Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 4 mai 2017, n° 16/11726

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 17e ch., 4 mai 2017, n° 16/11726
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 16/11726
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, 24 novembre 2013, N° 12/106
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE 17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 04 MAI 2017

N°2017/

JLT/FP-D

Rôle N° 16/11726

E X

C/

SAS Y

Grosse délivrée le :

à:

Me Antoine GOULET, avocat au barreau de PARIS

Me Sophie ROBERT, avocat au barreau de MARSEILLE Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX-EN-PROVENCE – section AD – en date du 25 Novembre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/106.

APPELANT

Monsieur E X, demeurant chez XXX – XXX

comparant en personne, assisté de Me Antoine GOULET, avocat au barreau de PARIS (XXX

INTIMEE

SAS Y, demeurant 290 Avenue Galilée – Bâtiment J Parc Cézanne II – CS 10546 – 13594 AIX-EN-PROVENCE

représentée par Me Sophie ROBERT, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 06 Mars 2017, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2017

Signé par Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. E X a été embauché par la société OPTIMA ON LINE devenue la SAS Y, en qualité de conseiller commercial sédentaire, par contrat de travail temporaire du 22 févier 2010 suivi par un contrat de travail à durée indéterminée du 24 avril 2010.

Il a été licencié pour faute grave le 18 novembre 2011.

Saisi par le salarié le 31 janvier 2012, le Conseil de Prud’hommes d’Aix-en-Provence, par jugement du 25 novembre 2013, a dit le licenciement fondé sur une faute grave et une cause réelle et sérieuse et il a débouté M. X de ses demandes.

La SAS Y a relevé appel le 24 janvier 2014 de ce jugement notifié le 2 janvier 2014.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions reprises oralement lors de l’audience M. X, concluant à la réformation du jugement, sollicite de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la SAS Y à lui payer, avec intérêts au taux légal à compter de la demande et capitalisation, les sommes de :

—  2 049,89 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  204,98 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante,

—  409,97 € au titre de l’indemnité de licenciement,

—  1 874,11 € au titre des salaires afférents à la période de mise à pied conservatoire, – 187,41 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante,

—  10 000,00 € à titre de dommages-intérêts distincts en raison du préjudice moral causé par les circonstances de la rupture,

—  155,00 € à titre de rappel sur les commissions du mois de novembre 2011,

—  15,50 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante,

—  3 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il soutient qu’il n’a jamais été informé d’une quelconque procédure de vente écrite définie par l’employeur, qu’il n’a fait qu’user des procédures et des méthodes qui lui ont été transmises lors de son embauche et qui étaient utilisées par l’ensemble des commerciaux.

Dans ses conclusions reprises oralement lors de l’audience, la SAS Y, concluant à la confirmation du jugement, sollicite de débouter M. X de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 2 500,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que la preuve des faits, précis et matériellement vérifiables, est rapportée, qu’il s’agit d’une violation grave et répétée des obligations contractuelles du salarié et que celui-ci a causé un grave préjudice à la société.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure et des prétentions et moyens antérieurs des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions déposées, oralement reprises.

DISCUSSION

Sur le licenciement

En droit, la faute grave se définit comme étant celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations qui résultent du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La faute grave suppose une action délibérée ou une impéritie grave, la simple erreur d’appréciation ou l’insuffisance professionnelle ne pouvant ouvrir droit à une sanction disciplinaire.

Il incombe à l’employeur d’apporter la preuve de la faute grave qu’il invoque, l’absence de preuve d’une faute ayant pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, aux termes de la lettre de licenciement, celui-ci est ainsi motivé :

'- Lourd préjudice en matière de 'délivrabilité’ des campagnes de communication de I’entreprise engendré par I’envoi massif de communications au nom de I’entreprise, utilisant Ie logo et I’image de l’entreprise, ne respectant pas la législation en matière de désabonnement et sans l’autorisation de votre direction.

Courant septembre, le service marketing a alerté la Direction de Y sur le fait que vous utilisiez une plate-forme Internet, que nous mettons a la disposition de nos clients, pour effectuer des campagnes de communications non autorisées.

Le 1er septembre 2011, via notre plate-forme 'LEADBOX', vous avez envoyé 1896 messages. Ces envois ont été effectués en utilisant les logos et les produits Y, sans accord, au préalable, de la Direction de Y, seule habilitée à initier ce type de campagne.

De telles initiatives se trouvaient ne pas être dans vos attributions de Conseiller Commercial et ont porté un lourd préjudice à notre société.

Tout d’abord, la plate-forme 'LEADBOX’ est une plate-forme mise à disposition de nos clients qui en ont passé commande et payé le tarif en vigueur. L’utilisation de cette plate-forme est donc payante et nous est refacturée par nos fournisseurs.

La campagne de mail que vous avez adressé a votre seule initiative, a enfreint la loi relative 'à l’informatique, aux fichiers et aux libertés’ (CNIL).

Cette loi impose, pour tout envoi en masse de message publicitaire, via des plate-formes spécialisées l’obligation de spécifier aux destinataires des messages, la possibilité de se désabonner de la plate-forme de diffusion. Cette clause obligatoire n’était pas présente dans vos messages.

De plus, comme vous avez outrepassé vos prérogatives et agit en dehors de votre périmètre de responsabilité, vous n’avez pas respecté le droit de désabonnement exercé par 431 personnes destinataires de votre message.

Votre initiative a mis notre entreprise dans la situation délicate de ne pas avoir respecté ses obligations contractuelles.

Ainsi, suite à vos envois intempestifs et non autorisés notre fournisseur d’accès a la plate-forme dédiée, nous a informé qu’ORANGE, avait bloqué l’ensemble de nos campagnes et ce, pour une période indéterminée.

La société ne peut donc plus effectuer de campagnes de communication vers ses clients et prospects hébergés chez ORANGE, soit la grande majorité de notre clientèle professionnelle. Cette situation nuit à notre image de marque et entraîne des pertes d’activité.

— Perte de chiffre d’affaire et impact sur le positionnement marché des produits par l’application de tarifs discountés non validés sur les produits Y

Dans la même période, nous avons aussi découvert que vous aviez créé, à votre seule initiative, et en outrepassant vos prérogatives, une campagne promotionnelle, en utilisant cette fois-ci la messagerie Y mise a votre disposition.

L’offre ainsi créée, portait sur l’ensemble de nos produits et notamment sur l’offre 'France PROSPECT 500 000 emails', sur laquelle vous appliquiez une remise de 30%.

Y a lancé l’offre 'France PROSPECT 500 000 emails’ sur le marché, en début d’année 2011, au prix HT de 999E. Votre action positionnait ce même produit a 699 €.

Ainsi, vous avez bradés des produits dont un très récent (-30%), alors que votre délégation de remise s’élève a 5%. Vous ne pouviez donc ignorer outrepasser vos prérogatives.

Outre la dégradation d’image de marque et de positionnement marché, vos agissements ont généré une perte financière pour Y en engageant la Société auprès de nos clients concernant des tarifs non validés.

— Exportation de l’intégralité de nos produits et envoi de nos bases de prospection sous le format CSV sans protection ni clé de licence. En investiguant d’un peu plus près ces offres promotionnelles, nous nous sommes rendu compte, qu’au-delà de la remise accordée, vous avez livré, aux clients, des fichiers complémentaires à leur achat.

La société CLEMENTZ, a répondu favorablement a votre offre promotionnelle.

Vous lui avez rédigé un bon de commande pour la version 'France Prospect 500 000 emails’ au prix de 699 € sans accord de la Direction.

Une fois le bon de commande signé par le client et le paiement effectué par carte bancaire sans que la Direction ne soit au courant du tarif proposé, notre service Administration des Ventes s’est trouvé contraint de livrer la version 'France Prospect 500 000 mails’ au client CLEMENTZ.

Ce même jour, vous avez envoyé, sans qu’aucun autre bon de commande ni paiement n’ait été effectué par le client CLEMENTZ, un fichier complémentaire appelé La base 'Décideurs'.

Ce fichier complémentaire a un coût unitaire de1200 €. Pour ce faire, vous avez utilisé un site de téléchargement 'Yousendit’ ne disposant d’aucune protection.

Vous avez effectué cette deuxième livraison sans l’accord de 'l’Administration des Ventes’ ou de la Direction de l’entreprise, sans bon de commande, sans paiement, et à l’insu de votre manager.

Ces actes ont été faits en connaissance de causes puisque vous avez adressé un mail au client CLEMENTZ Iui demandant de ne rien divulguer.

Votre manoeuvre, outre le fait qu’elle soit illicite et dissimulée, a mis en péril les intérêts de Y (perte de 1500 € de CA).

Le 12 septembre 2011, dans le même esprit; notre client 'Informatique Appliquée’ a passé commande, par votre intermédiaire, de notre produit 'France Prospect 300 000 emails'.

Une fois payée, notre Service Administration de Ventes a honoré la commande de notre client en livrant le produit commandé.

Puis le même jour, vous avez envoyé, sans qu’aucun autre bon de commande ni paiement n’ait été effectué par le client 'Informatique Appliquée', un fichier complémentaire: La base 'France Prospect 400 000 emails’ dont le coût unitaire est de 749€.

A nouveau, vous avez utilisé le un site de téléchargement 'Yousendit’ ne disposant d’aucune protection.

Vous avez effectué cette deuxième livraison sans l’accord de 'l’Administration des Ventes" ou de la Direction de l’entreprise, sans bon de commande, sans paiement et a l’insu de votre manager.

Nos investigations concernant vos pratiques nous ont amené a trouver des correspondances avec nos clients, indiquant très clairement que ces pratiques étaient mise en oeuvre de façon habituelle.

Par ailleurs, vous n’êtes pas sans savoir que l’ensemble des produits livrés par notre service Administration des Ventes comprennent une clé de licence protégeant nos données.

Certaines de nos données sont soumises a redevance, et en procédant ainsi vous avez impunément mis Y dans la position d’un contrevenant et avez fait courir à Y un risque financier et de contentieux. Le procédé que vous avez mis en oeuvre, n’avait pour autre finalité que de dissimuler vos agissements frauduleux et démontre bien que vous avez agi sciemment et en toute connaissance de cause.

— Perte d’un client et détérioration de l’image de Y par l’envoi de propos injurieux à un client par mail

Le 8 septembre dernier, vous avez reçu, de votre client ERISTO, un mail vous demandant de lui fournir des outils d’aide (documentation, explications…) à la création de campagne via le produit Leadbox, produit que vous lui aviez auparavant vendu.

Ce client vous avait déjà formulé la même demande le 17 août sans réponse de votre part. Au-delà de vendre des produits, votre rôle est de fidéliser votre portefeuille clients.

En guise de réponse, vous avez adressé à notre client ERISTO, un mail destiné à rester en interne. Ce mail, destiné a l’origine à l’hotliner Y, à qui vous demandiez de répondre au client, en qualifiant celui-ci avec des termes injurieux.

A réception de ce mail, notre client ERISTO, na pas manqué de nous faire connaître sa décision de ne plus travailler avec nous.

Cet agissement est un manquement professionnel grave qui a porté atteinte a l’image de la société.

— Intrusion, pendant votre mise à pied conservatoire, dans les locaux de Y sans aucune autorisation

Le 7 novembre a 18h50, alors que vous étiez en mise à pied conservatoire, sans en avoir préalablement demandé l’autorisation, vous avez pénétré dans les locaux de Y et en avez profité pour récupérer des dossiers appartenant a la société.

L’interdiction d’accéder à nos locaux sans autorisation préalable durant votre mise à pied, vous avait été spécifié dans la notification de la mesure conservatoire.

Vous n’avez donc pas respecté la procédure engagée à votre encontre et avez agi en connaissance de cause puisque vous avez quitté les locaux en utilisant l’issue de secours, tentant ainsi volontairement de dissimuler votre venue et la prise de document appartenant à la société'.

— Sur le premier grief

Il ressort de la lettre de licenciement qu’il est fait reproche à M. X d’avoir utilisé la plate-forme Internet nommée 'LEADBOX’ pour effectuer une campagne de communication (1 896 messages) sans l’accord de la direction alors que celle-ci aurait été seule habilitée à initier ce type de campagne.

L’employeur explique que les commerciaux sédentaires de l’entreprise ont pour mission de vendre des fichiers d’adresses 'emails’ aux clients de la société qui leur sont attribués et qui ont répondu aux campagnes publicitaires lancées par le service marketing et communication. Selon l’employeur, M. X avait seulement pour mission de commercialiser ces fichiers composés d’adresses emails sans jamais intervenir dans le processus de réalisation de la campagne.

Il verse aux débats les contrats de travail de deux salariées affectées à des postes du service marketing indiquant qu’elles ont pour fonction l’exécution des opérations de communication et M. Z, commercial au sein de l’entreprise, atteste qu’il n’a jamais été donné pour instruction aux commerciaux de faire eux-même leur campagne de promotion. Il affirme que les campagnes à destination des clients sont faites uniquement par le service communication de l’entreprise.

M. X ne conteste pas avoir utilisé la plate-forme 'LEADBOX’ pour effectuer une campagne commerciale mais il soutient qu’il n’aurait jamais été informé d’une interdiction pour les commerciaux d’utiliser cette plate-forme et, de manière générale, qu’il n’aurait pas été informé d’une procédure de vente précise qu’il convenait de respecter.

Le salarié ne conteste pas qu’initialement, la plate-forme 'LEADBOX’ a été mise à disposition des commerciaux afin qu’ils puissent effectuer des démonstrations mais il explique que ceux-ci ont demandé d’envoyer eux-mêmes les campagnes d’ 'emailing’ via la plate-forme en raison de l’absence de mise en place par le service marketing d’une campagne commerciale, cette absence ayant des conséquences sur la réalisation de leurs objectifs et, par suite, sur leur rémunération variable. Il affirme que cet accord leur a été donné verbalement par Mme A.

Dans la mesure où M. X reconnaît ainsi avoir éprouvé le besoin de solliciter une autorisation, sa propre explication confirme que la mise en oeuvre d’une campagne commerciale était de la compétence du service marketing, qu’il n’entrait pas dans ses attributions de prendre l’initiative d’une telle campagne et qu’il ne pouvait le faire qu’après en avoir reçu l’autorisation. Cette explication est donc de nature, en elle-même, à corroborer les dires de l’employeur.

Or, M. X ne justifie nullement avoir obtenu cette autorisation qui lui aurait été donnée par Mme A.

Le seul courriel émanant de cette dernière et adressé à l’un de ses collègues, M. B, est celui produit par l’employeur en date du 25 mai 2011 par lequel elle demande à celui-ci de laisser le service marketing se charger de présenter le produit 'LEADBOX'. Il est vrai que ce courriel n’avait pour objet que de répondre à la proposition de M. B d’adresser aux clients de la société un courriel de présentation du nouveau produit 'LEADBOX’ et qu’il n’en ressort pas une interdiction d’utiliser ultérieurement ce produit pour procéder à des campagnes commerciales ce qui n’était pas son objet, mais il n’en reste pas moins que M. X ne peut se prévaloir d’aucune autorisation.

Ce dernier n’apporte nullement la preuve de ce qu’il n’aurait fait qu’agir conformément aux indications qui lui auraient été fournies lors de son embauche ni qu’il s’agirait d’une pratique habituelle au sein de l’entreprise.

Le salarié se prévaut de l’attestation de Mme C, ancienne commerciale de la société, selon laquelle la plate-forme 'LEADBOX’ était utilisée 'pour l’envoi d’emails en masse'. Elle précise que cet outil a été mis en place par l’employeur pour 'aider les commerciaux dans leur campagne de communication’ mais il n’en ressort pas que les commerciaux avait la possibilité de procéder à des campagnes commerciales par le biais de cette plate-forme sans en avoir reçu l’autorisation.

Pour soutenir que de nombreuses campagnes étaient effectuées via cet outil, M. X produit une copie d’écran faisant apparaître outre la campagne litigieuse en date du 1er septembre 2011, une dizaine d’autres campagnes qui ont été pratiquées au cours du mois de septembre 2011. Cependant, si ce document tend à démontrer que des envois ont été effectués grâce à la plate-forme litigieuse dans le cadre de diverses campagnes, il n’en ressort nullement que ces campagnes ont été effectuées à la seule initiative du salarié sans autorisation préalable.

Dans ces conditions, en l’absence de tout autre élément, le grief de l’employeur reprochant à M. X d’avoir procédé, sans autorisation, à une campagne commerciale en direction de ses clients par le biais de la plate-forme 'LEADBOX', est établi. En revanche, alors que l’employeur reproche au salarié l’absence dans les messages envoyés de la clause obligatoire destinée à informer les destinataires des messages de la possibilité de se désabonner de la plate-forme de diffusion, il n’est versé aucun exemplaire des messages litigieux permettant de vérifier cette allégation. Or, M. X qui précise que la campagne n’a été adressée qu’à ses seuls clients, produit la copie d’écran reproduisant des pages relatives à la 'campagne août’ 2011 et notamment une page présentée comme le message envoyé en bas duquel figure la clause de désabonnement. Le message contenu dans le courriel du 23 septembre 2011 présenté par l’employeur comme étant celui envoyé par M. X, comporte également une clause de désabonnement.

L’employeur fait valoir que certains de ces messages ont été envoyés à des personnes qui avaient précédemment exprimé la volonté de se 'désabonner’ et il soutient qu’à la suite de cette campagne et en raison de l’absence de la clause de désabonnement, le fournisseur ORANGE aurait bloqué l’ensemble des campagnes de communication de la société mais s’il est bien justifié de ce 'blocage', intervenu le 21 septembre 2011, rien ne permet de vérifier qu’il aurait été motivé par la non-conformité des messages envoyés par M. X et par l’absence de la clause de désabonnement dans ces messages.

Par conséquent, seul peut être retenu, au titre du premier grief, la réalisation d’une campagne commerciale sans autorisation par le biais de la plate-forme 'LEADBOX'.

— Sur le deuxième grief

Il est reproché à M. X d’avoir fait une campagne promotionnelle, le 29 juin 2011, en proposant aux clients des remises de 30% alors que sa délégation de remise s’élève à 5%. L’employeur justifie que, par courriel du 29 juin 2011, M. X a proposé à ses clients la vente de '500 000 emails’ pour le prix de 699,00 € HT alors que, selon lui, la société avait lancé cette campagne en début d’année 2011 au prix de 999,00 € HT.

La grille tarifaire produite par l’employeur montre que le prix de 999,00 € s’applique à la quantité de 500 000 emails.

Par ailleurs, cette même grille tarifaire dont l’employeur justifie qu’elle a été diffusée à tous les commerciaux dont M. X précise le montant de la remise maximum pouvant être accordée aux clients ramenant le prix à 849,00 €.

L’employeur produit la feuille de 'demande de dérogation’ concernant les remises envoyée aux commerciaux le 28 février 2011 par lequel, selon lui, ceux-ci devaient demander au directeur commercial la possibilité d’effectuer une remise à un client. Il produit également la réponse de la directrice du service marketing à sa demande concernant une promotion accordée par un commercial aux termes de laquelle le taux de remise des offres promotionnelles ne dépasse pas 20%.

Toutefois, M. X fait valoir, à juste titre, que la remise litigieuse figure sur le bon de commande édité le 30 juin 2011. L’employeur ne peut soutenir ne pas en avoir eu alors connaissance puisqu’il indique avoir précisé au salarié qu’il n’avait pas le droit de faire de telles remise et qu’à compter de cette période, à savoir la fin du mois de juin 2011, M. X n’a plus édité de tels bons de commande mais a fait apparaître sur les bons des produits de gammes inférieures afin que le taux de remise soit conforme à la procédure.

L’employeur ayant ainsi eu connaissance, dès le 30 juin 2011, de ces faits alors que la procédure de licenciement a été engagée le 10 octobre 2011, M. X est bien fondé à faire valoir qu’en application de l’article L 1332-4 du code du travail, l’expiration du délai de prescription de deux mois s’oppose à ce que ce grief puisse être invoqué dans la lettre de licenciement. – Sur le troisième grief

Il est fait grief au salarié d’avoir livré à des clients des fichiers complémentaires à leurs achats sans qu’ils soient facturés par le biais, en outre, d’un site non protégé ('YOUSENDIT') et sans clé de licence alors qu’il s’agissait de données soumises à redevance.

L’employeur produit l’attestation de Mme D, chargée d’administration des ventes, selon laquelle la procédure en place veut qu’après la vente réalisée par le commercial, le bon de commande signé par le client lui soit transmis pour procéder à la livraison. Elle souligne qu’en aucun cas, le commercial ne doit se charger de la livraison.

L’employeur explique avoir découvert le 'système’ utilisé par M. X après recherches et il prend l’exemple de la campagne commerciale à laquelle a répondu la société CLEMENTZ. Il justifie du bon de commande rédigé à cette occasion par M. X pour 500 000 emails et de la facture éditée à la suite. L’employeur explique, en produisant le courriel du 30 juin 2011 qu’à cette occasion, M. X, sans qu’aucun autre bon de commande ni paiement supplémentaire ne soient intervenus de la part du client, lui a adressé un fichier supplémentaires en utilisant un lien dirigeant le client sur le site 'YOUSENDIT'.

Il souligne que le système utilisé consistait à mentionner sur le bon de commande les prix indiqués par la grille tarifaire afin de faire valider le bon de commande et d’offrir frauduleusement et à l’insu de l’employeur des emails supplémentaires correspondant à la remise proposée au client. Il se prévaut du courriel du 30 juin 2011 dans lequel M. X indique au client que 'cela doit rester entre nous'.

Il justifie, en produisant le bon de commande correspondant, que le salarié a procédé de la même manière avec un autre client.

M. X ne conteste pas cette pratique mais il explique qu’il était de coutume d’offrir, à titre de geste commercial, des fichiers complémentaires sous format 'EXCEL’ ou 'CSV’ via le site 'YOUSENDIT’ lequel permettait d’envoyer des courriels volumineux à la différence de la messagerie Y.

Il verse aux débats des bons de commande sur lesquels apparaissent des remises ainsi que des offres complémentaires. Cependant, s’il est attesté de l’existence de ces offres complémentaires, il convient de relever que, dans les exemples avancés par le salarié, ces offres apparaissent sur les bons de commande. Or, l’employeur lui reproche précisément, dans les cas qu’il évoque, de ne pas les faire apparaître sur les bons de commandes et de les adresser par des voies détournées à l’insu du service chargé normalement de la livraison. À la différence des cas qu’il cite, M. X ne justifie pas avoir reçu l’autorisation de procéder ainsi qu’il l’a fait dans les dossiers visés par l’employeur.

M. X ne peut soutenir qu’ 'aucune grille tarifaire n’était en place’ et que 'les salariés étaient totalement libres de pratiquer les tarifs selon les convenances dictées par la vente'. Non seulement aucun des éléments ne permet de vérifier que les commerciaux auraient eu une telle liberté mais l’employeur justifie de l’existence d’une grille tarifaire et les pièces produites par le salarié confirment que cette pratique était encadrée. En effet, pour justifier son action, M. X explique qu’un collègue, M. B, avait obtenu la validation d’une offre similaire de la part de son supérieur hiérarchique en produisant le courriel adressé à ce dernier à cette occasion. Or, dans ce courriel, il détaille l’offre présentée en posant la question : 'Puis-je valider cette tarification '', ce qui est de nature à confirmer que le salarié devait solliciter l’autorisation pour procéder à cette pratique.

Dès lors que rien ne justifie cette pratique et l’existence d’une 'coutume’ en ce sens, qui consiste, sur la seule initiative du commercial, à livrer gratuitement aux clients des fichiers complémentaires sans que ces derniers apparaissent sur une commande, sans l’accord préalable de l’employeur et, de surcroît par le biais d’un site non protégé, le grief invoqué par l’employeur est suffisamment démontré.

— Sur le quatrième grief

L’employeur justifie qu’à la suite d’un courriel d’un client de la société demandant de l’aide pour la réalisation de sa campagne, M. X lui a adressé par erreur un courriel dans lequel il qualifiait le client en des termes injurieux en croyant l’adresser à un collègue de travail.

M. X ne conteste pas la matérialité des faits en confirmant qu’il s’agissait d’une mauvaise manipulation de sa part, totalement involontaire.

Même s’il s’agit manifestement d’une simple maladresse, cette mauvaise manipulation s’est néanmoins traduite par l’envoi à un client d’un courriel injurieux. Elle a eu aussi pour conséquence la perte dudit client ainsi qu’il résulte de la réponse de celui-ci.

Ce grief, établi, doit être retenu.

— Sur le cinquième grief

L’employeur reproche au salarié de s’être introduit dans l’entreprise le 7 novembre 2011 alors que l’accès lui en était interdit en raison de la mise à pied conservatoire prononcée.

Il verse aux débats des attestations de salariés l’ayant vu entrer dans la société le 7 novembre 2011 et en ressortir par l’issue de secours en emportant un 'classeur dossier'.

Toutefois, contrairement à ce que soutient l’employeur, la lettre de convocation à l’entretien préalable portant notification de la mise à pied conservatoire ne mentionne aucune interdiction d’accéder aux locaux sans autorisation préalable et une telle interdiction ne peut résulter de la mesure en elle-même. Compte tenu, en outre, que le salarié soutient n’avoir fait que récupérer des affaires personnelles, le grief, en l’absence de tout autre élément, ne peut être retenu.

— Sur les conséquences

Il apparaît que si le grief tenant à l’octroi de remises excessives est atteint par la prescription, les autres fautes reprochées par l’employeur sont établies à l’exception de celles tenant à l’absence de clause de désabonnement dans les messages envoyés et à l’intrusion dans les locaux.

Le seul fait que deux autres salariés qui font également l’objet d’une mesure de licenciement se soient vus reprocher les mêmes faits ne saurait suffire à démontrer l’existence d’une pratique habituelle et tolérée au sein de l’entreprise.

M. X ne peut valablement invoquer que la véritable cause du licenciement résiderait dans l’existence de désaccords survenus avec son supérieur hiérarchique au cours de la période précédant le licenciement. Il justifie, certes, que son collègue, M. B s’est plaint auprès de son supérieur, selon courriel du 10 octobre 2011, de ce qu’il lui a été reproché un 'manque d’implication’ et, par un autre courriel du même jour, ce même M. B a demandé un changement de place. M. X soutient qu’il était confronté à un 'encadrement excessif et disproportionné’ et que les salariés auraient exprimé leurs difficultés et inquiétudes relativement à leurs conditions de travail et à la modification du calcul de leur rémunération variable, mais rien ne permet de vérifier ses allégations selon lesquelles la société Y aurait 'entendu résoudre les revendications exposées (…) par un licenciement (…) totalement injustifié', alors que les griefs invoqués par l’employeur sont démontrés et qu’ils constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement. En revanche, il y a lieu de relever que l’employeur ne justifie pas du 'blocage’ des campagnes publicitaires de la société auquel aurait procédé la société ORANGE suite aux agissements du salarié. Les échanges internes de courriels versés aux débats font état de ce 'blocage’ et de ses conséquences mais ils ne fournissent aucune indication sur ses causes.

Il s’ensuit que si les initiatives prises par le salarié ont été de nature à perturber le bon fonctionnement de la société, il n’est nullement démontré que les fautes commises présentaient un caractère de gravité tel qu’elles rendaient nécessaire, en raison des risques encourus, de procéder à la rupture immédiate du contrat de travail. Dans ces conditions, les agissements fautifs du salarié constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement mais ils n’ont pas le caractère d’une faute grave.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. X de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice distinct mais infirmé en ce qu’il l’a débouté de ses demandes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante, de l’indemnité de licenciement et du salaire pendant la période de mise à pied conservatoire.

Compte tenu du salaire de l’intéressé (1 808,97 € brut en moyenne sur les douze derniers mois) et de son ancienneté (un an et neuf mois), l’employeur devra lui payer la somme de 1 808,97 € brut (un mois de salaire) à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante, ainsi que celle de 361,79 € (1/5e de mois) à titre d’indemnité légale de licenciement.

L’employeur devra, en outre, lui payer le salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire, celle-ci n’étant pas justifiée en l’absence de faute grave, soit la somme de 1 874,11 € brut outre l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante.

Sur la demande de rappel sur commissions

M. X fait valoir qu’il n’a jamais été destinataire des feuilles de commissions lui permettant de vérifier si l’ensemble des ventes qu’il a réalisées avant sa mise à pied ont bien été prises en compte.

Il est de fait que l’employeur n’a pas transmis les documents permettant de calculer les commissions restant dues au salarié dans le cadre de la présente procédure.

Il est vrai que des commissions ont été payées au salarié avec le dernier bulletin de salaire mais celui-ci explique, sans être contesté sur ce point, que les commissions sont réglées avec un décalage d’un mois et que, par conséquent, les commissions apparaissant sur le bulletin de salaire de novembre 2011 ne peuvent être que celles afférentes au mois d’octobre.

Dans la mesure où il incombe à l’employeur de justifier du versement des commissions dues et de leur calcul, M. X est bien fondé, en l’absence de tout autre élément, à se référer à la moyenne mensuelle des commissions perçues au cours de l’année 2011 (620,25 € par mois pour la période de janvier à octobre 2011) pour solliciter le paiement de la somme de 155,00 € brut à titre de rappel de salaire correspondant au montant des commissions dues au titre du mois de novembre 2011, outre les congés payés afférents.

Sur les intérêts

En application des dispositions de l’article R 1452-5 du code du travail, les sommes allouées ci-dessus dont le principe et le montant résultent de la loi, d’un accord collectif ou du contrat porteront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l’employeur à l’audience de tentative de conciliation valant mise en demeure, soit le 3 février 2012.

Les intérêts seront eux-mêmes capitalisés en application de l’article 1154 ancien du code civil.

Sur la demande de documents

L’employeur doit remettre au salarié un certificat de travail, un bulletin de salaire, un reçu pour solde de tout compte et une attestation destinée au POLE EMPLOI conformes à la présente décision, sans qu’il y ait lieu à astreinte.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

En application de l’article 700 du code de procédure civile, l’employeur doit payer à M. X la somme de 3 000,00 € au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile,

Confirme le jugement en ce qu’il a débouté M. E X de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice distinct,

Infirme le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau,

— Dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse mais non sur une faute grave,

— Condamne la SA Y à payer à M. E X les sommes de :

* 1 808,97 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 180,89 € brut à titre de l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante,

* 361,79 € à titre d’indemnité légale de licenciement,

* 1 874,11 € brut au titre du salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire,

* 187,41 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante,

* 155,00 € brut à titre de rappel de salaire correspondant au montant des commissions dues au titre du mois de novembre 2011,

* 15,50 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante,

— Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 3 février 2012 et que les intérêts seront eux-mêmes capitalisés,

— Dit que la SA Y doit remettre à M. E X un certificat de travail, un bulletin de salaire, un reçu pour solde de tout compte et une attestation destinée au POLE EMPLOI conformes à la présente décision,

— Dit n’y avoir lieu à astreinte,

— Condamne la SA Y à payer à M. E X la somme de 3 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— Dit que la SA Y doit supporter les dépens de première instance et d’appel.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

F. PARADIS-DEISS J.L. THOMAS

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 4 mai 2017, n° 16/11726