Cour d'appel d'Agen, Chambre sociale, 16 décembre 2008, n° 06/01687

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Agen, ch. soc., 16 déc. 2008, n° 06/01687
Juridiction : Cour d'appel d'Agen
Numéro(s) : 06/01687
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Auch, 5 novembre 2006

Texte intégral

ARRÊT DU

16 DÉCEMBRE 2008

CL/NC


R.G. 06/01687


B C

C/

XXX

En la personne de son Représentant Légal


ARRÊT n° 437

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Sociale

Prononcé à l’audience publique du seize décembre deux mille huit par Catherine LATRABE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, assistée de Nicole CUESTA, Greffier,

La COUR d’APPEL D’AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l’affaire

ENTRE :

B C

'Les Bains'

XXX

Rep/assistant : la SCP NOURY NOURY-LABEDE (avocats au barreau de MONT DE MARSAN)

APPELANT d’un jugement du Conseil de Prud’hommes d’AUCH en date du 6 novembre 2006 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 04/00041

d’une part,

ET :

E. A. R. L. PISCICULTURE D’ESTALENS

En la personne de son Représentant Légal

'Estalens'

XXX

Rep/assistant : Me Michel BLAISE (avocat au barreau D’AUCH)

INTIM''E

d’autre part,

A rendu l’arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 18 novembre 2008 devant Catherine LATRABE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, Chantal AUBER et Thierry LIPPMANN, Conseillers, assistés de Nicole CUESTA, Greffière, et après qu’il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l’arrêt serait rendu.

* *

*

B C a été embauché, à compter du 1er octobre 1995, par l’EARL PISCICULTURE D’ESTALENS, suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de régisseur, moyennant 'une rémunération annuelle brute de 280.000 FF à laquelle s’ajouteront des primes de qualité commerciale'.

Le 11 décembre 2003, il a fait l’objet d’une convocation à un entretien préalable au licenciement avec mise à pied conservatoire à effet immédiat.

Suivant courrier recommandé en date du 24 décembre 2003, l’employeur lui a notifié son licenciement dans les termes suivants :

'… Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d’une faute grave.

En effet, vous avez eu à l’égard de certains membres du personnel de l’entreprise une attitude inacceptable.

Vous avez notamment harcelé Monsieur D E au point que ce dernier a été hospitalisé à la Clinique Marigny.

Alerté par ces faits j’ai mené des investigations sur votre comportement.

A cette occasion, j’ai appris que Monsieur M-N O, salarié de l’entreprise, avait démissionné de son emploi suite à une rixe avec vous.

Ni vous ni personne ne m’a jamais informé de ces faits à l’époque.

Votre gestion du personnel s’est avérée calamiteuse, vous vous êtes notamment rendu complice de la dissimulation de l’absence à leur poste de travail de certains salariés, et vous avez maintenu à l’atelier plante un effectif excédentaire sans en avertir l’employeur.

Vous avez menacé et intimidé d’autres salariés de l’entreprise, notamment Madame X pour qu’elle ne révèle pas l’absence non autorisée des salariées de l’atelier plantes, et pour qu’ils ne fournissent aucune attestation dans l’intérêt de l’entreprise si vous veniez à être licencié.

Vous avez démobilisé par vos discours et vos actions, notamment en vous vantant d’être surpayé, le personnel de l’entreprise.

Vous avez commis de nombreuses négligences dans votre activité professionnelle.

En votre qualité de régisseur, vous aviez en charge de respecter vous-même et de faire respecter les procédures lors de la réception des poissons, et pendant tout leur séjour dans l’entreprise, vous deviez aussi contrôler l’entretien et la sauvegarde des installations.

Vous n’avez pas respecté ces obligations.

A de très nombreuses reprises, des poissons sont morts parce que vous n’avez pas pris les mesures nécessaires à leur sauvegarde à titre d’exemple :

— mauvaise acclimatation des poissons à l’arrivée,

— éclairage laissé en marche,

— mauvaise aération des bassins,

— débordement des bassins extérieurs du fait du défaut de remplacement d’une pompe en panne,

— refus, contre mes instructions de prendre les mesures nécessaires pour éviter la contamination de tous les poissons par un lot suspecté d’être porteur d’herpès,

Vos négligences ont eu des conséquences très préjudiciables pour l’entreprise ; une mortalité accrue des poissons la dégradation des machines (notamment du fait de l’absence de contrôle du nettoyage quotidien des filtres) et des installations (prolifération des écrevisses de Louisiane, alors que nous avions acquis des pièges que vous n’avez jamais utilisés).

Vous n’avez pas hésité à contredire mes instructions auprès des salariés, notamment Mademoiselle Y qui de ce fait n’a pas respecté mon ordre de détruire le lot de poisson infecté d’herpès.

Vous avez dénigré l’entreprise et son gérant, je vous ai même entendu dire à Monsieur Z par téléphone que nous ne pouvions plus faire transporter les poissons par Chronopost, parce que nous n’avions pas payé les factures depuis deux ans, ce qui est totalement faux et dévalorise l’image de l’entreprise.

Vous aviez en charge de vous assurer de la réception des poissons et plantes conformes aux commandes, vous avez négligé à de nombreuses reprises d’adresser aux fournisseurs dans des délais raisonnables, les réclamations nécessaires, et de procéder auprès des transporteurs aux demandes de remboursement en cas de mortalité des poissons liées aux problèmes de transport.

Cette conduite compromet la bonne marche de l’entreprise.

Les explications recueillies auprès de vous, au cours de notre entretien en date du 19 Décembre dernier, ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet.

Au contraire, vous nous avez informé, lors de cet entretien, avoir organisé une réunion des salariés de l’entreprise à l’exception de Monsieur A au cours de laquelle vous leur avez exposé vos récriminations contre le gérant, ce qui constitue un faute supplémentaire.

Nous vous informons que nous avons en conséquence décidé de vous licencier pour faute grave.

Compte tenu de la gravité des fautes, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible ; le licenciement prend donc effet à la date de présentation de cette lettre, sans indemnité de préavis, ni de licenciement….'

Contestant ce licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de l’intégralité de ses droits, B C a saisi, le 25 février 2004, le Conseil de Prud’hommes d’AUCH.

Suivant jugement en date du 6 novembre 2006, cette juridiction a débouté B C de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné à verser à l’EARL PISCICULTURE D’ESTALENS la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

B C a relevé appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui n’apparaissent pas critiquables.

Il explique que pendant les huit années de la relation salariale, il n’a pas reçu le moindre avertissement écrit et que jusqu’au licenciement, il n’a jamais fait l’objet d’une procédure disciplinaire malgré les conditions difficiles dans lesquelles il était amené à exercer ses fonctions notamment les deux dernières années en raison d’un manque de personnel, d’un manque de matériel et de moyens ainsi que de l’indisponibilité récurrente de son employeur.

Il considère que nombreux des griefs invoqués à son encontre sont prescrits et en tout état de cause, il soutient, pour l’essentiel, qu’aucun des reproches dont l’employeur fait état dans la lettre de licenciement, ne se trouve fondé.

Il en déduit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ce qui doit lui ouvrir droit à des indemnités de rupture.

Il fait état, par ailleurs, de ce que son contrat de travail prévoyait indépendamment de sa rémunération brute annuelle l’octroi de primes de qualité commerciale qu’il n’a jamais perçues malgré ses réclamations alors que d’autres salariés de l’entreprise en ont toujours bénéficié.

Il demande, dès lors, à la Cour de réformer la décision du Conseil de Prud’hommes et statuant à nouveau, de dire que le licenciement dont il a fait l’objet est abusif et ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, en conséquence de condamner l’EARL PISCICULTURE D’ESTALENS à lui payer les sommes de 23.940 € à titre d’indemnité de préavis, de 2.394 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, de 23.940 € à titre d’indemnité de licenciement et de 95.760 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dire qu’il est bien fondé à solliciter le règlement de la prime de qualité dans la limite de la prescription quinquennale et de condamner, en conséquence, l’EARL PISCICULTURE D’ESTALENS à lui payer la somme de 35.400 € à titre de rappel de salaires ; il sollicite, enfin, la condamnation de l’EARL PISCICULTURE D’ESTALENS à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

* *

*

L’EARL PISCICULTURE D’ESTALENS demande, au contraire, à la Cour de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions, de débouter B C de l’intégralité de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 5.000 € en application de l’article 700 précité.

Elle soutient que ce n’est qu’au mois de novembre 2003 qu’elle n’a eu connaissance des faits reprochés à B C, de sorte que la prescription de ceux- ci ne saurait lui être opposée.

Elle estime, par ailleurs, que la faute grave du salarié se trouve parfaitement caractérisée et établie si bien que les prétentions indemnitaires de l’appelant ne peuvent prospérer.

Elle prétend, enfin, que le défaut de fixité de la prime revendiquée par B C ne permet pas à ce dernier d’invoquer le caractère d’usage susceptible de l’engager.

— SUR QUOI :

Attendu que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat

de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.

Attendu que, s’agissant du premier des griefs invoqués par l’EARL PISCICULTURE D’ESTALENS à l’encontre de B C dans la lettre de licenciement laquelle lie le débat sur les termes du litige, à savoir le comportement de ce dernier à l’égard de D E, recruté par l’entreprise en qualité d’ouvrier, sous contrat de travail à durée déterminée du 8 août 2003 au 8 février 2004, il résulte clairement de l’attestation circonstanciée établie aux formes de droit par ce dernier que dès son retour de congé maladie, le 12 octobre 2003, B C s’en est pris à lui, le ridiculisant ou le dévalorisant devant les autres employés, lui donnant ordres et contre ordres, s’adressant à lui avec rudesse et faisant de lui, selon l’expression de l’intéressé 'sa tête de turc’ au point que ce salarié indique avoir craqué et avoir refusé le contrat de travail à durée indéterminée proposé par l’employeur auquel il a d’ailleurs dénoncé l’attitude de B C à son égard par un courrier en date du 8 novembre 2003.

Que s’agissant de la gestion des deux salariées de l’atelier plantes, également sous son contrôle en sa qualité de régisseur, il ressort des attestations concordantes établies par F X et H I, employés de pisciculture, par J K et L A, cadres piscicoles que B C couvrait de manière habituelle les absences des intéressées pendant les heures de travail pour aller faire leurs courses ou autre, à tel point que d’autres salariés de l’entreprise devaient les remplacer, en urgence, à leur poste de travail alors qu’elles auraient dû y être.

Que s’agissant du comportement de B C au sein de l’entreprise, plusieurs salariés de l’entreprise attestent de ce que ce dernier se vantait régulièrement d’être bien payé pour le travail qu’il faisait, D E indiquant, quant à lui, que B C critiquait ouvertement l’entreprise devant les ouvriers et employés durant les heures de travail.

Que l’attitude ci-dessus visée de B C tant à l’égard des subordonnés dont il avait la charge qu’à l’égard de l’entreprise elle-même, suffit à établir, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs développés à son encontre, une violation caractérisée du salarié du contrat de travail et des relations de travail, violation constitutive de la faute grave rendant impossible le maintien de l’intéressé dans l’entreprise et justifiant sa mise à pied conservatoire dès lors que les faits dont il s’agit émanent d’un cadre supérieur bénéficiant d’une large autonomie octroyée par un employeur fréquemment absent du lieu d’exploitation.

Attendu que la faute grave est privative des indemnités de préavis et de licenciement.

Que la faute grave étant retenue, B C doit, par ailleurs, être débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Attendu que le seul fait que le contrat de travail de B C fasse référence sans autre précision à 'des primes de qualité commerciale’ ne suffit pas à établir à la charge de l’employeur un engagement à ce titre, dès lors qu’il n’est pas contesté que l’appelant n’a jamais perçu de telles primes, qu’aucun élément du dossier ne permet d’apprécier leur montant et qu’il n’est justifié s’agissant des primes ainsi revendiquées d’aucun caractère de généralité, de constance et de fixité, la production aux débats de six bulletins de salaire ayant concerné en 2002 et en 2003 quatre autres salariés de l’entreprise étant insuffisante pour permettre d’établir la preuve d’un usage d’entreprise.

Que B C ne peut être dès lors que débouté de sa demande de rappel de salaire.

Attendu, par conséquent, qu’il convient de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions.

Attendu qu’il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l’EARL PISCICULTURE D’ESTALENS la totalité des frais non compris dans les dépens qu’elle a pu être amenée à exposer, en cause d’appel, pour la défense de ses intérêts.

Attendu que les dépens de l’appel seront mis à la charge de B C qui succombe pour l’essentiel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,

Rejette comme inutile ou mal fondée toute demande plus ample ou contraire des parties,

Condamne B C aux dépens de l’appel.

Le présent arrêt a été signé par Catherine LATRABE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, et par Nicole CUESTA, Greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Textes cités dans la décision

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Cour d'appel d'Agen, Chambre sociale, 16 décembre 2008, n° 06/01687