Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 27 novembre 2020, n° 19/11900

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-8, 27 nov. 2020, n° 19/11900
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 19/11900
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Marseille, 26 mai 2019, N° 12/06325
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 27 NOVEMBRE 2020

N°2020/.

Rôle N° RG 19/11900 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEUUX

Y X

C/

[…]

Copie exécutoire délivrée

le :

à

 :CAF DES BOUCHES DU RHONE

Me BINON Jean-Pierre

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 27 Mai 2019,enregistré au répertoire général sous le n° 12/06325.

APPELANTE

Madame Y X

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/8959 du 09/08/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant […]

Représenté par Me BINON Jean-Pierre, Avocat au barreau de Marseille,

dispensé de comparaître

INTIMEE

[…], demeurant […]

représenté par M. ROUANET, en vertu d’un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Septembre 2020, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur

Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président de chambre, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président de chambre

Madame Marie-Pierre SAINTE, Conseiller

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Novembre 2020.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Novembre 2020

Signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président de chambre et Madame Laura BAYOL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Après avoir déposé plainte contre son ex-conjoint et père de leurs trois enfants défaillant dans le versement de sa part contributive à leur entretien, sollicité une étude d’huissier aux fins de saisie sur rémunérations, Madame Y X, née le […], a bénéficié d’aides sociales de la part de la Caisse d’Allocations Familiales (CAF) des Bouches-du-Rhône.

La CAF a considéré qu’elle avait bénéficié indûment desdites prestations en effectuant de fausses déclarations, en ayant omis d’indiquer la perception de pension alimentaire versée par voie d’huissier sur ses déclarations annuelles de ressources de 2008 et 2009.

Revoyant les droits de Mme X, la CAF lui a ainsi notifié trois indus et opéré des retenues sur prestations.

Par requête du 3 février 2012, l’organisme de sécurité sociale a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône d’une demande de condamnation de Mme X à lui rembourser la somme de 5.906,02 euros au titre des indus d’allocation de soutien familial, de prestations familiales et d’allocation de logement à caractère familial.

Par jugement du 27 mai 2019, notifié le 5 juin suivant, le tribunal de grande instance de Marseille ayant repris l’instance, a accueilli favorablement les prétentions de l’organisme et pris acte que la somme réclamée avait été intégralement récupérée suite aux retenues effectuées sur prestations.

Par déclaration au greffe de la cour reçue le 5 juillet 2019, Mme X a régulièrement interjeté appel de la décision.

A l’audience du 9 septembre 2020, Mme X, dispensée de comparaître, demande par conclusions transmises à la cour le 23 décembre 2019:

— la réformation du jugement en ce qu’il a déclaré recevable l’action de la CAF, dit qu’elle était fondée à réclamer à Mme X la somme de 5.906,02 euros représentant trois indus d’allocation de soutien familial, d’allocation de logement à caractère familial et des prestations sociales pour la

période du 1er juin 2008 au 30 novembre 2011,

— le débouté de la CAF,

— la condamnation de la caisse d’allocations familiales à lui rembourser la somme provisionnelle de 5.000,00 euros.

Subsidiairement, avant-dire droit, elle sollicite la condamnation de la CAF, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à venir, à produire les pièces justifiant de l’indu, ainsi qu’un décompte détaillé des retenues opérées tant au titre des allocations familiales et autres prestations sociales, qu’au titre des voies d’exécution pratiquées à son encontre en ventilant les sommes en principal, les intérêts et les frais.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir :

— que la CAF n’a jamais versé l’intégralité des documents et éléments dont elle se prévaut pour réclamer le remboursement de la somme de 5.906,02 euros,

— qu’aucun document ne permet ainsi de contrôler les retenues opérées par la CAF des Bouches-du-Rhône, et de vérifier si les sommes réclamées ne sont pas prescrites,

— que l’organisme procédant par voie de retenues, il n’est pas possible d’affirmer qu’elle a acquiescé à la pénalité de 500,00 euros appliquée pour fausse déclaration et que les sommes ont été réglées volontairement,

— que la bonne foi est présumée, qu’elle a toujours été transparente vis-à-vis de l’organisme de sécurité sociale et qu’elle lui a indiqué qu’une procédure de saisie rémunérations était en cours,

— que les retenues opérées par la CAF ont eu une incidence sur sa situation financière d’autant qu’elle est sans emploi après avoir été licenciée par l’hôpital Desbief qui l’employait.

La CPAM des Bouches-du-Rhône dépose ses conclusions à l’audience et demande la confirmation du jugement déféré, le débouté de Mme X et sa condamnation au paiement des dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir qu’en effectuant une demande d’allocation de soutien familial, Mme X lui a donné mandat pour engager et poursuivre toute action contre son ex-époux pour obtenir le paiement de la pension alimentaire due pour ses enfants bénéficiaires de l’allocation, de sorte que c’est en fraude de ses droits que Mme X a récupéré par voie d’huissier de justice et perçu la pension alimentaire du mois d’octobre 2007 au mois d’octobre 2009 sans la déclarer sur ses déclarations annuelles de ressources de 2008 et 2009.

Elle explique qu’elle a été alertée par le bureau de recouvrement des pensions alimentaires en mai 2010, de sorte qu’elle a pu, dans le respect de la prescription biennale, réclamer le 7 juin 2010, un indu d’allocation de soutien familial de 4.582,78 euros pour la période du 1er juin 2008 au 31 mai 2010.

Elle ajoute que compte tenu du caractère frauduleux de la dissimulation de la perception de la pension alimentaire par Mme X, elle était en droit de lui réclamer l’allocation logement familiale et l’allocation de soutien familial indûment perçues du 1er février 2008 au 31 novembre 2011.

La caisse d’allocations familiales fait valoir que les indus notifiés n’ont pas été contestés dans les délais impartis, qu’au contraire, Mme X a présenté une demande de remise gracieuse de dette. Elle explique que le solde de l’indu d’allocation de logement familial a fait l’objet d’une remise car il n’avait pas été notifié comme ayant un caractère frauduleux, lequel interdit les remises gracieuses.

Elle fait valoir qu’en application de l’article L.553-2 du Code de la sécurité sociale et en l’absence de contestation, le recouvrement de trop-perçus s’est effectué par retenues et les indus sont soldés, son action en justice introduite le 3 février 2012 n’étant justifiée que par la nécessité de garantir sa créance.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l’article L.581-2 du Code de la sécurité sociale modifié par le décret n°85-1353 du 21décembre 1985, applicable aux faits de l’espèce :'lorsque l’un au moins des parents se soustrait totalement au versement d’une créance alimentaire pour enfants fixée par décision de justice devenue exécutoire, l’allocation de soutien familial est versée à titre d’avance sur créance alimentaire. L’organisme débiteur des prestations familiales est subrogé dans les droits du créancier, dans la limite du montant de l’allocation de soutien familial ou de la créance d’aliments si celle-ci lui est inférieure. Lorsque l’un au moins des parents se soustrait partiellement au versement d’une créance alimentaire pour enfants fixée par décision de justice devenue exécutoire, il est versé à titre d’avance une allocation différentielle. Cette allocation différentielle complète le versement partiel effectué par le débiteur, à hauteur de la créance alimentaire susvisée, sans toutefois pouvoir excéder le montant de l’allocation de soutien familial. L’organisme débiteur de prestations familiales est subrogé dans les droits du créancier.'

Aux termes de l’article L.581-4 suivant : 'le titulaire de la créance est tenu de communiquer à l’organisme débiteur des prestations familiales les renseignements qui sont de nature à faciliter le recouvrement de la créance. (…)'

En outre, selon l’artice L.553-1 du Code de la sécurité sociale : 'l’action de l’allocataire pour le paiement des prestations se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable à l’action intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées, sauf en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausse déclaration.'

En l’espèce, il ressort de l’historique des versements de prestations familiales par la caisse d’allocations familiales à Mme X qu’elle a perçu l’allocation mensuelle de soutien familial à compter du mois de février 2008.

Pourtant, il n’est pas discuté par Mme X qu’une procédure de recouvrement de la pension alimentaire par huissier avait été mise en place par ses propres moyens, de sorte que selon l’historique des versements de pension alimentaire par l’étude d’huissier à Mme X, établi par le pôle activités centralisées de pôle emploi PACA, elle a perçu à ce titre les sommes de 240 euros et 120 euros en octobre 2007, novembre 2007, juin 2008, juin 2009, août 2009, septembre 2009 et octobre 2009, sans pour autant le déclarer dans les deux déclarations de ressources des années 2008 et 2009.

Il s’en suit que l’allocation de soutien familial a été effectivement indument versée à Mme X

en juin 2008, juin 2009, août 2009, septembre 2009 et octobre 2009, soit sur 5 mois pour un montant global de 1.037,99 euros (253,79€ + (261,40 x3)) au regard de l’historique des prestations familiales versées à Mme X, produit par la CAF.

En outre, compte tenu de la fausseté des déclarations de l’allocataire, l’action en justice introduite par la caisse d’allocations familiales le 3 février 2012, aux fins de remboursement de l’allocation indûment versée de juin 2008 à octobre 2009 n’était pas prescrite.

Il s’en suit qu’il convient de faire droit à la demande de la caisse d’allocations familiales dans la limite de la somme de 1.037,99 euros au titre du remboursement de l’allocation de soutien familial indûment versée en juin 2008, juin 2009, août 2009, septembre 2009 et octobre 2009.

En revanche, la caisse d’allocations familiales échoue à établir l’intention frauduleuse de Mme X justifiant le caractère indû du reste des allocations de soutien familial et autres prestations familiales versées à Mme X du 1er février 2008 au 30 novembre 2011.

En effet, au moment de la déclaration de ressources pour l’année 2008, datée du 9 novembre 2009, Mme X n’avait été destinataire que d’un seul versement de la part de l’étude d’huissier 16 mois plus tôt. Au moment de la déclaration de ressources pour l’année 2009, datée du 5 novembre 2010, elle avait été destinataire de quatre versements plus d’un an avant. Il s’en suit que le défaut d’indication de la perception d’une infime partie de la pension alimentaire due par son ex-époux depuis le 29 janvier 2007, sur les déclarations de ressources, ne suffit pas à démontrer la mauvaise foi de l’allocataire.

D’autant qu’il ressort du courrier adressé par la caisse d’allocations familiales à pôle emploi le 26 janvier 2010, soit bien avant la déclaration de ressources pour l’année 2009 du 5 novembre 2010, que Mme X, elle-même, avait informé la caisse d’une procédure par huissier depuis le 10 octobre 2007.

De plus, il ressort de la note interne de la caisse d’allocations familiales en date du 25 février 2011, que Mme X s’est personnellement déplacée au guichet de la caisse le 17 février 2011 pour justifier, par la production de ses relevés bancaires, qu’elle n’avait perçu la pension alimentaire, alors qu’elle était bénéficiaire de l’allocation de soutien familial qu’en juin 2008, juin 2009, septembre et octobre 2009.

Il s’en suit qu’aucune dissimulation intentionnelle de perception de la pension alimentaire par Mme X n’est établie par la CAF.

En conséquence, c’est à tort que la caisse d’allocations familiales a retenu l’intention frauduleuse de Mme X et a réclamé sur ce fondement:

— la somme de 500 euros au titre d’une pénalité administrative par notification d’une fraude du 14 décembre 2011,

— la somme de 2.504,81 euros au titre de l’allocation de soutien familial et de l’allocation logement à caractère familial versées sur la période du 1er février 2008 au 30 novembre 2009 par notification du 14 décembre 2011,

— la somme de 1.116,72 euros au titre de l’allocation de logement familial versée sur la période du 1er janvier 2011 au 30 novembre 2011, sans qu’aucune notification de dette ne soit produite,

— et la somme de 3.544,79 euros (4.582,78 € – 1.037,99 € ) au titre de l’allocation de soutien familial versée du 1er juin 2008 au 31 mai 2010, sans qu’aucune notification de dette ne soit produite.

Bien que Mme X ait contesté les manoeuvres frauduleuses et la pénalité administrative en saisissant la commission de recours amiable par courrier du 21 novembre 2011, la caisse a récupéré les sommes qu’elle prétendait avoir indûment versées par retenues, sur le fondement de l’article L.553-2 du Code de la sécurité sociale prévoyant que ' tout paiement indu de prestations familiales est récupéré, sous réserve que l’allocataire n’en conteste pas le caractère indu, par retenues sur les prestations à venir (…)'

Il résulte des captures d’écran ' créances’ d’indu et du décompte des sommes récupérées en remboursement des indus, produits par la CAF, sans qu’ils soient précisément contestés par Mme X, que la caisse a récupéré les sommes suivantes :

—  4.582,78 euros par retenues sur les prestations versées de 2010 à 2014, (dont 1.037,99 €

effectivement indûment versés à Mme X),

—  2.504,81 euros par retenues sur les prestations versées de 2011 à 2018,

—  1.116,72 euros par retenues sur les prestations versées de 2011 à 2013.

A défaut pour Mme X de démontrer que le calcul des retenues est erroné, il convient de constater qu’elle est bien-fondée à obtenir la restitution de la somme de 7.166,32 euros au titre des retenues irrégulières opérées par la caisse d’allocations familiales sur les prestations versées de 2010 à 2018.

Néanmoins, conformément à la demande de Mme X, la caisse d’allocations familiales sera condamnée à lui payer la somme de 5.000 euros à titre provisionnel.

La caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône, succombant, supportera les dépens de l’instance, étant précisé que l’article R 144-10 du code de la sécurité sociale a été abrogé par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale, dont l’article 17 III prévoit que les dispositions relatives à la procédure devant les juridictions sont applicables aux instances en cours.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par décision contradictoire,

Infirme le jugement rendu le 27 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Marseille sous le n° RG 12 06325 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que la caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône était fondée à réclamer à Mme X la somme de 1.037,99 euros au titre de l’allocation de soutien familial indûment versée aux mois de juin 2008, juin 2009, août 2009, septembre et octobre 2009,

Prend acte de ce que cette somme a été entièrement récupérée par retenues opérées par la caisse d’allocations familiales sur les prestations familiales versées à Mme X,

Déboute la caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône de sa demande en condamnation de Mme X au remboursement du surplus,

Constate que Mme X est bien-fondée à obtenir la restitution de la somme de 7.166,32 euros au titre des retenues irrégulières opérées par la caisse d’allocations familiales sur les prestations versées de 2010 à 2018,

en conséquence,

Condamne la caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône à verser à Mme X la somme de 5.000 euros à titre provisionnel,

Condamne la caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône aux dépens de l’appel.

Le Greffier Le Président

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