Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 20 décembre 2013, n° 12/01902

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 20 déc. 2013, n° 12/01902
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 12/01902
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Toulon, 23 novembre 2011, N° 10/06215

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 20 DECEMBRE 2013

N° 2013/538

Rôle N° 12/01902

F, I Z

C/

D X

LE REGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS DE BOURGES R;S;I;

L’ONIAM, OFFICE NATIONAL D.INDEMNISATION DES ACCIDENTS

Grosse délivrée

le :

à :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 24 Novembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 10/06215.

APPELANT

Monsieur F, I Z

né le XXX à XXX

représenté par Me Philippe- Laurent SIDER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me François JEGU, avocat au barreau de ROUEN,

INTIMES

Monsieur D X

né le XXX à XXX

représenté par Me Bruno ZANDOTTI, avocat au barreau de MARSEILLE

LE REGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS DE BOURGES R;S;I; pris en la personne de son représentant légal y domicilié, XXX – XXX

défaillant

L’ONIAM, OFFICE NATIONAL D.INDEMNISATION DES ACCIDENTS pris en la personne de son représentant légal y domicilié, tour Gallieni II, XXX – XXX

représenté par Me Jean-françois JOURDAN de la SCP JOURDAN JEAN FRANCOIS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Sophie DAGOURET, avocat au barreau de BORDEAUX

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 30 Octobre 2013 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Christiane BELIERES, Présidente, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christiane BELIERES, Présidente

Mme Jacqueline FAURE, Conseiller

Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Décembre 2013. Le 11 Décembre 2013 le délibéré a été prorogé au 18 Décembre 2013, le 18 Décembre 2013 le délibéré a été prorogé au 20 Décembre 2013.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Décembre 2013,

Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DES FAITS PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Le 19 juillet 2007 M. F Z, a subi à la Clinique de Coudon une intervention de méniscectomie interne sous arthroscopie sur le genou droit dont les suites ont été satisfaisantes puis le 6 septembre 2007 une opération de même nature sur le genou gauche dont les suites se sont révélées douloureuses malgré le traitement prescrit pour algodystrophie.

Il a saisi le juge des référés qui par ordonnance du 30 décembre 2008 a ordonné une mesure d’expertise confiée au professeur Jouve qui a déposé son rapport le 20 août 2009.

Par acte du 18 octobre 2010 il a fait assigner M. B X et l’Oniam devant le tribunal de grande instance de Toulon en déclaration de responsabilité ou réparation des préjudices subis et a appelé en cause le Régime social des indépendants (RSI) en sa qualité de tiers payeur.

Par jugement du 24 novembre 2011 assorti de l’exécution provisoire cette juridiction

— a débouté M. Z de l’ensemble de ses demandes

— l’a condamné à payer à M. X la somme de 1.800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— l’a condamné aux entiers dépens avec recouvrement dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par acte du 2 février 2012, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. Z a interjeté appel général de cette décision.

MOYENS DES PARTIES

M. Z demande dans ses conclusions du 10 juillet 2012 de

Vu les articles 1147 du code civil, 1142-1-I et II, L 1142-1 et L 1142-18 du code de la santé publique et 700 du code de procédure civile

— réformer le jugement

— dire que M. X a manqué à ses obligations, ne respectant pas le devoir d’information et en posant une indication opératoire inexacte

— condamner M. Z à l’indemniser de ses préjudices présentés à titre provisionnel comme suit:

* dépenses de santé actuelles : mémoire

* incidence professionnelle : 50.000 €

* déficit fonctionnel temporaire : 4.200 €

* déficit fonctionnel permanent : à fixer à la suite de l’expertise complémentaire sollicitée

* souffrances endurées : 20.000 €

* préjudice esthétique temporaire : 2.000 €

* préjudice esthétique permanent : 4.000 €

— dire que le pourcentage de responsabilité mis à la charge de M. Z ne saurait être inférieur à 30 %

— dire que M. Z a subi un aléa thérapeutique dont les conséquences directement imputables devront être réparées par l’Oniam pour la part non prise en charge par M. X

— ordonner une expertise médico-légale au contradictoire del’Oniam et de M. Z afin de déterminer les conséquences de l’opération en date du 6 septembre 2007

— condamner M. X à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— condamner M. X aux entiers dépens avec recouvrement dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Il recherche la responsabilité de M. X au titre du défaut d’information et du défaut d’indication opératoire.

Il soutient que le diagnostic posé et l’indication d’arthroscopie était discutable et qu’un chirurgien de même expérience aurait pu faire un diagnostic tout à fait différent, de sorte que cette indication devait être évoquée avec beaucoup de précision, que les controverses médicales devaient être portées à sa connaissance puisque cette opération est à l’origine dans un nombre de cas non négligeables (6 %) d’algodystrophie ou algoneurodystrophie.

Il estime que M. X a choisi une voie thérapeutique qui comportait des risques importants connus, dont il n’a pas été informé, qu’il n’a pu donner un consentement libre et éclairé à l’opération, ce qui est à l’origine d’une perte de chance majeure qui ne saurait être inférieure à 70 % dont il sollicite indemnisation.

Il affirme que le document signé le 3 septembre 2007 de 'consentement éclairé après réflexion sur les bénéfices et risques de l’intervention proposée’ ne comporte aucun élément technique pour déterminer l’intervention qui sera pratiquée, ni la liste des risques inhérents à cette intervention qui ne peut constituer la preuve d’un consentement libre et d’une information loyale, claire et appropriée, d’autant qu’à cette date le rapport de consultation ne mentionne pas de méniscectomie, qu’aucune intervention chirurgicale ne semble véritablement posée, seule étant évoquée la conduite à tenir.

Il indique souffrir d’algoneurodystrophie qui est une complication chirurgicale et n’est donc pas liée à un état antérieur à la chirurgie mais trouve sa source dans un acte médical, même pratiqué conformément aux règles de l’art, d’autant que le grade III de la pathologie qui était de nature à le justifier n’est pas attesté par l’IRM.

Il estime avoir été victime d’une complication post-opératoire, en relation directe et certaine avec l’intervention chirurgicale, de sorte que l’Oniam devra réparer la part de préjudice imputable à l’aléa thérapeutique sur le fondement de l’article L 1142-1 II du code de la santé publique dès lors qu’il remplit les critères de gravité fixés aux articles L 1142-1 et D 1142-1 du code de la santé publique modifiés par la loi du 12 mai 2009 puisque son déficit fonctionnel temporaire est supérieur à 6 mois soit du 6 septembre 2007 au 6 avril 2008.

M. X demande dans ses conclusions du 22 mai 2012 de

— confirmer le jugement

— constater qu’il n’a commis aucune faute

— constater qu’il n’y a pas de lien de causalité entre les fautes alléguées et le dommage

— débouter M. Z de l’intégralité de ses prétentions

A titre subsidiaire,

— rejeter la demande d’expertise

A titre encore plus subsidiaire,

— réduire les sommes sollicitées à de plus justes proportions et débouter M. Z de ses demandes injustifiées

— le condamner à lui verser une somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure cive

— le condamner aux entiers dépens avec recouvrement dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Il conteste toute faute commise en relation de causalité avec un préjudice subi, étant tenu à une simple obligation de moyens en vertu de l’article L 1142-1-1 du code de la santé publique puisqu’il a donné une information complète à la suite de trois consultations des 11 juillet 2007, 19 juillet 2007 et 3 septembre 2007 et des courriers pour le médecin traitant, qu’il a traité ce patient dès juillet 2007 dans le cadre de gonalgies ressenties sur les deux genoux de sorte que le diagnostic et la prise en charge thérapeutique proposés n’étaient pas nouveaux en septembre 2007, que l’intéressé avait donné son consentement libre et éclairé en toute connaissance de cause dès juin 2007 pour la mise en place de la thérapeutique visant à palier ses troubles bilatéraux et qu’il a ainsi disposé d’un délai raisonnable de réflexion.

Il souligne que M. Z a signé un formulaire de consentement éclairé complété d’une information orale donnée lors d’un entretien individuel attestée par la teneur des lettres du 20 juillet 2007 et du 5 septembre 2007 adressées au médecin traitant, qui tant pour le genou droit que pour le genou gauche, mentionnent 'nous organisons une méniscectomie interne sous arthroscopie, je lui explique tout cela….'.

Il nie toute erreur de diagnostic pour avoir choisi l’arthroscopie en première intention car il existe bien une discussion au sein de la communauté médicale sur la prise en charge de sa pathologie, fait remarquer que ce patient ne conteste nullement le bien fondé de l’indication similaire portée sur le genou droit et estime que l’indication opératoire était justifiée.

Il ajoute que l’intervention a été correctement réalisée au plan technique, qu’il a donné des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science, que l’algodystrophie est une complication connue de ce type d’intervention dont l’étiologie n’est pas chirurgicale mais due à son état antérieur et se prévaut des conclusions du rapport d’expert qui estime que 'le résultat défavorable survenu au niveau du genou gauche ne semble pouvoir être imputé qu’au génie évolutif de la pathologie que portait le patient et non à une erreur thérapeutique'.

Il s’oppose à toute nouvelle expertise et, subsidiairement, conclut à la réduction de l’indemnisation sollicitée.

L’Oniam sollicite dans ses conclusions du 29 mai 2012 de

Vu les articles 1142-20 et 1142-21, L 1242-1 II, D 1142-1 du code de la santé publique, 16 du code civil

— confirmer le jugement

— dire que les conditions pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies

— la mettre hors de cause

Subsidiairement,

— lui donner acte de ses protestations et réserves tant sur le bien fondé de sa mise en cause que sur la mesure d’expertise sollicitée dont la mission proposée devra être complétée

En toute hypothèse,

— débouter M. Z de ses demandes indemnitaires

— condamner M. Z aux dépens.

Il rappelle que tous les accidents médicaux ne sont pas systématiquement indemnisables au titre de la solidarité nationale, qu’en vertu de l’article L 1142-1 II du code de la santé publique ils doivent notamment avoir eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci, qui doivent s’apprécier en fonction des données théoriques sur le risque survenu et des données propres à l’état de l’intéressé et particulièrement à son état initial.

Il précise que le risque inhérent à l’évolution prévisible de l’affection traitée tient compte du pronostic spontané de la maladie et des évolutions possibles et prévisibles sous l’effet des thérapeutiques existantes et reconnues.

Il soutient que M. Z présentait avant l’intervention du genou gauche de multiples remaniements arthrosiques, une lésion de grade III du ménisque interne et que l’expert ne retient nullement que son état actuel serait en lien avec une complication liée au geste chirurgical de septembre 2007, que l’algodrystrophie dont le diagnostic n’a, au demeurant, jamais été confirmé est uniquement en lien avec l’évolution de la pathologie initiale du patient, l’intervention chirurgicale ayant été un échec thérapeutique qui n’a pas permis de contenir l’évolution de la maladie.

Il ajoute que le seuil de gravité requis pour l’indemnisation au titre de la solidarité nationale n’est pas atteint puisque M. Z ne présente pas de déficit fonctionnel permanent, ni de déficit fonctionnel temporaire total puisqu’il a conservé son activité professionnelle et ne démontre pas que son déficit fonctionnel temporaire partiel est supérieur à 50 % de façon continue sur une période de plus de six mois, que son point de départ ne saurait être fixé au jour de l’intervention qui, en toute hypothèse, aurait entraîné un déficit fonctionnel temporaire total ou partiel, qu’il ne peut être passé du jour au lendemain d’un déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % à un déficit fonctionnel permanent nul et qu’il ne prétend pas, à titre exceptionnel, présenter une inaptitude définitive à exercer sa profession ni avoir subi des troubles particulièrement graves dans les conditions d’existence.

Le RSI assigné par M. Z par acte du 13 juillet 2012 délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l’appel n’a pas constitué avocat ; il a fait connaître le montant de sa créance définitive constituée de prestations en nature de 3.624,18 €.

L’arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l’article 474 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le droit à réparation

Sur les données de l’expertise

L’expert judiciaire indique dans son rapport que 'l’intervention effectuée au genou gauche parait être justifiée.

M. Z présentait au niveau de ses deux genoux une arthrose, c’est-à-dire une usure de ses articulations. Cette arthrose s’est accompagnée d’une lésion dégénérative du ménisque interne. De telles lésions s’observent assez fréquemment dans les arthroses du genou. Elles provoquent des phénomènes douloureux parfois majorés par une lésion traumatique surajoutée.

Lorsqu’une telle lésion méniscale survient sur un genou arthrosique débutant, la résection partielle de ce ménisque est recommandée afin de supprimer l’épine irritative que peut constituer une languette méniscale mobile dans le genou. Dans les suites de ce traitement, une prise en charge par médications spécifiques de l’arthrose doit être instituée.

Les suites opératoires de ce type de chirurgie sont souvent aléatoires car il est très difficile de savoir quel est l’impact des lésions arthrosiques sur le genou.

Dans le cas de M. Z les suites de la résection méniscale du genou droit ont donné un bon résultat. En revanche, concernant la résection méniscale du genou gauche, des phénomènes douloureux importants se sont installés sans qu’aucune complication relative à une négligence ne puisse être relevée. Il semble que M. Z ait présenté un phénomène d’inflammation majeur du condyle médical de son genou. Cette complication n’était pas prévisible dans la mesure où une IRM pré opératoire effectuée 10 jours avant l’arthroscopie ne montrait aucun signe de cet ordre.

Le diagnostic d’algodystrophie porté par le docteur A parait justifié puisque c’est la complication la plus classique survenant après un tel geste d’arthroscopie. M. Z en avait le signes cliniques très évocateurs.

L’IRM du genou gauche réalisée le 8 novembre 2007 fait évoquer une ostéonécrose à son stade initial

Celle du 10 juin 2008 confirme l’existence d’un foyer d’ostéonécrose du condyle médial ainsi que d’une chondropathie de l’ensemble du genou prédominant sur le compartiment fémoro tibial interne.

La pathologie post opératoire présentée par M. Z parait donc être constituée par l’association d’un phénomène de nécrose du condyle interne associé à une algodystrophie.

Le traitement de l’arthrose débutante du genou ne fait pas l’objet d’un consensus sur la prise en charge à suivre. Pour certains auteurs une languette méniscale détachée constitue une épine irritative qui doit être régularisée avant tout traitement de fond. Pour d’autres auteurs, la lésion méniscale est à intégrer dans une prise en charge médicale globale et ne nécessite pas d’ablation chirurgicale en première intention.'

Sur la responsabilité du chirurgien

En vertu de l’article L 1142-1 I du code de la santé publique le professionnel de santé n’est responsable des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute de sa part.

Deux types de fautes sont invoquées par M. Z : un manquement à son obligation de soins et un défaut d’information.

* sur la faute de technique médicale

Aucun manquement fautif de M. Y dans son obligation de soins appropriés, dont la charge de la preuve pèse celui qui l’invoque, n’est caractérisée.

La mauvaise indication opératoire prétendument posée par ce chirurgien n’est aucunement démontrée par M. Z.

Selon l’analyse de l’intervention faite par l’expert, elle ne peut donner lieu à aucune critique au vu des données médicales recueillies et des pièces communiquées.

Le technicien judiciaire précise à la page 4 de son rapport que le compte rendu du radiologue à la suite de la réalisation de l’IRM du genou gauche note '… de multiples remaniements arthrosiques avec épanchement intra articulaire. Méniscopathie de grade 2 du ménisque interne…', que le compte rendu de consultation de M. Y du 3 septembre 2007 mentionne '.. IRM grade 3 du ménisque interne….' qu’il a pu lui-même examiner les clichés et indique à leur propos 'On retrouve une lésion très nette du compartiment fémoro tibial interne ainsi que de l’interligne fémoro patelaire. Le ménisque interne est porteur d’un signal anormal à la partie postérieure et moyenne faisant évoquer une lésion dont il est difficile de faire la part entre un grade 2 et un grade 3', que le compte rendu d’arthroscopie du 6 septembre 2007 note ….'condyle : chondrite stade 3 en zone portante Plateau : chondrite stade 2 en regard..'

Il est formel 'En pratiquant au niveau du genou gauche une arthroscopie, le docteur X a effectué un geste recommandé par une grande partie de la communauté médicale'.

Il poursuit 'Il est intéressant d’ailleurs d’observer que le même geste effectué sur le genou droit quelques mois auparavant a été couronné de succès ; ceci démontre bien la limite de nos connaissances médicales en matière d’arthrose’ et considère que 'les soins on été attentifs et diligents'.

Ainsi M. Y a employé des procédés habituels, conformes aux règles ou recommandations de la profession, même si elle n’est pas unanime, et aux données acquises de la science, étant rappelé que le chirurgien est soumis dans l’accomplissement de l’acte médical à une obligation légale fondée sur la faute, l’imperfection du résultat obtenu ne suffisant pas à engager sa responsabilité.

L’expert conclut 'Le résultat défavorable survenu au niveau du genou gauche ne me semble pouvoir être imputé qu’au génie évolutif de la pathologie que portait le patient et non à une erreur thérapeutique'.

Aucune critique n’est apportée à cet avis motivé émanant d’un professionnel spécialisé qui repose sur des données objectives, après consultation de l’entier dossier médical, l’examen de M. Z et l’analyse de ses doléances ; cette victime ne produit aucun élément technique de nature à remettre en cause ces conclusions.

Le jugement qui a débouté M. Z de son action en responsabilité à l’égard de M. Y sera donc confirmé sur ce point.

Sur l’obligation d’information

En vertu des articles L 1111-2 et R 4127-35 du code de la santé publique, le médecin est tenu de donner à son patient sur son état de santé une information portant sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ; délivrée au cours d’un entretien individuel, cette information doit être loyale, claire et appropriée, la charge de la preuve de son exécution pesant sur le praticien, même si elle peut être faite par tous moyens.

M. Y a reçu M. Z à plusieurs reprises en 2007, les 11 et 19 juillet 2007 pour le genou droit et le 3 septembre 2007 pour le genou gauche et lui a remis un document de 'consentement éclairé après réflexion sur les bénéfices et risques de l’intervention proposée’ mais ne démontre nullement l’avoir informé du risque

Cet écrit qu’il a signé le 3 septembre 2007 est ainsi libellé 'Je reconnais avoir reçu de mon chirurgien toute l’information souhaitée, simple et intelligible concernant l’évolution spontanée des troubles ou de la maladie dont je souffre. Il m’a aussi été expliqué les risques auxquels je m’expose en ne me faisant pas opérer, les bénéfices attendus d’une intervention et les alternatives thérapeutiques.

De plus je reconnais avoir été informé que toute intervention chirurgicale comporte un certain pourcentage de complications et de risques y compris vitaux, tenant non seulement à la maladie dont je suis affecté mais également à des variations individuelles, non toujours prévisibles.

J’ai également été prévenu qu’au cours de l’intervention le chirurgien peut se trouver en face d’une découverte ou d’un événement imprévu nécessitant des actes complémentaires ou différents de ceux prévus initialement..'.

Rédigé en termes très généraux, le document ne contient aucune mention relative aux options thérapeutiques, à la technique envisagée et aux raisons de son choix ni aux risques spécifiques ou non attachés et notamment l’algodystrophie et le taux d’échec du traitement arthroscopique sur une genou arthrosique porteur d’une lésion méniscale.

Le libellé de la lettre destinée au médecin traitant, qu’il s’agisse de celle du 20 juillet 2007 pour le genou droit ou de celle du 5 septembre 2007 pour le genou gauche, se borne à décrire les lésions constatées, l’intervention proposée de 'ménisectomie interne sous arthroscopie', avant de débuter le traitement médical de l’arthrose (perte de poids, semelles…..) et viscosupplémentation à distance de l’arthroscopie pour obtenir une meilleure efficacité. Je lui explique tout cela et je ne manquerai pas de vous tenir informé de l’évolution’ ; elle n’établit que les indications sur les divers choix thérapeutiques, les raisons de l’option retenue, les risques encourus aient été portées à la connaissance de M. Z en des termes adaptés et accessibles à un profane devant lui permettre une réelle compréhension des avantages et des dangers de l’acte médical projeté pour exprimer un consentement éclairé.

Au demeurant, l’information doit être délivrée au patient lui même et incombe à titre principal sur le médecin réalisant l’acte qui ne peut se décharger de son obligation sur un tiers.

Un défaut d’information de la part du chirurgien doit, ainsi, être retenu.

M. Z ne peut, cependant, se prévaloir d’un préjudice corporel subi en relation de causalité avec ce manquement.

En effet, le dommage découlant d’une violation du devoir d’information n’est pas l’atteinte à l’intégrité physique elle-même consécutive à l’intervention subie mais la perte d’une chance d’échapper à cette intervention et aux conséquences du risque qui s’est finalement réalisé.

Son existence doit s’apprécier en prenant en considération l’état de santé du patient, son évolution prévisible, sa personnalité, les raisons pour lesquelles les investigations ou les soins

à risques lui sont proposés ainsi que leurs caractéristiques, les effets qu’aurait pu avoir une telle information quant à son consentement ou à son refus.

Or, même si M. Z avait été averti de toutes les préconisations thérapeutiques, modalités et risques de l’intervention, il ne l’aurait pas refusée car l’information aurait dû mettre en parallèle les risques encourus statistiquement limités et l’évolution prévisible de son état de santé en cas d’inaction, ce qui ne lui laissait pas de choix réel entre l’opération et l’abstention.

En effet, l’expert judiciaire précise à la page 2 de son rapport que 'M. Z présentait des douleurs aux deux genoux, qu’il avait subi le 19 juillet 2007 une arthroscopie du genou droit avec des suites opératoires simples, une amélioration franche ressentie par le patient qui continuait se plaindre du genou gauche’ ; ainsi, les bons résultats obtenus à droite ne pouvaient que l’inciter à procéder à une intervention identique à gauche.

M. Z ne réclamant indemnisation au titre du défaut d’information que de son préjudice physique, à l’exclusion de tout autre dommage distinct des lésions corporelles découlant de la réalisation du risque consécutif à l’acte médical subi, il doit en être débouté.

Sur le droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale

L’article L 1142-1 II du code de la santé publique dans sa rédaction en vigueur lors du fait dommageable du 23 septembre 2004 met à la charge de la solidarité nationale, 'en l’absence de responsabilité d’un professionnel, d’un établissement de santé, d’un service ou d’un organisme de santé ou d’un fournisseur de produits, l’indemnisation des dommages directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins qui ont eu pour les patients des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’incapacité permanente ou de la durée de l’incapacité temporaire de travail.

Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d’incapacité permanente supérieur à un pourcentage d’un barème spécifique fixé par décret'.

L’article D 1142-1 prévoit que 'le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l’article L 1142-1 est fixé à 24 %' et 'qu’un accident médical non fautif présente également le caractère de gravité mentionné à l’article L 1142-1 lorsque la durée de l’incapacité temporaire de travail résultant de l’accident médical est au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois.

A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu

1° lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l’activité professionnelle qu’elle exerçait avant la survenance de l’accident médical

2° lorsque l’accident médical occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d’ordre économique, dans ses conditions d’existence.

Au vu des données de l’expertise, l’accident médical non fautif ne peut être dissocié de l’état antérieur de M. Z, connu en pré-opératoire, constitué d’arthrose accompagné d’une lésion dégénérative du ménisque interne.

Si la complication d’algodystrophie survenue est liée au geste d’arthroscopie, la pathologie post opératoire présentée par M. Z est aussi associée à un phénomène de nécrose du condyle interne (page 12 du rapport) imputable 'au génie évolutif’ de la maladie arthrosique dont il était porteur.

Ainsi, compte tenu de ses antécédents, qui ont participé à la réalisation du dommage, ce patient était particulièrement exposée à la complication survenue dont les conséquences, même si elles sont préjudiciables, ne peuvent être considérées dans leur intégralité comme anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci.

Au surplus, M. Z ne remplit aucun des critères de gravité requis.

Le déficit fonctionnel permanent conséquence de la seule arthroscopie du genou gauche a été considéré par l’expert comme nul puisque 'l’évolution du genou de M. Z est celle d’une arthrose pour laquelle l’arthroscopie n’a plus de conséquence particulière au-delà de la date de consolidation….l’état actuel de M. Z est essentiellement lié à l’évolution de sa gonarthrose et de sa nécrose condylienne… '.

Il en va de même pour la durée de l’incapacité temporaire de travail puisqu’il n’y a pas de déficit fonctionnel temporaire total.

Le fait de ne pouvoir pratiquer le tennis et le vélo de manière intensive du fait d’une course rendue impossible par les douleurs ressenties sur le genou gauche, qui constitue l’essentiel de ses doléances à l’expert (page 7 du rapport), est insuffisant à caractériser les troubles particulièrement graves dans les conditions d’existence requis.

M. Z ne remplit pas davantage les critères de gravité exigés par ce même article L 1142-1 du code de la santé publique dans sa rédaction de la loi 2009-526 du 12 mai 2009 et D 1142-1 dans sa rédaction du décret n° 2011-76 du 19 janvier 2011 qui prévoit désormais l’indemnisation des dommages qui 'présentent un caractère de gravité apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, de la durée de l’arrêt temporaire des activités professionnelles ou du déficit fonctionnel temporaire…' ce dernier critère étant désormais défini comme ayant 'entraîné pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d’un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %'.

L’Oniam faisant bénéficier toutes les victimes de ces derniers textes qui leur sont plus favorables, dans tous les dossiers même ceux relatifs à un accident antérieur à leur mise en vigueur dès lors qu’ils n’ont pas fait l’objet d’une décision définitive et proposant de les appliquer à M. Z, la demande doit également être appréciée au regard de ces nouvelles dispositions.

Or, au vu du rapport d’expertise le déficit fonctionnel temporaire a été partiel de la date de l’hospitalisation le 6 octobre 2007 à la date de la consolidation le 6 avril 2008 de sorte que les conditions de durée, eu égard au taux à prendre en compte ne sont pas davantage remplies.

Même si l’expert n’a pas précisé ce taux, toute mesure de nouvelle expertise doit être écartée car, en toute hypothèse, il ne peut atteindre 50 % sur la totalité de cette période de six mois puisqu’il est nécessairement dégressif jusqu’à l’issue de celle-ci et qu’en l’espèce le taux de déficit permanent est nul.

Toutes les conditions légales, qui sont cumulatives, n’étant pas réunies, l’indemnisation de M. Z ne relève pas de la solidarité nationale.

Le jugement qui l’a débouté de son action en indemnisation à l’égard de l’Oniam sera donc confirmé sur ce point.

Sur les demandes annexes

M. Z qui succombe dans ses prétentions supportera la charge des entiers dépens de première instance et d’appel et ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité ne commande pas d’allouer à M. Y une indemnité au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour, eu égard au montant des sommes déjà allouées de ce chef devant le tribunal, ni à l’Oniam.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

— Confirme le jugement.

Y ajoutant

— Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties en cause d’appel.

— Condamne M. F Z aux entiers dépens d’appel.

— Dit qu’ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 20 décembre 2013, n° 12/01902