Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 14 février 2019, n° 17/20772

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-2, 14 févr. 2019, n° 17/20772
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 17/20772
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, 25 septembre 2017, N° 15/00238
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 14 FEVRIER 2019

N° 2019/

Rôle N° RG 17/20772 – N° Portalis DBVB-V-B7B-BBP4S

Société D E

C/

B X

Copie exécutoire délivrée

le : 14/02/19

à :

Me Hélène MOISAND-FLORAND, avocat au barreau de PARIS

Me Laurence BRANDEHO, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX EN PROVENCE en date du 26 Septembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/00238.

APPELANTE

S.A.S. D E, demeurant […]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et représentée par Me Hélène MOISAND-FLORAND, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur B X, demeurant […]

comparant en personne, représenté par Me Laurence BRANDEHO, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 12 Décembre 2018 en audience publique. Conformément à l’article 785 du code de procédure civile, Madame Marie-Agnès B, Président, a fait un rapport oral de

l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Marie-Agnès B, Président

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame F G.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Février 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Février 2019,

Signé par Madame Marie-Agnès B, Président et Madame F G, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur B X a été embauché par la SAS D E par contrat à durée indéterminée à effet du 10 septembre 1984 en qualité de commercial, soumis à la convention collective des VRP.

À partir du 1er mai 2003 il a été nommé chef de la succursale de Marseille pour la gestion des agences de Marseille, Toulon et Nice. Selon l’article 5 de son contrat de travail sa rémunération était la suivante t:

' 5.1 au titre des fonctions de vendeur :

a) participation frais de représentation : 458 € bruts par mois

b) commission : 1 % sur le chiffre d’affaires HT réalisée avec votre intervention personnelle de notre succursale,

c) prime trimestrielle : vous recevrez pour chaque exercice les primes trimestrielles brutes calculées comme suit : 2 % sur la contribution réalisée par la succursale à condition que son taux par rapport au chiffre d’affaires ait dépassé 15 %., pour le calcul de la contribution veuillez vous référer au budget de la surccursale….

5.2 au titre de vos fonctions de chef de succursale:

un salaire fixe de 1067 € bruts par mois.

Les points 5.1 a), 5.2 b) et 5.2 sont plafonnés à 6861 € bruts par mois'

Par courrier recommandé avec demande d’accusé de réception du 5 janvier 2015, Monsieur X a été convoqué un entretien préalable fixé dans un premier temps le 15 janvier 2015 puis reporté au 29 janvier 2015 en raison d’un arrêt de maladie du salarié.

Le 7 janvier 2015 la société D E a notifié à Monsieur X une mise à pied conservatoire.

Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 3 février 2015, Monsieur X a été licencié pour faute grave dans les termes suivants : '……

1/Perte de chiffre d’affaires

Comme évoqué au cours de l’entretien annuel et comme vous avez pu vous-même le constater dans les reporting mensuels qui vous sont présentés par votre hiérarchie, le secteur dont vous avez la responsabilité est en chute libre depuis plusieurs années :

- exercice 2012/2013 : 6,7 M€, soit une moyenne de 600 k€ par mois

- exercice 2013/2014 : 5,9 M€ soit une moyenne de 520 k€ par mois

- exercice en cours : 4 M€ à fin décembre soit 480 k€ par mois.

En presque trois exercices, le chiffre d’affaires cumulé des agences d’Aix-en-Provence,Toulon et Nice a perdu 20 %. Cette perte n’est nullement le reflet de la situation nationale qui poursuit sa croissance constante, ni le reflet de la région Méditerranée qui, prise sans le secteur sous votre responsabilité, est également en croissance. Vous avez été précisément averti par courrier du 2 juin 2014. Nous vous avons demandé de vous recentrer sur votre activité et d’assurer une présence constante auprès de l’ensemble de vos équipes, y compris des agences de Toulon et de Nice qui sont plus éloignées de votre domicile. Malheureusement, les faits sont là, et votre engagement n’est plus à la hauteur de vos responsabilités. Dernièrement, nous avons d’ailleurs dû nous séparer d’un collaborateur sous votre responsabilité directe, auprès de qui, malheureusement vous n’avez pas eu les actions de management attendues pour l’aider à remonter la pente. D’ailleurs, depuis janvier 2013, nous comptons 15 ruptures de contrat de travail parmi vos équipes, soit une grande difficulté à stabiliser les effectifs. Il a, sur ce sujet ci, été relevé dans l’entretien annuel qu’un des problèmes majeurs à régler était le management local de vos collaborateurs.

2/ Non respect des directives

Le 2 décembre dernier, Monsieur Y, votre directeur régional des opérations faisait un point sur l’avancement de votre plan d’action, si la mission d’accentuer l’accompagnement était acquise, ni la tenue de l’agenda, ni le nettoyage du portefeuille n’étaient réalisés. Pourtant, sur ce qui est du dernier point, il était essentiel dans la conduite de la montée en compétence de vos équipes et du management du business de votre secteur de pouvoir compter sur un portefeuille fiable et exploitable. Malheureusement, vous n’avez pas pris la mesure de l’importance de cet indicateur.

En ce qui concerne la tenue de l’agenda, point sur lequel nous avons sollicité un strict respect des directives à plusieurs reprises, nous observons une nette volonté de ne pas être clair sur votre activité quotidienne. Nous vous rappelons, si cela est utile une nouvelle fois, que si votre statut de VRP vous confère une certaine autonomie dans l’organisation et la gestion de votre temps, il a le pendant de vous contraindre à transmettre à votre employeur les rapports d’activité quotidienne. Ceux-ci permettent à votre hiérarchie de procéder à une analyse fine de votre activité en sus des indicateurs chiffrés sur le chiffre d’affaires et de pouvoir mettre en place les plans d’actions personnalisés et adaptés à chaque collaborateur puisqu’ils nous auront permis d’identifier les points d’amélioration.

Une nouvelle fois, vous êtes resté sourd à nos demandes répétées et avertissements.

3/ Facturation à l’entreprise de prestations privées

Pour conclure sur une collaboration fortement dégradée, nous avons découvert que vous aviez procédé à l’envoi d’un colis strictement privé sur le compte de l’entreprise. Il n’est pas question ici de montant mes de stricts respects des règles de l’entreprise et d’exemplarité du management. En effet, le règlement intérieur précise en son paragraphe 3. 7 qu’il est interdit d’envoyer toute correspondance personnelle aux frais de l’entreprise. Or, le 15 décembre 2014, vous avez préparé un colis personnel de 21 kgs, lequel colis est resté à l’agence pour être expédié le lendemain parTNT avec le reste des correspondances de l’entreprise. Or, après réception de la facture le 5 janvier dernier, nous avons été alertés par votre hiérarchie le 6 janvier au soir que l’envoi dudit colis au nom de Sigrid X pour le fournisseur de matériel de piscine Zodiac a été facturé sur le compte de l’entreprise. Encore une fois le montant de ce que nous pouvons assimiler à du vol n’est pas le fond du reproche que nous vous faisons. En tant que chef de succursale, vous avez pour mission de faire appliquer les règles et procédures de l’entreprise à l’ensemble du personnel sous votre responsabilité. Vous vous devez d’être exemplaire et nous devons savoir pouvoir compter sur votre loyauté et votre intégrité. Or, qu’en est-il lorsque, aux yeux de tous, vous laissez un colis de très gros volume manifestement personnel dans l’agence afin qu’il soit enlevé avec les plis professionnels et que la facture montre à l’ensemble des acteurs de la validation de la région que vous utilisez le compte de l’entreprise pour payer des prestations personnelles '

Nous ne pouvons bien entendu laisser passer de telles actions qui nous rappellent nos différends concernant l’utilisation anormale de votre carte carburant.

C’est pourquoi, alors que vous nous vous avions convoqué pour évoquer avec vous l’éventualité d’une rupture de contrat pour cause réelle et sérieuse, vous avez été mis à pied dès que nous avons découvert ce dernier fait et que nous vous notifions un licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnité'».

Contestant ce licenciement, Monsieur B X a saisi le 2 mars 2015 le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence, lequel, dans sa section encadrement, par jugement du 26 septembre 2016 a statué comme suit :

— fixe le salaire mensuel moyen de référence à la somme de 8554 € bruts,

— dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— dit que le salarié n’a pas été victime de harcèlement moral,

— condamne la SA D E à payer à M. X les sommes suivantes:

* 102'648 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse tous préjudices confondus,

* 8554 € pour procédure irrégulière,

* 25'162 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 1000 € au titre des frais irrépétibles,

' rappelle l’exécution provisoire de droit en application de l’article R 1454 ' 28 du code du travail,

' déboute le salarié du surplus de ses demandes,

' déboute la société D E de ses demandes,

' condamne la société D E aux dépens.

Par déclaration du 17 novembre 2017, la SAS D E a relevé appel de ce jugement dont elle a reçu notification le 19 octobre 2017

Pardonnance du 6 juillet 2018, le magistrat de la mise en état a :

• rejeté le moyen tiré de la caducité de la déclaration d’appel ;

• rejeté la demande de radiation sur le fondement de l’article 526 du code de procédure civile ;

• rejeté le moyen tiré de l’irrecevabilité de l’appel incident ;

• fixé le dossier à l’audience du 12 décembre 2018 à 9 heures avec clôture à effet différé au 28 novembre 2018 ;

• rejeté le surplus des demandes ;

• dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

• laissé à chaque partie les dépens de l’incident par elle exposés.

Par requête signifiée le 20 juillet 2018, l’employeur a déféré cette ordonnance à la cour, laquelle a confirmé l’ordonnance déférée en l’ensemble de ses dispositions par arrêt du 22 novembre 2018.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 5 décembre 2018, auxquelles il est expressément référé, la SAS D E demande à la cour de:

1. Sur l’appel principal formé par la société D E,

' dire et juger qu’elle est recevable et fondée en son appel ainsi qu’en toutes ses demandes fins et conclusions;

' infirmer le jugement déféré en ce qu’il a:

* dit et jugé le licenciement de Monsieur X dépourvu de cause réelle et sérieuse,

et en conséquence,

* condamné la société D E au paiement de la somme de 102'648 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, 8554 € pour procédure irrégulière, 25'662 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 1000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

' confirmer le jugement déféré pour le surplus,

et statuant à nouveau,

' dire et juger que le licenciement pour faute grave de Monsieur X est bien fondé et légitime,

' juger que la procédure de licenciement est régulière,

en conséquence,

' dire n’y avoir lieu à condamner la société appelante au paiement de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,d’ une indemnité compensatrice de préavis, de dommages-intérêts pour procédure irrégulière et d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

2. Sur l’appel incident formé par Monsieur X et les demandes formulées par ce dernier au soutien de son appel incident,

A titre principal:

' dire et juger que la cour n’a pu être saisie que des demandes formulées aux termes du dispositif des conclusions d’appel incident et en réponse de Monsieur X régularisées le 16 mai 2018,

' dire et juger que la cour n’a été saisie aux termes des conclusions d’appel incident et en réponse notifiées le 16 mai 2018 par Monsieur X d’aucune demande de condamnation à l’encontre de la société D E,

' juger que toutes les demandes de Monsieur X, qu’elles soient contenues dans ses conclusions du 16 mai 2018, comme dans celles contenues dans ses conclusions du 26 novembre 2018 sont irrecevables en raison de leur caractère inconciliable, hors délai, et/ou nouveau,

En conséquence,

' dire et juger qu’au-delà et en raison des irrecevabilité soulevées de leur bien fondé, la cour ne pourra statuer que sur les demandes formulées par la société D E soit :

* sur celle portant sur la demande d’infirmation de la décision en ce qu’elle a jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé à l’encontre de Monsieur X et l’a condamnée au paiement de différentes sommes à ce titre,

* celle portant sur la demande tendant à voir dire et juger le licenciement fondé sur une faute grave et à voir débouter Monsieur X de toutes ses demandes fins et conclusions dirigées à l’encontre de la société D E,

' dire et juger qu’à supposer , malgré les arguments qui s’y opposent, que la cour entre en voie de condamnation à l’encontre de la société D E, la cour ne pourra la condamner au-delà des condamnations prononcées par le premier juge,

A titre subsidiaire, si la cour rejetait les irrecevabilités soulevées,

' dire et juger les demandes de Monsieur X mal fondées,

' débouter Monsieur X de son appel incident et de toutes les demandes fins et conclusions qu’il comporte,

En tout état de cause,

' condamner Monsieur X à verser à la société D E la somme de 6000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions d’appel incident et en réponse récapitulatives remises et notifiées le 6 décembre 2018, auxquelles il est expressément référé, Monsieur B X demande à la cour :

1. In limine litis,

' rejeter les fins de non recevoir soulevées par la société D E quant aux demandes formées et admettre les dernières conclusions notifiées au soutien de ses prétentions,

2. A titre principal et statuant au fond,

' confirmer le jugement déféré en ce qu’il a:

* dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

* condamné la société D E au paiement de la somme de 102'648 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de 8554 € pour procédure irrégulière et de 25'662 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

Statuant à nouveau,

' constater que la société D E n’a pas déféré à la sommation de communiquer les relevés de contributions trimestrielles de Monsieur X qui lui a été notifié le 2 novembre 2018 est en conséquence tirer toutes les conséquences de son abstention ou refus de communiquer les pièces nécessaires à la manifestation de la vérité dont celles pour lesquelles sommation a été faite,

' réformer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté les demandes de Monsieur X suivantes:

' condamner la société D E à lui verser les sommes suivantes :

* indemnité conventionnelle de licenciement : 65'010,40 €,

* indemnité spéciale de rupture : 87'250,80 euros,

* indemnité prévue par la convention collective applicable dans l’entreprise : 76'986 €,

* indemnité de mise à pied conservatoire : 8554 €,

* dommages-intérêts pour licenciement abusif : 102'648 €,

* dommages-intérêts pour licenciement vexatoire : 51'324 €,

* indemnité de clientèle : 206'000 €,

* dommages-intérêts pour minoration de l’allocation pôle emploi : 64'800 €,

3. Subsidiairement,

' annuler le licenciement prononcé par la société D E,

' ordonner la réintégration de Monsieur X dans ses fonctions au sein de la société D E,

' condamner au versement des sommes suivantes devenant exigibles dans l’hypothèse l’annulation de licenciement:

* rappel de salaire à compter de février 2015 : 307'944 € (somme à parfaire à la date du jugement intervenir),

* congés payés sur rappel de salaire : 30'264,80 euros (somme à parfaire à la date du jugement intervenir),

4. En tout état de cause,

' condamner la société D E à verser à Monsieur X :

* 62'000 € au titre de rappel de primes de contributions trimestrielles,

* 1930 € à titre de rappel des commissions dossiers financés,

* 51'324 € correspondant à 6 mois de salaire au titre du harcèlement moral dont il a fait l’objet * 51'324 €à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

' condamner la société D E au paiement de la somme de 10'000 € à titre de dommages-intérêts en raison du caractère tardif de ses fins de non recevoir,

' condamner la société D E au paiement de la somme de 10'000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

' débouter la société D E de toutes ses demandes fins et conclusions.

La clôture de l’instruction initialement fixée au 28 novembre 2018 a été reportée au 6 décembre 2018 par ordonnance du magistrat de la mise en état .

MOTIFS DE LA DECISION

Il ne ressort pas des pièces du dossier d’irrecevabilité de l’appel que la cour devrait relever d’office et les parties n’élèvent aucune discussion sur ce point.

1. Sur l’irrecevabilité des prétentions de l’intimé, appelant incident et le périmètre de la saisine de la cour,

Il est observé liminairement que M. X ne peut soulever le caractère irrecevable des irrecevabilités soulevées par l’appelante dans les conclusions du 5 décembre 2018, veille de la clôture, alors qu’aucun délai n’est imposé par le code de procédure civile à cet égard et qu’il n’a pas demandé que lesdites conclusions soient écartées des débats. Il est ajouté que le décret du 6 mai 2017, régissant les appels postérieurs au 1er septembre 2018, ne pose pas de principe de concentration des moyens et que les fins de non recevoir peuvent être présentées à tout moment.

La société D E soutient que dans ses premières conclusions notifiées le 16 mai 2018, l’intimé a formé appel incident en sollicitant la réformation du jugement déféré, dans le délai de l’article 909 du code de procédure civile mais n’a formulé aucune demande de condamnation, de sorte que la cour n’est saisie d’aucune prétention. Elle expose que les demandes présentées dans ces conclusions, de confirmation du jugement ayant dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de réformation en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation du licenciement sont inconciliables entre elles et donc irrecevables. Elle ajoute que par application de l’article 910-4 du code de procédure civile, M. X est irrecevable en ses demandes qui n’ont pas été présentées dans ses conclusions d’appel incident notifiées dans le délai de l’article 909, ainsi les demandes de réformation concernant l’indemnité pour minoration de l’allocation de retour à l’emploi, de rappel de primes de contributions trimestrielles et de paiement d’une indemnité de mise à pied conservatoire. Elle en conclut que la cour n’est valablement saisie que de son appel principal.

Selon l’article 910-4 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité soulevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2, 908 à 910, l’ensemble des prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. L’alinéa 2 précise, néanmoins et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 783, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqué, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées

postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Le dispositif des conclusions de M. X remises et notifiées le 16 mai 2018, dans le délai de l’article 909 , est ainsi rédigé:

« ' CONFIRMER le jugement du conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence en date du 26 septembre 2017 en ce qu’il a :

° dit que le licenciement de Monsieur B X est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

° condamné la SAS D E à régler à Monsieur B X la somme de 102'648 €au titre des dommages-intérêts pour le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

° condamné la SA S D E à régler à Monsieur B X la somme de 8554 €pour procédure irrégulière,

° condamné la SA S D E régler à Monsieur B X la somme de 25'662 €au titre d’indemnité compensatrice de préavis,

Statuant à nouveau,

' REFORMER le jugement du 26 septembre 2017 en ce qu’il a rejeté les demandes de Monsieur B X suivantes :

° annuler le licenciement prononcé par la société D E à l’encontre de Monsieur X

° ordonner la réintégration de Monsieur B X dans ses fonctions au sein de la société D E,

° condamner la société D E à verser à Monsieur X les sommes suivantes:

* indemnité conventionnelle de licenciement : 65'010,40 euros,

* rappel de salaire à compter de février 2015 : 102'648 € (somme à parfaire à la date du jugement intervenir),

* congés payés sur rappel de salaire : 10'264,80 euros (somme à parfaire à la date du jugement intervenir ,

* dommages-intérêts pour licenciement abusif : 102'648 €,

* dommages-intérêts pour harcèlement moral : 51'324 €,

* dommages-intérêts pour licenciement vexatoire : 51'324 €,

* dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 51'324 €,

A titre subsidiaire,

' REFORMER le jugement en date du 26 septembre 2007 en ce qu’il a rejeté les demandes de Monsieur X suivantes:

° condamner la société D E à verser à Monsieur X les sommes suivantes :

* indemnité conventionnelle de licenciement : 65'010,40 euros ,

* indemnité spéciale de rupture : 87'250,80 euros ,

* indemnité prévue par la convention collective applicable dans l’entreprise : 76'986 €,

* rappel de commissions dossiers financés : 1930 €

* indemnité de clientèle : 206'180 €,

* indemnité de mise à pied conservatoire : 87'554 €,

En tout état de cause,

' condamner la société D E à verser à Monsieur X la somme de 2500 €sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens. ».

En cet état, la cour ne peut que constater qu’elle est bien saisie de prétentions formulées par M. X qui, après avoir sollicité la réformation du jugement, demande à la cour statuant à nouveau, de condamner la société D E à diverses sommes ci-dessus reprises in extenso, soit à titre principal ou subsidiaire, demandes au demeurant soumises aux premiers juges.

Par ailleurs, les prétentions formulées ne sont pas inconciliables entre elles, en ce que elles ont toutes deux pour objet, sur des fondements différents, de priver d’effet le licenciement.

Au regard des dernières conclusions notifiées le 5 décembre 2018, étant rappelé que rien n’interdit aux parties de modifier l’articulation de leurs demandes, seules ne figurent pas dans les conclusions notifiées dans le délai de l’article 909, la demande d’indemnité de minoration de l’allocation de retour à l’emploi et celle de rappel de primes de contributions trimestrielles, demandes soumises au conseil de prud’hommes.

M. X réplique que ces demandes visent à répliquer aux conclusions et pièces adverses ainsi que le permet l’alinéa 2 de l’article 910-4, cependant si pages 30 et 31 de ses conclusions notifiées le 4 juin 2018, la société D E évoque le problème des primes de contribution c’est dans le cadre des agissements invoqués par le salarié comme caractérisant le harcèlement moral, distincte de la demande en paiement desdites primes, non formulée par M. X jusqu’aux conclusions notifiées le 26 novembre 2018. Cette prétention est irrecevable comme n’étant pas formée dans le délai imposé par l’article susvisé, sans que M. X puisse valablement invoquer l’exception susvisée alors que l’appelante n’avait pas conclu au débouté de ladite demande. De même les dispositions de l’article 566 du code de procédure civile sont inopérantes en l’espèce, sauf à permettre à l’intimé d’ajouter des prétentions qu’il a omise dans ses premières conclusions. Il en va de même sur la demande d’indemnité pour minoration de l’allocation de retour à l’emploi.

S’agissant de la demande de rappel d’indemnité pour mise à pied conservatoire injustifiée, la cour observe qu’elle a été présentée dès les premières conclusions et elle ne se heurte pas à la prohibition des demandes nouvelles en appel édictée par l’article 564 du code de procédure civile, comme constituant l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des demandes relatives à l’illégimité du licenciement.

A toutes fins, il est observé que la fixation du salaire moyen.n’est pas une prétention mais est précisée par les premiers juges pour les besoins de l’article R 1454-28 3°relatif à l’exécution provisoire de droit.

En conséquence, hormis les deux demandes ci-dessus, la cour est valablement saisie des prétentions

de M. X.

Alors que les fins de non recevoir ne sont pas soumises au principe de la concentration temporelle des prétentions et qu’il n’est pas démontré que la société D E ait fait dégénérer en abus son droit à cet égard, la demande de dommages et intérêts de M. X aux fins de sanctionner le caractère tardif des demandes en ce sens sera rejetée.

2. Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail,

2. 1 Sur le harcèlement moral,

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l’article L. 1154-1, le salarié présente des faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Monsieur X expose qu’à partir de 2011, arrivée de la nouvelle direction, l’employeur a entrepris plusieurs actions de nature à le déstabiliser, en lui adressant au moins de trois avertissements et de multiples courriers de rappel à l’ordre, en supprimant une prime de contribution contractuelle, en diminuant le plafond de la carte carburant, agissements qui ont eu un impact sur son état de santé ainsi que le démontre le certificat médical en date du 7 juin 2012. Il ajoute qu’il est suivi depuis 2013 pour un syndrome anxio-dépressif.

S’agissant de la dégradation de l’état de santé, la cour observe que le seul arrêt de travail produit est daté du 7 janvier 2015, soit postérieurement à la convocation à l’entretien préalable et que lesdeux certificats médicaux versés au dossier (pièces 45 et 46) datés d’avril 2016, ainsi rédigés ' je soussigné certifie que je suis régulièrement M. B X pour syndrome dépressif' Docteur Z psychiatre le 1er avril 2016, '..je soussigné docteur ..certifie que M. X B est suivi pour syndrome anxio dépressif réactionnel par le docteur Z depuis 2013" docteur A,généraliste, le 4 avril 2016, ne permettent pas d’établir une concomittance entre les agissements invoqués et l’altération de la santé de l’intéressé.

Par ailleurs, M. X qui se plaint de l’abus par l’employeur de son pouvoir disciplinaire par la notification de trois avertissements les 11 mai 2012, 29 juin 2012 et 2 juin 2014, n’en demande nullement l’annulation dans le cadre de la présente instance.

Sur la diminution de la carte carburant, la société D E établit par ses pièces 50 et 51 que le plafond du remboursement a été fixé à partir de juin 2011 sur la base de 7 litres sur 100 kilomètres pour tous les salariés.

Sur la suppression de la prime de contribution en 2013 et 2014, telle que prévue par le contrat de travail, sous la dénomination prime trimestrielle, il est observé que ces primes apparaissent sur les bulletins de salaire de 2013. S’agissant de l’année 2014, l’employeur expose qu’il n’y a pas eu de suppression unilatérale de cette prime, mais que M. X n’a pas atteint les conditions fixées par le contrat de travail: '2 % sur la contribution réalisée par la succursale à condition que son taux par rapport au chiffre d’affaires ait dépassé 15 %'. Certes, l’employeur n’a pas déféré à la sommation de communiquer les relevés de ces contributions 2014, cependant, à le supposer établi, ce fait isolé, est à replacer dans le contexte de dénonciation en mars 2014, des commissions finncières et primes de contributions, pour tous les cadres et cadres supérieurs de l’entreprise ( cf ci-dessous).

En conséquence, les faits présentés par M. X, fut-ce t-ils pris dans leur ensemble ne sont pas de nature à permettre de présumer l’existence de la part de l’employeur d’agissements répétés répondant aux conditions prévues par l’article 1152-1 du code du travail.

Il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 51 324 € à ce titre, qui ne peut davantage prospérer au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité alors qu’il n’a été informé à aucun moment de la situation de harcèlement moral alléguée par M. X.

2.2 Sur la demande de rappel des commissions dossiers financés,

M. X sollicite à ce titre le paiement de la somme de 1930,97 € qui apparaît en négatif sur le bulletin de salaire de janvier 2015. La société D E expose que par courrier du 26 mars 2014, à effet du 1er juillet 2014, elle a dénoncé l’usage de la société sur le versement des commissions financières et que par erreur, M. X a continué à percevoir des commissions sur des bons de commande signés postérieurement à cette date, de sorte qu’elle a récupéré le trop perçu lors de l’établissement du dernier bulletin de salaire.

Il est observé que cette commission n’est pas prévue par le contrat de travail. L’employeur justifie avoir adressé le 26 mars 2014 à M. X un courrier ainsi rédigé ' Monsieur, nous avons informé le comité d’entreprise lors de la réunion qui s’est tenue le 24 mars 2014 et les délégués du personnel lors des réunions du 20 mars 2014 et 25 mars 2014 de la dénonciation partielle de l’usage dans la société sur le versement de commissions financières et de primes de contribution aux catégories professionnelles suivantes : RD (responsable départemental des ventes), CR (chef de région), RA (responsable d’agence), CA (chef d’agence), CS (chef de succursale), DO (directeur régional des opérations), DR (directeur régional). Ce courrier a donc pour objet de vous informer personnellement de cette dénonciation qui prendra effet à l’issue d’un délai de prévenance de 3 mois, débutant le 1er avril 2014 et se terminant le 30 juin 2014. En conséquence vous concernant, les dossiers conclus à compter du 1er juillet 2014 (date de la signature du bon de commande) de donneront plus lieu au versement de commissions financières''.

Des lors que la dénonciation de cet usage a été faite après information des représentants du personnel, information individuelle des salariés et respecte un délai de prévenance suffisant, Monsieur X ne peut prétendre à son maintien au-delà du 1er juillet 2014. Il sera débouté de sa demande de ce chef.

2.3 Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Fondée sur le harcèlement moral, écarté ci-dessus, et la non-exécution des condamnations assorties de l’exécution provisoire, situation postérieure à la rupture du contrat de travail, cette demande sera rejetée.

3. Sur le licenciement,

L’employeur qui prend l’initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il incombe à l’employeur d’alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il appartient à l’employeur d’en apporter la preuve.

Sur la perte de chiffre d’affaires,

M. X soutient que ce reproche ressort d’une éventuelle insuffisance professionnelle, qui ne peut constituer une faute disciplinaire, sauf désinvolture, abstention volontaire ou mauvaise volonté délibérée du salarié.

La société D E réplique que le salarié s’est vu notifier un avertissement le 2 juin 2014 lui demandant de tout mettre en oeuvre pour endiguer la chute du chiffre d’affaires, qu’il n’a pas respecté le plan d’actions mis en place, que ce grief n’est du qu’à son manque d’implication et d’action.

Au regard de la lettre de licenciement, la perte de chiffre d’affaires invoquée est imputable à l’absence d’engagement du salarié, qui n’est plus à la hauteur de ses responsabilités, et fait preuve d’un management défaillant.

Alors qu’il n’est démontré, ni même allégué de refus délibéré ou négligences répétées du salarié, dont l’ancienneté dans le poste est ici soulignée, dans l’encadrement de ses équipes, dans la conduite du plan d’actions mis en place ou dans le management, le grief de baisse du chiffre d’affaire n’est nullement constitutif d’une faute grave, ni même d’un fait fautif.

Sur le non respect des directives, quant à la tenue du portefeuille d’affaires et la tenue de l’agenda, il résulte des pièces du dossier que dans le cadre du plan d’actions mis en place en octobre 2014, le directeur régional des opérations a demandé à M. X le 24 octobre 2014 de nettoyer le portefeuille de ses équipes car 51 % de celui-ci avait une date dépassée. M. X réplique que ce portefeuille correspond en réalité à des prospects, approchés par les commerciaux, dont cinq étaient absents à cette période, et qu’il ne pouvait nettoyer le portefeuille à leur place, sauf à les priver d’une commission en cas de signature postérieure du bon de commande. Il est relevé que l’absence de plusieurs collaborateurs était déjà signalé par le salarié dans son message du 18 juin 2014 (pièce 16) et qu’au vu des tableaux constituant la pièce 26 de la société D E, le nettoyage du portefeuille était amorcé dans un délai raisonnable de deux mois. En conséquence, aucun comportement fautif volontaire ne peut être reproché au salarié.

S’agissant de la tenue de l’agenda Adminirex, qui n’est pas le reporting des activités du salarié mais un agenda électronique mutualisé, il est établi que M. X l’a mis à jour après l’avertissement du 2 juin 2014 (cf courrier du 18 juin 2014 et réponse de l’employeur du 18 juillet 2014). Par ailleurs, à la lecture de la pièce 22 de l’employeur reproduisant cet agenda postérieurement à cette date et jusqu’au 4 décembre 2014, il ne peut en être conclu que l’agenda est vide, dès lors que sont notés les rendez-vous et que, responsable régional, il est amené aussi à exécuter du travail administratif à l’agence et à se déplacer à Toulon ou Nice. En conséquence, de ce chef, il n’est pas davantage démontré un refus du salarié, de se soumettre aux directives de l’employeur, révélateur d’un comportement fautif d’insubordination.

Sur la facturation à l’entreprise de prestations privées, ce grief énoncé dans la lettre de licenciement doit être examiné par la cour bien que n’ayant pas été discuté lors de l’entretien préalable. Il n’est pas contesté par le salarié qui invoque un usage applicable dans l’entreprise, lequel n’est cependant pas démontré par les pièces du dossier, la comparaison qu’il fait avec la carte carburant étant inopérante. Si l’expédition le 15 décembre 2014, d’un colis personnel aux frais avancés de l’employeur est en effet fautive, il est relevé que la somme engagée n’est que de 15, 32 €, remboursée ultérieurement, qu’au regard de l’ancienneté du salarié, elle ne peut justifier une mise à pied conservatoire immédiate, sans recueillir ses explications, ni un licenciement pour faute grave, manifestement disproportionné, ni même un licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, également disproportionné.

En conséquence, l’employeur ne rapportant pas la preuve d’une faute grave, ni même d’une faute imputable à M. X constituant une cause réelle et sérieuse de licenciement, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Par ailleurs, il n’y a pas lieu de retenir, comme le soutient le salarié que la cause déterminante de son licenciement réside dans la volonté de l’employeur de supprimer son poste, ainsi, selon lui, que le confirmerait le

compte rendu du comité d’entreprise du 18 janvier 2013, alors que les salariés visés par le directeur général lors de cette réunion étaient ceux percevant des rémunérations brutes de 200 000 € à 400 000 € par an, ce qui n’était pas le cas de M. X.

4. Sur les indemnités de rupture,

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. X qui, à la date du licenciement, comptait au moins deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement.

Au regard de son âge au moment du licenciement,55 ans , de son ancienneté de 30 ans, 4 mois et 23 jours dans l’entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi eu égard à son expérience professionnelle, les premiers juges ont fait une exacte appréciation de la situation en lui allouant la somme de 102 648 €, le jugement sera confirmé de ce chef, dans la limite de la demande.

La société D E sera également condamnée à verser au salarié un rappel de salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire et une indemnité compensatrice de préavis et dont il a été indûment privé et dont les montants ne sont pas critiqués, soit respectivement 8554 € ( un mois) et 25 662 € (trois mois).

Sur l’indemnité pour irrégularité de la procédure, celle-ci ne se cumule pas en l’espèce avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en tout état de cause, l’entretien préalable peut, pour des raisons légitimes se dérouler dans un autre lieu que celui du travail du salarié. En l’espèce, l’entretien préalable était prévu au sein des bureaux de la direction générale de l’entreprise à Lyon, dans un souci de discrétion à l’égard du salarié, et dans un lieu plus proche que le siège social sis en Seine St Denis. Ces raisons sont légitimes, de sorte la procédure de licenciement n’est pas irrégulière, la demande de ce chef sera rejetée et le jugement infirmé.

5. Sur les indemnités liées au statut de VRP,

M. X sollicite tout à la fois une indemnité de clientèle mais également une indemnité conventionnelle de rupture et une indemnité spéciale de rupture prévues par les articles 13 et 14 de l’accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975. Dès lors que ces dernières indemnités ont un caractère substitutif, il convient d’examiner en premier lieu, l’indemnité de clientèle.

Selon l’article L 7313-13 du code du travail en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l’employeur, en l’absence de faute grave, le voyageur, représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l’importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui. Le montant de cette indemnité de clientèle tient compte des rémunérations spéciales accordées en cours de contrat pour le même objet ainsi que des diminutions constatées dans la clientèle préexistante et imputables au salarié. Elle a pour but et pour effet d’assurer au représentant dont le contrat a été résilié par suite de circonstances indépendantes de sa volonté, la réparation du préjudice que lui cause son départ de la maison en lui faisant perdre, pour l’avenir, le bénéfice de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.

Il appartient au salarié de faire la preuve de son droit à bénéficier de l’indemnité qu’il s’agisse tant de l’existence d’un préjudice, que de la création de clientèle. À ce titre, Monsieur X sollicite le paiement de la somme de 206'000 € faisant valoir que présent depuis l’origine sur le secteur il a créé sa clientèle grâce à ses efforts personnels ainsi que le démontrent les tableaux de classement et les attestations qu’il verse aux débats. Il soutient que chaque année il faisait la conquête d’au minimum

150 nouveaux clients par an, que dans l’espace de 30 ans il a constitué un parc de 3000 à 3400 clients sous contrat. Il laisse à D E plus de 3000 clients récurrents et 400'000 € de profit par trimestre soit 1'600'000 € de pur profit par an. Il fixe l’indemnité sur la base d’un semestre après application d’un taux de marge de 55 %.

La société D E réplique que le salarié ne peut prétendre au bénéfice de cette indemnité de clientèle dans la mesure où il percevait au titre de son contrat de travail un intérêt sur le chiffre d’affaires général de l’entreprise. Elle ajoute qu’en toute hypothèse, M. X n’apporte pas d’éléments permettant de démontrer qu’il aurait personnellement créé ou apporté ou développé sa propre clientèle grâce à son activité, ni la réalité du prétendu préjudice que l’indemnité de clientèle aurait vocation à compenser.

Contrairement à ce que soutient la société D E les modalités de la rémunération de M. X, rémunéré en partie par une commission proportionnelle au chiffre des affaires traitées individuellement, ne sont pas exclusives d’une indemnité de clientèle. En l’espèce, il est relevé la grande ancienneté du salarié, qui a toujours travaillé depuis 30 ans sous le statut de

VRP pour le compte exclusif de la société D E sur ce secteur géographique, de sorte qu’il a nécessairement apporté et développé, par renouvellement sa clientèle, en nombre et en valeur, au regard de la nature des produits vendus, clientèle qui demeure exploitable par l’entreprise.

Au vu des bulletins des salaires du montant des commissions y figurant et en l’absence de discussion plus précise des parties sur ce point, le montant de l’indemnité de clientèle à laquelle peut prétendre M. X sera fixée à la somme de 85 000 €, étant observé qu’elle est supérieure au montant de l’indemnité légale de licenciement qui s’établit à 75 076,33 €.

La cour ayant accueilli la demande en paiement d’une indemnité de clientèle ne pourra que rejeter celles en paiement des indemnité conventionnelle de rupture et spéciale de rupture, qui ne peuvent se cumuler avec l’indemnité de clientèle.

6. Sur l’indemnité prévue par la convention collective applicable dans l’entreprise,

Monsieur X sollicite en application de l’article L7313-17 du code du travail et de l’article 29 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie, applicable dans l’entreprise, une indemnité de licenciement dont le montant correspond à 9 mois de salaire selon son ancienneté, soit la somme de 76'986 €.

Selon l’article précité, lorsque l’employeur est assujetti à une convention ou un accord collectif de travail’ le VRP peut dans les cas de rupture du contrat de travail mentionné aux articles L7 1313 ' 13 et L7 1313 ' 14 bénéficier d’une indemnité, égale à celle à laquelle il aurait pu prétendre si bénéficiant de la convention il avait, selon son âge, était licencié ou mis à la retraite.

Il n’en résulte pas que les parties signataires de ladite convention, qui en déterminent le champ d’application, ne puissent exclure du bénéfice de ses dispositions les VRP.

Or en l’espèce l’article 1 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie qui détermine son champ d’application et le personnel qu’elle vise précise en son '7° L’ingénieur ou cadre rémunéré essentiellement sur le chiffre d’affaires ou d’après la prospérité de l’entreprise, ou de l’établissement, est visé par les clauses de la présente convention collective, à l’exception des représentants de commerce qui ressortissent à une autre convention collective nationale ou territoriale ou au statut légal de VRP'.

M. X sera débouté de ce chef.

7. Sur les demandes de dommages et intérêts liées à la rupture du contrat de travail,

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif, fondée sur l’article L 1235-5 du code du travail, la cour ne peut que rejeter cette demande alors que ce texte est applicable au licenciement concernant des salariés ayant moins de deux ans d’ancienneté ou travaillant dans une entreprise occupant moins de 11 salariés, et que l’illégimité du licenciement a été indemnisé ci-dessus sur le fondement de l’article L 1235-3.

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, M. X qui ne caractérise pas les circonstances particulièrement vexatoires dont il se prévaut, ni ne justifie d’un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi, déjà indemnisé, sera débouté de ce chef de demande .

8. Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile,

Les dépens d’appel seront supportés par la SAS D E qui supportera les dépens d’appel et sera condamnée à payer à M. X la somme de 3000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare irrecevables les demandes de M. X en paiement des primes de contributions trimestrielles et de dommages et intérêts pour minoration de l’allocation Pôle emploi,

Rejette le surplus des irrecevabilités soulevé par la société appelante,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a:

— dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— dit que le salarié n’a pas été victime de harcèlement moral,

— condamné la SA D E à payer à M. X les sommes suivantes:

* 102'648 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

* 25'162 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 1000 € au titre des frais irrépétibles,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SAS D E à payer à M. B X:

— la somme de 8554 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

— la somme de 85 000 € à titre d’indemnité de clientèle,

— la somme de 3000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. X du surplus de ses demandes,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Ordonne le remboursement par l’employeur aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, et dit qu’une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes conformément aux dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail, ( POLE EMPLOI TSA 32001 […]

Condamne la SAS D E aux dépens d’appel.

Le greffier, Le président,

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 14 février 2019, n° 17/20772