Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18 décembre 2006, n° 07/00835

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 18 déc. 2006, n° 07/00835
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 07/00835
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Bouches-du-Rhône, 17 décembre 2006, N° 20400609

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

14° Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 22 JANVIER 2009

N°2009/0073

Rôle N° 07/00835

SA B C

C/

A X

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

DRASS

Grosse délivrée

le :

à :

Me Jean-François DURAN, avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE

Monsieur A X

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES DU RHONE en date du 18 Décembre 2006,enregistré au répertoire général sous le n° 20400609.

APPELANTE

SA B C, demeurant XXX

représentée par Me Jean-François DURAN, avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE

INTIMES

Monsieur A X, demeurant XXX

représenté par M. D E en vertu d’un pouvoir général

CPAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant XXX

représenté par Mme F G en vertu d’un pouvoir général

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

XXX

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 04 Décembre 2008, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame F MATHIEU-GALLI, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Daniel DUCHEMIN, Président

Madame F MATHIEU-GALLI, Conseiller

Monsieur André CHAUVET, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Marie-Blanche BUREL.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Janvier 2009 prorogé au 22 janvier 2009.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Janvier 2009

Signé par Monsieur Daniel DUCHEMIN, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur X a été employé par la société B C en qualité de mécanicien sur le site de GARDANNE du 29 octobre 1951 au 29 octobre 1954 et du 1er mars 1959 au 31 mars 1986.

Il a présenté le 28 novembre 2002 des lésions pleurales dont la Caisse Primaire d’Assurance Maladie a reconnu le caractère professionnel au titre de la maladie inscrite au tableau numéro 30 par notification du 9 mai 2003 avec fixation d’un taux d’incapacité permanente partielle de 15 %.

Monsieur X a engagé une procédure devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des BOUCHES DU RHONE visant à faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement en date du 18 décembre 2006, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des BOUCHES DU RHONE a :

— dit que la maladie professionnelle dont est atteint Monsieur X est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur, la société B C ;

— fixé au maximum prévu par la loi la majoration de rente versée à Monsieur X;

— évalué le préjudice extrapatrimonial de Monsieur X à la somme globale de 80 000 € ;

— dit que les frais et indemnités alloués seront avancés par la Caisse Primaire Centrale d’Assurance Maladie des BOUCHES DU RHONE qui pourra recouvrer ces sommes sur la société B C

La société B C a interjeté appel de ce jugement dont elle sollicite réformation.

Elle fait valoir que l’usine de GARDANNE ne produisait pas d’amiante et ne fabriquait pas de produits en amiante, et qu’elle n’utilisait que des produits finis comportant une certaine proportion d’amiante.

Elle soutient que le décretdu 17 août 1977 qui est venu limiter la concentration moyenne en fibres d’amiante de l’atmosphère inhalée par la salarié pendant sa journée de travail n’était pas applicable aux locaux où travaillait Monsieur X dans la mesure où les produits finis à base d’amiante ne généraient pas de poussières au sens du décret de 1977.

Elle précise également qu’elle n’était pas concernée par le décret du 20 mars 1978 dans la mesure où elle ne se livrait pas à la réalisation de flocage de revêtements.

Elle conclut que compte tenu de son activité et du champ d’application des dispositions légales en vigueur au moment des faits, elle ne pouvait avoir conscience du danger que représentait l’utilisation de matériaux à base d’amiante, ce d’autant que les tâches imparties à Monsieur X n’ont été que très tardivement considérées comme nocives pour la santé des salariés, dans la mesure où les travaux d’entretien, de maintenance sur des matériels revêtus ou contenant de l’amiante et les travaux d’usinage et de découpage de matériaux composés d’amiante n’ont été inscrits sur le tableau numéro 30 des maladies professionnelles qu’à compter du 22 mai 1996.

Elle ajoute, enfin, que l’Etat français lui même, alors qu’il disposait de tous les moyens nécessaires pour récolter et diffuser des informations relatives aux questions sanitaires, n’a pas eu conscience de la gravité de la situation ; et qu’en dépit des allégations que renferment les attestations produites aux débats, ni le CHSCT, ni les inspecteurs du travail, ni les salariés eux-mêmes n’ont émis la moindre protestation quant aux conditions de travail de Monsieur X.

La société B C soutient par ailleurs qu’elle a eu la volonté de se débarrasser définitivement de l’amiante au 1er juin 1991 et a pris toutes les mesures utiles pour ne plus utiliser ce matériau avant même que la loi ne l’impose à partir de 1977.

La société B C demande à la Cour de déclarer inopposable à son encontre la décision de prise en charge par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la maladie professionnelle au motif que la caisse n’a pas satisfait à son obligation d’information, ce qui ôte tout caractère contradictoire à la procédure résultant de l’article R441-10 et suivants du Code de la Sécurité Sociale.

Monsieur X conclut à la confirmation du jugement entrepris et s’en remet à la sagesse de la Cour sur l’opposabilité de la procédure de reconnaissance de maladie professionnelle à l’égard de l’employeur.

La Caisse Primaire Centrale d’Assurance Maladie des BOUCHES DU RHONE s’en rapporte à justice sur le mérite de l’action introduite en reconnaissance de la faute inexcusable de la société B C.

En ce qui concerne le caractère contradictoire de la procédure à l’égard de l’employeur, elle précise que ce dernier a été entendu le 21 février 2002 dans le cadre de l’enquête administrative et a pu présenter ses observations ; qu’il a été avisé le 15 avril 2002 par lettre recommandée avec accusé de réception de la fin de la procédure d’instruction et de la possibilité de consulter le dossier avant décision définitive dans les dix jours à compter de la date d’établissement du courrier.

SUR CE

Sur la faute inexcusable

Attendu que l’employeur est tenu en vertu du contrat de travail le liant à son salarié d’une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne la santé et la sécurité de ses salariés du fait des produits fabriqués ou utilisés par l’entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ;

Attendu que la charge de la preuve de la faute inexcusable incombe au demander ;

Sur l’exposition à l’amiante

Attendu que Monsieur X a travaillé au sein de la société B C en qualité de mécanicien de 1951 à 1954 et de 1959 à 1986 ;

Attendu que l’activité de cette société consiste à produire puis à commercialiser de l’B ; que cette société n’était qu’une utilisatrice de l’amiante ;

Attendu que l’intéressé produit aux débats des attestations de collègues de travail, Monsieur Y et Monsieur Z indiquant avoir travaillé avec Monsieur X jusqu’en 1986 ;

Attendu que Monsieur Y indique que leur activité consistait à maintenir en état les installations de production qui fonctionnaient à haute pression et qui étaient jointées et calorifugées par des joints , des cordons et des plaques en amiante ;

Attendu qu’il précise que pour se protéger de la chaleur ils portaient quelquefois des gants et des tabliers en amiante, les travaux se déroulant en atelier et dans des lieux confinés tels que chaudières, autoclaves, fours ;

Attendu que Monsieur Z qui a travaillé de 1973 à 1986 avec Monsieur X au service maintenance garage témoigne de ce que l’entretien des véhicules les obligeait à manipuler de l’amiante présente sur les freins, embrayages et tuyaux d’échappement ;

Attendu que l’employeur ne conteste pas l’éventualité d’une exposition à l’amiante et soutient que si les produits finis qu’il utilisait contenaient de l’amiante, ces produits ne pouvaient générer de la poussière au sens du décret de 1977 ;

Attendu qu’il résulte des attestations produites la mise en évidence du contact ponctuel avec l’amiante ;

Attendu que l’employeur justifie avoir pris dès 1990 des mesures pour ne plus utiliser l’amiante dans ses établissements et avoir recours à des produits de substitution ;

Attendu qu’au vu de ces éléments il y a lieu de considérer que Monsieur X a été en contact avec l’amiante utilisée au titre de moyen de protection jusqu’à son départ en 1986 de l’établissement B C, étant précisé tel que cela résulte de l’enquête diligentée par la Caisse Primaire Centrale d’Assurance Maladie que Monsieur X est parti en 1986 pour des raisons indépendantes de la maladie liée à l’amiante ;

Sur la conscience du danger

Attendu que la société B C qui admet la possibilité d’un risque d’exposition à l’amiante, conteste avoir eu jusqu’en 1990 conscience du danger auquel était exposé le salarié ;

Attendu que la société B C ne participait pas au processus de fabrication ou de transformation de l’amiante qu’elle n’utilisait que pour protéger ses salariés de la chaleur intense inhérente à son activité ;

Attendu que la Cour ne peut déduire à partir des considérations générales tirées de l’énoncé des divers rapports scientifiques classiquement cités dans ce type de procédure la preuve exigible de la nécessaire conscience du danger pour cette entreprise, laquelle doit être caractérisée par des éléments objectifs ;

Attendu que l’employeur pouvait penser que les mesures prises depuis 1954 pour éviter les dangers de silicose étaient suffisantes dès lors que les travaux nécessitant le port habituel de vêtements contenant de l’amiante, la conduite d’un four , les travaux d’équipement, d’entretien ou de maintenance effectués sur des matériels revêtus ou contenant des matériaux à base d’amiante, ne figuraient au tableau numéro 30 que depuis 1996 ;

Attendu qu’en l’état de ces éléments alors que Monsieur X n’était pas chargé de travaux de calorifugeage au sens du tableau numéro 30 dans sa rédaction de 1951, il convient de considérer qu’en l’absence de démonstration sur des éléments attachés à la situation d’espèce concernant la conscience du danger qu’aurait dû avoir la société B C du danger existant en relation avec une exposition à l’amiante, la faute inexcusable reprochée à l’employeur n’est pas établie ;

Attendu que le jugement entrepris sera de ce chef réformé ;

Sur l’inopposabilité de la décision de prise en charge

Attendu que les dispositions des articles R441-11 et R441-14 du Code de la Sécurité Sociale soumettent les rapports entre employeurs et la Caisse Primaire d’Assurance Maladie au respect des règles précises quant au caractère contradictoire de la procédure ;

Attendu qu’il résulte des pièces versées aux débats que préalablement à la décision de prise en charge de la maladie professionnelle, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie qui avait procédé à une instruction à laquelle a participé l’employeur, a adressé le 29 avril 2003 à ce dernier l’avis l’informant de la fin de la procédure, des éléments susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoyait de prendre sa décision ;

Attendu que la décision de prise en charge a été prise le 9 mai 2003 et notifiée à la société B C par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 mai 2003 ;

Attendu qu’il est vainement prétendu par l’employeur que le délai requis était insuffisant pour qu’il puisse consulter le dossier de Monsieur X ;

Attendu que la décision de prise en charge est donc opposable à la société B C ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt contradictoire,

Déclare l’appel recevable,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que la décision de prise en charge de la maladie à titre professionnel était opposable à l’employeur,

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Dit que la société B C n’a pas commis de faute inexcusable à l’origine de la maladie professionnelle de Monsieur X,

Déboute Monsieur X de ses demandes,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18 décembre 2006, n° 07/00835