Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 22 décembre 2015, n° 14/11969

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 22 déc. 2015, n° 14/11969
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 14/11969
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Grasse, 10 mars 2014, N° 12/01181

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 22 DECEMBRE 2015

N°2015/534

Rôle N° 14/11969

XXX

C/

Hilda, Theresia, Jacqueline X BARTHELEMY

D Y

Grosse délivrée

le :

à :

Me Fiorentini-Gatti

Me Peynaud

Me Carlini

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 11 Mars 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 12/01181.

APPELANTE

SA CLINIQUE INTERNATIONALE DE CANNES Société anonyme inscrite au RCS de Cannes prise en la personne de son directeur général en exercice domicilié en cette qualité audit siège., XXX – XXX

représentée par Me Sandra FIORENTINI-GATTI, avocat au barreau de MARSEILLE

assistée de Me Claude-André CHAS de la SELARL CABINET CHAS, avocat au barreau de NICE, Me Sophie CHAS de la SELARL CABINET CHAS, avocat au barreau de NICE plaidant,

INTIMES

Madame Hilda, Theresia, Jacqueline X BARTHELEMY

née le XXX à XXX

représentée par Me Valérie PEYNAUD de la SCP AZURIS AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE

Monsieur D Y, demeurant XXX

représenté par Me Philippe CARLINI de la SCP LAILLET LAURENT, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Octobre 2015 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Christiane BELIERES, Présidente, et Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller, chargées du rapport.

Madame Christiane BELIERES, Présidente, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Christiane BELIERES, Présidente

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Madame Patricia TOURNIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Novembre 2015. A cette date, le délibéré a été prorogé au 17 Décembre 2015 puis au 22 Décembre 2015.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Décembre 2015.

Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Priscilla BOSIO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé des faits et procédure

Le 24 février 2010 Mme X a été opérée de la cataracte de l’oeil gauche à la Sa Clinique Internationale de Cannes Oxford à Cannes (la Clinique), en ambulatoire, par M. Y, ophtalmologiste.

Deux jours plus tard, a été mise en évidence une infection intra-oculaire par de nombreuses colonies 'd’enterococcus faecalis’ qui a été éradiquée mais qui a entraîné la perte totale de l’oeil gauche du fait d’une atrophie papillaire et d’un soulèvement rétinien postérieur.

Elle a saisi le 30 septembre 2010 la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et infections nosocomiales (Crci) de Provence Côte d’Azur qui par décision du 24 novembre 2010 a prescrit une mesure d’expertise confiée au docteur A qui a déposé son rapport le 7 février 2011 en concluant à une relation directe entre l’opération et la perte de vision et qui par nouvelle décision du 13 mai 2011 a rejeté sa demande pour absence de fautes, absence d’infection nosocomiale et absence d’accident médical non fautif.

Par actes du 23 et 24 février 212 elle a fait assigner M. Y et la Clinique devant le tribunal de grande instance de Grasse en déclaration de responsabilité et réparation des préjudices subis.

Par jugement du 11 mars 2014 assorti de l’exécution provisoire cette juridiction a

— dit que Mme X avait été victime à l’occasion de l’intervention pratiquée le 24 février 2010 d’une infection nosocomiale à type d’endophtalmie

— dit que les dispositions de l’article L 1142-1 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 étaient applicables aux faits de la cause

— déclaré la Clinique responsable de l’infection nosocomiale subie par Mme X

— dit que M. Y n’avait commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité civile et l’a mis hors de cause

— débouté en conséquence Mme X de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de M. Y

— évalué son préjudice corporel à la somme totale de 35.200 € soit

* 4.200 € au titre du déficit fonctionnel temporaire de six mois

* 25.000 € au titre du déficit fonctionnel permanent

* 6.000 € au titre des souffrances endurées

— dit que le préjudice d’agrément n’était pas établi

— condamné la Clinique à payer à Mme X, en deniers ou quittances, les sommes de

* 35.200 € en réparation de son préjudice corporel

* 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— dit n’y avoir lieu à prononcer d’autres condamnations au titre des frais exposés et non compris dans les dépens

— condamné la Clinique aux dépens avec recouvrement dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par acte du 17 juin 2014, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la Clinique a interjeté appel général de cette décision.

Moyens des parties

La Clinique sollicite dans ses conclusions du 28 septembre 2015 de

Vu l’article L 1142-1 du code de la santé publique

— constater la contrariété des motifs affectant le jugement

— constater que Mme X ne rapporte pas la preuve du caractère nosocomial de l’infection qu’elle a eu à déplorer

— réformer la décision

— dire que sa responsabilité n’est pas engagée

— rejeter l’intégralité des demandes de Mme X

— la condamner à lui rembourser les sommes versées dans le cadre de l’exécution provisoire du jugement

— condamner Mme X aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Elle indique qu’elle est un établissement privé au sein duquel les médecins exercent à titre libéral et engagent leur seule responsabilité pour les actes qu’ils pratiquent et les soins qu’ils dispensent de sorte qu’elle ne peut être recherchée pour d’éventuelles défaillances qui pourraient être reprochées à ces derniers.

Elle rappelle qu’en vertu de l’article L 1142-1 du code de la santé publique la responsabilité d’un établissement de soins ne peut être recherchée que sur deux fondements, soit une faute en relation de causalité directe avec un préjudice, soit sans faute en cas d’infection nosocomiale avec faculté d’exonération en cas de cause étrangère démontrée.

Elle soutient que Mme X ne rapporte pas la preuve, à sa charge, de la démonstration d’un lien de causalité entre son séjour dans l’établissement et/ou l’intervention pratiquée par M. Y le 24 février 2010 et l’existence de l’infection dont elle a été atteinte.

Elle prétend que l’infection ne peut être qualifiée de nosocomiale uniquement si elle apparaît au cours ou à la suite d’une hospitalisation, qu’ au-delà du moment de son apparition elle doit être imputable à l’hospitalisation et aux soins prodigués, qu’il ne peut être admis d’envisager une indemnisation de patient contaminés de n’importe quelle manière (absence d’hygiène du patient, de sa famille ou lors de soins médicaux à domicile) dans un temps proche d’une prise en charge médicale.

Elle souligne que le germe en cause dans le cas de Mme X est une bactérie commensale de la flore buccale, digestive et urétrale, retrouvée dans la flore fécale dont le mode de transmission est surtout manuporté de sorte que le fait qu’il ait été contracté lors de son hospitalisation n’est absolument pas démontré, d’autant que l’expert conclut que 'l’absence d’abcès au niveau de l’incision cornéenne et la taille même de celle-ci rend peu vraisemblable la pénétration du germe au décours de l’intervention par une incision non étanche', qu’elle est rentrée chez elle une heure environ après l’intervention et a pratiqué elle-même à domicile les soins post-opératoires qui avaient été prescrits tels l’instillation d’un collyre plusieurs fois par jour.

Elle estime que ces soins à domicile présentent une porte d’entrée potentielle du germe, parfaitement étrangère à la prise en charge médicale effectuée et bien plus plausible puisqu’il apparaît que pendant l’intégralité du séjour, les diligences d’hygiène ont été respectées tant par le médecin que par les équipes médicales à savoir à l’opération (douche à la bétadine à prendre la veille et le matin de l’intervention, lavage du visage à la bétadine au box du service avec un gant à usage unique, opérations similaires en salle de préparation et en bloc opératoire) au cours de l’opération (absence d’incision non étanche) après l’opération (fourniture de lunettes de protection sans pansement et prescription de collyre antibiocoricoïde à instiller toutes les deux heures jusqu’au soir puis trois fois par jour pendant trois semaines).

Elle ajoute que, comme prévu, Mme X a consulté le lendemain son médecin ophtalmologue, le docteur Z qui n’a constaté aucune anomalie, que plusieurs autres opérations similaires ont eu lieu le même jour, sans qu’aucun des patients n’ait contracté une telle infection.

Elle fait remarquer que le port de coques de protection pour la sortie procède d’une prescription médicale relevant de la seule décision du chirurgien qui a conclu qu’elles étaient avantageusement remplacées par d’autres techniques comme les lunettes teintées et qu’en outre elles n’avaient aucune utilité dans le cadre de la lutte contre les infections.

Elle en déduit que Mme X a été contaminée à la suite de l’intervention, certes, mais d’évidence par les soins qu’elle s’est elle-même administrés, comme le conclut le docteur F-C, expert judiciaire national mandaté par ses soins.

Mme X demande dans ses conclusions du

Vu l’article L 1142-1 du code de la santé publique

— débouter la Clinique de ses demandes

— la condamner à lui payer la somme de 27.300 € au titre de son déficit fonctionnel permanent et 8.000 € au titre de son préjudice d’agrément

— confirmer la décision pour le surplus

— condamner la Clinique à lui payer la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— condamner la Clinique aux entiers dépens avec recouvrement dans les conditions de l’article 699 du même code.

Elle fait valoir que la circulaire du 13 octobre 1998 relative à l’organisation de la surveillance et de la prévention des infections nosocomiales définit l’infection nosocomiale comme 'une maladie provoquée par des micro-organismes contractée dans un établissement de soins par tout patient après son admission soit pour une hospitalisation soit pour y recevoir des soins ambulatoires, que les symptomes apparaissent lors du séjour l’hôpital ou après, que l’infection soit reconnaissable aux plans cliniques et/ou microbiologiques', que l’arrêté du 7 janvier 1993 relatif au secteur opératoire pour les structures pratiquant l’anesthésie ou la chirurgie ambulatoire évoque une hygiène spécifique et adaptée pour limiter les risques de nature infectieuse, que l’organisation du secteur opératoire doit être précisée et consignée dans un document écrit qui définit les procédures et modalités de nettoyage, décontamination des infections et stérilisation, lesquelles sont vérifiées périodiquement, que le décret du 6 septembre 1995 dispose que le médecin doit veiller à la stérilisation et à la décontamination des dispositifs médicaux qu’il utilise et à l’élimination des déchets médicaux selon les procéduree réglementaires, obligation à l’article L 1142-1 du code de la santé publique.

Elle se prévaut de la teneur du rapport d’expertise A qui confirme l’existence de l’infection nosocomiale puisqu’il retient un lien de causalité direct avec l’intervention de la cataracte et l’endophtalmie contractée par pénétration de germes dans la cavité oculaire au cours du geste opératoire.

Elle souligne que la clinique s’est opposé à toute nouvelle mesure d’expertise judiciaire en référés.

Elle ajoute avoir constaté lors de séances de laser effectuées en septembre 2013 à son oeil droit par un autre médecin ophtalmologiste que tous les patients opérés ce jour là sont repartis avec une coque protégeant l’oeil opéré, ce qui n’était pas son cas en février 2010.

Elle estime que si la Crci a rejeté à tort sa demande d’indemnisation pour absence de faute, d’infection nosocomiale et d’accident médical non fautif alors qu’ele aurait du motiver débouté en raison de l’insuffisance de gravité requise puisque son taux de déficit fonctionnel permanent était de 21 % et donc inférieur au seuil réglementaire de plus de 25 %.

M. Y sollicite dans ses conclusions du 23 octobre 2014 de confirmer le jugement au visa de l’article L 1142-1 du code de la santé publique.

Il fait remarquer que l’expert Vernet n’a retenu aucune faute à son encontre, que la pose de coques est une technique ancienne qu’il ne pratique plus et met des lunettes teintées et fermées qui font partie du pack chirurgical et qui sont bien mieux adaptés que les coques qui n’ont aucun rôle dans les infections et ne sont là que pour protéger l’oeil des chocs ou projections, le traitement d’antibiothérapie restant constant : pommade puis gouttes pendant 3 semaines.

Il rappelle que sur le terrain de l’infection nosocomiale c’est l’établissement qui est concerné et non le praticien, dès lors que l’expert admet qu’il a utilisé tous les moyens préconisés afin d’éviter une endophtalmie.

Motifs de la décision

Devant la cour, Mme X ne présente de demande qu’à l’encontre de la clinique, à l’exclusion du médecin ophtalmologiste.

Sur la responsabilité

En vertu de l’article L 1142-1 I alinéa 2 du code de la santé publique 'les établissements, services et organisme dans lequel sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic et de soins, sont responsable des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère'.

Les conditions de cette responsabilité sans faute de la Clinique, qui joue que l’infection soit d’origine exogène ou endogène, sont réunies, dès lors que Mme X rapporte la preuve, à sa charge, par des présomptions graves, précises et concordantes, de la réalité et du caractère nosocomial de l’infection, pour l’avoir contractée au cours de l’intervention chirurgicale de cataracte de l’oeil gauche pratiquée en ambulatoire dans cet établissement de santé le 24 février 2010, alors qu’elle était absente à son admission.

L’expert Vernet indique, en effet, que Mme X a présenté une endophtalmie dont les premiers signes se sont déclarés le 26 février 2010, qui a été diagnostiquée aussitôt en urgence et prise en charge par un médecin spécialisé, lequel a immédiatement mis en route un traitement conforme aux standards préconisés qui a permis l’éradication de l’infection et la conservation du globe oculaire même si aucune récupération visuelle n’a été possible.

Il note que la victime ne présentait à son entrée à l’hôpital aucun signe d’infection locale, régionale ou générale et ni diabète ni affection susceptible de diminuer ses défenses immunitaires, qu’elle a été installée dans un box individuel où elle a échangé ses vêtements contre une tenue jetable, s’est lavé le visage avec de la Bétadine à l’aide d’un gant jetable, a reçu des collyres destinés à dilater la pupille de l’oeil à opérer, a été conduite en salle de préparation où, après une nouvelle instillation de collyres a été réalisée une anesthésie de l’oeil gauche, puis a été conduite dans le bloc opératoire où l’anesthésie oculaire jugée insuffisante a été complétée par l’adjonction de collyre, que l’opération s’est déroulée sans problème apparent, qu’elle n’a ressenti aucune douleur au cours du geste chirurgical, qu’elle a ensuite été conduite en salle de réveil où elle a séjourné une heure environ avant de quitter la clinique avec une protection par lunettes sans pansements ni coque protectrice pour la nuit , une ordonnance de collyres et une rendez vous avec son médecin pour le lendemain, lequel n’a constaté aucune anomalie.

Il précise 'qu’un entericoccus faecalis a été retrouvé dans l’humeur aqueuse de l’oeil gauche lors du prélèvement réalisé le 26 février 2010, que ce germe est directement à l’origine de l’endophtalmie, qu’il est normalement présent sur les tissus cutanés mais n’est qu’un élément minoritaire de la flore conjonctivale saphrophyte'.

Il remarque que 'l’absence d’abcès au niveau de l’incision cornéenne et la taille même de celle -ci rend peu vraisemblable la pénétration du germe au décours de l’intervention par une incision non étanche'.

Il affirme que 'l’endolphtalmie de l’oeil gauche a son origine directe dans l’opération pratiquée le 24 février 2010 par pénétration de germes dans la cavité oculaire au cours du geste opératoire et que Mme X n’aurait pas développé d’infection en l’absence d’opération de la cataracte'.

Il explique que 'il est reconnu que les tissus péri oculaires constituent la source principale des agents infectieux responsables d’endophtalmie et que la bétadine, seul traitement préventif validé n’élimine qu’au maximum 90 % des germes.'

Il poursuit 'dans la mesure où une infection est dite nosocomiale si elle apparaît au cours ou à la suite d’un séjour en établissement de santé et si elle était absente à l’admission le qualificatif de nosocomiale peut être appliqué à l’endophtalmie dont Mme X a été victime après son opération du 24 février 2010 à la Sa Clinique Internationale de Cannes Oxford.

L’expert admet ainsi la nature nosocomiale de l’infection, son caractère associé aux soins, en rapport avec l’intervention pratiquée au terme d’un avis motivé fondé notamment sur la présence du germe en cause dans la flore conjonctivale même s’il y est minoritaire, sur l’incapacité des traitements préventifs à l’éliminer à 100 %, sur sa pénétration dans la cavité oculaire par une voie autre que l’incision elle-même ; il a complété le tableau pré-imprimé annexé à sa mission intitulé 'fiche récapitulative de conclusion’ en considérant 'qu’à l’origine du dommage il existe une infection nosocomiale, en tout '

L’opinion contraire émise par le docteur B C, mandaté par la clinique, qui souligne que le germe litigieux est un germe fécal qui fait partie de la flore digestive humaine et qui est en général manuporté, qu’il ne fait pas partie de la flore habituelle, ni de la flore cutanée à l’exception de la région anale, ni de la flore des culs de sacs conjonctivaux, qu’à supposer que la patiente se soit frottée les yeux avec des mains mal désinfectées avant l’intervention la préparation du champ opératoire a été réalisée de telle façon que la probabilité de retrouver ce germe est infiniment faible, ne présente pas une pertinence suffisante pour remettre en cause l’avis expertal.

Le document annexé qui présente les caractères généraux du germe de genre Enterococcus mentionne qu’il fait partie de la flore normale de l’intestin de l’homme mais note également qu’il peut coloniser la bouche et les voies respiratoires supérieures.

Et l’expert affirme la présence de ce germe dans la flore conjonctivale tout en soulignant son caractère non dominant puisqu’il la qualifie de minoritaire ; spécialiste en ophtalmologie, il dispose des qualités lui permettant de se prononcer avec toute compétence utile sur ce point.

La teneur du rapport d’expertise, l’apparition du germe 'entericoccus faecalis’ à quarante huit heures de l’intervention et sa localisation conduisent à retenir que Mme X a été victime d’une infection nosocomiale, en rapport avec l’intervention pratiquée le 24 février 2010 au sein de la Clinique.

En l’absence de toute cause étrangère, non démontrée et d’ailleurs non alléguée, cet établissement de santé doit assumer vis à vis de cette patiente les conséquences de la responsabilité de plein droit qui pèse sur lui.

Le jugement qui a retenu la responsabilité de la clinique sera donc confirmé sur ce point.

Sur l’indemnisation

Mme X accepte l’indemnité de 4.200 € allouée par le premier juge au titre du déficit fonctionnel temporaire et celle de 6.000 € au titre des souffrances endurées mais critique celle accordée ou refusée au titre de deux autres postes composant son préjudice corporel dont la consolidation a été fixée le 13 septembre 2010.

— Déficit fonctionnel permanent

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l’atteinte anatomo-physiologique à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence (personnelles, familiale et sociales).

Il est caractérisé par une perte totale de l’acuité visuelle de l’oeil gauche alors qu’elle était de 4/10 avant l’opération, ce qui conduit à un taux de 21 % justifiant pour une femme âgée de 84 ans à la consolidation l’indemnité de 25.000 € allouée par le premier juge.

— Préjudice d’agrément

Ce poste de dommage vise exclusivement l’impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d’une activité spécifique sportive ou de loisir.

Mme X justifie par la production de nombreuses attestations régulières en la forme et concordantes ne plus pouvoir pratiquer certaines activités de loisir auxquelles elle s’adonnait régulièrement avant l’accident médical , à savoir la réalisation de tableaux aux points de croix ou la lecture, alors qu’elle maîtrise plusieurs langues, sinon avec très grande difficulté, ce qui justifie l’octroi d’une indemnité de 5.000 €.

Le préjudice corporel global subi par Mme X s’établit ainsi à la somme de 40.200 €, sauf à déduire les provisions versées, qui en application de l’article 1153-1 du code civil porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement à hauteur de 35.200 € et du prononcé du présent arrêt à hauteur de 5.000 €.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.

La Clinique, qui succombe dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation, supportera la charge des entiers dépens d’appel.

L’équité commande d’allouer à Mme X une indemnité de 1.500 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Par ces motifs

La Cour,

— Confirme le jugement,

hormis sur l’indemnisation du préjudice corporel de la victime.

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

— Dit que Mme X a subi un préjudice d’agrément fixé à la somme de 5.000 €.

— Evalue en conséquence son préjudice corporel global à la somme de 40.200 €.

— Condamne la Sa Clinique Internationale de Cannes Oxford à payer à Mme X la somme de 40.200 € sauf à déduire les provisions versées avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du 17 juin 2014 à hauteur de 35.200 € et du 22 décembre 2015 à hauteur de 5.000 €.

— Condamne la Sa Clinique Internationale de Cannes Oxford à payer à Mme X la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour.

— Condamne la Sa Clinique Internationale de Cannes Oxford aux entiers dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Le greffier Le président

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