Cour d'appel d'Agen, 5 mai 2015, 14/00762

  • Licenciement·
  • Harcèlement moral·
  • Faute grave·
  • Travail·
  • Harcèlement sexuel·
  • Point de vente·
  • Propos·
  • Fait·
  • Salarié·
  • Employeur

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Agen, ch. soc., 5 mai 2015, n° 14/00762
Juridiction : Cour d'appel d'Agen
Numéro(s) : 14/00762
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Agen, 27 avril 2014, N° F12/00532
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000030608403
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Sociale

ARRÊT DU

5 MAI 2015

AP/ NC

R. G. 14/ 00762

Fabrice X…

C/

SAS JOSYVAR

ARRÊT no 176

Prononcé à l’audience publique du cinq mai deux mille quinze par Aurélie PRACHE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, assistée de Nicole CUESTA, Greffière.

La COUR d’APPEL D’AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l’affaire

ENTRE :

Fabrice X…

né le 30 août 1980 à VALENCE (26)

47450 COLAYRAC SAINT CIRQ

Représenté par Me Valérie LACOMBE, avocat au barreau d’AGEN

APPELANT d’un jugement du Conseil de Prud’hommes-Formation paritaire d’AGEN en date du 28 avril 2014 dans une affaire enregistrée au rôle sous le no R. G. F 12/ 00532

d’une part,

ET :

SAS JOSYVAR

RN 21

47510 FOULAYRONNES

Représentée par Me Benjamin ECHALIER de la SELARL ALPHA CONSEILS, avocat au barreau d’AGEN

INTIMÉE

d’autre part,

A rendu l’arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 24 mars 2015, sur rapport de Aurélie PRACHE, devant Aurélie PRACHE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, assistée de Nicole CUESTA, Greffière, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l’arrêt serait rendu et prononcé par sa mise à disposition au Greffe. Le magistrat rapporteur en a, dans son délibéré, rendu compte à la Cour, composée, outre d’elle-même, de Aurore BLUM et de Christine GUENGARD, Conseillères, en application des dispositions des articles 945-1 et 786 du Code de Procédure Civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus mentionnés.

— FAITS ET PROCÉDURE :

Selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 15 juillet 2009, la SAS Josyvar, exploitant à Foulayronnes un supermarché sous l’enseigne Intermarché a embauché M. X… en qualité d’ouvrier boucher, catégorie employé, niveau 3b. Le dernier salaire brut de M. X… était de 1 522, 77 euros.

Selon avenant en date du 1er octobre 2011, M. X… a été promu au niveau IV de la classification fixée par la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Par courrier recommandé daté du 12 novembre 2012 adressé au directeur du supermarché, Mme A…, employée au rayon boucherie, s’est plainte de harcèlement moral et de harcèlement sexuel de la part de son collègue de travail M. X….

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 novembre 2012, M. X… a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable au licenciement pour faute grave, fixé au 27 novembre 2012.

Par lettre recommandée du 30 novembre 2012, sous la signature de son dirigeant M. B…, la société Josyvar a notifié à M. X… son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

« Nous avons eu à déplorer de votre part des comportements constitutifs d’une faute grave.

En effet, le 15 novembre 2012, nous avons reçu une lettre recommandée AR de Madame Catherine A…, employée au rayon boucherie.

La teneur de sa correspondance n’a pas manqué de nous interpeller puisque votre collègue y dénonçait des faits qu’elle qualifiait de harcèlement moral et de harcèlement sexuel dont vous seriez l’auteur.

Votre collègue faisait état d’un grand mal être consécutif à vos agissements.

Compte tenu de la gravité de ses accusations, nous avons immédiatement interrogé Madame Catherine A… qui nous a expressément confirmé ses écrits.

Nous avons également décidé de diligenter une enquête interne.

Nous avons ainsi entendu les salariés du point de vente.

Au cours de cette enquête, nous avons constaté, avec stupéfaction, que les griefs formulés à votre encontre par Madame Catherine A…, était malheureusement bien réels et d’une exceptionnelle gravité.

Ainsi, depuis près d’une année, vous n’avez de cesse de chercher à déstabiliser votre collègue de travail.

Vous lui infligiez bon nombre de brimades comme, par exemple, lui faire refaire sans aucune raison, les barquettes de viande, changer l’emplacement des viandes dans le rayon libre-service afin de la perturber,…, de façon à rendre intolérable ses conditions de travail et de la contraindre à quitter notre entreprise.

Vous n’aviez eu de cesse de souligner quasi-quotidiennement sa prétendue inutilité professionnelle alors que Madame Catherine A… est un bon élément dans notre entreprise.

Vous n’hésitiez également pas à lui tenir des propos vexatoires, humiliants, grossiers et injurieux.

Ces faits se déroulaient systématiquement en l’absence du responsable de la boucherie, Monsieur Jean-Michel C….

Faces à vos insupportables pressions psychologiques et odieuses invectives, Madame Catherine A… a décidé de lui en faire état.

Monsieur Jean-Michel C… est alors intervenu auprès de vous afin de vous tempérer.

En vain.

En effet, après une courte accalmie, vous n’avez pas hésité à reprendre, en l’absence de votre supérieur hiérarchique, vos inacceptables pressions à l’encontre de votre collègue.

Dernièrement, le 1er novembre 2012, vous avez tenu, à voix haute, des propos injurieux et insultants à Madame Catherine A….

Plusieurs salariés ont été témoins de la scène et vous avez pris à partie un de ces derniers en le menaçant.

Vous lui avez ainsi indiqué sur un ton particulièrement agressif et à plusieurs reprises : « je vais te casser la gueule ».

Nous ne pouvons tolérer, en sus de vos agissements, des menaces physiques proférées à l’encontre d’un de nos salariés.

En outre, les pressions systématiques précitées se sont accompagnées d’allusions, de propos ou de comportements à connotation sexuelle répétés.

Vous indiquiez ainsi à Madame Catherine A… notamment : " je me ferai bien une grosse ! » ; " Je me ferai bien une vieille ! » ;…

Vous aviez même eu l’audace de parier que vous arriveriez à vos fins et aviez placé une bouteille de champagne dans la chambre froide.

De telles obscénités et impudicités ont eu pour effet de créer une situation hostile et offensante, portant atteinte à la dignité de femme de Madame Catherine A….

Au cours de notre enquête, nous avons également découvert, à notre grand désarroi, que d’autres salariées avaient été victimes de vos comportements grivois, déplacés et de vos sollicitations sexuelles.

Ces dernières en ont dûment attesté.

Vous proposiez ainsi d’aider dans leurs tâches de nouvelles embauchées et ce en échange de faveurs sexuelles.

Certaines salariées ont vécu, pendant des mois, un véritable acharnement.

Vous quittiez, parfois plusieurs fois par jour, votre poste de travail afin de les solliciter et alliez jusqu’à faire un geste obscène de simulation d’acte sexuel (avec vos mains).

Vos pressions à l’encontre de Madame Catherine A… et vos comportements à connotation sexuelle, dont plusieurs salariées ont été victimes, sont intolérables.

Vos agissements, dans leur ensemble, perturbent gravement les salariés (et par voie de conséquence, le bon fonctionnement de l’entreprise), portent atteinte à leur dignité, altèrent ou sont susceptibles d’altérer la santé.

Ils affectent également l’image et la réputation de notre Société.

En effet, à la vue de certaines clientes, vous lanciez dans le laboratoire, des propos indignes tels : « La salope » ; « j’aimerai bien me la faire » ;…

Une cliente est ainsi venue au point de vente à l’effet de déplorer des propos parfaitement déplacés envers sa fille mineure.

La cliente a ainsi exigé que de tels comportements ne se reproduisent plus, faute de quoi elle déposerai une plainte pénale.

Les explications recueillies auprès de vous, lors de notre entretien du 27 novembre 2012, au cours duquel vous étiez assisté par une conseillère extérieure à l’entreprise, ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation sur les faits reprochés.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.

Votre maintien au sein de l’entreprise s’avère impossible. (…) »

Le 18 décembre 2012, M X… a porté plainte auprès de la gendarmerie d’Agen à l’encontre de Mme A… pour dénonciation calomnieuse et diffamation.

Le 20 décembre 2012, M. X… a saisi le conseil de prud’hommes d’Agen aux fins de faire annuler sa mise à pied, de faire juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement et d’obtenir payement de diverses indemnités et rappel de salaire.

Par jugement en date du 28 avril 2014, auquel le présent arrêt se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties et des motifs énoncés par les premiers juges, le conseil de prud’hommes d’Agen a débouté M. X… de l’intégralité de ses prétentions et l’a condamné aux dépens et au payement d’une indemnité de procédure de 50 euros.

M. X… a interjeté appel de ce jugement par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 27 mai 2014.

— MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon ses dernières écritures enregistrées au greffe le 24 mars 2015, reprises et développées oralement à l’audience, M. X… conclut à l’infirmation du jugement et demande à la Cour :

1o) d’annuler sa mise à pied conservatoire et de dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en faisant valoir :

— que la précipitation avec laquelle l’employeur a engagé la procédure de licenciement est étonnante, que ni l’inspection du travail, ni la médecine du travail n’ont été alertées, alors que des accusations d’une telle gravité auraient nécessité l’intervention d’un tiers ;

— que les griefs invoqués dans la lettre de licenciement ne sont qu’un tissu de mensonges et de manipulations et qu’il a d’ailleurs déposé une plainte pour dénonciation calomnieuse et diffamation contre Mme A… ;

— que tous les collègues travaillant à proximité du rayon boucherie et le côtoyant tout au long de la journée, ont attesté qu’ils ne l’ont jamais vu faire des remarques ou des gestes déplacés vis à vis de quiconque ;

— que les salariés qui ont attesté en faveur de l’employeur ne voyaient M. X… que quelques minutes par jour et qu’aucun n’indique avoir vu M. X… harceler Mme A…, les témoins n’ayant fait que relater ce qui leur avait été dit par Mme A… ;

— que la lecture des écrits de Mme A… démontre qu’elle souhaitait par tous les moyens le faire licencier, le traitant de harceleur sexuel et moral, de voleur, de manipulateur, de fainéant ;

— que la haine qu’elle lui voue trouve sa cause dans une altercation qui s’est produite le 1er novembre 2012, quand il lui a reproché un manque de rigueur dans les tâches de nettoyage ;

— que le comportement de Mme A… n’est pas celui d’une personne harcelée, qu’elle n’a pas porté plainte et n’a produit aucun certificat médical établi au moment des faits allégués ;

— que le magasin est truffé de caméras, mais qu’il n’y a aucune preuve matérielle des gestes obscènes allégués et des prétendus déplacements entre la boucherie et les caisses, que l’enquête interne effectuée unilatéralement par l’employeur est dépourvue de toute valeur probante et que c’est à tort que les premiers juges l’ont retenue ;

— que le grief de propos déplacés à l’égard de la clientèle n’a même pas été évoqué lors de l’entretien préalable et qu’il devra donc être écarté, qu’au surplus l’histoire relatée dans la lettre de licenciement est invraisemblable et n’est corroborée par aucun élément de preuve ;

— qu’il a fait établir le 7 janvier 2013 un constat d’huissier portant sur des messages SMS reçus sur son téléphone portable courant décembre 2012 dans lesquels il était fait état de ce que le directeur avait indiqué au responsable du rayon boucherie que tous ceux qui avaient fait des attestations étaient sur un siège éjectable, propos qui démontrent la mauvaise position de l’employeur ;

— que la lettre de licenciement mentionne également des doléances d’autres salariées, sans les nommer, et que l’absence de précision discrédite ce grief ;

— qu’il n’a jamais harcelé moralement ou sexuellement Mme D…, mais a simplement refusé ses avances ;

— que le directeur du magasin a été effrayé par la gravité des accusations de Mme A… et n’a pas su se tourner vers des professionnels compétents et habitués à la matière (inspection du travail ou médecine du travail) car il avait lui-même vécu personnellement un événement lié à un harcèlement moral, ainsi qu’il le lui avait confié ;

— que les éléments constitutifs du harcèlement moral ne sont pas réunis, la répétition des actes et la dégradation de la santé de Mme A… n’étant pas prouvées, les mesures discriminatoires mêmes pas évoquées et M. X… n’étant pas le supérieur hiérarchique de Mme A… ;

— que les éléments constitutifs du harcèlement sexuel ne le sont pas davantage, tant en ce qui concerne Mme A…, Mme D…, Mme E… et Mme F…, qu’en ce qui concerne une cliente, non identifiée ;

2o) de condamner la société Josyvar à lui payer les sommes de :

-26 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;

-859, 02 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire ;

-85, 90 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférents ;

-1 156, 02 euros au titre de l’indemnité de licenciement ;

-3226, 10 euros au titre de l’indemnité de préavis ;

-322, 61 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférents ;

-5 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du caractère particulièrement vexatoire du licenciement,

3o) de condamner la société Josyvar, sous astreinte définitive de 100 euros par jour de retard, à compter du huitième jour suivant la notification de l’arrêt, à procéder à la rectification des bulletins de salaire et de l’attestation pôle emploi ;

4o) de condamner la société Josyvar aux dépens et au paiement d’une indemnité de procédure de 2 500 euros.

Selon ses dernières écritures enregistrées au greffe le 19 février 2015, reprises et développées oralement à l’audience, la SAS Josyvar conclut à la confirmation du jugement, au rejet de l’intégralité des prétentions de M. X… et à sa condamnation aux dépens et au payement d’une indemnité de procédure de 2 000 euros en soutenant :

— que l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prévenir toute forme de harcèlement ;

— que dès que son dirigeant a pris connaissance des faits rapportés dans le courrier de Mme A…, il a sans tarder diligenté une enquête interne et entendu tous les salariés du point de vente afin de se faire une idée exacte de la situation, que M. X… n’est pas fondé à contester le déroulement de l’enquête, effectuée à charge et à décharge puisque aucune des personnes auditionnées n’a remis en cause son témoignage ;

— qu’au cours de l’enquête interne diligentée par M. B… les langues se sont déliées par rapport au comportement de M. X… et ont révélé que non seulement Mme A…, mais aussi d’autres salariées avaient été victimes des comportements grivois, déplacés et de sollicitations sexuelles de la part de M. X…, notamment Mme E…, Mme D…, Mme F… ;

— que dès lors qu’il avait constaté que les faits dénoncés par Mme A… étaient avérés au sein même du point de vente, l’employeur qui ne pouvait pas tolérer de tels agissements, était tenu d’intervenir et qu’il ne saurait donc lui être reproché une quelconque précipitation dans la procédure de licenciement ;

— que certains agissements de M. X… sont décrits de manière extrêmement circonstanciée par Mme A…, que la réalité des faits de harcèlement est confirmée par de nombreux témoins et que ce n’est pas parce que certains des salariés du point de vente n’ont rien vu ou entendu et n’ont pas été témoins des agissements de M. X… que ceux-ci n’ont pas eu lieu ;

— que M. X… était suffisamment habile pour parvenir à masquer ses agissements et que d’ailleurs jusqu’à réception de la lettre de Mme A… les dirigeants de la société Josyvar n’auraient jamais imaginé que de tels faits se déroulaient au sein même du point de vente depuis un an ;

— que M. B… n’est pas le directeur du magasin mais le dirigeant et président du conseil d’administration de la SAS Josyvar et qu’il est totalement scandaleux et gratuit pour M. X… de prétendre que celui-ci se serait épanché de quelque confidence que ce soit envers un salarié qu’il n’avait aucun intérêt à se séparer d’un salarié qu’il considérait comme un bon élément, jovial et sympathique, qui avait fait l’objet de promotions ;

— que le licenciement étant fondé sur une faute grave du salarié, l’ensemble de ses demandes en payement doit être rejeté, qu’en toute hypothèse, elles sont excessives puisqu’il résulte de l’attestation de M. G… produite par M. X… qu’il avait retrouvé un travail au début de l’année 2013.

— MOTIFS DE L’ARRÊT :

— Sur le licenciement :

Dans la lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, l’employeur formule essentiellement trois griefs, justifiant selon lui un licenciement pour faute grave de M. X… :

— le harcèlement moral de Mme A…,

— la harcèlement sexuel de Mme A… et d’autres salariées de l’entreprise,

— des propos déplacés à l’égard de clientes du magasin.

— Sur le harcèlement moral :

L’article L. 1151-2 du code du travail dispose qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à

sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En l’espèce, dans la lettre adressée le 12 novembre 2012 à son employeur et dans l’attestation établie le 1er mars 2013, Mme A… a mentionné :

— qu’à partir d’octobre 2011, lorsqu’ils étaient seuls, M. X… l’insultait en lui disant qu’elle était fainéante, qu’elle n’avait rien à faire dans le magasin, que son travail était mal fait ;

— que lorsqu’il remplaçait ses supérieurs, lors de leurs vacances, il redoublait de propos malveillants, toujours sur le même thème « tu ne glandes rien… tu ne branles rien » ;

— qu’à partir du début de l’année 2012, son jeu favori était de venir l’agresser verbalement toutes les dix minutes, en lui reprochant de ne rien faire ;

— qu’à partir de l’été 2012, la situation s’est encore aggravée, puisque non content de l’insulter, M. X… déposait des produits périmés dans son rayon pour faire croire qu’elle faisait mal son travail, qu’il déplaçait les barquettes de viande dans son rayon pour les mélanger ;

— qu’en juillet 2012, durant le congé de M. C…, le responsable de la boucherie dans le magasin, les injures verbales et la désorganisation permanente de son rayon l’ont amenée à parler de ses difficultés à plusieurs de ses collègues, qui lui ont dit de ne pas se laisser faire et de tenir bon ;

— que le 1er novembre 2012, une violente altercation les a opposés parce qu’elle avait refusé de faire son travail et qu’à la suite de cet incident il a commencé à la dénigrer auprès des clients ;

— qu’elle était stressée et angoissée en permanence lorsqu’elle venait travailler aux mêmes horaires que M. X… ;

— qu’après avoir pris des renseignements et avant de saisir le conseil de prud’hommes, elle a décidé de prévenir le patron de l’entreprise, ce qu’elle a fait par son courrier du 12 novembre.

La réalité des faits dénoncés par Mme A… est confirmée par les attestations établies par un certain nombre de ses collègues. En effet si ceux-ci disent n’avoir pas été les témoins directs des agissements de M. X…, ils ont indiqué, d’une part, que Mme A…, bien avant le 1er novembre 2012, leur avait rapporté les dits agissements, d’autre part, qu’elle en avait été profondément affectée.

Ainsi M. C…, le responsable du rayon boucherie a attesté que Mme A… était venue lui parler de l’attitude insultante de M. X…, qui l’avait conduite à envisager de démissionner, qu’il était intervenu et que M. X… s’était calmé pendant un certain temps, qu’avant de partir en congé en septembre 2012, il avait invité Mme A…, en cas de problème, à se rapprocher de Mme H…, responsable du rayon frais, à qui il avait fait part de la situation, voire de M. B….

Mme I… a attesté pour sa part qu’en octobre 2012, Mme A… lui avait parlé à deux reprises de ses problèmes avec M. X… et lui avait dit qu’elle n’en dormait plus.

De même Mme H… a attesté que Mme A… était venue se plaindre du harcèlement dont elle était l’objet de la part de M. X… et a confirmé que M. C… était venu avant ses congés de septembre lui demander de veiller pour voir s’il y avait un problème. Elle a ajouté que Mme A… était triste, fatiguée et désespérée au point de vouloir quitter l’entreprise.

M. Christian E… a non seulement confirmé avoir été informé courant octobre 2012 par Mme A… des agissements de M. X… et des circonstances de l’altercation du 1er novembre, mais a précisé qu’à cette occasion, surpris par la réaction de Mme A…, qui pour une fois avait répliqué, il avait rigolé et qu’aussitôt M. X… l’avait menacé de lui casser la gueule.

L’ensemble de ses attestations met en évidence que Mme A… avait parlé des faits dont elle était victime bien avant le 1er novembre 2012 et que ceux-ci ont altéré sa santé au point que ses collègues ont noté son état de fatigue et son désespoir qui l’avait conduit à envisager de démissionner pour y échapper. Elles rendent totalement crédible la relation des faits par Mme A….

L’ensemble de ces agissements répétés de M. X… sont constitutifs de harcèlement moral au sens de l’article L. 1151-2 du code du travail dès lors qu’ils ont pour objet et pour effet de dégrader les conditions de travail de Mme A…, dont le rayon était volontairement désorganisé, de porter atteinte à ses droits et à sa dignité par l’accusation répétée d’être fainéante, incompétente et inefficace, et d’altérer sa santé physique ou mentale, ainsi que l’ont rapporté de nombreux collègues.

Il suffira simplement d’ajouter, pour répondre aux objections soulevées par M. X… :

— que le fait qu’un certain nombre de ses collègues aient attesté n’avoir pas remarqué les agissements dénoncés par Mme A… ne signifie nullement que ceux-ci n’ont pas eu lieu, mais traduit seulement, ainsi que l’a souligné Mme A…, que M. X… n’agissait que lorsqu’il n’y avait pas de témoin ;

— que c’est vainement qu’il soutient que Mme A… lui vouerait une haine en raison de l’incident du 1er novembre 2012 et qu’elle n’aurait dénoncé les faits que pour qu’il soit licencié, qu’en effet, les attestations évoquées ci-dessus établissent clairement que Mme A… avait dénoncé les faits à certains de ses collègues bien avant le 1er novembre et qu’elle avait précisé que pour y échapper, elle envisageait de démissionner de l’entreprise, la lettre adressée à son employeur le 12 novembre 2012 se terminant d’ailleurs par une demande de soutien pour trouver un emploi dans un autre intermarché de la région, ce qui démontre que tout ce qu’elle voulait c’était échapper au harcèlement dont elle était victime ;

— que l’enquête interne à laquelle l’employeur a procédé, qui s’explique par sa volonté de faire la vérité sur les faits dénoncés avant de prendre une quelconque mesure, n’est certes pas contradictoire, mais que le compte-rendu qui en a été fait par celui-ci est totalement confirmé par les attestations produites, étant rappelé que ce n’est pas sur lui, mais sur les déclarations de Mme A… et les attestations détaillées ci-dessus que la décision de la Cour est fondée ;

— que le fait que M. X… ne soit pas le supérieur hiérarchique de Mme A…, mais simplement son collègue est sans incidence en l’espèce, le harcèlement moral étant caractérisé ;

— que M. X… ne justifie pas de la suite donnée à sa plainte simple déposée en décembre 2012, c’est à dire il y a plus de deux ans, contre Mme A… pour dénonciation calomnieuse.

— Sur le harcèlement sexuel :

L’article 1153-1 du code du travail dispose que les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers sont interdits.

En l’espèce, dans la lettre adressée le 12 novembre 2012 à son employeur et dans l’attestation qu’elle a établi le 1er mars 2013, Mme A… a mentionné :

— que M. X…, de 25 ans plus jeune qu’elle, lui avait dit notamment : « je me ferais bien une grosse » et « je me ferais bien une vieille » ;

— que souvent elle lui avait demandé ce qu’elle devait faire pour qu’il la laisse tranquille et qu’il lui faisait toujours la même réponse « tu le sais ce que je veux, je n’ai pas l’habitude qu’une nana me résiste ».

La preuve de la réalité des faits dénoncés résulte, non seulement des déclarations de Mme A…, mais encore, d’une part, de l’état physique et psychique de celle-ci, mis en évidence par les attestations précédemment analysées, qui a conduit à son désir de quitter l’entreprise pour échapper au harcèlement dont elle était victime, d’autre part, à l’absence totale de crédibilité des dénégations de M. X… qui se présente comme victime d’un complot alors qu’il serait d’une totale transparence avec sa compagne.

En effet, Mlle Audrey E… a attesté que lorsqu’elle avait commencé à travailler à Intermarché, M. X… lui avait proposé son aide en échange de faveurs sexuelles, ce qu’elle avait refusé. De même Mme F…, comptable de l’entreprise, a attesté qu’en 2012, M. X…, de 17 ans plus jeune qu’elle, avait eu régulièrement des réflexions et des propos à connotation sexuelle, au point qu’elle finit par ne se rendre au rayon boucherie pour récupérer les documents comptables que lorsque M. Jallais ne s’y trouvait pas. Mme D… également a attesté qu’à de multiples reprises, M. X… lui avait demandé « c’est quand qu’on fait l’amour » et que malgré son attitude hostile, il s’obstinait à continuer.

L’ensemble de ces attestations, et celle de Mme K…, hôtesse de caisse, faisant état d’une liaison avec l’appelant, confirment que la personnalité de M. X… est parfaitement compatible avec les faits dénoncés, dont la preuve apparaît ainsi suffisamment rapportée.

Les agissements dénoncés par Mme A… sont constitutifs de harcèlement sexuel dans la mesure où ils avaient pour but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle.

— Sur la faute grave :

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.

Les agissements de harcèlement moral et sexuel commis par M. X… à l’encontre de sa collègue constituent une faute grave justifiant le licenciement immédiat prononcé par l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise ; ces agissements rendaient impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, compte tenu des risques d’un tel maintien pour la santé des autres salariées.

Par suite le jugement entrepris mérite confirmation en ses dispositions énonçant que le licenciement de M. X… repose sur une faute grave.

— Sur les demandes en payement :

La faute grave est exclusive de l’indemnité légale de licenciement et privative de l’indemnité de préavis et de congés payés. Par suite c’est à bon droit que les premiers juges ont débouté M. X… des demandes formées de ces chefs.

La légitimité du licenciement pour faute grave étant démontrée, l’employeur ne saurait être condamné au payement du salaire pendant la période de mise à pied conservatoire, qui correspond à une période non travaillée, pas plus qu’à des dommages intérêts en raison du caractère prétendument vexatoire du licenciement de M. X….

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ses dispositions rejetant toutes les demandes en payement formulées par ce dernier.

M. X…, qui succombe, devra supporter les entiers dépens et ne peut bénéficier des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Au contraire, l’appel qu’il a interjeté a contraint la SAS Josyvar à exposer en cause d’appel, pour faire assurer sa défense, des frais irrépétibles dont il serait inéquitable qu’ils demeurent intégralement à sa charge. Il sera donc condamné à verser à l’intimée une indemnité de procédure de 500 euros par application de l’article 700 du dit code.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute M. X… de sa demande en payement d’une indemnité de procédure à hauteur d’appel ;

Condamne M. X… à payer à la SAS Josyvar une indemnité de procédure de 750 euros ;

Condamne M. X… aux entiers dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Aurélie PRACHE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, et par Nicole CUESTA, Greffière.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Extraits similaires à la sélection
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel d'Agen, 5 mai 2015, 14/00762