Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 19 décembre 2013, n° 13/02352

  • Sociétés·
  • Commission·
  • Arrêt maladie·
  • Employeur·
  • Père·
  • Salarié·
  • Client·
  • Licenciement·
  • Prime·
  • Congés payés

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 19 déc. 2013, n° 13/02352
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 13/02352
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Marseille, 23 janvier 2013, N° 10/2866

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 19 DECEMBRE 2013

N°2013/959

Rôle N° 13/02352

J A

C/

Sarl WORKSTORE

Grosse délivrée le :

à :

Me Antoine DONSIMONI, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Lyne KLIBI-KOTTING, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 24 Janvier 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 10/2866.

APPELANT

Monsieur J A, demeurant XXX – XXX

représenté par Me Antoine DONSIMONI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Sarl WORKSTORE, demeurant ZI Petite Montagne Sud – XXX – XXX

représentée par Me Lyne KLIBI-KOTTING, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 07 Octobre 2013, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Pascale MARTIN, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Marie-Vianneytte BOISSEAU, Président de Chambre

Madame Pascale MARTIN, Conseiller

Madame Annick CORONA, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme L M.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Décembre 2013 prorogé au 19 Décembre 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Décembre 2013

Signé par Madame Marie-Vianneytte BOISSEAU, Président de Chambre et Mme L M, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Après avoir été embauché à temps partiel en mai 1993, par son père M D A, en qualité de gérant de la SARL PROVENCE PROTECTION, M J A a bénéficié d’un contrat à durée indéterminée au sein de cette entreprise familiale à compter du 2 mai 1994, en qualité d’attaché commercial, pour une durée hebdomadaire de travail de 39 h, avec une rémunération fixe brute sur la base de 7000 F et une commission de 2 % sur le chiffre d’affaires hors taxes réalisé par le représentant du mois concerné sur le secteur « Vêtements de travail » et de 4 % sur les secteur « Gardiennage », la convention collective applicable étant celle du Commerce de gros.

Le 15 mai 1999, par suite d’une cession de parts à la société financière WORKSTORE devenue la SA DELTA PLUS GROUP, la SARL PROVENCE PROTECTION, société spécialisée dans le commerce et la distribution de tout matériel de protection, a modifié sa forme juridique devenant une société anonyme dont M D A était le Président du Conseil d’Administration et M J A administrateur ainsi que sa s’ur C.

La cession du reste des parts de cette société étant intervenue en février 2002, par suite d’une fusion absorption du 30 juin 2002 de la SARL PROVENCE PROTECTION au profit de la SARL WORKSTORE, le contrat de travail de M J A comme celui de son père (commercial « grands comptes ») et celui de sa s’ur (secrétaire de direction) ont été transférés à l’intimée, filiale de la SA DELTA PLUS GROUP.

Dans ce cadre, le 1er juillet 2002, M F G , gérant de la SARL WORKSTORE désignait M H I en qualité de responsable du site de Marseille.

A la suite de la retenue par son employeur de diverses commissions, M J A a saisi le Conseil des Prud’hommes de Marseille le 28 janvier 2003 en référé aux fins de paiement de ces commissions et indemnité de congés payés afférente et la juridiction l’ayant renvoyé à saisir la juridiction du fond, il a saisi le Conseil des Prud’hommes le 29 avril 2003.

L’instance a été retirée du rôle le 22 septembre 2004 en raison du procès porté devant le Tribunal de Commerce de Marseille par la SARL WORKSTORE contre D A et M J A notamment en concurrence déloyale.

L’instance a été reprise mais a fait l’objet d’une radiation le 21 décembre 2006 .

L’affaire commerciale ayant été définitivement jugée par arrêt de la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE du 10 septembre 2010, M J A devait reprendre son instance prud’homale le 22 octobre 2010 aux fins initiales et de contestation de son licenciement intervenu le 30 septembre 2005 pour faute grave outre diverses demandes indemnitaires.

Le Conseil des Prud’hommes de Marseille, a , dans sa décision du 24 janvier 2013 débouté M J A de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux dépens, rejetant la demande reconventionnelle de la SARL WORKSTORE .

M J A a interjeté appel le 28 janvier 2013 et les parties ont été convoquées à l’audience du 01/07/13. L’affaire a été renvoyée à la demande de l’intimée au 7 octobre 2013.

Reprenant ses conclusions écrites, M J A demande à la Cour la réformation du jugement en déclarant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il réclame la condamnation de la SARL WORKSTORE à payer :

— la somme de 7505,54 EUROS au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 750,55 EUROS au titre de l’indemnité de congés payés afférente,

— celle de 10.841,30 EUROS au titre de l’indemnité légale de licenciement,

— celle de 45.000 EUROS à titre de dommages et intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— celle de 10.000 EUROS au titre du préjudice distinct,

— celle de 4243,68 EUROS pour les commissions SDIS retenues à tort, outre 424,36 EUROS au titre de l’indemnité de congés payés afférente,

— celle de 379,43 EUROS pour le rappel des commissions SDIS,outre 37,94 EUROS au titre de l’indemnité de congés payés afférente,

— celle de 1947,68 EUROS pour le rappel des commissions PEDUS, outre 194,77 EUROS au titre de l’indemnité de congés payés afférente,

— celle de 6500 EUROS au titre du rappel des primes de juin 2001 à juin 2005,outre 650 EUROS au titre de l’indemnité de congés payés afférente,

— celle de 700 EUROS au titre du rappel des primes de décembre 2004, outre 70 EUROS au titre de l’indemnité de congés payés afférente,

— celle de 2000 EUROS sur la base de l’article 700 du Code de Procédure Civile .

Il sollicite les intérêts au taux légal à compter de la saisine soit le 29 avril 2003.

M J A expose que dès novembre 2002 les relations avec son employeur se sont dégradées et plus encore après le départ forcé en retraite de son père en novembre 2003 et le licenciement pour de prétendues fautes graves de sa s’ur C en juillet 2004.

A la suite de plusieurs courriers visant à le déstabiliser voire à le faire démissionner, il indique avoir bénéficié d’un arrêt maladie à compter du 30 novembre 2004 reconnu justifié pour état psychologique en relation avec l’employeur, par une contre-visite du 21 décembre 2004.

Il précise que son médecin traitant le 12 septembre 2005, a préconisé une visite de reprise afin d’envisager son inaptitude mais qu’il a reçu 2 jours après , soit le 14 septembre 2005 une convocation à un entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire et s’est vu notifier le 30 septembre 2005 , son licenciement pour faute grave.

Il considère que les griefs invoqués ne sont pas avérés et sont en outre prescrits, point sur lequel le Conseil des Prud’hommes n’a pas statué.

Il estime que la rupture du contrat de travail a été précipitée , pour éviter d’avoir à lui faire passer la visite médicale de reprise , d’avoir à lui rechercher un reclassement dans le groupe et de se débarrasser du dernier membre de la famille A à moindre coût.

Concernant ses demandes indemnitaires, il indique avoir subi un préjudice financier mais aussi moral distinct.

Sur le paiement des commissions , demande non traitée par le Conseil des Prud’hommes de Marseille, il indique que la juridiction commerciale a rejeté l’argumentation de l’employeur quant à la faute de gestion de son père et considère qu’elle sont dues même si la commande n’est pas honorée par la suite par le client.

Sur le paiement des primes, il invoque le fait que sa s’ur C a obtenu gain de cause devant la juridiction prud’homale sur ce point.

Dans ses conclusions reprises à l’audience, la SARL WORKSTORE demande à la Cour de confirmer le jugement déféré, de débouter M J A et subsidiairement de ramener à de plus justes proportions ses demandes indemnitaires.

Elle sollicite la somme de 2500 EUROS sur la base de l’article 700 du Code de Procédure Civile .

Elle invoque un désinvestissement de M J A dans sa fonction ayant donné lieu à des rappels à l’ordre et considère qu’il a voulu se soustraire à ses obligations par son congé maladie.

Elle estime que le licenciement est justifié par les 4 griefs invoqués dans la lettre et la collusion manifeste de la famille.

Si le licenciement sans cause réelle et sérieuse était reconnu, elle fait état du versement à M J A de plus de 200.000 EUROS lors de la cession de ses parts et du fait qu’il est redevenu très vite salarié de la société concurrente.

Elle invoque le caractère illégal du transfert des commissions SDIS du père au fils, l’effectivité du travail fourni par ce dernier et la finalisation des commandes.

Quant aux primes, elle observe que lorsque son père était X, il ne les a pas reçues et indique qu’en décembre 2004 M J A était en arrêt maladie.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Sur le bien fondé du licenciement

En vertu de l’article L.1235-1 du Code du travail, il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, en formant sa conviction sur les éléments produits par les parties.

La lettre de licenciement du 30 septembre 2005 indique : nous avons le regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave sans indemnité ni préavis pour le motif suivant : exercice d’une activité déloyale et concurrente et de surcroît durant votre arrêt maladie.

Il paraît nécessaire tout d’abord de situer le contexte de la situation :

Nous avons racheté en 1999 à Marseille deux entreprises, la SARL PROVENCE PROTECTION, et la société DIMATEC, spécialisées dans le négoce d’équipement de protection individuelle , dont les associés détenant la totalité du capital étaient :

Votre père : D A

Votre mère : isabelle A

Votre s’ur : C A

Ainsi que vous-même.

Nous vous rappelons que nous avons racheté la totalité des actions de ces deux sociétés à votre famille, comprenant notamment leur clientèle et leur activité, pour un montant total de 907 072 € sur lequel vous avez perçu personnellement la somme de 222 804 €.

A l’époque M D A en assurait la gérance et vous-même étiez salarié au poste d’attaché commercial suivant contrat de travail du 2 mai 1994.

Suite au rachat et à la transformation de Provence Protection en Société Anonyme, votre père occupait la fonction de P.D.G. et vous-même en étiez administrateur et salarié, du 15 mai 1999 au 30 juin 2002.

Au 30 juin 2002, par l’effet d’une fusion absorption, la société Provence Protection qui a été absorbée par la SARL WORKSTORE a donc changé de dénomination sociale et vous demeuriez uniquement salarié.

Depuis la cession de vos actions nous avons relevé un certain nombre d’irrégularités perpétré par votre famille à notre détriment, notamment un détournement de clientèle à votre profit, ce qui nous a conduit à engager une procédure devant le Tribunal de Commerce de Marseille et constaté également de nombreuses difficultés dans la gestion de vos clients (ex. PEDUS).

Parallèlement à ces malversations vous avez incité Monsieur Z O à engager une procédure prud’homale à notre encontre en lui communiquant vos conditions de rémunération. Cette procédure qui s’est avérée longue et coûteuse , s’est terminée par un échec pour ce dernier, bien que vous ne nous ayez apporté aucune aide ; au contraire votre père a établi une attestation contre nos intérêts.

D’autre part, suite à une baisse importante de votre chiffre d’affaires courant 2004, nous vous avons demandé des explications afin de comprendre les raisons de cette dégradation de résultats :

31 % de chiffre d’affaires à fin septembre

22 % de marge brute

Votre refus systématique de rendre compte de vos activités de manière précise à votre supérieur hiérarchique et notamment de lui communiquer votre emploi du temps nous a amené à vous adresser les quatre courriers des 27 septembre 2004, 13 octobre 2004, 29 octobre 2004 et 19 novembre 2004.

A cette époque, votre attitude a paru plus que surprenante.

Suite à ces évènements et depuis le 30 novembre 2004, vous êtes absent pour cause d’arrêt maladie.

Cependant au cours de ces derniers mois nous avons malheureusement constaté que vous exerciez une activité professionnelle commerciale avec votre père (bien qu’il soit à la retraite depuis décembre 2003) et votre s’ur , pour le compte d’une société concurrente, la société EPISUD, créée en mars 2004 et exerçant la même activité que vous nous avez cédée lors de la vente de Provence Protection.

Suite à un litige avec la société GALLET, qui nous a, sans raison particulière modifié nos conditions de distributeur de casques de pompiers (ne nous permettant plus de répondre à leurs appels d’offres), il est apparu que certains marchés étaient attribués à la société PLANET’ CHAUSS à Marseille dont le cogérant n’est autre que le gérant de la société EPI SUD.

Nous avons donc constaté que vous avez directement et indirectement participé au développement d’une activité concurrente au travers de la société EPISUD, alors que vous êtes toujours sous contrat avec notre société et que de surcroît, cette activité a été réalisée pendant votre arrêt maladie.

Vous comprendrez aisément que nous ne pouvons laisser perdurer cette situation, et mettre en cause l’équilibre économique de notre établissement de Marseille ; votre activité concurrentielle, parallèle à celle pour laquelle nous vous rémunérons, relève de pratiques commerciales déloyales. >>

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

A titre liminaire, le salarié oppose la prescription des faits .

L’article L.1332-4 du Code du travail prévoit >.

Il résulte de ces dispositions que l’employeur est autorisé à exposer des faits antérieurs, s’il existe de nouveaux griefs.

En l’espèce, le dernier des griefs en date dans la lettre de licenciement , est l’exercice d’une activité professionnelle commerciale concurrente et déloyale .

Il résulte clairement des éléments présentés que l’employeur a fait procéder dans un premier temps à des investigations d’ordre privé et l’édition des factures détaillées du 1er trimestre 2005 du téléphone professionnel laissé à M J A pendant son arrêt maladie ,puis sollicité auprès du Tribunal de Grande Instance de Marseille une ordonnance aux fins de constat qui a eu lieu le XXX 2005 .

Il est manifeste qu’il a continué son enquête par le questionnement de ses clients en juillet et août 2005 comme en témoignent MM I et B, commerciaux et obtenu du tribunal de commerce le rapport de gestion sur la société concurrente EPI SUD le 17 juillet 2005.

La lettre notifiant la convocation à l’entretien préalable est en date du 14 septembre 2005 et dès lors, la prescription n’est pas encourue.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve et il convient d’examiner chacun des griefs.

1- détournement de clientèle du père au profit du fils

L’employeur indique que lors d’un contrôle en octobre 2002, il a découvert que M D A, X , avait attribué unilatéralement à son fils M J A , un client « grands comptes » les SDISS VAILHAUQUES Hérault , sans information aux actionnaires , opération ayant eu pour effet d’avantager le salarié , celui-ci étant payé à la commission .

L’instance commerciale a porté sur cette question précise et a donné lieu à l’arrêt devenu définitif de la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE du 10 septembre 2010.

Cette décision a débouté la SARL WORKSTORE de ses demandes, considérant que « ce transfert partiel ne constitue pas une convention réglementée mais courante , intervenue dans des conditions normales » et l’a déclarée non contraire aux intérêts de la société, relevant que celle-ci ayant procédé à des retenues sur le salaire de M J A, n’avait subi aucun préjudice.

Si cette décision s’impose aux parties dans leurs rapports entre eux , la Cour relève qu’effectivement M J A a été avantagé par son père dès octobre 2001 par ce transfert , alors même qu’à cette époque ce dernier n’envisageait pas de prendre sa retraite .

Même si cet avantage a été validé par les juridictions commerciales, il a eu pour effet de permettre à M J A de se faire payer par la société ancienne puis par la SARL WORKSTORE une commission de 4 % sur l’un des plus gros clients de la société, au titre des « grands comptes » alors même que M D A seul chargé de ceux-ci , ne bénéficiait que d’une rémunération forfaitaire.

Si ce grief à lui seul ne peut fonder le licenciement , il doit être pris en considération en ce sens que le paiement de ces commissions – réclamées par M J A dans le cadre de la présente procédure -, sans que les organes directeurs à compter du 1er juillet 2002 aient approuvé le transfert de clientèle, a bien été fait au détriment de la personne morale comme ayant un effet sur sa trésorerie.

En revanche, il convient d’observer que « les difficultés avec la société PEDUS », autre reproche lié par l’employeur au détournement de clientèle dans la lettre de licenciement ne sont explicitées ni dans cette dernière ni dans le cadre de la procédure et ne sont donc pas fondées.

2- procédure Z

L’employeur reproche à M J A d’avoir aidé M Z, salarié de la SARL WORKSTORE, dans le cadre d’une procédure prud’homale intentée en 2003 sur son taux de commissionnement et d’avoir ainsi voulu nuire à la société comme l’a relevé la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE dans son arrêt.

M J A conteste l’existence d’une faute, n’ayant fourni aucun témoignage dans cette affaire.

Le fait d’avoir fourni à son ami M Z ses bulletins de salaire ne peut être considéré comme un agissement fautif de M J A d’ailleurs non relevé par la Cour , celle-ci ayant stigmatisé seulement l’attitude de M D A, auteur d’une attestation.

En conséquence, le grief ne peut être considéré comme fondé.

3- baisse du chiffre d’affaires et refus de répondre aux directives

L’employeur considère « qu’en 2004 le salarié a refusé de se ressaisir et a même fait obstruction systématique aux directives de l’employeur de communiquer les rapports de travail et agendas prévisionnels ».

Le salarié considère qu’il n’est pas prouvé une carence professionnelle dans les deux mois ayant précédé le licenciement , laquelle est insuffisante à elle seule pour justifier un licenciement pour faute grave. Il indique avoir en outre justifié de la baisse du chiffre d’affaires dans ses courriers.

Dans une lettre recommandée du 27/09/04 adressée à M J A, le gérant de la SARL WORKSTORE faisait le constat d’une baisse de son chiffre d’affaires de 30 % et lui rappelait la nécessité d’utiliser le document type diffusé en mars 2004 c’est à dire un bordereau journalier de visite à remettre au chef d’agence chaque semaine ; il le mettait en demeure de remettre ces bordereaux pour la semaine écoulée et tous les lundis à venir.

Le 13 octobre 2004 le gérant indiquait à M J A « nous vous laissons un délai de 8 jours pour régulariser votre situation et remettre les rapports écrits de vos dernières interventions et par la suite ceux des semaines suivantes, à défaut de quoi nous serons amenés à prendre les mesures adéquates à votre encontre ».

Concernant la baisse du chiffre d’affaires , l’employeur répondait le 29 octobre 2004 dans des termes circonstanciés aux objections de M J A exposées dans sa lettre du 25/10/04 (« prix non compétitifs en raison d’une marge imposée de 23 % constituant une entrave à ma force de vente », frein mis à l’apport de nouveaux clients par la garantie SFAC) en lui précisant que son taux de marge cumulé sur l’année était de 35,88 % alors que la marge moyenne de l’agence était de 29,61 %, soulignant également son « manque de travail » sur les semaines 42 et 43 et lui rappelant la nécessité d’effectuer de la prospection vers de nouveaux clients solvables par le biais de la garantie SFAC et in fine , lui précisant que « la seule façon de nous démontrer votre bonne foi reposera sur le contenu de vos rapports, l’établissement de vos plans de tournées prévisionnels et la réalité de vos actions commerciales ainsi qu’elles apparaîtront dans les chiffres qui en résulteront ».

Le 19 novembre 2004 dans une dernière lettre adressée à M J A , l’employeur évoquait son « attitude inadmissible, les rapports de visite étant incomplets et inexploitables et l’absence de remise des agendas de visites prévisionnelles.

Il est donc manifeste que M J A dans les mois ayant précédé son arrêt maladie en 2004, considérant que l’exigence de la remise de tels documents « était d’une part trop contraignante et d’autre part, assez peu révélatrice de notre activité » comme il l’exprime dans sa lettre du 25/10/04, remettait en cause les procédures établies par la nouvelle direction, ce qui lui avait déjà valu un avertissement le 14 octobre 2003.

Dès lors, le grief relatif à l’absence d’investissement de M J A dans ses fonctions ayant pour conséquence un chiffre d’affaire moindre comme l’absence de respect des directives, est fondé.

4- exercice d’une activité professionnelle commerciale concurrente et déloyale

La SARL WORKSTORE indique avoir pu « se convaincre de l’attitude déloyale de la famille A qui a consisté à vendre leur entreprise à une société pour un prix non négligeable, pour ensuite remonter en parallèle une activité concurrente et récupérer la clientèle par ce biais » .

Elle invoque à l’appui les documents démontrant l’attribution de marchés à la société Planet Chauss dont le gérant est M Y, également gérant de la société EPI SUD, société créée en mars 2004 et passée aux mains de la famille A (mère et fille) en mars 2005.

Elle produit un constat d’huissier démontrant la présence de M J A et de son père dans les locaux de la société EPI SUD en mai 2005 et le relevé des appels passés par le salarié à des clients et fournisseurs alors même qu’il était en arrêt maladie.

Le salarié indique qu’il n’a rien à voir avec la société EPI SUD et que lors du constat d’huissier du XXX 2005, il était « passé voir son père aux heures de sortie car c’était l’anniversaire de O Z ».

Il considère que l’employeur ne démontre pas qu’il aurait utilisé son téléphone professionnel pour le compte d’une autre entreprise, la majorité des appels étant brefs ; il fournit à l’appui des attestations.

Il est indiscuté et relaté dans l’arrêt de la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE du 10 septembre 2010 que dès le mois de mars 2005, la mère et la s’ur de M J A possédaient des parts sociales dans la société EPI SUD.

Il ressort clairement du rapport de gestion établi par M Y le 17 juin 2005, pour l’exercice couvrant 10 mois d’activité de la société EPI SUD, que celle-ci était en pleine expansion avec un chiffre d’affaires de 413.219,68 € , dégageant un bénéfice de 70.731,57 €, alors même que le gérant, associé unique en 2004 ne disposait d’aucun personnel.

Dans l’analyse de l’évolution des affaires, il n’est pas sans intérêt de noter que M Y indiquait « la société a su se faire connaître très rapidement dans le secteur de la vente d’équipements de protection. Aujourd’hui l’objectif principal est de développer notre activité auprès des différentes collectivités locales. Pour cela, il faut construire un service commercial très solide et opérationnel et un service administratif. Des embauches sont prévues au cours du 2e semestre 2005 ».

Le constat d’huissier du XXX 2005 établit clairement la présence dans un bureau de D A, le père « venu passer un fax » ce qui a été contredit ensuite par M Y, gérant à la fois de la société Planet Chauss et de la société EPI SUD , toutes deux situées dans les mêmes locaux.

Interrogés par l’huissier, M Y et M A père ont fait une fausse déclaration en indiquant que M J A ne se trouvait pas dans l’entreprise puisqu’il est avéré qu’il était bien présent dans un entrepôt adjacent et portait un tee-shirt avec la marque de la société EPISUD.

La version selon laquelle M J A était venu fêter l’anniversaire de son ami M Z né effectivement un XXX, au demeurant ancien salarié de la SARL WORKSTORE , n’est accréditée par aucun élément matériel comme des verres, un gâteau ou des cadeaux, et aucune explication crédible n’est donnée sur le port par M J A d’un tee-shirt à l’effigie d’une société en concurrence avec celle à laquelle il appartenait encore en mai 2005, le contrat de travail avec la SARL WORKSTORE étant seulement suspendu dans le cadre d’un arrêt maladie qui durait depuis six mois.

Le relevé détaillé des appels téléphoniques passés sur le téléphone professionnel de M J A mis à disposition par son employeur la SARL WORKSTORE, révèle de très nombreux appels vers des clients ou fournisseurs de la société mais aussi des professionnels non clients (environ 20) et vers la société Planet Chauss, et ce sur la période de janvier à mars 2003.

Les attestations produites par M J A visant à démontrer que des clients ont cherché à le joindre et qu’il les a rappelés pour les informer de son arrêt maladie en cours ne peuvent correspondre tout au plus qu’à six appels .

En tout état de cause, aucune explication crédible n’est donnée par M J A sur une utilisation aussi intense d’un téléphone professionnel alors même qu’il était en arrêt maladie et il ne justifie d’aucune façon que les appels donnés étaient faits dans l’intérêt de la société à laquelle il appartenait.

La présence de M D A dans cette société le jour dit, la présence de M J A le même jour comme le démarchage de ce dernier pour la société EPI SUD décrit par les commerciaux de la SARL WORKSTORE ainsi : « au cours de mes visites et contacts clients en août 2005, j’ai été informé qu’ils avaient eu des propositions commerciales émanant de M J A au nom de EPI SUD », ne sont manifestement pas étrangers à la prospérité de la société EPI SUD, dont partie du capital social était détenu par Mmes A.

Il est établi également par la SARL WORKSTORE qu’elle a perdu en décembre 2003 le marché de distribution de casques de pompiers sur 11 départements que l’ancienne société avait depuis des années avec la société GALLET et que ce marché a été attribué à la société EPI SUD, la perte potentielle de chiffre d’affaires étant de 40 % selon déclaration faite au service de la répression des fraudes en mars 2005 par les dirigeants de la SARL WORKSTORE.

Ainsi , il est suffisamment démontré que M J A a fait preuve de déloyauté envers son employeur de façon directe et indirecte, au surplus dans le cadre de son arrêt maladie.

Les différents faits rapportés ci-dessus imputables à M J A constituent une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d’une gravité et d’une importance telles qu’elles rendaient impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

Dès lors, il convient de confirmer la décision du Conseil des Prud’hommes en ce qu’elle a déclaré le licenciement pour faute grave, fondé .

Pour la moralité des débats, il convient d’observer que M J A a été dès le 3 juillet 2006 embauché par la société EPI SUD en CDD puis en contrat à durée indéterminée selon contrat consenti le 1er juillet 2007 par sa s’ur , nouvelle gérante.

Sur les demandes de rappels de salaires

1- sur les commissions SSDIS

Il résulte tant des bulletins de salaire que de l’arrêt de la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE du 10 septembre 2010 que la SARL WORKSTORE a procédé à des retenues concernant les commissions pour les commandes faites par le SSDIS de Vailhauques.

Le transfert de ce client à compter d’octobre 2001 , de D A à son fils M J A ayant été validé par l’arrêt visé ci-dessus, qui a l’autorité de la chose jugée entre les parties, le salarié est en droit de percevoir ces commissions pour les périodes travaillées .

La réalité de la gestion de ce client par M J A figure sur les fiches statistiques représentant /client à compter d’octobre 2001 et pendant l’année 2002 sauf pour décembre.

En conséquence, la SARL WORKSTORE devra rembourser à M J A les retenues opérées chaque mois de novembre 2002 à avril 2003 à raison de 707,28 € , soit la somme totale de 4.243,68 EUROS, outre l’indemnité de congés payés afférente pour 424,36 €.

Le salarié est également en droit de percevoir ces commissions de 4 % concernant le travail opéré en octobre et novembre 2002, figurant sur la fiche mensuelle au nom de M J A soit la somme de 379,43 EUROS (287,38 + 92,05), outre l’indemnité de congés payés afférente pour 37,94 €.

2- sur les commissions PEDUS

L’employeur a opéré des retenues sur le salaire de M J A de novembre 2003 à février 2004, soit pendant 4 mois pour un montant mensuel de 485,82 EUROS, au motif figurant sur les bulletins de salaire ainsi « Impayé PEDUS ».

Il justifie sa décision par le fait que le client fait l’objet d’une procédure collective et que les commandes n’ont pas été réglées par ce client.

Dans le contrat de travail de M J A ne figure aucune mention restrictive (au contraire de l’autre commercial où figurait la mention : commandes encaissées), et l’employeur n’invoquant ni n’établissant aucun usage, la commission est due dès sa réception au titre du mode de rémunération proportionnel aux résultats obtenus et son sort ne dépend ni de l’exécution ni du paiement de ladite commande.

En conséquence, M J A est en droit d’obtenir la somme totale de 1947,68 EUROS outre l’indemnité de congés payés afférente pour 194,77 €.

3- sur les primes exceptionnelles

Le salarié indique qu’une prime de 1300 EUROS était accordée à tous les salariés au mois de juin mais qu’il ne l’a pas perçue de 2001 à 2005; il invoque le jugement rendu par le Conseil des Prud’hommes de Marseille le 16 octobre 2006 concernant sa s’ur C, aux termes duquel, ce droit lui a été reconnu.

L’employeur dénie un tel usage constant et général et fait valoir qu’en 2001 et 2002, c’est le père de M J A qui était X, ce qui tend à démontrer qu’une telle prime n’était pas allouée à tous et conservait un caractère exceptionnel.

Il est constant qu’en juin 2000, les salariés ont reçu une prime dite exceptionnelle dont le montant était variable mais en 2001, celle-ci a été fixée de façon uniforme à 1300 € et M Z qui occupait le même emploi que M J A l’a reçue en juin 2001, 2002 et 2003 et la s’ur du salarié en juin 2004 dans le cadre de la procédure prud’homale : dès lors, il convient de faire droit partiellement à la demande de M J A, pour 5200 EUROS.

En effet, cette prime qualifiée d’exceptionnelle mais dont la nature n’est pas connue, en l’absence de travail effectif sur le 1er semestre 2005, ne peut être attribuée pour le mois de juin 2005.

Le salarié prétend également au paiement d’une prime exceptionnelle en décembre 2004 d’un montant de 700 EUROS, arguant également d’un usage constant, général et d’un montant fixe.

L’employeur s’oppose à cette demande, en soutenant qu’à cette période M J A était en arrêt maladie et qu’il lui avait été adressé 4 courriers manifestant son mécontentement sur la qualité de sa prestation de travail.

Cette prime attribuée à tous en 2003 comme il résulte du registre des salaires mais non en 2004, ne présentait dès lors pas un caractère constant et en outre ne peut être attribuée à M J A, ce dernier étant en maladie lors son versement et ne justifiant pas ainsi de son exigibilité.

Sur les intérêts

Les intérêts au taux légal sur les créances salariales sont dus à compter de la réception de la convocation en justice de l’employeur pour celles échues avant le 29 avril 2003 et pour le restant à compter du 22 octobre 2010, date de la reprise d’instance devant le Conseil des Prud’hommes, à défaut de toute autre précision fournie par M A .

Sur les frais et les dépens

Les parties succombant chacune pour partie dans leurs demandes, il convient de dire qu’elles conserveront à leur charge les frais irrépétibles comme les dépens qu’elles ont pu exposer en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile,

* Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription des faits reprochés,

* Confirme le jugement déféré en ses seules dispositions relatives au licenciement pour faute grave , à l’article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens,

* L’infirme pour le surplus,

* Statuant à nouveau et ajoutant,

* Condamne la SARL WORKSTORE à payer à M J A :

1)la somme de 4243,68 EUROS au titre des commissions retenues à tort de novembre 2002 à avril 2003, outre l’indemnité de congés payés afférente pour 424,36 €,

2)celle de 379,43 EUROS au titre des commissions SSDIS d’octobre et novembre 2002, outre l’indemnité de congés payés afférente pour 37,94 €,

3) celle de 1947,68 EUROS au titre des commissions PEDUS de novembre 2003 à février 2004, outre l’indemnité de congés payés afférente pour 194,76 €,

4) celle de 5200 EUROS au titre des primes exceptionnelles de juin 2001 à juin 2004 inclus outre l’indemnité de congés payés afférente pour 520 €,

* Dit que les intérêts au taux légal sur ces créances salariales doivent courir à compter du 29/04/03 pour celles échues antérieurement à cette date et à compter du 22/10/10 pour le surplus,

* Déboute M J A de ses demandes relatives aux primes de décembre 2004 et juin 2005,

* Déboute M J A et la SARL WORKSTORE de leurs demandes respectives basées sur l’article 700 du Code de Procédure Civile ,

* Laisse à chacune des parties les dépens exposés en cause d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 19 décembre 2013, n° 13/02352