Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2ème chambre, 28 décembre 2011, n° 10/19602

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 2e ch., 28 déc. 2011, n° 10/19602
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 10/19602
Décision précédente : Tribunal de commerce de Marseille, 14 octobre 2010, N° 2007F03759

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

2e Chambre

ARRÊT SUR CONTREDIT

DU 28 DECEMBRE 2011

N° 2011/ 520

Rôle N° 10/19602

S.A. X

C/

Z A

XXX

XXX

XXX

Grosse délivrée

le :

à : TOUBOUL

BOISSONNET

LIBERAS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 15 octobre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 2007F03759

DEMANDERESSE

S.A. X

dont le siège social est sis XXX

représentée par la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués à la Cour,

plaidant par Me François LOMBREZ substitué par Me Maxime CORDIER, avocats au barreau de PARIS

DEFENDEURS

Maître Z A ès qualités de curateur à la liquidation judiciaire de la Société OCEAN REEFER CONTAINERS ASSOCIATES LINES N.V. 'ORCA LINES'

XXX

représenté par la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avoués à la Cour,

plaidant par Me Béatrice FAVAREL, avocat au barreau de MARSEILLE

XXX ès qualité d’assureur responsabilité civile de la Société OCEAN REEFER CONTAINERS ASSOCIATES LINES N.V. 'ORCA LINES'

dont le siège XXX

représentée par la SCP LIBERAS BUVAT MICHOTEY, avoués à la Cour

XXX ès qualité d’assureur responsabilité civile de la Société OCEAN REEFER CONTAINERS ASSOCIATES LINES N.V. 'ORCA LINES'

dont le siège XXX

représentée par la SCP LIBERAS BUVAT MICHOTEY, avoués à la Cour

XXX

dont le siège XXX

représentée par la SCP LIBERAS BUVAT MICHOTEY, avoués à la Cour

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 1er décembre 2011 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de procédure civile, Monsieur Robert SIMON, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Robert SIMON, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2011.

ARRÊT

Contradictoire

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2011,

Signé par Monsieur Robert SIMON, Président, et Madame Mireille MASTRANTUONO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

La société Océan Reefer Containers Associates Lines NV, dite la société 'ORCA Lines', société de droit belge, a effectué, sous température et atmosphère dirigées, le transport maritime d’un conteneur renfermant des cartons d’avocats frais du port de Mombasa (Kenya) au port de Marseille, sous connaissement émis, le 15 juillet 2006, à Nairobi, le chargeur désigné sur le connaissement étant la société East African Growers Ltd, société de droit kenyan et le destinataire, étant la S.A. X, société de droit français. Le navire ' C M A/C G M Y’ a effectué le transport maritime. À l’arrivée, le 27 juillet 2006, au port de Marseille, des avaries ont été constatées sur les marchandises (sur-maturation des fruits) et le préjudice a été estimé par expertise à la somme de 22.618,30 €. La société ORCA Lines a fait l’objet, le 11 septembre 2007, d’une procédure collective de la part du tribunal de commerce d’Anvers, Maître Z A étant désigné en qualité de curateur à la liquidation. La S.A. X a assigné en réparation des avaries la société Navigators Underwriting Agency Ltd et la société Navigators Insurance Company, prises en leur qualité d’assureurs de responsabilité civile de la société 'ORCA Lines'.

Par jugement contradictoire en date du 15 octobre 2010, le Tribunal de Commerce de Marseille, *recevant l’exception d’incompétence territoriale soulevée par Maître Z A, ès-qualités, a renvoyé la S.A. X à mieux se pourvoir, *rejetant l’exception d’incompétence territoriale soulevée par la société Navigators Underwriting Agency Ltd et par la société Navigators Insurance Company, s’est déclaré compétent pour connaître des demandes formées par la S.A. X contre la société Navigators Underwriting Agency Ltd et contre la société Navigators Insurance Company, mais les a déclarées irrecevables pour d’autres moyens et a condamné la S.A. X et la S.A. X à payer à diverses parties des sommes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La S.A. X a régulièrement formé un contredit motivé à l’encontre de ce jugement dans les formes et délais légaux en ce que le tribunal de commerce de Marseille l’a renvoyée à mieux se pourvoir sur ses demandes formées contre Maître Z A, ès-qualités. La S.A. X demande que la clause attributive de compétence territoriale soit déclarée inopposable et subsidiairement nulle, comme potestative.

La S.A. X à l’appui de son argumentation développée oralement, a fait déposer des observations écrites, le 30 novembre 2011, selon lesquelles elle soutient :

— que le chargeur, la société East African Growers Ltd, n’avait pas accepté clause attributive de compétence territoriale insérée au connaissement, si bien que, le connaissement étant soumis à la Convention de Hambourg, il pouvait, à son libre choix, intenter une action devant plusieurs tribunaux, dont celui du lieu du déchargement,

— que la S.A. X, destinataire, n’a pas accepté la clause attributive de compétence territoriale au profit des tribunaux d’Anvers, et ne succédant pas aux droits du chargeur, selon le droit belge ou français identiques à cet égard, la clause ne lui est pas opposable, sauf acceptation expresse,

— que, de plus, Maître Z A, ès-qualités, n’est pas fondé à se prévaloir des dispositions du règlement CE N 44/2001 du Conseil en date 22 décembre 2000 qui prévoient que dans le commerce international, une convention attributive de juridiction peut être conclue (tacitement) sous une forme conforme à un usage que les parties sont censées connaître, qui est régulièrement observé dans ce type de commerce, en effet la S.A. X, importateur de fruits frais et la société 'ORCA Lines', opérateur économique dans le transport maritime (NVOCC) ne se situent pas dans la même branche d’activité, une grande variété de clauses attributives de compétence territoriale existant dans les différents connaissements,

— qu’au surplus, la clause attributive de compétence territoriale est nulle comme étant 'potestative, arbitraire ou léonine', en ce qu’elle permet à la société 'ORCA Lines’ prenant l’initiative du procès d’effectuer un choix entre plusieurs juridictions,

— que le tribunal de commerce de Marseille était compétent territorialement en application de l’article 5- 1 du règlement CE N 44/2001 du Conseil en date 22 décembre 2000 à raison du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée, (l’obligation de délivrance de la marchandise à la charge du transporteur maritime),

— que la connexité et l’indivisibilité de l’affaire rend compétent territorialement le tribunal de commerce de MARSEILLE qui s’est reconnu compétent pour statuer sur l’action de la S.A. X dirigée contre les assureurs de la société 'ORCA Lines’ ;

Maître Z A, ès-qualités à l’appui de son argumentation développée oralement, a fait déposer, le 30 novembre 2011, des observations écrites selon lesquelles il soutient :

— que la société East African Growers Ltd, chargeur a accepté la clause attributive de compétence territoriale figurant au recto du connaissement et parfaitement prévisible en ce qu’elle désigne la juridiction du pays dans lequel la société 'ORCA Lines’ a son siège social,

— que le droit belge, selon la convention de Rome du 19 juin 1980, régit le contrat de transport,

— que le destinataire ne doit pas accepter expressément ou spécialement la clause attributive de compétence territoriale, cette acceptation pouvant être déduite si certaines formes décrites dans le Règlement CE N 44/2001 du Conseil en date 22 décembre 2000 sont observées, à savoir une pratique courante et connue dans le commerce international d’insérer une clause attributive de compétence territoriale dans la branche d’activité considérée (le transport maritime sur lignes régulières), des relations commerçantes suivies et anciennes induisant cette connaissance,

— que la clause attributive de compétence territoriale ne présentait pas un caractère potestatif ou léonin ;

Attendu qu’une clause figurant au bas et au recto des connaissements litigieux soumet le contrat de transport au droit belge et attribue compétence aux juridictions d’Anvers pour résoudre les conflits à naître ; que selon les principes dégagés par la jurisprudence de la première chambre civile et de la chambre commerciale de la Cour de Cassation (deux arrêts du 16 décembre 2008), afin de déterminer si une clause attributive de compétence territoriale est opposable au destinataire inscrit au connaissement (en l’espèce, la S.A. X), il convient au préalable de rechercher le droit national applicable au connaissement ; que le chargeur, la société East African Growers Ltd, a signé au verso les connaissements et a donc approuvé la clause attributive de compétence territoriale y figurant de manière très apparente ;

Attendu que la S.A. X ne peut invoquer à son profit les dispositions de la Convention de Hambourg (son article 21) qui lui ouvriraient la faculté d’intenter une action devant un tribunal de son choix, dont celui du port de déchargement, même en présence d’une clause attributive de compétence territoriale insérée « dans le contrat de transport par mer » ; que la Convention de Hambourg a vocation à s’appliquer, le connaissement étant émis au Kenya et le port de chargement (Mombasa) étant situé dans un État contractant, le Kenya ; que, cependant, la France n’étant pas partie à la Convention de Hambourg, les juridictions françaises ne peuvent l’appliquer, en tant que convention internationale ; qu’il n’est pas soutenu par la S.A. X que la société East African Growers Ltd et la société 'ORCA Lines’ ont expressément entendu choisir la Convention de Hambourg pour régir le transport litigieux ; qu’il n’est pas soutenu par la S.A. X que la Convention de Hambourg a été intégrée au contrat de transport, par l’acceptation d’une clause « Paramount » ; qu’au surplus, la S.A.S. DOLE France et les co-assureurs n’ont invoqué la Convention de Hambourg et argumenté à son propos que dans des observations écrites postérieures au contredit, en contradiction avec les articles 82 et 85 du code de procédure civile qui leur imposaient de présenter de telles observations qu’à l’appui de la seule motivation déjà développée dans le contredit ;

Attendu que si les parties sont en désaccord sur la loi applicable, la loi française pour la S.A. X et la loi belge pour Maître Z A, ès-qualités, elles conviennent que leur contenu respectif est identique quant à la situation juridique du destinataire qui ne « succède » pas aux droits du chargeur ; que dès lors la détermination exacte de la loi applicable au contrat de transport en cause est indifférente ; que, selon le droit belge et selon le droit français, le destinataire inscrit à un connaissement n’est pas considéré comme succédant aux droits et actions du chargeur ; que la clause attributive de compétence territoriale ne peut donc être déclarée opposable à la S.A. X par l’effet de sa qualité de destinataire inscrit au connaissement ;

Attendu qu’il convient donc, dans un second temps, de vérifier si la S.A. X a donné « tacitement » son consentement à la clause attributive de compétence territoriale au regard du Règlement (CE) N 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 ; que l’article 23 1. c) dudit règlement édicte « qu’une convention attributive de juridiction est conclue dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée » ; que dans la branche d’activité commerciale considérée en l’espèce, le transport maritime, des exportateurs de fruits frais confient à des transporteurs maritimes exploitant des lignes régulières (Afrique de l’Est/Europe) le transport de leurs récoltes en direction de destinataires ; qu’il est connu des exportateurs, comme des destinataires qui recourent, tous deux, habituellement et depuis longtemps à ce mode de transport, l’usage qui veut que dans les connaissements, figure une clause attributive de compétence territoriale, préétablie, très généralement au profit des juridictions du pays dans lequel le transport maritime a son siège social ou son principal établissement ; que cet usage est largement connu et régulièrement observé dans le transport maritime de fruits frais provenant du Kenya à destination de la France ; que la S.A. X qui procède habituellement et depuis plusieurs années à l’importation de tels produits auprès de la société East African Growers Ltd et d’autres exportateurs kenyans et qui a eu en sa possession de nombreux connaissements émis par la société 'ORCA Lines', société belge, sur lesquels figure au recto une clause attributive de compétence territoriale parfaitement « classique » en ce qu’elle désigne la loi belge comme régissant le contrat et attribue compétence aux juridictions belges d’Anvers, devait avoir connaissance de cet usage largement répandu et observé ou est censée en avoir eu connaissance ; que la clause qui proroge la compétence territoriale est donc opposable à la S.A. X ;

Attendu que la clause attributive de compétence territoriale n’a pas de caractère potestatif ; que les parties sont convenues d’attribuer compétence territoriale à une juridiction déterminée en cas de survenance de litiges entre elles ; qu’il ne s’agit pas pour la société 'ORCA Lines’ ou pour toute autre partie engageant une action judiciaire, de fait dépendre l’exécution d’une obligation d’un évènement qu’elle pourrait, seule, soit empêcher, soit provoquer, mais seulement de mettre en 'uvre ladite clause ; que cette clause n’est pas léonine par le simple fait que la société 'ORCA Lines’ pourrait renoncer au bénéfice de ses effets, en choisissant, dans le respect des règles procédurales s’appliquant de droit, d’intenter une action judiciaire devant une autre juridiction que celle désignée, par exemple : celle du domicile du défendeur ;

Attendu que la S.A. X ne peut tirer argument de la connexité entre des demandes liées par un lien étroit (demandes formées contre la société 'ORCA Lines’ et demandes formées contre les assureurs de cette dernière) pour conclure à la compétence du Tribunal de Commerce de Marseille ; que l’article 28 du Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 prévoit plusieurs solutions pour résoudre une situation de connexité (sursis ou dessaisissement de la part de la juridiction saisie en second lieu) ; qu’en l’espèce, une seule juridiction a été saisie et il appartiendra à la juridiction d’Anvers, le cas échéant, de décider entre *un sursis à statuer dans l’attente de l’issue de l’instance engagée contre les assureurs de la société 'ORCA Lines’ qui se poursuit devant la Cour d’Appel d’AIX en PROVENCE ou *son dessaisissement ;

Attendu que le jugement attaqué mérite confirmation pour ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, conformément à l’article 955 du code de procédure civile ;

Attendu que l’équité commande de faire application de l’article 7OO du code de procédure civile ; que la partie tenue aux dépens devra payer à l’autre une somme de 1.000 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d’Appel d’AIX en PROVENCE à la date indiquée à l’issue des débats, conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Déclare recevable le contredit formé par la S.A. X.

Au fond, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions critiquées.

Y ajoutant, condamne la S.A. X à porter et payer à Maître Z A, ès-qualités, la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dit que la S.A. X qui a succombé sur la compétence, supportera les frais éventuellement afférents au contredit conformément à l’article 88 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

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