennor ne constituait pas un tout indivisible et les Titres Liés à Tennor ne pouvaient tous être considérés comme ayant une qualité de crédit équivalente ».

—  37 -

215. H2O formule en deuxième lieu des observations sur l’exigence de conclure une convention cadre encadrant les opérations de B&S. Elle « ne conteste pas que, pour une faible part, des opérations de [B&S] ont eu lieu avant l’été 2019, en dehors de la conclusion d’un GMRA (y compris avec Quirin Bank) ». Selon elle, ces opérations ne représentent que 10 % des opérations de B&S conclues, de sorte que l’absence de conclusion d’une convention cadre dans ces cas « ne relève pas d’un manquement règlementaire systématique ou récurrent ». H2O fait également valoir que ces opérations ont été conclues avec des contreparties répondant aux critères de l’article R. 214-19 du code monétaire et financier. Elle explique par ail eurs avoir conclu des opérations de B&S avec Quirin Bank sans conclure de GMRA en 2019 car elle n’envisageait pas alors de conclure de tel es opérations avec cette contrepartie. El e fait valoir qu’après juin 2019 trois transactions seulement sont intervenues avec Quirin Bank pour l’acquisition d’obligations Trent Petroleum. H2O affirme qu’elle « a pu familièrement désigner ces transactions comme [B&S] (étant donné leur objectif et leur effet économique) » alors qu’el es « n’étaient pas juridiquement parlant des [B&S] mais plutôt des acquisitions à court terme » dès lors qu’elle n’a conclu que des acquisitions avec Quirin Bank, les ventes à terme ayant été conclues avec d’autres contreparties. Ainsi, il n’était pas nécessaire de conclure un GMRA pour ces trois opérations.

216. H2O formule en troisième lieu des observations sur les règles de dénouement et d’évaluation applicables aux opérations de B&S. El e soutient que les GMRA offraient la possibilité aux Fonds H2O de dénouer les opérations à tout moment à leur initiative dès lors que ces accords stipulaient que la Repurchase Date (date de rachat), c’est- à-dire la date de dénouement de l’opération, pouvait être déterminée par les Fonds H2O sur notification de leur part à l’autre partie (« on demand »). H2O précise toutefois avoir pris la décision stratégique de reconduire ces opérations pour donner aux contreparties un délai supplémentaire permettant de les honorer, et ce, dans l’intérêt des Fonds H2O. Par ail eurs, en ce qui concerne l’évaluation des opérations de B&S, H2O renvoie aux développements d’un rapport établi, à la demande de son conseil, par la société Sorgem Évaluation sur ses méthodes de valorisation (ci-après, le « Rapport Sorgem »).

217. H2O formule en quatrième lieu des observations sur l’exposition des Fonds H2O au risque de contrepartie. H2O soutient que les dépassements du ratio de 5 % en lien avec Shard Capital sont exclusivement liés à « une erreur de caractérisation de Shard Capital dans ses systèmes internes ». El e explique ainsi que cette contrepartie a été référencée comme étant un établissement de crédit de sorte que les alertes automatiques n’ont pas été générées lors du dépassement. H2O précise avoir spontanément informé la FCA et l’AMF de cette situation et du plan de régularisation le 15 octobre 2019. Selon elle, les dépassements concernant les fonds Moderato, Adagio, Multibonds et Al egro ont été régularisés, respectivement, les 22 juil et 2019, 9 octobre 2019, 18 octobre 2019 et 22 octobre 2019, bien que des « dépassements passifs » aient eu lieu pour certains Fonds H2O compte tenu de la baisse de valeur de leur actif net en raison de la crise sanitaire liée à la Covid-19.

5.3. Textes applicables

218. Les faits reprochés aux mis en cause se sont déroulés entre le 1er janvier 2017 et le 16 janvier 2020. Ils seront en conséquence examinés à la lumière des textes applicables pendant cette période.

219. L’article L. 214-21 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur depuis le 28 juil et 2013, dispose que : « Dans des conditions et limites fixées par décret en Conseil d’Etat, un OPCVM peut procéder à des acquisitions et cessions temporaires d’instruments financiers et à des emprunts d’espèce ».

220. L’article R. 214-18 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur depuis le 31 juil et 2013, dispose que : « I. – Un OPCVM peut recourir aux techniques et aux instruments qui portent sur des titres financiers éligibles et des instruments du marché monétaire, et notamment à des opérations de pension, à des opérations assimilées d’acquisition ou de cession temporaire de titres, pour autant que ces techniques et ces instruments soient employés aux fins d’une gestion efficace du portefeuil e. / En aucun cas, ces techniques et instruments n’amènent l’OPCVM à s’écarter de ses objectifs d’investissement tels qu’exposés dans le règlement du fonds, les statuts de la SICAV, ou dans le prospectus de l’OPCVM. / II. – Les techniques et instruments mentionnés au I satisfont aux critères suivants : […] 3° Les risques qu’ils comportent sont pris en considération de manière appropriée par le processus de gestion des risques de l’OPCVM. / III. – Les opérations mentionnées au I satisfont en outre aux critères suivants : 1° El es sont réalisées avec une personne mentionnée au deuxième alinéa du II de l’article R. 214-19 ; 2° Elles sont régies par une convention cadre mentionnée aux articles L. 211-36 et L. 211-36-1 ; 3° El es doivent respecter

—  38 -

les règles de dénouement fixées au 3° de l’article R. 214-15. / El es doivent être prises en compte pour l’application des règles générales de composition de l’actif, des ratios d’emprise, et des règles de calcul du risque global définies à la présente sous-section ; en outre l’exposition de l’organisme au risque de contrepartie sur un même cocontractant résultant de ces opérations est cumulée avec celle résultant des contrats financiers de gré à gré conclus avec ce même cocontractant pour l’appréciation des limites prévues au III de l’article R. 214-21 ».

221. Il convient également de mentionner les articles R. 214-19, L. 211-36, L. 211-36-1, R. 214-15 et R. 214-21 du code monétaire et financier auxquels l’article R. 214-18 précité renvoie.

222. L’article R. 214-19, II, deuxième alinéa du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur entre le 6 novembre 2014 et le 24 octobre 2019, non modifiée depuis sur ce point, dispose que : « L’OPCVM ne peut recevoir des garanties que si elles lui sont octroyées par […] un établissement de crédit dont le siège est établi dans un État membre de l’Organisation de coopération et de développement économique […] ».

223. L’article L. 211-36 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur entre le 11 décembre 2016 et le 2 janvier 2018, dispose que : « I. – Les dispositions du présent paragraphe sont applicables : / 1° Aux obligations financières résultant d’opérations sur instruments financiers lorsque l’une au moins des parties à l’opération est un établissement de crédit, une société de financement, un prestataire de services d’investissement, un établissement public, une col ectivité territoriale, une institution, une personne ou entité bénéficiaire des dispositions de l’article L. 531-2, une chambre de compensation, un établissement non résident ayant un statut comparable, une organisation ou organisme financier international dont la France ou l’Union européenne est membre […]. ». Dans sa rédaction en vigueur à compter du 3 janvier 2018, non modifiée depuis sur ce point, cet article exclut les sociétés de gestion de portefeuil e de son champ d’application : « I. – Les dispositions du présent paragraphe sont applicables : / 1° Aux obligations financières résultant d’opérations sur instruments financiers lorsque l’une au moins des parties à l’opération est un établissement de crédit, une société de financement, un prestataire de services d’investissement autre qu’une société de gestion de portefeuil e, un établissement public, une collectivité territoriale, une institution, une personne ou entité bénéficiaire des dispositions de l’article L. 531-2, une chambre de compensation, un établissement non résident ayant un statut comparable, une organisation ou organisme financier international dont la France ou l’Union européenne est membre […]. ».

224. L’article L. 211-36-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur depuis le 11 décembre 2016, dispose que : « I. – Les conventions relatives aux obligations financières mentionnées à l’article L. 211-36 sont résiliables, et les dettes et les créances afférentes sont compensables entre toutes les parties. Les parties peuvent prévoir l’établissement d’un solde unique, que ces obligations financières soient régies par une ou plusieurs conventions ou conventions-cadres. / II. – Les modalités de résiliation, d’évaluation et de compensation des opérations et obligations mentionnées à l’article L. 211-36 et au présent article sont opposables aux tiers. Ces modalités peuvent être notamment prévues par des conventions ou conventions-cadres. Toute opération de résiliation, d’évaluation ou de compensation faite en raison d’une procédure civile d’exécution ou de l’exercice d’un droit d’opposition est réputée être intervenue avant cette procédure ».

225. L’article R. 214-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur du 31 juil et 2013 au 2 janvier 2018, non modifiée sur ces points depuis, dispose que : « Un OPCVM peut conclure des contrats financiers mentionnés au 5° du I de l’article L. 214-20 conclus sur les marchés mentionnés aux 1°, 2° ou 3° du I de l’article R. 214-11 ou négociés de gré à gré, aux conditions suivantes : […] / 3° Ils peuvent, à l’initiative de l’OPCVM, être à tout moment vendus, liquidés ou clôturés par une opération symétrique, à leur valeur de marché, et font l’objet d’une évaluation fiable et vérifiable sur une base journalière, qui ne se fonde pas uniquement sur les prix de marché donnés par la contrepartie et qui satisfait aux critères suivants : / a) l’évaluation se fonde sur une valeur de marché actuelle, qui a été établie de manière fiable pour l’instrument ou, si une telle valeur n’est pas disponible, sur un modèle de valorisation utilisant une méthode reconnue et appropriée ; / b) la vérification de l’évaluation est effectuée par l’une des entités suivantes : / i) un tiers approprié, indépendant du cocontractant, qui procède à la vérification selon une fréquence adéquate et des modalités telles que l’OPCVM peut le contrôler ; / ii) un service de l’OPCVM qui est indépendant des fonctions opérationnelles et en mesure de procéder à cette vérification ».

226. L’article R. 214-21 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur du 1er janvier 2014 au 7 juil et 2018, non modifiée depuis sur ce point, dispose que : « […] Le risque de contrepartie de l’OPCVM sur un même cocontractant résultant de contrats financiers de gré à gré ne peut excéder 10 % de ses actifs lorsque le

—  39 -

cocontractant est un établissement de crédit mentionné au deuxième alinéa du II de l’article R. 214-19 et 5 % dans les autres cas ».

227. Enfin, il convient de mentionner l’article 3 du règlement (UE) 2015/2365 du 25 novembre 2015 relatif à la transparence des opérations de financement sur titres et de la réutilisation, applicable à compter du 12 janvier 2016, qui dispose que : « Aux fins du présent règlement, on entend par : […] / 8) « opération d’achat-revente » ou « opération de vente-rachat », une opération par laquelle une contrepartie achète ou vend des titres […] en convenant, respectivement, de revendre ou de racheter à une date ultérieure des titres […] de même description à un prix convenu, cette opération constituant une opération d’achat-revente pour la contrepartie qui achète les titres […] et une opération de vente-rachat pour la contrepartie qui les vend, cette opération d’achat-revente ou de vente- rachat n’étant pas régie par un accord de mise ou de prise en pension de titres au sens du point 9) ; […] / 11) « opération de financement sur titres » : […] c) une opération d’achat-revente ou une opération de vente-rachat ; ». 5.4. Examen du grief

228. H2O conteste, à titre liminaire, le nombre d’opérations de B&S retenu par les notifications de griefs sans toutefois indiquer le nombre qu’il conviendrait de retenir selon elle. El e renvoie à cet égard au Rapport Sorgem selon lequel « l’AMF semble surévaluer d’un facteur x2 le nombre d’opérations de BSB [B&S] […] dans la mesure où elle dénombre une opération pour la jambe « buy » (achat au comptant) et un autre pour la jambe « sel » (vente à terme) ». S’il apparaît que les notifications de griefs ont comptabilisé le nombre d’opérations d’achat ou de vente prises isolément et non le nombre d’opérations d’achat-vente combinées, il n’y a toutefois pas d’erreur de comptabilisation puisque H2O a bien réalisé 873 opérations d’achat ou de vente dans le cadre d’opérations de B&S, ce qui correspond environ à 436 opérations d’achat-vente combinées constitutives d’une opération de B&S dénouée.

229. Le Rapport Sorgem indique par ail eurs, d’une part, que les notifications de griefs comptabilisent comme opérations de B&S des opérations qui ne sont en réalité que des opérations de réception d’« extra-col atéral », c’est-à-dire de réception, à titre de garantie supplémentaire, d’actifs autres que les actifs sous-jacents à l’opération et, d’autre part, qu’el es comptabilisent des opérations qui ne sont que des opérations de reconduction d’une précédente opération de B&S (« roll »). Toutefois, il apparaît que la réception d’« extra-collatéral » consistait en la conclusion, concomitamment, d’un achat de l’actif pris en garantie supplémentaire et d’une vente à terme de ce même actif, de sorte qu’il s’agissait bien d’opérations de même nature, bien qu’elles aient été conclues à un prix nul. De plus, en reconduisant des opérations de B&S, H2O prenait la décision, de façon active, de maintenir son exposition résultant de ces opérations, de sorte que ces opérations de reconduction, qui traduisent sa politique d’investissement, doivent être prises en compte.

230. Les opérations de B&S ayant pour sous-jacents les Titres Tennor consistaient pour les Fonds H2O à acheter immédiatement un Titre Tennor à une contrepartie en convenant concomitamment avec cel e-ci qu’el e rachète les titres à une date ultérieure, de sorte qu’elles peuvent être qualifiées d’opérations d’achat-revente au sens de l’article 3 (8) du règlement n° 2015/2365 précité. El es peuvent également être qualifiées d’opérations de financement sur titres puisque l’article 3 (11) de ce même règlement dispose que les opérations d’achat-revente sont des opérations de financement sur titres. Le considérant n° 15 du règlement n° 2015/2365 précise également que « les opérations de financement sur titres sont largement utilisées par les gestionnaires d’organismes de placement col ectif pour une gestion efficace du portefeuil e ».

231. Ces opérations relèvent donc des techniques de gestion efficace de portefeuil e et entrent bien, à ce titre, dans le champ de l’article R. 214-18 du code monétaire et financier, qui fonde le grief en l’espèce, celui-ci étant relatif « aux techniques et aux instruments […] employés aux fins d’une gestion efficace du portefeuil e ». El es entrent également dans le champ de la position AMF n° 2013-06 qui a pour objet de reprendre les orientations de l’ESMA (ESMA/2012/832FR et ESMA/2014/937FR) relatives aux « règles spécifiques que les OPCVM doivent appliquer lorsqu’ils ont recours à […] des techniques de gestion efficace de portefeuil e ».

—  40 -

5.4.1. Sur la prise en compte par H2O des risques des opérations de B&S ayant pour sous-jacents les Titres Tennor

232. Selon l’article R. 214-18 du code monétaire et financier, les techniques de gestion efficace de portefeuil e doivent respecter les règles de dénouement fixées au 3° de l’article R. 214-15 du même code selon lequel l’OPCVM doit pouvoir, à son initiative et à tout moment, vendre, liquider ou clôturer les contrats financiers conclus, à leur valeur de marché. Dans cette perspective, la position AMF n° 2013-06 précise, en ses paragraphes 34 et 35, que les actifs reçus par les OPCVM dans le cadre des techniques de gestion efficace de portefeuil e doivent répondre à certains critères de liquidité, d’évaluation et de qualité de crédit, lesquels doivent être regardés comme la prise en considération des risques mentionnés à l’article R. 214-18, II, 3°, lequel impose de les prendre en compte de façon appropriée par le processus de gestion des risques de l’OPCVM lorsqu’il a recours à de telles techniques.

233. En l’espèce, les notifications de griefs, reprochent à H2O le fait qu’el e n’aurait pas vérifié si les Titres Tennor sous-jacents aux opérations de B&S respectaient ces critères de liquidité, d’évaluation financière et de qualité de crédit. Ces trois points seront examinés ci-après.

Sur le respect du critère de liquidité

234. Les articles R. 214-15 et R. 214-18 du code monétaire et financier sont éclairés par la position AMF n° 2013-06 en ses paragraphes 34 et 35 selon lesquels « tous les actifs reçus par l’OPCVM dans le cadre des techniques de gestion efficace de portefeuil e doi[vent] être très liquide[s] et se négocier sur un marché réglementé ou dans un système de négociation multilatérale à des prix transparents, de sorte qu’[ils] puisse[nt] être vendu[s] rapidement à un prix proche de l’évaluation préalable à la vente ».

235. En l’espèce, il a été expliqué supra que les opérations de B&S consistaient pour les Fonds H2O à acquérir des Titres Tennor tout en convenant de les revendre à terme, les titres acquis jouant, selon H2O, le rôle de « garantie intrinsèque » puisque « si la vente […] n’est pas honorée […] alors [l’acquéreur] conserve les actifs, qu’il peut ensuite revendre sur le marché ». H2O a par ail eurs précisé qu’en acquérant les Titres Tennor objet des opérations de B&S, les Fonds H2O devenaient bien les propriétaires de ces actifs. Il est donc établi que les Titres Tennor sous-jacents aux opérations de B&S étaient bien reçus par les Fonds H2O à titre de garantie de ces opérations.

236. Par conséquent, ces titres devaient présenter des caractéristiques, notamment de liquidité, de nature à permettre aux opérations de B&S dont ils constituaient les sous-jacents d’être, à l’initiative des Fonds H2O, et à tout moment, vendues, liquidées ou clôturées à leur valeur de marché conformément à l’exigence résultant de la combinaison des articles R. 214-18 et R. 214-15 du code monétaire et financier. Ces titres sous-jacents devaient donc être suffisamment liquides et se négocier sur un marché règlementé ou un système de négociation multilatérale afin de pouvoir être vendus rapidement en cas de défaut de la contrepartie des opérations de B&S.

237. Or il a été établi ci-dessus que l’ensemble des Titres Tennor, cotés ou non, ne répondaient pas à ces caractéristiques mais étaient au contraire hautement il iquides, ce que reconnaît d’ail eurs H2O qui leur attribuait le moins bon score de liquidité. Il ressort du dossier que 5 titres sur les 12 mentionnés par les notifications de griefs (Avatera Medical, Chain Finance, Degros Holding, Everest Medtech et Rubin Robotics) ne sont pas cotés. D’une manière générale, les difficultés auxquelles a fait face H2O pour réduire son exposition aux Titres Tennor, décrites ci-dessus dans le cadre de l’examen du grief relatif au non-respect des règles d’éligibilité des titres en lien avec la liquidité des Titres Tennor, démontrent que ces actifs ne pouvaient pas être vendus rapidement ou à tout moment.

238. Par conséquent, c’est de façon superfétatoire que les notifications de griefs se réfèrent aux lacunes des procès-verbaux du comité d’investissement hebdomadaire quant à la prise en compte du risque de liquidité. C’est donc également de façon injustifiée que H2O prétend qu’el e prenait bien en compte ce critère de liquidité dans le cadre de stress tests. Il sera relevé, de surcroît, qu’el e indique elle-même n’avoir intégré les B&S dans son outil de contrôle de la liquidité qu’à « la fin de 2019 », sans fournir de date précise et en renvoyant à un fichier Excel non daté. 239. Ainsi, il ne peut qu’être constaté que H2O n’a pas pris en compte de façon appropriée le risque de liquidité que comportaient les opérations de B&S ayant pour sous-jacents les Titres Tennor.

—  41 -

Sur le respect du critère d’évaluation financière

240. Les articles R. 214-15 et R. 214-18 du code monétaire et financier sont éclairés par la position AMF n° 2013-06 en ses paragraphes 34 et 35 selon lesquels « tous les actifs reçus par l’OPCVM dans le cadre des techniques de gestion efficace de portefeuil e doivent […] faire l’objet d’une évaluation à une fréquence au moins quotidienne », ce qui, selon les notifications de griefs, n’était pas le cas pour les Titres Tennor sous-jacents aux opérations de B&S.

241. Si H2O affirme au contraire que ces instruments étaient valorisés quotidiennement, el e se contente sur ce point, en réponse à la notification de griefs, d’un renvoi aux développements du Rapport Sorgem qui n’évoque pourtant que le sujet de la valorisation des opérations de B&S, et non le sujet, distinct selon H2O elle-même, de la valorisation des titres sous-jacents à ces opérations, étant observé que le Rapport Sorgem n’évoque de surcroît qu’un « suivi mensuel » et non quotidien de cette valeur. À la suite de son audition par le rapporteur, H2O n’a apporté aucun élément complémentaire de nature à démontrer qu’elle valorisait quotidiennement les titres Tennor sous-jacents aux opérations de B&S.

242. En réponse au rapport du rapporteur H2O affirme que pour établir la valeur liquidative des Fonds H2O quotidiennement elle devait nécessairement valoriser ces instruments quotidiennement, y compris lorsqu’ils étaient les sous-jacents d’une opération de B&S. El e communique également trois exemples des « price lists » dont elle affirme qu’elles étaient établies quotidiennement (29 mars 2019, 4 juil et 2019 et 22 octobre 2019).

243. Toutefois, H2O n’apporte toujours aucun élément de nature à démontrer qu’el e a effectué quotidiennement des diligences de valorisation des Titres Tennor sous-jacents aux opérations de B&S. De façon générale, les seuls éléments du dossier relatifs aux diligences accomplies par H2O à l’époque des faits reprochés pour ce qui concerne la valorisation des titres Tennor sont les procès-verbaux du comité de valorisation qui ne se tenait qu’à une fréquence hebdomadaire. Il peut également être noté que l’audit mené par KPMG au mois de février 2020, qui porte spécifiquement sur le processus de valorisation des Titres Tennor, indique, s’agissant de la fréquence de mise à jour de la « fair value » (qui sert à déterminer la valorisation des titres Tennor comme exposé supra), que celle-ci est mensuel e ou réalisée lorsque de nouvelles informations sont disponibles (« Update frequency : monthly or when new information »), ce qui corrobore le fait que les titres Tennor ne faisaient pas l’objet d’une valorisation à une fréquence quotidienne.

244. Par conséquent, il est établi que les titres Tennor sous-jacents aux opérations de B&S ne faisaient pas l’objet d’une évaluation à une fréquence au moins quotidienne.

Sur le critère de la qualité de crédit

245. Les articles R. 214-18 et R. 214-15 du code monétaire et financier sont éclairés par la position AMF n° 2013-06 en ses paragraphes 34 et 35 selon lesquels la qualité de crédit des émetteurs des actifs reçus en garantie dans le cadre d’une opération de gestion efficace du portefeuil e doit être « excellente ».

246. H2O ne conteste pas le fait, reproché par les notifications de griefs, qu’elle n’a pas été en mesure de produire des documents attestant de la qualité de crédit des émetteurs des Titres Tennor. Au contraire, elle admet en réponse au rapport du rapporteur que « les émetteurs des titres sous-jacents aux opérations de BSB [B&S] n’avaient pas une excel ente qualité de crédit ». En réponse à la notification de griefs, el e expliquait par ail eurs elle-même qu’elle considérait que ces instruments relevaient de la qualité de crédit « Speculative grade ». En outre, dans le cadre du score de liquidité, H2O attribuait aux Titres Tennor le score attribué aux titres les moins bien notés par les agences de notation. El e indique également avoir fait face aux « difficultés de Tennor à honorer ses engagements et obligations » et évoque « le fait qu’il y ait pu avoir des retards, des défauts dans le règlement et d’autres difficultés associées aux investissements sur les Titres Liés à Tennor », ce qui corrobore le fait que la qualité de crédit des émetteurs des Titres Tennor était mauvaise.

247. Le fait que H2O ait « demandé en garantie [des opérations de B&S litigieuses] ce qu’elle a considéré comme étant les meil eurs actifs du groupe Tennor » n’était pas de nature à influer sur la qualité de crédit de l’émetteur des Titres Tennor sous-jacents à ces opérations, d’autant moins que ces actifs pris en garantie étaient également émis par le groupe Tennor dont la qualité de crédit était mauvaise, et en tout état de cause non « excellente ». Par ail eurs, si,

—  42 -

en réponse au rapport du rapporteur, H2O affirme que « le groupe Tennor ne constituait pas un tout indivisible » et que, par conséquent, les titres sous-jacents « ne pouvaient tous être considérés comme ayant une qualité de crédit équivalente », il y a lieu de constater qu’elle ne fournit aucun élément permettant d’étayer ces différences alléguées de qualité de crédit. En tout état de cause, à supposer que ces différences existent, elles sont sans incidence dès lors que ces qualités de crédit, dont H2O reconnait qu’elles étaient mauvaises, étaient insuffisantes pour que les titres puissent être vendus, à l’initiative des fonds, et à tout moment à leur valeur de marché.

248. Par conséquent, il est établi que les opérations de B&S ayant pour sous-jacents les Titres Tennor n’étaient pas éligibles en raison de l’insuffisance de la qualité de crédit des émetteurs des actifs.

5.4.2. Sur le respect de l’exigence de conclure une convention cadre entre les Fonds H2O et les contreparties des opérations de B&S ayant pour sous-jacents les Titres Tennor

249. L’article R. 214-18 du code monétaire et financier exige que les opérations de gestion efficace du portefeuil e soient régies par une convention cadre mentionnée aux articles L. 211-36 et L. 211-36-1 du même code. Le premier de ces articles se réfère aux obligations financières résultant d’opérations sur instruments financiers dont l’une des parties au moins est, notamment, un établissement de crédit, ce qui est le cas de la société Quirin Bank, ou un prestataire de services d’investissement (autre qu’une société de gestion de portefeuil e à compter du 3 janvier 2018), ce qui est le cas de la société Shard Capital agréée par la FCA pour fournir plusieurs services d’investissement, et qui n’est pas une société de gestion de portefeuil e. Le second évoque l’encadrement de telles opérations par des conventions cadres en précisant notamment qu’elles doivent être résiliables.

250. La procédure interne de H2O intitulée « Risk Controls Escalation and Monitoring of Risks » précisait que les opérations de B&S devaient être encadrées par un GMRA.

251. H2O a effectué 55 opérations d’acquisition ou de vente de Titres Tennor dans le cadre d’opérations de B&S conclues avec Quirin Bank entre le 30 août 2017 et le 7 novembre 2019 alors, comme el e l’admet expressément, qu’elle n’a jamais conclu de GMRA avec cette contrepartie. H2O n’étaye pas le fait que les ventes à terme correspondant à 3 opérations d’acquisition auprès de Quirin Bank après le mois de juin 2019 ont été conclues auprès d’autres contreparties. En tout état de cause, à supposer que l’on puisse considérer qu’il ne s’agirait pas d’opérations de B&S à ce motif, il reste 52 opérations de B&S conclues avec cette contrepartie qui n’étaient pas encadrées par un GMRA.

252. H2O a également effectué 38 opérations d’acquisition ou de vente de Titres Tennor dans le cadre d’opérations de B&S conclues avec Shard Capital entre le 20 mars et le 18 juil et 2019, alors qu’elle n’a conclu un GMRA avec cette contrepartie que le 19 juil et 2019.

253. H2O « ne conteste pas que, pour une faible part, des opérations de BSB ont eu lieu avant l’été 2019, en dehors de la conclusion d’un GMRA ». Ses observations se bornent ensuite à exposer les motifs justifiant, selon elle, de l’intérêt de ces opérations pour les Fonds H2O, ce qui n’est pas de nature à remettre en cause l’analyse qui précède. Par ail eurs, le fait invoqué par H2O que l’absence de conclusion de conventions cadres « ne relève pas d’un manquement règlementaire systématique ou récurrent » au regard de la proportion des opérations concernées n’est pas de nature à faire obstacle à la caractérisation du grief.

254. Il est donc établi que H2O a effectué 93 opérations d’acquisition ou de vente de Titres Tennor dans le cadre d’opérations de B&S qui n’étaient pas encadrées par un GMRA entre le 30 août 2017 et le 18 juil et 2019.

5.4.3. Sur le respect des règles de dénouement et d’évaluation des opérations de B&S ayant pour sous-jacents les Titres Tennor

Sur les règles de dénouement

255. L’article R. 214-18 du code monétaire et financier impose que les conventions qui encadrent les opérations de gestion efficace de portefeuil e respectent les règles de dénouement fixées à l’article R. 214-15 du même code selon lequel les OPCVM doivent pouvoir, à leur initiative et à tout moment, clôturer l’opération.

—  43 -

256. Selon les notifications de griefs, et le rapport de contrôle auquel elles renvoient, les conventions cadres conclues entre H2O et les contreparties des opérations de B&S ayant pour sous-jacents les Titres Tennor ne prévoyaient pas la possibilité pour les Fonds H2O de dénouer ces opérations à tout moment car « le paragraphe 3. (d) de l’annexe [de ces conventions] dédiée aux opérations de B&S indique que les « Buy/Sel Back Transactions shall not be terminable on demand » (ce qui peut être traduit par : « les opérations de Buy/Sell Back ne sont pas résiliables sur demande »). H2O conteste ce point en invoquant l’article 2 (p) de l’annexe I des GMRA qui autoriserait les Fonds H2O à résilier l’opération en déterminant la date de rachat sur notification de leur part.

257. Ces conventions, conclues avec les contreparties Shard Capital, Merit Capital et Brandon Hil , sont identiques. El es sont chacune constituées de plusieurs accords dont la structure est la suivante : (i) un contrat global correspondant à un modèle datant de 2000, publié par l’International Capital Market Association, prévoit la possibilité pour les parties de conclure différents types de transactions consistant pour une partie à vendre à l’autre des instruments financiers en convenant simultanément d’un rachat de ces instruments à une date ultérieure (i ) l’annexe I de ce contrat global adapte ce modèle à la volonté des parties pour l’ensemble des opérations prévues par ce contrat en modifiant ou supprimant certaines stipulations du modèle (iii) d’autres annexes spécifiques à un type d’opération, telle que les opérations de B&S, fixent les conditions particulières de ces opérations (iv) chaque opération effectivement réalisée dans le cadre de ces accords fait l’objet d’une confirmation écrite (« trade confirmation »).

258. Le contrat global prévoit que le dénouement de l’opération, qui s’entend du rachat de l’instrument par le vendeur initial, a lieu soit sur demande de l’une des parties, à la date fixée dans cette demande (« on demand transactions ») soit à une date déterminée dès le moment de la conclusion de l’opération (« fixed term »). Les annexes dédiées à un type d’opération particulier précisent l’option retenue à cet égard. Le contrat global prévoit également que la date de dénouement (« repurchase date ») doit être indiquée dans la confirmation de l’opération, sauf s’il s’agit d’une opération pouvant être dénouée sur demande, ce que la confirmation doit également mentionner.

259. Par conséquent, si, comme le relève H2O, l’article 2 (p) de l’annexe I du contrat global prévoit que la date de dénouement correspond soit à celle qui a été convenue entre les parties, soit à la date déterminée dans la notification d’une partie à l’autre, il y a lieu de constater, au regard de ce qui précède, qu’il ne s’agit là que d’une définition ayant vocation à s’appliquer à l’ensemble des opérations qu’encadrent ces accords contractuels, dont certaines peuvent être dénouées sur demande de l’une des parties, d’autres non. Or, s’agissant en particulier des opérations de B&S, l’annexe dédiée (« Buy/Sell Back Annex – Supplemental terms and conditions for Buy/Sell Back Transactions ») prévoit que les opérations de Buy/Sell Back ne sont pas résiliables sur demande de l’une des parties (« Buy/Sell Back Transactions shall not be terminable on demand »), et précise, de surcroît, qu’en cas de conflit entre les termes de cette annexe et ceux du reste de l’accord, les premiers prévalent. Le fait que les confirmations des opérations de B&S litigieuses en l’espèce ne mentionnent pas qu’elles puissent être dénouées sur demande, comme le prévoit le contrat global dans un tel cas, et qu’el es fixent au contraire une date de dénouement (« settlement date »), corrobore ce qui précède.

260. En tout état de cause, à supposer que l’on retienne l’analyse de H2O selon laquel e l’article 2 (p) de l’annexe I du contrat global prévoit également qu’il prévaut sur l’ensemble des autres stipulations de l’accord et sur les termes des confirmations d’opérations, cette analyse ne peut mener, tout au plus, qu’à la conclusion que les différentes stipulations de cet accord se contredisent sur la question du dénouement, de sorte qu’elle ne permet pas de considérer que ce contrat autorisait les fonds à dénouer les opérations à tout moment.

261. Il est donc établi que les opérations de B&S ayant pour sous-jacents les Titres Tennor n’étaient pas éligibles à défaut d’avoir été conclues dans le cadre de conventions respectant les règles de dénouement fixées à l’article R. 214-15 du code monétaire et financier.

Sur les règles d’évaluation

262. La critique des notifications de griefs porte, dans leur partie intitulée, « Exposé des faits », sur l’absence de valorisation quotidienne des Titres Tennor sous-jacents aux opérations de B&S, alors qu’elle porte sur le sujet distinct de la valorisation de ces opérations dans leur partie intitulée « Caractérisation du grief n°3 » qui, en outre, ne fait que citer sur ce point sans autre précision l’article R. 214-15, 3° du code monétaire et financier selon lequel

—  44 -

un OPCVM peut conclure des contrats financiers s’ils « font l’objet d’une évaluation fiable et vérifiable sur une base journalière, qui ne se fonde pas uniquement sur les prix de marché donnés par la contrepartie ».

263. Or, il n’est pas possible, d’une part, de déterminer, si les notifications de griefs reprochent l’absence d’évaluation fiable, l’absence d’évaluation vérifiable, l’absence d’évaluation « sur une base journalière », le fait que l’évaluation était fondée uniquement sur les prix de marché donnés par la contrepartie, ou si le reproche porte sur l’ensemble de ces éléments ou sur une combinaison de ceux-ci et, d’autre part, de comprendre pourquoi el es considèrent que l’évaluation par H2O des opérations de B&S ne satisfaisait pas à une ou plusieurs de ces exigences, de sorte qu’en l’absence de toute précision des notifications de griefs et du rapport de contrôle quant aux éléments de fait sur lesquels le reproche est fondé, celui-ci n’est pas intelligible.

264. En outre, le grief est uniquement fondé sur les dispositions des articles L. 214-21 et R. 214-18, II et III du code monétaire et financier « telles qu’éclairées par les paragraphes 18, 26, 34 et 35 de la position AMF-2013-06 », alors qu’aucune de ces dispositions n’impose, que ce soit directement ou par renvoi, de règles relatives à la valorisation de ce type d’opération. L’article R. 214-18 du code monétaire et financier, en particulier, ne renvoie à l’article R. 214-15 du même code qu’en ce qui concerne les règles de dénouement des conventions cadres et non les règles de valorisation.

265. Cette critique ne peut donc qu’être écartée. 5.4.4. Sur la prise en compte des opérations de B&S pour le calcul de l’exposition maximale de 5 % au risque de contrepartie sur un même cocontractant

266. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles R. 214-18, III, R. 214-19, II et R. 214-21, III du code monétaire et financier, précitées, que l’exposition des OPCVM au risque de contrepartie sur un même cocontractant résultant des opérations employées aux fins d’une gestion efficace du portefeuil e, tel es que les opérations de B&S, est de 10 % lorsque la contrepartie est un établissement de crédit dont le siège est établi dans un État membre de l’OCDE, et de 5 % dans les autres cas.

267. En l’espèce, Shard Capital, qui est la contrepartie objet de la critique des notifications de griefs, n’était pas un établissement de crédit. Ce point n’est pas contesté par H2O qui affirme justement avoir référencé par erreur Shard Capital comme étant un établissement de crédit. Les opérations de B&S conclues avec Shard Capital devaient donc respecter le ratio de contrepartie fixé à 5 % de l’actif des Fonds H2O.

268. Or, l’annexe 40 au rapport de contrôle permet de constater que ce ratio a été dépassé (i) pour le fonds Adagio, entre le 9 août 2019 (5,35 % de l’actif exposé) et le 12 août 2019, puis de nouveau entre le 19 août 2019 et le 8 octobre 2019 (entre 5,07 % et 8,53 % de l’actif exposé) (i ) pour le fonds Moderato, entre le 21 juin 2019 et le 17 juil et 2019 (entre 5,20 % et 6,32 % de l’actif exposé) puis le 19 juil et 2019 (5,01 %) (i i) pour le fonds Multibonds, entre le 19 juin 2019 et le 17 octobre 2019 (entre 5,63 % et 16,04 % de l’actif exposé) et (iv) pour le fonds Al egro, entre le 21 juin 2019 et le 21 octobre 2019 (entre 5,03 % et 14,99 % de l’actif exposé). En revanche, il n’a pas été dépassé pour le fonds Multistrategies au cours de la période des faits reprochés (entre le 1er janvier 2017 et le 16 janvier 2020) contrairement à ce qu’affirment les notifications de griefs.

269. Il peut être relevé que la surexposition des fonds Adagio, Moderato, Multibonds et Al egro a été ininterrompue pour un ou plusieurs d’entre eux sur la période comprise entre le 19 juin 2019 et le 21 octobre 2019, soit plus de 4 mois.

270. Le fait allégué que ces dépassements soient liés à une erreur de référencement de Shard Capital en tant qu’établissement de crédit, ou le fait que H2O en ait spontanément informé l’AMF, ne peuvent avoir d’incidence sur la caractérisation du manquement, qui est objectif. En tout état de cause, si cette contrepartie avait été un établissement de crédit le ratio aurait été fixé à 10 %. Or, l’exposition a atteint plus de 16 % pour le fonds Multibonds et près de 15 % pour le fonds Al egro, de sorte que cette explication ne peut être retenue. Par ail eurs, si H2O a informé l’AMF de cette situation le 15 octobre 2019, cette information a été communiquée après que la division agréments et suivi de l’AMF lui a demandé, le 9 septembre 2019, de l’informer d’éventuels dépassements de ratios, de sorte que cette démarche ne peut, contrairement à ce que prétend H2O, être qualifiée de spontanée.

—  45 -

271. Par conséquent, il est établi que 4 Fonds H2O (et non 5 comme l’indiquent les notifications de griefs) n’ont pas respecté le ratio de contrepartie de 5 % fixé par l’article R. 214-21 du code monétaire et financier, auquel renvoie l’article R. 214-18 du même code, entre le 19 juin 2019 et le 21 octobre 2019.

272. Au regard de l’ensemble de ce qui précède, il est établi qu’entre le 1er janvier 2017 et le 16 janvier 2020, les opérations de B&S ayant pour sous-jacents 12 Titres Tennor (et non 11 comme indiqué par les notifications de griefs par une erreur de plume manifeste dans leur partie consacrée à la caractérisation du grief) réalisées pour le compte de 5 Fonds H2O n’étaient pas éligibles car (i) H2O n’avait pas pris en compte de façon appropriée le risque de ces opérations lié au fait que les titres sous-jacents n’étaient pas suffisamment liquides, qu’ils étaient émis par des émetteurs ayant une mauvaise qualité de crédit et qu’ils ne faisaient pas l’objet d’une évaluation à une fréquence au moins quotidienne, de sorte que ces opérations de B&S ne pouvaient être, à l’initiative des Fonds H2O, et à tout moment, vendues, liquidées ou clôturées à leur valeur de marché, en contrariété avec l’exigence qui résulte de la combinaison des articles R. 214-18 et R. 214-15 du code monétaire et financier ; (i ) certaines de ces opérations de B&S n’étaient pas encadrées par une convention cadre ou, lorsqu’elles l’étaient, n’étaient pas encadrées par des conventions respectant les règles de dénouement fixées à l’article R. 214-15 du code monétaire et financier ; et (iii) certaines de ces opérations de B&S n’étaient pas prises en compte pour le calcul de l’exposition maximale de 5 % au risque de contrepartie sur un même cocontractant.

273. En revanche, la critique relative aux lacunes dans l’évaluation de ces opérations est écartée, ce qui ne remet toutefois pas en cause la caractérisation du manquement dans son ensemble sur le fondement des constats énoncés ci-dessus.

274. Par conséquent, le manquement tiré de la méconnaissance des articles L. 214-21 et R. 214-18, II et III du code monétaire et financier est caractérisé.

III. Sur l’imputabilité des manquements commis par H2O à MM. Crastes et Chail ey

1. Notifications de griefs

275. Les notifications de griefs adressées à MM. Crastes et Chail ey indiquent que l’ensemble des griefs examinés ci-dessus pourraient leur être imputés personnellement en application des dispositions combinées des articles L. 621-9 et L. 621-15 du code monétaire et financier qui permettent de sanctionner tout manquement commis par des personnes physiques agissant pour le compte d’une société de gestion opérant en libre prestation de services au titre de la gestion d’OPCVM de droit français à leurs obligations professionnelles définies notamment par la loi et le règlement général de l’AMF. À cet égard, les notifications de griefs relèvent que MM. Crastes et Chail ey étaient, respectivement, Chief Executive Officer et Chief Investment Officer de H2O et qu’ils ont personnellement participé aux manquements précités dès lors qu’ils ont pris les décisions d’investissement dans les Titres Tennor pour le compte des Fonds H2O.

276. Dans ses observations du 25 octobre 2022, le collège de l’AMF a en outre indiqué que, dans sa décision du 4 août 2021, la commission des sanctions a considéré que les manquements reprochés à une personne morale peuvent être imputés à ses salariés sur le fondement des articles L. 621-15 et L. 621-9 du code monétaire et financier, alors que, dans cette affaire, des dispositions du règlement général de l’AMF traitant spécifiquement de l’imputabilité des griefs en cause existaient au moment des faits mais avaient été supprimées par la suite et n’avaient pas été reprises dans d’autres textes du droit interne ou du droit communautaire, cette règle étant en effet, selon le col ège, prévue « à titre surabondant ». Le collège soutient ainsi que « l’absence de dispositions spécifiques prévoyant que les obligations professionnel es de la société de gestion s’imposent également à ses salariés ne fait pas obstacle à l’imputabilité des griefs » et que « le législateur français n’est pas tenu de prévoir une obligation professionnelle propre aux personnes agissant pour le compte d’une société de gestion, dès lors qu’il peut leur imputer celles qui sont applicables aux personnes morales ». Enfin, le col ège indique que la faculté offerte à l’AMF par les articles L. 621-15 et L. 621-9 du code monétaire et financier d’imputer aux personnes physiques les manquements commis par la personne morale est conforme à l’article 99 de la Directive OPCVM. À cet égard, le collège précise qu’en vertu des articles L. 621-15 et L. 621-9 du code monétaire et financier, tout manquement à des obligations professionnelles est imputable à une personne physique si deux conditions sont réunies : (i) la personne physique agit pour le compte d’une société de gestion et (i ) l’obligation sur laquel e porte le grief notifié doit être définie par les règlements européens, les lois ou les règlements.

—  46 -

2. Observations de MM. Crastes et Chail ey

277. MM. Crastes et Chail ey font valoir que les dispositions sur lesquel es se fondent les notifications de griefs ne prévoient pas une imputabilité automatique des manquements commis par une société de gestion étrangère aux personnes physiques agissant pour son compte. Ils soutiennent qu’une sanction ne peut être prononcée à leur égard qu’à la condition d’identifier des obligations professionnelles qui leur seraient personnellement applicables, distinctes de celles applicables à la société de gestion, et de démontrer qu’ils ont manqué à ces obligations. Or, selon eux, les notifications de griefs ne mentionnent aucune obligation professionnelle qui leur serait personnel ement applicable. MM. Crastes et Chail ey estiment donc devoir être mis hors de cause.

278. Dans leurs observations complémentaires du 8 novembre 2022, MM. Crastes et Chail ey ajoutent que cette absence d’imputabilité automatique est conforme au principe de responsabilité personnelle consacré par la jurisprudence qui n’impute les manquements aux dirigeants qu’au visa de la combinaison d’un texte de compétence, tel que l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, et d’un texte spécifique d’imputabilité.

279. Ils estiment en outre que la participation effective des dirigeants à la commission du manquement ne fait pas partie des critères d’imputabilité pour les obligations professionnelles. Par ail eurs, selon eux, la décision du 4 août 2021 invoquée par le collège dans ses observations du 25 octobre 2022 n’est pas transposable, en particulier parce qu’el e concernait des salariés de sociétés françaises, que les dispositions qui étaient en cause ne sont pas applicables à H2O et que les notifications de griefs mentionnaient bien des textes spéciaux d’imputabilité et non l’article L. 621-15 du code monétaire et financier. MM. Crastes et Chail ey considèrent qu’en tout état de cause cette décision ne déroge pas aux précédents de la commission des sanctions car elle n’énonce pas un principe d’imputabilité automatique. Ils relèvent d’ail eurs que postérieurement à cette décision, la commission des sanctions a continué à fonder le mécanisme d’imputabilité sur la combinaison d’un texte de compétence et d’un texte spécial faisant peser une obligation sur la personne concernée, ce qui démontre en outre, selon eux, que ces textes spéciaux, dont certains sont encore en vigueur, ne sont pas superflus contrairement à ce qu’affirme le collège. Ils contestent également le fait soutenu par le collège que l’article L. 621-15 du code monétaire et financier aurait transposé la Directive OPCVM et réfutent en tout état de cause le fait que cette directive prévoirait un mécanisme d’imputabilité automatique.

280. Enfin, ils affirment que le fait de suivre le raisonnement du col ège conduirait non seulement à sanctionner un défaut d’organisation interne qui relève de la compétence d’un autre régulateur, mais également à méconnaître, outre le principe de responsabilité personnelle, le principe de prévisibilité de la loi répressive dès lors que le prétendu mécanisme d’imputabilité automatique invoqué par le collège ne découle pas clairement de la lecture des textes, ce qu’il ustre notamment le fait que ce dernier ait attendu la décision du 4 août 2021 avant de décider de leur notifier des griefs, étant observé que cette décision est en outre postérieure aux faits reprochés. 3. Textes applicables

281. L’article L. 621-15, II, a) et b) du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur entre le 5 décembre 2015 et le 4 juin 2016, non modifiée depuis sur ce point, dispose que : « II. – La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l’encontre des personnes suivantes : / b) les personnes physiques placées sous l’autorité ou agissant pour le compte de l’une des personnes mentionnées aux 1° à 8° […] du II de l’article L. 621-9 au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les règlements européens, les lois, règlements et règles professionnel es approuvées par l’Autorité des marchés financiers en vigueur […] ».

282. L’article L. 621-9, II, 7° bis du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur du 23 juin 2015 au 22 juin 2016, non modifiée sur ce point jusqu’au 3 janvier 2018, dispose que : « II. – L’autorité des marchés financiers veil e également au respect des obligations professionnel es auxquel es sont astreintes, en vertu des dispositions législatives et règlementaires, les entités ou personnes suivantes ainsi que les personnes physiques placées sous leur autorité ou agissant pour leur compte : / […] 7°bis Les sociétés de gestion établies dans un autre État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen […] fournissant des services en France, qui gèrent un ou plusieurs OPCVM de droit français agréés conformément à la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juil et 2009 ; ».

—  47 -

283. À compter du 3 janvier 2018 cet article mentionne les « OPCVM agréés conformément à la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juil et 2009 » et ne se réfère plus spécifiquement aux « OPCVM de droit français » agréés conformément à cette directive. Cette rédaction n’est pas moins sévère que la précédente dès lors que la référence aux OPCVM agréés conformément à ladite directive, sans distinction, englobe les OPCVM de droit français.

284. L’article L. 532-20-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur du 1er janvier 2014 au 2 janvier 2018, dispose que : « Les dispositions de la sous-section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II sont applicables aux sociétés de gestion établies dans un autre État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen qui gèrent en libre prestation de services un ou plusieurs OPCVM de droit français agréés conformément à la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juil et 2009 sur le territoire de la France métropolitaine […] ». Ces dispositions sont restées inchangées sur ce point jusqu’à la rédaction entrée en vigueur le 5 décembre 2020 qui remplace la référence à la « sous-section 1 » par la référence à la « section 1 », cette modification ayant, selon l’article 16 de la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020, un caractère interprétatif et, par conséquent, rétroactif.

285. L’article 313-6 du règlement général de l’AMF qui, dans sa rédaction en vigueur entre le 21 décembre 2013 et le 2 janvier 2018, dispose que : « La responsabilité de s’assurer que le prestataire de services d’investissement se conforme à ses obligations professionnelles mentionnées au II de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier incombe à ses dirigeants et, le cas échéant, à son instance de surveil ance. ». Ces dispositions ont été reprises depuis le 3 janvier 2018 à l’article 321-35 du règlement général de l’AMF en ce qui concerne les sociétés de gestion d’OPCVM. Cet article dispose que : « La responsabilité de s’assurer que la société de gestion de portefeuil e se conforme à ses obligations professionnelles mentionnées au II de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier incombe à ses dirigeants et, le cas échéant, à son instance de surveil ance. ». Il peut être relevé que des dispositions équivalentes figurent à l’article 60 du règlement délégué (UE) n° 231/2013 du 19 décembre 2012 en ce qui concerne les sociétés de gestion de FIA. 4. Examen de l’imputabilité à MM. Crastes et Chailey des manquements commis par H2O

286. Il résulte de la combinaison des articles L. 621-9 et L. 621-15 du code monétaire et financier que la commission des sanctions peut sanctionner tout manquement des personnes physiques agissant pour le compte d’une société de gestion tel e que H2O à l’époque des faits à leurs obligations professionnel es définies notamment par les lois et règlements, lesquel es recouvrent les obligations professionnelles de la société de gestion dès lors que la responsabilité de s’assurer que cette dernière s’y conforme est inhérente au fait d’agir pour son compte.

287. À cet égard, il sera relevé que ce mécanisme d’imputabilité est conforme à l’article 99 de la Directive OPCVM selon lequel « les États membres veil ent en particulier, conformément à leur droit national, à ce que puissent être prises […] des sanctions administratives appropriées à l’encontre des personnes responsables d’une violation des dispositions arrêtées pour la mise en œuvre de la présente directive », qui a été complété par la directive 2014/91/UE du Parlement européen et du Conseil du 23 juil et 2014, modifiant la Directive OPCVM, laquelle a ajouté un cinquième alinéa à cet article aux termes duquel : « Les État membres veil ent, en cas d’infraction aux dispositions nationales transposant la présente directive, lorsque les obligations s’appliquent à des OPCVM [ou] à des sociétés de gestion […] à ce que des sanctions administratives ou d’autres mesures administratives puissent être appliquées, conformément au droit national, aux membres de l’organe de direction et aux autres personnes physiques responsables de l’infraction en vertu du droit national. ».

288. La circonstance que certaines dispositions, toujours en vigueur en droit français, rappel ent, comme le font les dispositions de l’article 313-6 du règlement général de l’AMF, reprises à l’article 321-35 du même règlement à compter du 3 janvier 2018, que la responsabilité de s’assurer que la personne morale se conforme à ses obligations professionnelles incombe à ses dirigeants n’est pas utile à la détermination de la portée des dispositions combinées, rappelées ci-dessus, des articles L. 621-9 et L. 621-15 du code monétaire et financier, et ne saurait en tout état de cause exclure qu’il soit fait application de ces seules dernières dispositions pour imputer aux dirigeants des personnes morales les manquements de ces dernières aux obligations professionnel es qui leur sont applicables.

—  48 -

289. En l’espèce, il résulte des dispositions de l’article L. 532-20-1 du code monétaire et financier que les obligations qui régissent les OPCVM de droit français, qui figurent à la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code monétaire et financier, dans laquelle se trouvent les articles L. 214-21, R. 214-9, R. 214-18 et R. 214-26 du code monétaire et financier, constituaient des obligations professionnel es pour H2O qui était une société de gestion établie dans un autre État membre de l’Union européenne qui gérait en libre prestation de services un ou plusieurs OPCVM de droit français agréés conformément à la Directive OPCVM.

290. Selon les statuts de H2O dans leur version en vigueur au moment des faits reprochés, MM. Crastes et Chail ey étaient, à l’époque des faits, respectivement, Chief Executive Officer et Chief Investment Officer de H2O et membre de l’Executive Committe de cette société, organe ayant pour mission statutaire de gérer l’activité de la société au quotidien. En outre, il sera relevé que l’Executive Committee avait en particulier la mission statutaire de gérer les placements collectifs. MM. Crastes et Chail ey avaient donc la responsabilité statutaire de la gestion des Fonds H2O. Ils ont confirmé lors de leur audition par le rapporteur que l’Executive Committee avait bien, en pratique, pris les décisions d’investissement concernant les Titres Tennor et que les décisions de l’Executive Committee, en particulier celles concernant les Titres Tennor, étaient validées, en dernier ressort, par eux. De plus, la copie des courriels figurant en annexe 22 du rapport de contrôle démontre, au-delà des décisions prises dans le cadre de cet organe, que MM. Crastes et Chail ey étaient les personnes qui, au quotidien, échangeaient et négociaient directement, notamment avec M. Lars Windhorst, les opérations litigieuses liées aux Titres Tennor, point sur lequel le rapport de contrôle relève que « […] M. Windhorst [était] en relation directe et très régulière avec les dirigeants de H2O (plus de 800 courriels échangés sur l’année 2019 [en note de bas de page :] 40 % avant la publication de l’article du FT et 60 % ensuite ». Il constate d’ail eurs à cet égard que « l’analyse des messageries professionnelles des dirigeants de H2O [dont MM. Crastes et Chail ey] met en lumière […] une pleine conscience des dépassements de ratios depuis 2018 et des problématiques de liquidité inhérentes aux investissements en titres Tennor ». Il en résulte que MM. Crastes et Chail ey étaient des personnes agissant pour le compte de H2O au sens de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, de sorte que les obligations professionnelles de cette société de gestion constituaient également des obligations professionnelles pour eux. Dans ces conditions, il ne peut être utilement soutenu que l’imputabilité des manquements de la société de gestion à ses dirigeants contreviendrait au principe de responsabilité personnelle ainsi qu’au principe de prévisibilité de la loi répressive. Au demeurant de nombreuses décisions rendues par la commission des sanctions retiennent l’imputabilité aux dirigeants de sociétés de gestion des manquements commis par celles-ci, de sorte que la responsabilité des dirigeants au titre des manquements commis par la société de gestion qu’ils dirigeaient était prévisible.

291. En outre, contrairement à ce qu’affirment MM. Crastes et Chail ey, le fait de leur imputer les manquements commis par H2O ne revient pas à sanctionner un défaut d’organisation interne, dès lors que le mécanisme de l’imputabilité consiste à sanctionner les dirigeants au titre du non-respect des mêmes obligations que celles qui ont été méconnues par la société de gestion et qui, en l’espèce, concernent uniquement le non-respect par H2O des règles de fonctionnement des OPCVM de droit français qu’el e gérait et non son organisation interne.

292. Par conséquent, les manquements de H2O à ses obligations professionnel es sont imputables à MM. Crastes et Chail ey.

IV. Sur les sanctions

293. Les faits reprochés se sont déroulés du 1er juin 2016 au 16 janvier 2020. Ils seront examinés à la lumière des textes applicables pendant cette période, sous réserve de l’entrée en vigueur postérieure de dispositions moins sévères.

294. Les dispositions des articles L. 621-15, II, a) et b) et L. 621-9, II, 7° bis du code monétaire et financier, ont été présentées supra.

295. Il résulte de la combinaison de ces textes que la commission des sanctions est compétente pour sanctionner les sociétés de gestion établies dans un autre État membre de l’Union européenne fournissant des services en France qui gèrent un ou plusieurs OPCVM agréés conformément à la Directive OPCVM, ce qui était le cas de H2O à l’époque des manquements commis, ainsi que les personnes physiques placées sous leur autorité ou qui agissent pour leur compte, au titre de tout manquement à leurs obligations professionnel es. Comme il a été dit ci-dessus le fait que H2O ne puisse plus être considérée comme une société de gestion établie dans un autre État membre de

—  49 -

l’Union européenne en raison du Brexit n’a pas d’incidence sur la compétence de la commission des sanctions dès lors que la perte de cette qualité professionnelle est intervenue postérieurement aux faits reprochés.

296. La commission des sanctions est donc compétente pour prononcer une sanction à l’encontre de H2O et de MM. Crastes et Chail ey.

297. L’article L. 621-15, III, a) et b) du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur du 5 décembre 2015 au 10 décembre 2016, dispose que : « III.- Les sanctions applicables sont : / a) Pour les personnes mentionnées aux 1° à 8° […] du II de l’article L. 621-9, l’avertissement, le blâme, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des services fournis, la radiation du registre mentionné à l’article L. 546-1 ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 mil ions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ; / b) Pour les personnes physiques placées sous l’autorité ou agissant pour le compte de l’une des personnes mentionnées aux 1° à 8° […] du II de l’article L. 621-9, l’avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des activités ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 15 mil ions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés en cas de pratiques mentionnées aux c à g du II ou à 300 000 euros ou au quintuple des profits éventuellement réalisés dans les autres cas ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne morale sous l’autorité ou pour le compte de qui agit la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ; ».

298. Cet article, dans sa rédaction en vigueur depuis le 11 décembre 2016, non moins sévère que la précédente, et non modifiée depuis dans un sens moins sévère, dispose que : « III.- Les sanctions applicables sont : / a) Pour les personnes mentionnées aux 1° à 8° […] du II de l’article L. 621-9, l’avertissement, le blâme, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des services fournis, la radiation du registre mentionné à l’article L. 546-1 ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 mil ions d’euros ou au décuple du montant de l’avantage retiré du manquement si celui-ci peut être déterminé ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ; / b) Pour les personnes physiques placées sous l’autorité ou agissant pour le compte de l’une des personnes mentionnées aux 1° à 8° […] du II de l’article L. 621-9, ou exerçant des fonctions dirigeantes, au sens de l’article L. 533-25, au sein de l’une de ces personnes, l’avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, l’interdiction temporaire de négocier pour leur compte propre, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des activités ou de l’exercice des fonctions de gestion au sein d’une personne mentionnée aux 1° à 8°, 11°, 12° et 15° à 17 ° [à compter du 3 janvier 2018 : « 1° à 8°, 11°, 12° et 15° à 18° » ; à compter du 24 mai 2019 : « 1° à 8°, 11°, 12° et 15° à 21° »] du II de l’article L. 621-9. La commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 15 mil ions d’euros ou au décuple du montant de l’avantage retiré du manquement si ce montant peut être déterminé, en cas de pratiques mentionnées au II du présent article. Les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne morale sous l’autorité ou pour le compte de qui agit la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ».

299. Par conséquent, H2O encourt un avertissement, un blâme, une interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des services qu’elle fournit et, en sus ou à la place, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 mil ions d’euros ou au décuple du montant de l’avantage retiré du manquement s’il peut être déterminé.

300. MM. Crastes et Chail ey, quant à eux, encourent un avertissement, un blâme, un retrait temporaire ou définitif de la carte professionnel e, l’interdiction temporaire de négocier pour leur compte propre, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie de leurs activités ou de l’exercice des fonctions de gestion au sein d’une personne mentionnée aux 1° à 8°, 11°, 12° et 15° à 21° du II de l’article L. 621-9 du code monétaire et financier et, en sus ou à la place, une sanction pécuniaire d’un montant maximum de 15 mil ions d’euros ou égal au décuple de l’avantage retiré du manquement s’il peut être déterminé.

—  50 -

301. Le III ter de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur depuis le 11 décembre 2016, définit comme suit les critères à prendre en compte pour déterminer la sanction : « III ter. – Dans la mise en œuvre des sanctions mentionnées aux III et III bis, il est tenu compte notamment : / – de la gravité et de la durée du manquement ; / – de la qualité et du degré d’implication de la personne en cause ; / – de la situation et de la capacité financières de la personne en cause, au vu notamment de son patrimoine et, s’agissant d’une personne physique de ses revenus annuels, s’agissant d’une personne morale de son chiffre d’affaires total ; / – de l’importance soit des gains ou avantages obtenus, soit des pertes ou coûts évités par la personne en cause, dans la mesure où ils peuvent être déterminés ; / – des pertes subies par des tiers du fait du manquement, dans la mesure où el es peuvent être déterminées ; / – du degré de coopération avec l’Autorité des marchés financiers dont a fait preuve la personne en cause, sans préjudice de la nécessité de veil er à la restitution de l’avantage retiré par cette personne ; / – des manquements commis précédemment par la personne en cause ; / – de toute circonstance propre à la personne en cause, notamment des mesures prises par elle pour remédier aux dysfonctionnements constatés, provoqués par le manquement qui lui est imputable et le cas échéant pour réparer les préjudices causés aux tiers, ainsi que pour éviter toute réitération du manquement. ». 1. Sur la gravité et la durée des manquements

302. Les manquements commis par H2O sont tous en rapport avec l’investissement des Fonds H2O dans les Titres Tennor. Il a été établi qu’elle a procédé aux investissements litigieux dans les Titres Tennor alors que ces titres n’étaient pas éligibles à l’actif des Fonds H2O car (i) leur liquidité compromettait la capacité des Fonds H2O à honorer les demandes de rachat des porteurs (i ) H2O n’avait pas vérifié s’ils exposaient ces fonds à un tel risque (iii) ils n’entraient pas dans le cadre de la politique d’investissement fixée par les prospectus de ces fonds, et (iv) H2O ne disposait pas d’informations pour les valoriser de façon fiable, ce qu’elle avait constaté avant même d’investir. Ce dernier manquement est d’autant plus grave, comme cela a été exposé supra, qu’il a nécessairement eu pour conséquence que la valeur liquidative de ces fonds, qui sert à déterminer le prix de rachat et de souscription, n’était pas fiable. Ainsi, certains porteurs ont pu souscrire pour un prix supérieur à la valeur réelle des actifs ou, au contraire, obtenir un rachat à un prix inférieur à la valeur réelle des actifs.

303. H2O a par ail eurs investi dans ces instruments en violation du ratio d’emprise interdisant de détenir plus de 10 % de titres de créance d’un même émetteur. Ce manquement est aggravé par l’absence de diligence et de réactivité de H2O pour y remédier et par le fait qu’il concerne des titres qui étaient par ail eurs inéligibles à l’actif des Fonds H2O. 304. Cette dernière a également effectué des opérations de B&S ayant pour sous-jacents les Titres Tennor (i) dont elle n’avait pas pris en compte de façon appropriée les risques liés au fait que les titres sous-jacents n’étaient pas suffisamment liquides, qu’ils étaient émis par des émetteurs ayant une mauvaise qualité de crédit et qu’ils ne faisaient pas l’objet d’une évaluation à une fréquence au moins quotidienne, de sorte que ces opérations de B&S ne pouvaient être, à l’initiative des Fonds H2O, et à tout moment, vendues, liquidées ou clôturées à leur valeur de marché (ii) sans les encadrer par des conventions cadres pour 10 % d’entre elles (iii) ou, pour 90 %, en les encadrant par des conventions cadres qui ne prévoyaient pas la possibilité de dénouer les opérations à tout moment à l’initiative des Fonds H2O et (iii) de surcroît en exposant ces derniers dans le cadre de ces opérations au-delà des limites règlementaires.

305. Il apparaît que H2O a fait ce choix délibéré d’investir dans des instruments et opérations financières inéligibles, en violation de nombreuses règles auxquelles étaient soumis les Fonds H2O et sans considération pour le risque de liquidité auquel elle a ainsi exposé les investisseurs de ces OPCVM.

306. Ces manquements multiples au sujet de mêmes investissements, revêtent en outre une très grande ampleur puisqu’ils ont perduré sur une période de plus de trois ans allant du mois de juin 2016 au mois de janvier 2020, qu’ils concernent 7 OPCVM dont l’encours représentait près de 15 mil iards d’euros et pour le compte desquels H2O a effectué 1 262 opérations en lien avec les Titres Tennor, soit directement, soit dans le cadre d’opérations de B&S ayant pour sous-jacents ces titres. L’exposition de ces fonds aux Titres Tennor a atteint, entre mai et juin 2019, un montant d’environ 1,5 mil iard d’euros.

—  51 -

307. Ces manquements sont d’autant plus graves qu’ils concernent la méconnaissance des règles qui ont pour objet de garantir le respect du devoir essentiel des gestionnaires d’OPCVM, en considération duquel les investisseurs leur confient leur épargne, d’assurer à ces derniers une liquidité régulière de cette épargne.

308. En outre, ces manquements ont été commis dans un contexte dans lequel les gestionnaires d’actifs ne pouvaient ignorer que la gestion de la liquidité des placements collectifs était déjà un sujet de préoccupation majeure des régulateurs et instances financières internationales, non seulement pour la protection des investisseurs mais également d’un point de vue systémique, comme l’il ustrent par exemple les recommandations adoptées en 2017 par le Conseil de stabilité financière en particulier sur la question de la liquidité des fonds ouverts, les recommandations adoptées la même année par le Comité européen du risque systémique visant à renforcer le dispositif de gestion des risques de liquidité au sein de l’espace économique européen, ou les recommandations de l’Organisation internationale des commissions de valeurs adoptées en 2018 sur la gestion du risque de liquidité des organismes de placement collectif, relayées par les régulateurs nationaux. 2. Sur la qualité et le degré d’implication de MM. Crastes et Chail ey

309. Il sera tenu compte, s’agissant de MM. Crastes et Chail ey, de leur qualité et de leur degré d’implication dans la commission de ces manquements, ainsi que de leur situation financière.

310. Comme indiqué ci-dessus, en leur qualité respective de Chief Executive Officer et de Chief Investment Officer de H2O et membres de son Executive Committee, MM. Crastes et Chail ey avaient la responsabilité de la gestion des Fonds H2O. En outre, ils ont été en pratique directement et personnellement à l’origine des décisions d’investissement qui fondent les reproches des notifications de griefs. Les éléments de gravité relevés ci-dessus en ce qui concerne H2O sont donc transposables à leur situation et seront pris en compte pour la détermination de leur sanction. 3. Sur la situation financière des mis en cause

3.1. Sur la situation financière de H2O

311. Au titre des exercices 2019, 2020 et 2021, H2O a réalisé un chiffre d’affaires de, respectivement, 606,6 mil ions de livres sterling (soit environ 690 mil ions d’euros), 191,6 mil ions de livres sterling (soit environ 220 millions d’euros) et 89 mil ions de livres sterling (soit environ 100 mil ions d’euros) et un résultat de, respectivement, 407,5 mil ions de livres sterling (soit environ 466 millions d’euros), 100 millions de livres sterling (soit environ 115 mil ions d’euros) et 20,5 millions de livres sterling (soit environ 23 mil ions d’euros).

312. Selon les projections financières communiquées par H2O, le chiffre d’affaires pour 2022 et 2023 est estimé à, respectivement, 33,6 mil ions de livres sterling (soit environ 38 mil ions d’euros) et 21,6 mil ions de livres sterling (soit environ 24 mil ions d’euros). Le résultat net pour ces mêmes exercices est estimé à, respectivement, 13,6 millions de livres sterling (soit environ 15 mil ions d’euros) et 1,5 mil ion de livres sterling (soit environ 1,7 mil ion d’euros).

313. H2O a également indiqué que le résultat de la société H2O AM (Corporate Member) Limited, « associée personne morale de H2O AM LLP à qui revient l’intégralité du résultat de H2O AM LLP », était de

88,8 mil ions de livres sterling en 2020, et de 11,1 mil ions de livres sterling en 2021. Selon H2O, « afin de déterminer le bénéfice de l’activité de H2O AM LLP (après prise en compte de l’impôt), il convient de se reporter au résultat de H2O AM (Corporate Member) Limited ». Il n’y a toutefois pas lieu de prendre en compte le résultat de l’associée personne morale de H2O mais uniquement celui de H2O, et il n’y a pas lieu non plus de retrancher du résultat pris en compte l’impôt sur les bénéfices.

314. La part du chiffre d’affaires et du résultat net de H2O générée par la gestion des Fonds H2O à l’époque des faits était en 2018 de 76 % pour le chiffre d’affaires et de 71 % pour le résultat net ; en 2019, de 73 % pour le chiffre d’affaires et de 64 % pour le résultat net ; en 2020, de 61 % pour le chiffre d’affaires et de 44 % pour le résultat net ; en 2021, de 39 % pour le chiffre d’affaires et de 41 % pour le résultat net. Ces proportions importantes seront également prises en compte pour la détermination de la sanction.

—  52 -

315. Dans ses observations du 25 octobre 2022 en réponse au rapport du rapporteur, le collège a indiqué vouloir apporter des précisions quant à la situation de H2O au sein du groupe auquel elle appartient. Il a ainsi indiqué avoir approuvé la demande de modification de l’actionnariat indirect de la société H2O AM Europe, comportant le passage sous le seuil de 50 % du groupe Natixis aux côtés du management du groupe H2O, sous réserve de l’engagement de la société H2O AM Holding SA, société luxembourgeoise tête du groupe auquel appartient H2O, de recapitaliser ses filiales régulées, notamment H2O, afin, selon la lettre du collège, « de s’assurer du maintien de la capacité de [ces] sociétés régulées à disposer des moyens financiers suffisants pour faire face à leurs responsabilités, tel es que leur responsabilité disciplinaire en cas de sanctions prononcées à leur encontre par la [commission des sanctions] ». Le col ège a ainsi produit une lettre du 24 février 2022 par laquelle la société H2O AM Holding SA s’est engagée auprès de l’AMF « dans la limite de ses propres capacités financières, à mettre à disposition de H2O AM Europe SAS […] et H2O AM LLP […] les fonds nécessaires au respect à tout moment par H2O Europe et H2O LLP des niveaux minimums de fonds propres tels qu’ils sont et/ou pourraient être fixés à tout moment conformément à la règlementation qui leur est ou serait applicable, notamment en vertu des dispositions respectives du Règlement Général de l’Autorité des Marchés Financiers et du Handbook de la Financial Conduct Authority et de leurs agréments respectifs ». Cette lettre fait également mention de « fonds séquestrés en application des accords conclus entre les associés d’H2O AM Holding, H2O Europe et H2O LLP et revus par l’Autorité des marchés financiers [qui] ne seront pas pris en compte dans la détermination des capacités de H2O AM Holding et, en conséquence, ne pourront pas être mobilisés pour fournir le soutien prévu aux présentes ».

316. Ainsi, ces documents établissent qu’un accord a été conclu entre H2O, sa société holding et d’autres sociétés du groupe, afin que H2O soit en mesure de disposer de moyens financiers lui permettant de faire face au paiement d’une éventuel e sanction en cas de mise en cause de sa responsabilité disciplinaire, sans que cela n’obère la situation de ses fonds propres. Si pour déterminer le montant du quantum de la sanction, il convient de ne prendre en compte, au titre de la capacité financière, que la seule situation de la société mise en cause – à l’exclusion donc de la situation du groupe auquel el e appartient – il convient néanmoins de prendre en compte l’existence de ces accords dès lors qu’ils ont une incidence directe sur la situation financière de H2O elle-même.

317. Par ail eurs, lors de la séance, la représentante du collège a précisé les termes de la lettre du 24 février 2022 relatifs auxdits « fonds séquestrés » en indiquant que, selon un accord intervenu entre H2O, H2O AM Holding SA et H2O AM Europe, un compte séquestre a été mis en place dans la perspective de l’indemnisation des porteurs et du paiement d’éventuelles sanctions pécuniaires.

318. H2O a confirmé en séance l’objet de ce compte séquestre et a déclaré qu’il est actuellement doté d’un montant de 200 mil ions d’euros et qu’il continue à être alimenté régulièrement d’un montant égal à une certaine proportion, qui n’a pas été précisée, de son chiffre d’affaires.

319. Il sera également tenu compte du fait que ces éléments ont été initialement communiqués par le collège, ce qui témoigne de l’absence d’exhaustivité de la réponse apportée par H2O à la demande du rapporteur aux termes de laquel e celui-ci lui avait pourtant demandé de lui communiquer les comptes définitifs de l’exercice 2021 ainsi que « tout élément dont il pourrait être tenu compte par la commission des sanctions pour fixer, le cas échéant, un quantum de sanction ».

3.2. Sur la situation financière de M. Crastes

320. En ce qui concerne ses revenus, M. Crastes produit un bulletin de salaire émis à son nom par la société H2O SAM (Monaco) pour la période du 1er décembre 2021 au 31 décembre 2021 indiquant que ce dernier a perçu de cette société un salaire brut pour cette période de […] euros.

321. Il produit également une attestation selon laquelle il a perçu au titre de l’année fiscale 2020-2021 des revenus d’un montant de […] livres sterlings dont (i) […] livres sterling de revenus différés, dont M. Crastes affirme qu’il s’agit de sa « rémunération différée […] au titre de l’exercice 2018, qui a été étalée sur trois années » et (ii) […] livres sterling de « Fair Value and other tax adjustment ». M. Crastes déclare, sans l’étayer, que ce dernier montant correspond à « l’augmentation de valeur des placements [qu’il a] réalisés dans les fonds H2O à partir de ses bonus des années antérieures, ce montant n’étant pas une rémunération versée mais une plus-value latente fiscalisée en Angleterre et donc déclarée comme telle ».

—  53 -

322. Cette attestation indique également que les revenus estimés de M. Crastes au titre de l’année fiscale 2021-2022 sont d’un montant de […] livres sterling correspondant à un revenu différé de même nature que celui perçu au titre de l’année fiscale 2020-2021.

323. En ce qui concerne son patrimoine, M. Crastes produit la copie d’une déclaration d’impôt sur la fortune immobilière 2022, à son nom et celui de son épouse, qui mentionne une « base imposable » de […] euros. M. Crastes déclare, sans l’étayer, que les sociétés civiles immobilières qui détiennent certains des biens immobiliers mentionnés dans cette déclaration sont « codétenues à 50/50 avec son épouse : il n’y a lieu de ne retenir que la moitié du montant déclaré par le couple (soit […] € pour Monsieur Crastes) ». Il produit également la copie d’un extrait d’un document de 3 pages (la copie fournie ne porte que sur une page sur les trois) qui indique une « valeur de marché » au 21 juin 2022 de divers instruments financiers (actions, obligations, parts de fonds, futures et options) d’un montant total de […] euros. La copie de cet extrait de document ne permet pas d’identifier son auteur. El e ne mentionne pas non plus le détenteur de ces instruments financiers. Enfin, M. Crastes produit la copie d’un extrait d’un document de 15 pages (la copie fournie ne porte que sur une page) selon laquelle le « total des actifs et des passifs » au 21 juin 2022 est […] à hauteur de […] euros. Cette copie ne mentionne pas le nom de la personne concernée par ce document.

3.3. Sur la situation financière de M. Chailley

324. En ce qui concerne ses revenus, M. Chail ey produit une attestation émise par H2O selon laquelle sa rémunération annuel e depuis 2018 s’élève à […] livres sterling. Cette attestation mentionne également le fait que M. Chail ey supporte directement deux contributions : l’une de 10 %, l’autre de 5,3 %. Il produit également une attestation selon laquel e sa rémunération pour l’année fiscale 2020-2021 était de […] livres sterling, dont

(i) […] de livres sterling de revenus différés dont M. Chail ey affirme qu’il s’agit d’un « bonus différé […] attribué en 2018 et payable sur les trois exercices suivants, investi comme c’est la règle chez H2O dans des Fonds H2O » et (ii) […] livres sterling de « Fair Value and other tax adjustment » dont M. Chailley déclare qu’il s’agit de « l’ajustement de ce bonus différé […] à la date de clôture de l’exercice pour intégrer la plus-value latente résultant de l’appréciation de ces Fonds H2O au cours de l’exercice, qui est fiscalisée [et] […] qui n’est donc pas une rémunération versée ». Cette attestation mentionne également une rémunération estimée au titre de l’année fiscale 2021-2022 de […] livres sterling dont […] livres sterling correspondant, selon M. Chail ey, qui ne l’étaye pas, à des « impôts […] à déduire, versés pour son compte par H2O ». M. Chail ey précise également que pour cette année fiscale « le montant de la plus ou moins-value latente, fiscalisée ou venant en crédit d’impôt, n’est pas encore disponible ».

325. En ce qui concerne son patrimoine, M. Chail ey communique un document détail ant le montant de liquidités et la valeur de plusieurs instruments financiers pour un montant total de […] euros. Ce document ne mentionne pas l’identité du détenteur de ces actifs. Enfin, M. Chail ey affirme, sans l’étayer, « qu’il détient à parts égales avec son épouse deux biens immobiliers pour une valeur totale de […] euros (une maison à […] et une maison en France à […]) ».

3.4. Sur le préjudice subi par les investisseurs

326. La méconnaissance par H2O de ses obligations professionnelles a eu pour conséquence de bloquer l’épargne des porteurs des Fonds H2O puisque ces derniers n’ont pas pu obtenir le rachat de leurs parts, d’abord pour la totalité de leur investissement entre le 28 août 2020, date de suspension des souscriptions et des rachats des 6 Fonds H2O concernés, et le 13 octobre 2020, date de réouverture des souscriptions et des rachats pour les « fonds miroirs », soit pendant environ un mois et demi ; ensuite, pour la partie de leur investissement qui correspond à leurs parts dans les fonds cantonnés, depuis le 28 août 2020 et pour une durée indéterminée.

327. Interrogée par le rapporteur sur les éventuelles plaintes et réclamations d’investisseurs, H2O a indiqué avoir reçu, depuis 2014, 46 réclamations (hors actions judiciaires), dont 70 % d’investisseurs particuliers, en précisant qu’aucune réclamation avant 2019 ne concerne les investissements dans les Titres Tennor ou les fonds cantonnés. Selon ces informations, les réclamations en lien avec ce sujet représentent 100 % des réclamations en 2022, 96 % en 2021, 27 % en 2020 et une réclamation en 2019. H2O précise également que ces réclamations « constituent dans leur très grande majorité des demandes d’indemnisation amiable formées par les investisseurs, auxquel es il n’a pas été donné suite par H2O AM LLP à ce stade ». H2O a par ail eurs indiqué être engagée dans une procédure

—  54 -

de médiation devant l’AMF en lien avec une réclamation faite par un investisseur particulier allemand, avoir reçu 4 réclamations de cabinets d’avocats et faire face à deux actions judiciaires en lien avec les investissements dans les Titres Tennor et le cantonnement des Fonds H2O : une procédure d’indemnisation en Italie, et une action judiciaire initiée par le « collectif porteurs H2O » devant le tribunal de commerce de Paris.

328. En réponse au rapport du rapporteur, H2O affirme que les sociétés de gestion n’ont pas l’obligation de résultat de réaliser des investissements profitables et, qu’en tout état de cause, les pertes éventuelles provoquées par les décisions d’investissement dans les Titres Tennor ont pu être compensées par d’autres décisions de gestion ayant engendré des gains importants. Ainsi, selon el e, même dans l’hypothèse où la valeur des fonds cantonnés serait nulle, la performance des Fonds H2O à 5 et 10 ans serait excellente. El e fait également valoir que le préjudice effectif ne peut être déterminé avant la liquidation des fonds cantonnés, et que les investisseurs ne sont pas tous dans la même situation du point de vue des pertes subies, ce qui dépend de leur date de souscription et de sortie.

329. Il n’est toutefois pas reproché à H2O d’avoir réalisé des investissements non profitables mais, en particulier, d’avoir réalisé des investissements dans des titres non éligibles qui compromettaient la capacité des OPCVM qu’elle gérait à honorer les demandes de rachat des investisseurs dont les fonds ont, de ce fait, été totalement bloqués pendant un mois et demi, puis partiellement pour une durée indéterminée. Ce préjudice lié au blocage de l’épargne des investisseurs est sans rapport avec la performance des OPCVM concernés.

330. L’argument de H2O ne fait en outre que souligner le fait que ses manquements ont non seulement causé aux porteurs un tel préjudice mais également placé ces derniers dans une situation inégale, certains ayant pu obtenir le rachat de leurs parts, tandis que les autres ont pleinement supporté seuls les conséquences de ces manquements, et cette inégalité entre investisseurs est renforcée par l’absence d’informations disponibles pour procéder à une valorisation fiable des Titres Tennor, qui a eu pour conséquence que la valeur liquidative de ces fonds n’était pas fiable, comme déjà exposé supra.

331. H2O affirme également qu’il ne peut être tenu compte que du préjudice ayant un lien de causalité avec les manquements et que, dans cette perspective, tous n’ont pas nécessairement causé un préjudice dans la même mesure. Néanmoins, tous les manquements qui lui sont reprochés ont un lien direct avec le préjudice lié au blocage de l’épargne des investisseurs lors de la suspension des rachats puis lors du cantonnement des Fonds H2O, sans qu’il soit nécessaire de déterminer la mesure dans laquelle chacun d’eux a contribué à l’importance de ce préjudice.

332. Contrairement à ce que prétend H2O, le fait pour la commission des sanctions de prendre en considération ce préjudice ne la conduit pas à empiéter sur la compétence des juridictions qui seraient amenées à se prononcer, du point de vue du droit civil, sur la responsabilité de H2O vis-à-vis des porteurs dès lors qu’elle ne se prononce ni sur la caractérisation d’une faute civile, ni sur l’existence d’un préjudice réparable civilement ni sur l’existence d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice, mais uniquement sur l’existence de manquements administratifs et sur les éléments à prendre en compte pour apprécier le quantum de la sanction. En outre, l’article L. 621-15, III ter du code monétaire et financier, qui prévoit, comme le relève H2O, que la commission des sanctions peut « notamment » prendre en compte les pertes subies par les tiers si elles peuvent être déterminées, ne constitue pas une liste limitative des éléments que peut prendre en compte la commission des sanctions, de sorte qu’il est indif érent que les pertes financières des investisseurs ne puissent être calculées, étant observé, au demeurant, que le préjudice dont il est tenu compte n’est pas, directement, un préjudice consistant en une perte financière.

3.5. Sur les circonstances propres à H2O

3.5.1. Sur les mesures de remédiation mises en œuvre

333. H2O indique avoir mis en œuvre certaines des recommandations émises par l’auditeur indépendant désigné le 11 décembre 2019 par la FCA. El e affirme notamment s’être engagée pour l’avenir à « ne plus poursuivre une stratégie d’investissement qui inclurait de la dette privée ou non cotée », ce qui n’a toutefois pas d’incidence sur la gestion des Fonds H2O dès lors que depuis le Brexit H2O n’a plus vocation à gérer des OPCVM de droit français.

334. El e affirme également avoir mis en œuvre plusieurs autres mesures suggérées dans le cadre d’un audit mené par BPCE et liées, en substance, au renforcement de sa fonction des risques, à l’amélioration du suivi des risques, à la structuration de ses processus internes et à la nouvel e organisation « du capital, de la gouvernance et de la

—  55 -

culture au sein du groupe H2O ». Toutefois, la crédibilité de l’affirmation de H2O selon laquelle elle aurait entièrement mis en œuvre ces différentes recommandations peut être mise en doute dès lors qu’elle prétend notamment avoir mis en œuvre à « 100 % » la recommandation portant sur la réduction de l’exposition des OPCVM aux Titres Tennor. Or les fonds cantonnés détiennent toujours ces instruments et rien, au regard des éléments du dossier soumis à la commission des sanctions, ne permet de considérer qu’une issue est envisageable.

335. En tout état de cause, ces mesures sont en lien avec l’organisation interne de H2O ou du groupe auquel elle appartient et n’ont par conséquent pas de rapport avec les manquements retenus qui concernent le non-respect des règles de fonctionnement et d’investissement des OPCVM de droit français qu’elle gérait. El es ne peuvent donc être considérées comme des mesures de remédiation.

336. Au regard de ce qui précède, il y a lieu de considérer que H2O ne fait valoir aucune mesure de remédiation postérieure pertinente, ce dont il sera tenu compte pour la détermination de la sanction.

3.5.2. Sur les mesures de réparation

337. Enfin, il convient de relever qu’interrogée par le rapporteur par courrier du 19 septembre 2022 sur les éventuel es mesures de réparation mises en œuvre, H2O n’a pas indiqué avoir procédé à l’évaluation du préjudice causé aux investisseurs ni avoir proposé une indemnisation à ceux-ci ou pris de quelconques mesures en vue de leur indemnisation.

338. En séance, H2O a déclaré avoir préparé un « plan de remédiation » qui sera mis en œuvre lorsque la liquidation des fonds cantonné aura eu lieu. Elle a précisé à cet égard avoir doté à hauteur de 133 mil ions d’euros un fonds interne pouvant se porter contrepartie de ces fonds. H2O a également déclaré en séance avoir abandonné 166 mil ions d’euros de commissions de performance. Sur ce point, elle avait précisé devant le rapporteur que cet abandon de commissions avait été décidé à la fin de l’année 2019 pour compenser la surexposition des Fonds H2O aux Titres Tennor et ainsi répondre aux demandes de l’AMF ayant à cette époque exigé la limitation de cette exposition.

339. Enfin, comme cela a été indiqué supra, H2O a déclaré avoir constitué un compte séquestre doté de 200 mil ions d’euros en vue, notamment, selon ses déclarations, de l’indemnisation des porteurs.

340. En conséquence, il est prononcé à l’encontre de H2O une sanction pécuniaire de 75 millions d’euros assortie d’un blâme, à l’encontre de M. Crastes une sanction pécuniaire de 15 millions d’euros assortie de l’interdiction d’exercer pendant une durée de cinq ans l’activité de gérant, directement ou par délégation, ou de dirigeant d’une des personnes mentionnées aux 7°, 7° bis et 7° ter du II de l’article L. 621-9 du code monétaire et financier et à l’encontre de M. Chail ey une sanction pécuniaire de 3 millions d’euros assortie d’un blâme. V. Sur la publication de la décision

341. L’article L. 621-15, V du code monétaire et financier, dans sa version applicable à compter du 23 octobre 2019, dispose que : « La décision de la commission des sanctions est rendue publique dans les publications, journaux ou supports qu’elle désigne, dans un format proportionné à la faute commise et à la sanction infligée. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées. / La commission des sanctions peut décider de reporter la publication d’une décision ou de publier cette dernière sous une forme anonymisée ou de ne pas la publier dans l’une ou l’autre des circonstances suivantes : / a) Lorsque la publication de la décision est susceptible de causer à la personne en cause un préjudice grave et disproportionné, notamment, dans le cas d’une sanction infligée à une personne physique, lorsque la publication inclut des données à caractère personnel ; / b) Lorsque la publication serait de nature à perturber gravement la stabilité du système financier, de même que le déroulement d’une enquête ou d’un contrôle en cours. […] ».

342. Aucun élément n’est de nature à caractériser un risque de préjudice grave et disproportionné pour les mis en cause de perturbation grave de la stabilité du système financier ou du déroulement d’une enquête ou d’un contrôle en cours en cas de publication de la décision à intervenir. Par ail eurs, compte tenu de la gravité des manquements commis par H2O et de l’implication personnel e de ses dirigeants dans la commission de ceux-ci, ainsi que de l’impact de ces manquements sur la situation des investisseurs des Fonds H2O, il y a lieu d’ordonner la publication

—  56 -

de la présente décision sur le site internet de l’AMF et de fixer à 5 ans à compter de la présente décision la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme.

PAR CES MOTIFS,

Et ainsi qu’il en a été délibéré par M. Jean Gaeremynck, président de la commission des sanctions, M. Didier Guérin, président de la 2ème section, Mme Edwige Belliard, M. Frédéric Bompaire, Mme Sandrine Elbaz-Rousso, M. Aurélien Hamelle, Mme Sophie Schiller, Mme Anne Le Lorier, Mme Ute Meyenberg et M. Lucien Mil ou, membres de la commission des sanctions, en présence de la secrétaire de séance, la commission des sanctions retient que :

— les moyens relatifs à l’incompétence de la commission des sanctions et à l’atteinte aux droits de la défense de H2O sont écartés ;

— la société H2O AM LLP :

o a investi, pour le compte des OPCVM de droit français qu’elle gérait, dans des instruments financiers qui n’étaient pas éligibles à l’actif de ces fonds :

 dès lors que ces instruments compromettaient leur capacité à respecter les dispositions de l’article L. 214-8 du code monétaire et financier et que leurs risques n’avaient pas été pris en compte de manière appropriée, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 214-9, I, 2° et 7° du code monétaire et financier ;

 à défaut pour ces instruments d’être compatibles avec les objectifs ou la politique d’investissement desdits fonds, tels qu’exposés dans les documents d’information destinés aux souscripteurs, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 214-9, I, 6° du code monétaire et financier ;

 dès lors qu’el e ne disposait pas d’informations suffisantes pour les évaluer de façon fiable, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 214-9, I, 3°, b) du code monétaire et financier ;

o a effectué, pour le compte des OPCVM de droit français qu’elle gérait, des investissements ayant mené ces fonds à détenir plus de 10 % de titres de créance d’un même émetteur, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 214-26, II, 2° du code monétaire et financier ;

o a effectué, pour le compte des OPCVM de droit français qu’el e gérait, des opérations de financement sur titres qui n’étaient pas éligibles, en méconnaissance des dispositions des articles L. 214-21 et R. 214-18, II et III du code monétaire et financier, dès lors que :

 H2O n’avait pas pris en compte de façon appropriée le risque de ces opérations lié au fait que les titres sous-jacents n’étaient pas suffisamment liquides, qu’ils étaient émis par des émetteurs ayant une mauvaise qualité de crédit et qu’ils ne faisaient pas l’objet d’une évaluation à une fréquence au moins quotidienne, de sorte que ces opérations de B&S ne pouvaient être, à l’initiative des Fonds H2O, et à tout moment, vendues, liquidées ou clôturées à leur valeur de marché, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 214-18 du code monétaire et financier ;

 certaines de ces opérations n’étaient pas encadrées par une convention cadre ou, lorsqu’elles l’étaient, ces conventions cadres ne respectaient pas les règles de dénouement prévues à l’article R. 214-15 du code monétaire et financier ;

 certaines de ces opérations n’étaient pas prises en compte pour le calcul de l’exposition maximale de 5 % au risque de contrepartie sur un même cocontractant.

—  57 -

— les manquements commis par la société H2O AM LLP sont imputables à MM. Crastes et Chail ey.

En conséquence, la commission des sanctions :

— prononce à l’encontre de H2O AM LLP une sanction pécuniaire de 75 000 000 € (soixante-quinze mil ions d’euros) assortie d’un blâme ;

— prononce à l’encontre de M. Bruno Crastes une sanction pécuniaire de 15 000 000 € (quinze mil ions d’euros) assortie de l’interdiction d’exercer pendant une durée de cinq ans l’activité de gérant, directement ou par délégation, ou de dirigeant d’une des personnes mentionnées aux 7°, 7° bis et 7° ter du II de l’article L. 621-9 du code monétaire et financier ;

— prononce à l’encontre de M. Vincent Chail ey une sanction pécuniaire de 3 000 000 € (trois mil ions d’euros) assortie d’un blâme ;

— ordonne la publication de la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers et fixe à cinq ans à compter de la date de la présente décision la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme.

Fait à Paris, le 30 décembre 2022

La Secrétaire de séance,

Le Président,

Martine Gresser

Jean Gaeremynck

Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans les conditions prévues à l’article R. 621-44 du code monétaire et financier.

Document Outline

  • I. Sur les moyens de procédure
    • 1. Sur le moyen relatif à l’incompétence de la commission des sanctions en raison de l’intervention du Brexit
      • 1.1. Présentation du moyen
      • 1.2. Présentation de la position du collège
      • 1.3. Textes applicables
      • 1.4. Examen du moyen
    • 2. Sur le moyen relatif à l’incompétence de la commission des sanctions en raison du double emploi et du chevauchement des procédures menées par l’AMF et la FCA
      • 2.1. Présentation du moyen
      • 2.2. Examen du moyen
    • 3. Sur le moyen relatif à l’atteinte aux droits de la défense de H2O en raison de l’absence de contradictoire ou d’échange oral dans le cadre du contrôle avant la réunion de restitution du 12 octobre 2020
      • 3.1. Présentation du moyen
      • 3.2. Examen du moyen
    • 4. Sur le moyen relatif à l’atteinte aux droits de la défense de H2O en raison de l’absence de prise en compte par la mission de contrôle et le collège de l’AMF de sa réponse au rapport de contrôle
      • 4.1. Présentation du moyen
      • 4.2. Examen du moyen
  • II. Sur les griefs notifiés
    • 1. Sur le grief tiré du non-respect des règles d’éligibilité des titres en lien avec la liquidité des Titres Tennor
      • 1.1. Notifications de griefs
      • 1.2. Observations des mis en cause
      • 1.3. Textes applicables
      • 1.4. Examen du grief
        • 1.4.1. Sur l’incidence de la liquidité des Titres Tennor non cotés sur la capacité des Fonds H2O à se conformer aux dispositions de l’article L. 214-8 du code monétaire et financier
        • 1.4.2. Sur le caractère approprié de la prise en compte des risques que présentaient les Titres Tennor non cotés par le processus de gestion des risques des Fonds H2O
          • Sur les procès-verbaux du comité des risques et conformité et du comité d’investissement de H2O
          • Sur les rapports de gestion des Fonds H2O
          •  Sur l’audit intitulé « Compliance Due Diligence on Non-Rated Placements »
    • 2. Sur le grief tiré du non-respect des règles d’éligibilité des titres en lien avec les objectifs et la politique d’investissement prévus dans les prospectus des Fonds H2O
      • 2.1. Notifications de griefs
      • 2.2. Observations des mis en cause
      • 2.3. Textes applicables
      • 2.4. Examen du grief
        • 2.4.1. Examen des prospectus des Fonds H2O
        • 2.4.2. Examen des investissements litigieux
    • 3. Sur le grief tiré du non-respect des règles relatives à la valorisation des titres pouvant être détenus à l’actif des Fonds H2O
      • 3.1. Notifications de griefs
      • 3.2. Observations des mis en cause
      • 3.3. Textes applicables
      • 3.4. Examen du grief
        • 3.4.1. Sur la méthode de valorisation des Titres de créance Tennor non cotés mise en œuvre par H2O avant le mois de juin 2019
          • Sur les procédures internes de H2O relatives au processus de valorisation avant le mois de juin 2019
          •  Sur la valorisation en pratique des Titres de créance Tennor non cotés avant le mois de juin 2019
        • 3.4.2. Sur la méthode de valorisation mise en œuvre par H2O entre le mois de juin et le mois de juillet 2019
        • 3.4.3. Sur la méthode de valorisation formalisée par H2O après le mois de juillet 2019
    • 4. Sur le grief relatif au dépassement d’un ratio d’investissement
      • 4.1. Notifications de griefs
      • 4.2. Observations des mis en cause
      • 4.3. Textes applicables
      • 4.4. Examen du grief
        • 4.4.1. Sur les dépassements du ratio d’emprise
        • 4.4.2. Sur la gravité du grief
          • Sur l’absence de diligence et de réactivité de H2O pour remédier aux dépassements des ratios d’emprise
          • Sur l’inéligibilité des titres qui sont l’objet des dépassements de ratio
          •  Sur la poursuite par H2O de sa politique d’investissement dans les Titres Tennor
    • 5. Sur le grief relatif au non-respect des règles d’investissement applicables aux Fonds H2O dans le cadre des opérations de B&S ayant pour sous-jacents les Titres Tennor
      • 5.1. Notifications de griefs
      • 5.2. Observations des mis en cause
      • 5.3. Textes applicables
      • 5.4. Examen du grief
        • 5.4.1. Sur la prise en compte par H2O des risques des opérations de B&S ayant pour sous-jacents les Titres Tennor
          •  Sur le respect du critère de liquidité
        • 5.4.2. Sur le respect de l’exigence de conclure une convention cadre entre les Fonds H2O et les contreparties des opérations de B&S ayant pour sous-jacents les Titres Tennor
        • 5.4.3. Sur le respect des règles de dénouement et d’évaluation des opérations de B&S ayant pour sous-jacents les Titres Tennor
        • 5.4.4. Sur la prise en compte des opérations de B&S pour le calcul de l’exposition maximale de 5 % au risque de contrepartie sur un même cocontractant
  • III. Sur l’imputabilité des manquements commis par H2O à MM. Crastes et Chailley
    • 1. Notifications de griefs
    • 2. Observations de MM. Crastes et Chailley
    • 3. Textes applicables
    • 4. Examen de l’imputabilité à MM. Crastes et Chailley des manquements commis par H2O
  • IV. Sur les sanctions
    • 1. Sur la gravité et la durée des manquements
    • 2. Sur la qualité et le degré d’implication de MM. Crastes et Chailley
    • 3. Sur la situation financière des mis en cause
      • 3.1. Sur la situation financière de H2O
      • 3.2. Sur la situation financière de M. Crastes
      • 3.3. Sur la situation financière de M. Chailley
      • 3.4. Sur le préjudice subi par les investisseurs
      • 3.5. Sur les circonstances propres à H2O
        • 3.5.1. Sur les mesures de remédiation mises en œuvre
        • 3.5.2. Sur les mesures de réparation
  • V. Sur la publication de la décision

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Décision de la Commission des sanctions du 30 décembre 2022 à l'égard de la société H2O AM LLP et de MM. Bruno Crastes et Vincent Chailley